Accident de Tokaïmura: prison avec sursis pour cinq employés et un directeur

03/03/03 - Un dirigeant et cinq employés d'un centre de retraitement d'uranium de Tokaïmura, considérés comme responsables en 1999 du plus grave accident nucléaire depuis Tchernobyl, ont été condamnés lundi à des peines de prisons avec sursis, a-t-on appris de sources judiciaires.

La peine la plus grave a été prononcée contre Kenzo Koshijima, 56 ans, condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis et d'une amende de 500.000 yens (4.240 dollars). A l'époque de la catastrophe, il dirigeait l'usine appartenant à la firme JCO, installée à Tokaimura, à 120 kilomètres au nord-est de Tokyo.

Le tribunal de première instance de Mito l'a jugé coupable de négligence professionnelle et d'avoir enfreint la législation sur la sécurité nucléaire.

Les autres employés, dont un ouvrier rescapé de l'accident, ont été condamnés à des peines de deux à trois ans de prison avec sursis.

L'entreprise JCO devra verser une amende d'un million de yens. Le parquet avait requis cette sanction qui correspond au maximum prévu par la loi, accusant JCO d'un manque de rigueur dans les procédures de contrôle ayant permis la répétition routinière de pratiques dangereuses.

Le 30 septembre 1999, trois ouvriers du centre de Tokaimura avaient déclenché un accident en versant une quantité excessive d'uranium dans une cuve de retraitement avec de simples seaux métalliques au lieu d'outils mécaniques.

L'accident avait exposé plus de 600 riverains à des radiations importantes et conduit à l'évacuation provisoire d'environ 320.000 personnes. Deux des ouvriers, âgés de 35 et 40 ans, moururent des suites de l'accident.

-------> Les déconvenues pour l'énergie nucléaire au Japon


Début du procès de l'accident nucléaire de Tokaimura

TOKYO, 23 avr - Six employés de la société nucléaire japonaise JCO ont plaidé coupable lundi de négligence professionnelle, au premier jour du procès de l'accident de Tokaimura.

"Les six personnes jugées et la société JCO n'ont pas contesté les charges", a indiqué Michiru Sakurai, un porte-parole du tribunal de Mito, à environ cent kilomètres au nord-ouest de Tokyo et proche de Tokaimura.

Ce procès intervient près de deux ans après le pire accident de l'industrie nucléaire japonaise, lorsque trois employés de JCO avaient déclenché un accident de criticité (réaction nucléaire sans explosion) en versant une trop forte quantité d'uranium lors du processus de fabrication de combustible nucléaire.

Deux des trois ouvriers étaient morts dans les mois suivants, des conséquences de leur exposition aux radiations. Le troisième, Yutaka Yokokawa, 55 ans, a été hospitalisé plusieurs mois et fait partie des six personnes poursuivies.

Kenzo Koshijima, 54 ans, le chef de l'usine à l'époque, et les cinq autres prévenus ont été inculpés en octobre pour violation des règles de sûreté nucléaire et négligence professionnelle.

"Lorsque je pense au sacrifice de ces deux personnes, mes regrets sont éternels", a déclaré devant le tribunal Tomoyuki Inami, le directeur-général de JCO, cité par Jiji Press.

L'accident a exposé au moins 439 personnes travaillant sur le site ou vivant dans les alentours à des doses de radiation. 320.000 habitants avaient été confinées chez elles pendant plus d'un jour.

L'accident avait provoqué un vaste débat sur l'industrie nucléaire, qui fournit environ un tiers des besoins en électricité du Japon.


-------> Enseignement à tirer de l'accident du 11 mars 1997 survenu à Tokaï-Mura

-------> Feu vert de Tokyo au redémarrage du retraitement à Tokaï-Mura (juin 1999)

 

Six arrestations au Japon un an après un grave accident nucléaire

TOKYO, 11 oct - La police japonaise a arrêté mercredi six dirigeants de la société de production de combustibles nucléaires JCO, soupçonnés de négligences dans le cadre de l'enquête sur le plus grave accident de l'industrie nucléaire nippone, à Tokaimura en septembre 1999, a-t-on appris auprès de la société.

C'est la première fois que des personnes sont arrêtées au Japon en relation avec un accident dans un établissement nucléaire.

