Le fil de l'AFP
- Partie 3 -

Accident de Tokaimura: pas un problème de santé en dehors du Japon (OMS)

GENEVE, 1er oct (AFP) - L'accident qui s'est produit jeudi à l'usine pilote de fabrication de combustible nucléaire de Tokaimura "ne constitue pas un problème de santé en dehors du territoire japonais", a affirmé vendredi l'OMS.

Un expert de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le docteur Mike Repacholi, a souligné à Genève que, bien que la réaction de fission ait duré plusieurs heures, elle "ne constitue pas un problème de santé publique en dehors du territoire japonais".

"Il est improbable qu'elle ait un quelconque impact de santé public au delà de la population locale", a-t-il ajouté.

Clinton promet à nouveau une aide au Japon

WASHINGTON, 1er oct (AFP) - Bill Clinton a de nouveau promis vendredi d'aider le Japon après une fuite dans un centre nucléaire jeudi, tout en précisant que le Premier ministre japonais lui avait affirmé que la situation était sous contrôle.

"Je viens de parler avec le Premier ministre (Keizo) Obuchi pour transmettre notre compassion à ceux qui ont été affectés et lui faire savoir que nous étions prêts à aider avec tous nos moyens.

Il m'a dit que les autorités japonaises avaient été capables de contrôler la situation", a déclaré M. Clinton.

"Le Japon est notre ami et allié et nous sommes prêts à répondre à la situation pour prévenir des accidents à l'avenir", a-t-il ajouté depuis la Maison Blanche.

Au total, 49 personnes ont été exposées aux radiations à la suite de la réaction nucléaire qui s'est produite jeudi au centre nucléaire expérimental de Tokaimura, et plus de 320.000 personnes ont été priées de rester calfeutrées chez elles pendant une dizaine d'heures.

"Je pense que lorsque quelque chose de similaire se produit, nous réalisons que nous vivons dans un monde imparfait", a déclaré Bill Clinton.

"Cela devrait nous sensibiliser de nouveau au problème de la sûreté nucléaire", a ajouté le président américain, qui déjà jeudi avait annoncé que les Etats-Unis feraient "tout ce qui est en leur pouvoir" pour aider le Japon après l'accident de Tokaimura.

Tokaimura: l'accident le plus important depuis Tchernobyl, selon l'AIEA

VIENNE, 1er oct (AFP) - L'accident nucléaire de Tokaimura, jeudi au Japon est le plus "significatif" depuis celui de Tchernobyl (Ukraine) en 1986, a estimé le porte-parole de l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA) vendredi à Vienne.

"C'est un accident très important en termes du nombre de blessés, en termes d'effets sur la santé des gens vivant aux alentours" a déclaré à l'AFP David Kyd. "Je ne me souviens pas d'un accident aussi significatif depuis Tchernobyl en 1986," a-t-il ajouté, rappelant que même l'accident de la centrale nucléaire de Three Mile Island (Etats-Unis) en 1979 n'avait pas fait de blessés.

Dans une déclaration l'AIEA a confirmé qu'elle a offert son assistance aux autorités japonaises compétentes.

"Mais les autorités japonaises ont indiqué que ceci n'était pas nécessaire à l'heure actuelle", a indiqué le communiqué.

Entre temps un responsable de l'AIEA a déclaré que "selon de très bonnes sources" les doses de radiation auxquelles deux des trois ouvriers étaient exposés lors de l'accident, étaient plus élevées qu'indiqué auparavant.

"Nous avons des informations de très bonnes sources que deux des trois ouvriers ont subi des doses de radiation bien au-dessus de 10.000 milliSieverts alors que le troisième ouvrier a été touché par des radiations d'environ 3.000 milliSieverts," a déclaré Abel Gonzalez, directeur de l'AIEA auprès du département de radiation.

Selon des informations antérieures les deux hommes qui se trouvaient dans le bâtiment sinistré au moment critique, ont subi des doses au-dessus de 8.000 mSv.

M. Gonzalez a néanmoins indiqué que contrairement à l'accident de Tchernobyl "ceci n'est pas un accident qui laissera de la contamination résiduelle dans l'environnement ".

"Cet accident ne peut pas être comparé à celui qui a eu lieu à Tchernobyl" a-t-il dit.

Quelque 320.000 personnes auxquelles les autorités avaient conseillé de rester chez elles jeudi, ont quitté leur domicile vendredi.

Un rayon de 250 mètres a cependant été maintenu fermé autour du site de l'accident.

Accident nucléaire: Moscou va fournir une aide au Japon (Poutine)

MOSCOU, 1er oct (AFP) - Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a déclaré vendredi que la Russie allait fournir une aide au Japon après l'accident nucléaire survenu jeudi à Tokaimura, ont rapporté les médias russes.

"Nous savons comment il faut faire et nous allons naturellement aider le Japon", a déclaré M. Poutine, cité par l'agence Interfax.

Le chef du gouvernement russe n'a pas apporté davantage de précisions. Des experts russes des accidents nucléaires sont en contact permanent depuis l'accident avec leurs homologues japonais, selon les médias russes.

La Russie pourrait fournir aux ouvriers du nucléaire japonais travaillant sur le site contaminé des vêtements de protection contre la radioactivité, a déclaré vendredi un expert du nucléaire, cité par l'agence Itar-Tass.

Selon cet expert, Evgueni Ryjkov, représentant du combinat chimique de Maïak à Ozersk (région de Tchéliabinsk, Sibérie), l'accident de Tokaimura (à quelque 120 km au nord-est de Tokyo) ne devrait avoir de conséquences que localement.

Le directeur de l'Institut Kourtchatov de Moscou, Vladimir Asmolov, a indiqué que les experts russes étaient en contact depuis le début de l'incident avec les Japonais et qu'ils leur donnaient en permanence des consultations par téléphone et par l'internet, selon Itar Tass.

Le professeur Iouri Sivintsev, spécialiste des conséquences des accidents nucléaires, a passé toute la nuit à l'ambassade du Japon à Moscou.

M. Asmolov a qualifié l'accident de Tokaimura de "sérieux" en jugeant qu'il ne devrait pas y avoir de conséquences à long terme telles que déplacements de populations et menaces pour les récoltes.

Le secrétaire américain à l'Energie Bill Richardson avait affirmé jeudi que les Etats-Unis et la Russie étaient prêts à envoyer une équipe commune au Japon, mais Moscou n'a rien indiqué en ce sens.

Accident de Tokaimura: les Etats-Unis ne sont pas à l'abri

Par Francis TEMMAN

WASHINGTON, 1er oct (AFP) - L'accident du complexe