Parmi les personnes qui étaient interrogées par la police, figure Kenzo Koshijima, 54 ans, l'ex-patron de l'usine de Tokaimura, à 120 km au nord de Tokyo. Les autres sont des anciens ou des actuels employés de la société privée JCO, filiale du groupe Sumitomo Metal Mining, a-t-on indiqué de source policière.

Le 30 septembre 1999, trois employés de JCO avaient provoqué involontairement un accident de criticité (réaction nucléaire incontrôlée) en utilisant une quantité d'uranium beaucoup plus importante que prévu au cours du processus de fabrication de combustible nucléaire.

Deux des trois techniciens, âgés de 35 et 40 ans, sont morts trois et six mois plus tard, très gravement irradiés, tandis qu'un total de 439 personnes, dont plus de 200 riverains, ont été exposées à des doses supérieures aux normes.

Le troisième employé, Yutaka Yokokawa, 55 ans, qui avait été hospitalisé plusieurs mois après l'accident et a récemment repris son travail, a également été arrêté mercredi, a précisé la police.

L'accident a été considéré comme "le plus important depuis celui de Tchernobyl" (1986) par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), qui l'a classé au niveau 4 sur l'échelle de gravité, qui en compte 7.

Après enquête, les autorités avaient conclu à l'erreur humaine commise par les employés et mis en cause le non-respect systématique des consignes de sécurité par JCO, désireuse de gagner du temps et de réduire les frais de fonctionnement.

La société, qui a de nouveau présenté ses excuses mercredi, a perdu en mars sa licence d'exploitation et a dû payer plus de 14 milliards de yens (150 millions d'euros) pour indemniser les riverains et couvrir les coûts relatifs à l'accident.

Le gouvernement a durci, en décembre 1999, sa législation afin d'éviter un nouvel accident de ce type et de renforcer ses capacités à y répondre.

 

Tenues de deuil à Tokaimura un an après l'accident nucléaire
(REPORTAGE)

TOKAIMURA (Japon), 30 sept - Des habitants de la ville japonaise de Tokaimura ont célébré symboliquement samedi le premier anniversaire du plus grave accident radioactif depuis Tchernobyl en manifestant en tenue de deuil pour demander l'arrêt de la politique pro-nucléaire de Tokyo.

Quelque 500 personnes, dont plusieurs dizaines habillées de noir, ont commémoré, avec une minute de silence à 10H35 (01H35 GMT), l'heure de la catastrophe, a constaté une journaliste de l'AFP.

A cette heure-là, le 30 septembre 1999, trois employés de la société privée JCO avaient provoqué un accident de criticité (réaction nucléaire incontrôlée) en maniant, en faisant fi des précautions élémentaires, de l'uranium au cours du processus de fabrication de combustible nucléaire.

Deux de ces techniciens, âgés de 35 et 40 ans, sont morts trois et six mois plus tard, très gravement irradiés, tandis qu'un total de 439 personnes a été exposé à des doses radioactives supérieures aux normes, selon les autorités.

Cet accident avait provoqué un énorme choc sur l'archipel, 54 ans après les deux bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki, avec les images de maisons évacuées et de pompiers en spectaculaires combinaisons anti-radiations. 320.000 personnes avaient été confinées chez elles pendant près de 24 heures.

L'accident a été considéré comme "le plus important depuis celui de Tchernobyl" (1986) par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), qui l'a classé au niveau 4 sur l'échelle de gravité, qui en compte 7.

Un an après, Keiko Oizumi, une femme de 61 ans qui vivait à seulement 100 mètres du site explique avoir ressenti pendant plusieurs mois les effets des radiations. Après trois semaines à l'hôpital, "j'étais encore très faible", témoigne-t-elle. "Je me sentais continuellement fatiguée et ce n'est que sept mois plus tard qu'un docteur m'a expliqué qu'il s'agissait des symptômes typiques d'une exposion radioactive", selon elle.

Pour le docteur Saburo Murata, spécialisé dans le traitement des radiations, présent à la cérémonie, "il est faux d'affirmer, comme le fait le gouvernement, que l'accident n'a pas eu de répercution sur la santé des habitants".

"J'aurais dû réfléchir à deux fois avant de m'installer ici", a témoigné une autre manifestante, Tomoko Sudo, 49 ans. "J'ai réalisé que je vivais dans un endroit risqué".

Tokaïmura, située à 120 km au nord de Tokyo, est "la capitale du nucléaire japonais" puisqu'elle accueille treize sites spécialisés, dont des réacteurs de recherche, une usine pilote de traitement ainsi que des laboratoires.

Plus de cent personnes se sont également réunies samedi devant l'Agence (ministère) des Sciences et Technologies à Tokyo en appelant à "la vérité sur la catastrophe". Dans une lettre adressée au ministre, 52 associations ont dénoncé "le manque d'explications" données par les pouvoirs publics après l'accident.

Après enquête, les autorités avaient conclu à l'erreur humaine commise par les trois employés et mis en cause le non-respect des consignes de sécurité par la société JCO, qui a depuis perdu sa licence d'exploitation et dont les dirigeants font l'objet de poursuites judiciaires.

Parallèlement, le gouvernement a durci, en décembre 1999, sa législation afin d'éviter un nouvel accident de ce type et de renforcer ses capacités d'y répondre.

Un exercice limité, avec 200 personnes, a été organisé samedi à Tokaimura, où était simulée une fuite radioactive dans une installation nucléaire. Un test grandeur-nature sera organisé en octobre avec l'implication du Premier ministre.

 

Accident de Tokaïmura : une lourde facture

TOKYO, 28 sept - L'accident du 30 septembre 1999 a coûté cher à la société privée propriétaire de l'usine de Tokaïmura, qui a perdu sa licence d'exploitant nucléaire, a dû payer d'importantes compensations et risque des sanctions judiciaires.

Le retrait de la licence de la société JCO (Japan Nuclear Fuels Conversion Company), la sanction administrative la plus importante, a été décidé le 28 mars par le gouvernement japonais, qui a estimé ne pas avoir eu le choix. "L'accident est arrivé parce que JCO a suivi des procédures illégales", a-t-il expliqué.

Depuis lors, la totalité de l'usine, qui produisait plus d'un tiers du combustible nucléaire de l'archipel, ne fonctionne plus. Le petit atelier dans lequel s'est produit l'accident a été totalement nettoyé.

JCO, filiale du groupe Sumitomo Metal Mining, a estimé à 14,5 milliards de yens (150 millions d'euros) la perte exceptionnelle liée aux coûts relatifs à l'accident. Elle a notamment indemnisé plus de 6.000 riverains, en particulier de nombreux maraîchers, dont les légumes n'ont plus trouvé preneurs.

A moyen terme, l'impact de l'accident menace aussi le développement de Tokaïmura comme "capitale du nucléaire" au Japon. La ville de 34.000 habitants, située à 120 km au nord de Tokyo, accueille treize sites, dont des réacteurs de recherche, une usine pilote de traitement ainsi que des laboratoires.

Or, "les relations entre les habitants et la communauté nucléaire se sont tendues depuis l'accident. Il sera difficile de faire accepter de nouvelles activités", explique Shojiro Matsuura, président de la Commission de sûreté nucléaire.

Selon un sondage publié mercredi par l'agence Kyodo, 60% des habitants de Tokaïmura craignent un nouvel accident, tout en reconnaissant que le nucléaire les fait vivre.

 

Un an après l'accident de Tokaïmura, le Japon maintient le cap du nucléaire

TOKYO, 28 sept - Un an après l'accident nucléaire de Tokaïmura, le plus grave depuis celui de Tchernobyl, le Japon n'a pas changé le cap de sa politique énergétique en dépit de la méfiance accrue de sa population vis-à-vis de l'atome.

Le 30 septembre 1999, l'industrie nucléaire japonaise a vacillé à cause d'une erreur humaine considérée comme inimaginable.

A 10h35 (01H35 GMT) ce jour-là, deux employés de la société privée JCO provoquent involontairement un accident de criticité (réaction nucléaire incontrôlée) en utilisant une quantité d'uranium beaucoup plus importante que prévu au cours du processus de fabrication de combustible nucléaire.

Les deux techniciens, âgés de 35 et 40 ans, sont morts trois et six mois plus tard, le premier ayant reçu une dose de radiation estimée à 17.000 fois l'exposition moyenne annuelle. Au total, 439 personnes, dont 209 habitants, ont été exposées à des doses supérieures aux normes, mais à des niveaux insuffisants pour mettre en danger leur santé, selon les autorités.

L'accident a été qualifié "de plus important depuis celui de Tchernobyl" (1986) par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), qui l'a classé au niveau 4 sur l'échelle de gravité, cette dernière en comptant 7.

"Le 30 septembre 1999 est une date charnière pour le nucléaire japonais", a affirmé cette semaine Shojiro Matsuura, le président de la Commission de sûreté nucléaire. Car la catastrophe a mis en pleine lumière les lacunes criantes du nucléaire civil japonais.

Pour remédier au "manque de culture de sûreté", selon M. Matsuura, le Japon a révisé sa législation en décembre 1999 dans deux directions : un contrôle renforcé de toutes les installations liées au nucléaire et une amélioration de la gestion des situations de crise.

Il s'agit ainsi d'éviter la confusion créée à Tokaïmura, le gouvernement ayant minimisé l'accident avant de former une cellule de crise dix heures plus tard et de prendre des mesures spectaculaires, dont l'utilité a été mise en doute par les experts : évacuation des environs proches et confinement de 320.000 habitants chez eux.

Le nouveau dispositif sera testé samedi à Tokaïmura avec un exercice grandeur nature fondé sur une fuite radioactive sur l'un des treize sites nucléaires de la ville. Un exercice plus ambitieux, avec l'implication du Premier ministre, sera mené en octobre.

L'objectif des pouvoirs publics est de "restaurer la confiance de la population dans le nucléaire", a souligné M. Matsuura. Car le Japon n'a pas, comme l'Allemagne récemment, l'intention d'abandonner cette industrie qui lui fournit 36% de son électricité. "Le cap reste inchangé et le nucléaire va rester un pilier de notre politique", a précisé jeudi Toshiyuki Oshima, un porte-parole de l'Agence (ministère) des Sciences et Technologies.

Tokyo a cependant revu à la baisse ses ambitions en réduisant à treize le nombre de réacteurs qui devraient entrer en service d'ici 2011, contre vingt auparavant.

Le gouvernement est prudent car Tokaïmura a fortement réduit sa marge de manoeuvre face à l'opinion, devenue majoritairement méfiante vis-à-vis du nucléaire, selon les sondages, et qui pourrait ne pas accepter un nouveau dérapage.

"Un accident pire que Tokaïmura ne serait pas une surprise", prévient le professeur Jinzaburo Takagi, un expert du Centre d'Information des Citoyens sur le nucléaire. Comme tous les opposants au nucléaire, il regrette que le Japon n'ait pas profité de Tokaïmura pour engager "un véritable débat sur le bien-fondé de cette énergie".

 

------> Nucléaire et accidents du travail





Accident nucléaire au Japon

I
D'après le communiqué de nos amis japonais du CNIC
(Citizens' Nuclear Information Center), l'accident de criticité s'est produit dans l'usine d'élaboration de poudre d'oxyde d'uranium (UO2) à partir d'hexafluorure d'uranium UF6 gazeux fortement enrichi (La fabrication des pastilles de combustible à partir de la poudre d'UO2 se fait dans une autre installation peu éloignée).
Les causes de la criticité : au cours d'une opération de raffinage pour obtenir de l'uranium très enrichi devant servir à fabriquer du combustible pour le réacteur à neutrons rapides expérimental "JOYO", au lieu de mettre 2,4kg dans un récipient c'est 16kg d'uranium très enrichi qui ont été introduits d'où la criticité (réaction en chaîne). Il y a donc eu violation de toutes les règles de sûreté.
Cette usine de Tokai est dans la préfecture d'Ibaraki, à 160 km de Tokyo. Au cours de la journée: l'accident démarre à 10h35. Le débit de dose était alors de 0,84millisievert par heure, voisin de 1 mSv correspondant au rayonnement naturel d'une année au même endroit (soit 7500 fois plus élevé que la normale). Les habitants du voisinage n'ont été prévenus qu'1 heure après le début de l'accident.

- Trois travailleurs blessés dont 2 dans un état grave (syndrome d'irradiation aiguë).
- Zone interdite de 200m.
- Evacuation des habitants dans un périmètre de 350m.
- Confinement des habitants au-delà de 350m. Enfants confinés dans les écoles.
- Confinement dans la ville de Naka-machi proche de Tokai.

A la télé japonaise infos de 18h, (donc 8 heures après) conférence de presse du maire du village de Tokai : le débit de dose n'a pas baissé, ce qui suggère que les réactions de fission continuent. La structure de l'installation est intacte. Le CNIC indique que le débit de dose est toujours très élevé et les travailleurs ne peuvent pas pénétrer sur le site. Personne ne connaît la situation à l'intérieur de l'usine et rien n'est fait

A 21h (heure japonaise) la préfecture [de la région] d'Ibaraki décrète le confinement dans un rayon de 10 km. Une cellule de crise gouvernementale se met en place. 160 villageois sont évacués dans un centre communautaire. D'après le communiqué en anglais du CNIC du 1er octobre, 3 travailleurs seraient atteints de syndrome d'irradiation aiguë. Une grande quantité de radioactivité a été libérée dans l'atmosphère. Le débit de dose de rayonnement aurait été 16000 fois supérieur au débit de dose normal. Un tel accident de criticité ne s'était jamais produit au Japon. Les scientifiques du CNIC insistent sur le manque de sûreté de cette installation nucléaire révélé par cet accident. Cela pose entre autres problèmes qu'on a autorisé une telle usine près de lieux d'habitations. Les règles de sûreté sont encore plus laxistes que pour les réacteurs nucléaires. Ils demandent une enquête minutieuse et que l'usine soit fermée. Ils insistent sur le fait que 12 h après le début de l'accident le débit de dose était encore très élevé ce qui signifie que la réaction en chaîne continue.
La survenue d'un tel accident met en cause non seulement l'industrie mais les autorités de sûreté.
Evacuation d'un employé gravement irradié.

Cet accident met en lumière qu'il n'y a pas de nucléaire "sûr", que c'est un mythe, qu'il faut ouvertement mettre sur la table les dangers et les problèmes liés à l'utilisation de l'énergie nucléaire, qu'il faut examiner la politique énergétique.

A signaler que nous avons en France une usine d'enrichissement d'hexafluorure d'uranium et de fabrication de combustible UO2 à uranium enrichi.
Qu'on a encore "amélioré" la situation en faisant du combustible Mox avec de l'oxyde de plutonium. Tout cela dans la vallée du Rhône, région chatouilleuse du point de vue sismique...

II
Informations sur France Culture 1/10/99 12h30 en QuickTime
(avec Roger Belbéoch)

1er octobre 1999, 15h45 heure locale.
Centre d'information des citoyens sur le nucléaire (CNIC).
" Pour le CNIC l'accident n'est pas fini. Il a été indiqué que la condition de criticité a cessé ce matin après que tout le liquide ait été extrait [de la cuve contenant les 16 kg d'uranium enrichi]. Cependant nous ne pensons pas que l'accident soit terminé. Des produits radioactifs sont toujours rejetés dans l'atmosphère et le CNIC pense que cela va continuer pendant un certain temps. De plus des mesures efficaces n'ont pas été prises pour parer à cette situation. Il semble nécessaire de rester très prudent ".
Le CNIC édite une revue en anglais " Nuke Info ".
CNIC, 3F Kotobuki Bldg, 1-58-15, Higashi-nakano, Nakano-ku,
TOKYO 164-0003,
Japon


III
4 octobre 1999
Echelle internationale des événements nucléaires (INES).
Cette échelle comporte 7 niveaux de gravité croissante, de l'incident à l'accident majeur (le niveau 7 correspond à l'accident de Tchernobyl). Le ministère de la science et technologie japonais déclare que l'accident est de niveau 4. Or, d'après cette échelle (voir " Contrôle " numéro 114 de décembre 1996, Dominique Lagarde) :
Niveau 4, accident avec rejet mineur et exposition du public de l'ordre des limites prescrites.
Niveau 5, accident avec rejet limité susceptible d'exiger l'application partielle des contre-mesures prévues.
C'est donc bien d'un accident de niveau 5 dont il s'agit puisqu'il y a eu évacuation des résidents à proximité du site et confinement des habitants dans un rayon de 10 km, en contradiction avec l'affirmation des autorités officielles japonaises. (Ce point est souligné par le Centre d'information des citoyens sur le nucléaire CNIC dans leur communiqué du 2 octobre ).

Beaucoup d'inconnues dans cet accident : finalement de façon certaine on sait seulement qu'il y avait 16 kg d'un composé (lequel ?) d'uranium enrichi à environ 20% et qu'une réaction en chaîne s'est déclenchée. Qu'il a fallu plus de 20 heures pour la maîtriser. Que du personnel a été irradié dont quelques uns gravement (3 personnes ?) avec un syndrome d'irradiation aiguë. Que 150 habitants ont été évacués (mais pas tout de suite) et qu'environ 310 000 habitants ont été confinés dans un rayon de 10 km (mais pas tout de suite).

Remarquons que seuls des débits de dose en rayonnement gamma ont été donnés (rien sur les neutrons) mais pas en fonction de la distance au site et qu'aucune donnée d'activité atmosphérique n'a été fournie ni pour l'intérieur du site nucléaire, ni pour l'extérieur. On ignore quelle a pu être l'exposition des habitants avant que la décision de confinement ait été prise. Les rejets gazeux ont pénétré dans les maisons avant que le confinement soit effectif. Les habitants sont donc peut-être restés confinés en atmosphère contaminée ?

Vu à la télé française : après la fin du confinement on a montré des tests effectués sur quelques uns des 310 000 habitants confinés. Ces tests ont vérifié qu'ils n'avaient pas de contamination surfacique sur leurs vêtements. Cela ne dit rien ni sur la dose externe à laquelle ils ont pu être exposés avant leur confinement ni sur la dose interne susceptible d'avoir été reçue par inhalation (et ingestion) des rejets radioactifs.

En résumé :

1) Il y a eu des rejets gazeux à l'extérieur du site nucléaire (gaz rares, iodes, césiums etc.) Il est faux de croire que toute la radioactivité a disparu car les radioéléments émis n'ont pas que des périodes très courtes. Rappelons qu'il faut 8 jours pour que l'activité de l'iode 131 diminue de moitié et 30 ans pour le césium 137).

2) Les habitants des environs immédiats ont été exposés aux rayons gammas et neutrons et exposition interne avant que leur évacuation ne soit décidée. Des analyses de sang ont elles été effectuées ? Quel est leur état de santé actuel ?

3) On ne peut pas affirmer que les 310 000 habitants confinés dans un rayon de 10 km n'ont pas été exposés aux rayonnements et subi une irradiation externe et interne. Rappelons que toute dose de rayonnement comporte un risque cancérigène et génétique.

Personne n'a donné, et aucun journaliste n'a réclamé, la composition et l'activité des rejets atmosphériques. Est-ce à la suite de mesures d'activité atmosphérique (en becquerels par mètre cube d'air) en fonction de la distance à l'usine que la décision de confinement dans les 10 km a été prise ? L'activité à 11 km était-elle nulle?


IV
5 octobre 1999.
Commentaire sur les informations publiées par les médias ou les responsables du nucléaire (Agence Internationale de l'Energie Atomique, IPSN etc.)
La physique est le domaine de la mesure. En ce qui concerne l'accident de criticité de Tokai-mura aucune mesure physique concernant la contamination n'a été publiée (contamination atmosphérique, contamination du sol). Pire, aucune mesure de cette contamination n'a été exigée par les médias. Les informations fournies relèvent plus du fantasme que de données réelles objectives. Il paraît évident que s'il a été décidé de confiner 310 000 habitants dans un rayon de 10 km c'est que le niveau de rayonnement dans la région n'était probablement pas négligeable.
Il faut remarquer que cette décision de confinement (en France, le mot confinement est désormais abandonné au profit d'une expression plus "nucléairement correcte" : la "mise à l'abri") a été prise plusieurs heures après le début de l'accident. Il n'est pas déraisonnable de penser que les habitants ont été confinés chez eux alors que l'atmosphère de leur habitation renfermait des radioéléments.
Que va-t-il se passer ? L'expérience de Tchernobyl nous a appris le rôle que joue l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique). Rappelons que cette agence a été chargée par l'ONU de développer l'énergie nucléaire, c'est donc une agence de promotion de l'énergie nucléaire. Plusieurs années après Tchernobyl, l'AIEA a estimé que les autorités soviétiques avaient de fait "paniqué" après l'explosion du réacteur en prenant trop de contre-mesures de protection (évacuation, contrôle de la nourriture etc.). Finalement, à la lecture des textes de l'AIEA, Tchernobyl n'aurait été qu'un accident nucléaire sans grandes conséquences pour la santé des populations alors que Tchernobyl est considéré comme l'accident le plus grave ayant jamais eu lieu. Il est donc raisonnable de penser que dans quelques semaines, mois ou années, l'AIEA considérera que cet accident de criticité de Tokai-mura ne justifiait pas du tout les mesures de protection prises : l'évacuation des résidents du voisinage et le confinement des 310 000 habitants de la zone des 10 km. On peut prédire que pour cette agence ces décisions seront considérées comme non fondées objectivement et relevant du fantasme.
Dernier point : des travailleurs ont été durement irradiés. Leur chance de survie est très faible. Les dirigeants de l'entreprise seront-ils poursuivis pour mise en danger d'autrui et éventuellement poursuivis pour homicide si ces travailleurs décèdent ?
Contrôle de radioactivité des habitants.


VI
6 octobre 1999.
Quelques compléments d'information et rectificatifs.
Le détail des manipulations ayant conduit à la criticité est encore peu clair y compris pour des spécialistes français en criticité. Les procédés chimiques utilisés dans l'atelier dédié aux combustibles destinés aux réacteurs expérimentaux où s'est produit l'accident ont été sommairement décrits dans un texte " le point sur l'accident de criticité à
Tokaï-Mura " publié par l'IPSN (1/10/99). D'après les renseignements fournis on peut supposer qu'il s'agissait d'obtenir, au stade final, une poudre de dioxyde d'uranium UO2 (uranium enrichi à 18,8% en Uranium 235) ayant de bonnes caractéristiques physico-chimiques pour permettre ensuite sa transformation en pastille compacte de combustible, une opération appelée " frittage ", effectuée dans un atelier voisin. Dans un premier stade on dissout, dans de l'acide nitrique, des poudres d'oxydes d'uranium (dont la composition n'est pas précisée) dans un réservoir de petite taille. (C'est le seul point clair : on obtient du nitrate d'uranyle). Un transfert de la solution dans une cuve sert à contrôler (il n'est pas dit comment) la masse d'uranium qui doit subir, après transfert dans une grande cuve cette fois, un traitement par l'ammoniaque entraînant la précipitation en diuranate d'ammonium (en réalité c'est plus complexe si l'on en croit le Nouveau traité de chimie minérale, tome XV, de Paul Pascal, éd. Masson 1967). La cuve est équipée d'une double enveloppe de refroidissement à l'eau.
Dans cette cuve de précipitation-décantation la masse maximale d'uranium autorisée doit être inférieure à 2 kg (on a appris qu'en fait il n'y avait aucune règle de sûreté dans l'entreprise depuis plusieurs années et qu'elle n'était pas sous le contrôle des autorités japonaises de sûreté). Pour un taux d'enrichissement de 18,8% en uranium 235 la masse critique, en présence d'eau, serait d'environ 5,5 kg d'après ce texte de l'IPSN. "D'après les informations disponibles les opérateurs de l'atelier auraient effectué directement la dissolution de l'uranium dans la cuve de précipitation-décantation. La masse d'uranium introduite dans cette cuve (16 kg) a été bien supérieure à la masse maximale autorisée (.) C'est ce dépassement de masse, dans la solution aqueuse de la cuve, qui a conduit à l'accident de criticité ".
D'après une autre source d'information, la dissolution aurait été effectuée en 2 temps, d'abord 8,9 kg auraient été introduits dans la grande cuve le mercredi (on dépassait donc déjà la masse critique de 5,5 kg si toute la poudre s'est dissoute) et le jeudi auraient été introduits encore 6,9 kg avec pour résultat l'accident de criticité.
Les informations dont on dispose ne permettent pas de savoir si l'accident a eu lieu en milieu complètement liquide (tout l'oxyde -16 kg- complètement dissout) ou en milieu hétérogène avec un restant de poudre non dissoute. Pendant toute la durée de l'accident de criticité avec persistance de la réaction en chaîne, des rayonnements intenses de rayons gamma et de neutrons sont émis en même temps que des produits de fission. Les produits de fission rejetés sont essentiellement des gaz, c'est à dire les gaz rares (tels que le krypton et le xénon) et tous les isotopes gazeux de l'iode. Les césiums et autres radionucléides ne sont pas volatils. Cependant une certaine fraction de ces radioéléments a pu aussi contaminer l'environnement en étant entraînée par les flux de gaz et vapeur d'eau. Les propriétés de transport sont complexes, que l'on ait été en phase liquide homogène, ou en mélange de phases liquide + solide si tout l'oxyde n'était pas dissout (auquel cas il pourrait en résulter des aérosols contenant des particules d'oxyde d'uranium enrichi). Seules des analyses d'air et de sol pourraient le montrer. Pour l'instant ces données quantitatives, si elles existent, n'ont pas été rendues publiques. Le dossier IPSN indique seulement " en outre, il semble que des traces de césium aient été décelées dans l'environnement ". C'est une situation très différente de celle de l'accident beaucoup plus grave de Tchernobyl, où l'explosion du réacteur et l'incendie du graphite ont entraîné la dispersion massive des radioéléments non seulement gazeux mais de tous les autres ainsi que des fragments de combustible avec des transuraniens. Dans le cas de
Tokaï-Mura la réaction de criticité a duré très longtemps par rapport aux accidents de criticité ayant déjà eu lieu mais trop peu pour qu'il se forme une quantité notable de transuraniens. Les accidents de criticité antérieurs ont tous été suivis d'explosion ce qui entraînait la dispersion immédiate du matériau fissile et stoppait ainsi la réaction de criticité. Les seules victimes étaient les opérateurs proches. Ici, à Tokaï-Mura il n'y a pas eu explosion mais une réaction continue de criticité. C'est une " expérience " nouvelle dans ce domaine des accidents de criticité. Elle est nouvelle aussi parce qu'elle n'a pas concerné que les opérateurs proches mais également la population. L'analyse de cet accident ne fait que commencer.
Mr Koji Kitani, PDG de JOC Co, faisant ses excuses samedi devant les résidents de la communauté du centre de Tokaï-Mura réunis à la préfecture

Le CNIC (centre d'information japonais pour l'information des citoyens) a fait une estimation de l'activité rejetée compte tenu de la quantité d'uranium et de son taux d'enrichissement. Leurs calculs, bien qu'approximatifs, aboutissent à une activité libérée correspondant bien à un accident de niveau 5 dans l'échelle internationale INES et non pas de niveau 4.


Accident de Tokaï-Mura: le film des événements
Fuite radioactive au Japon (AFP) 1ère partie

Fuite radioactive au Japon (AFP) 2ème partie
Fuite radioactive au Japon (AFP) 3ème partie
Décès du principal irradié de l'accident nucléaire de Tokaimura

AP
jeudi 27 avril 2000, 2h28

Le pire accident nucléaire qu'ait connu le Japon fait une deuxième victime

TOKYO (AP) -- Un ouvrier qui avait été gravement irradié le 30 septembre dernier à Tokaimura, lors du pire accident nucléaire qu'ait connu le Japon, est décédé jeudi matin, a annoncé un porte-parole de l'hôpital universitaire de Tokyo où il était soigné.

Masato Shinohara, 40 ans, est mort à 7H25 (22H25 GMT mercredi), a précisé Tamotsu Watanabe. Il s'agit du deuxième décès connu au Japon dû à des radiations à la suite d'un accident dans une centrale nucléaire.

Décédé en décembre, Hisashi Ouchi, 35 ans, a été la première victime de l'accident qui s'est produit dans l'usine de traitement d'uranium de Tokaimura, à 112 kilomètres au nord-est de la capitale japonaise. Il avait exposé à un niveau de radiations environ 17.000 fois supérieur au niveau maximum d'exposition censé être toléré pour une année, selon les normes japonaises. (Il y a une grosse erreur dans ce communiqué "17.000 fois supérieur au niveau maximum d'exposition" à un tel niveau, il aurait été instantanément carbonisé.)

Hisashi Ouchi, Masato Shinohara et un autre ouvrier avaient été sérieusement irradiés le 30 septembre dernier, des dizaines d'autres ayant été exposées à des radiations moins importantes. Le troisième ouvrier gravement touché, Yutaka Yokokawa, a quitté l'hôpital en décembre.

L'enquête sur l'accident de Tokaimura a montré que les ouvriers de l'usine, gérée par l'entreprise JCO, violaient de façon régulière les procédures de sécurité, allant jusqu'à mélanger l'uranium dans des bassines pour aller plus vite.



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Des Email mis en ligne par La BBC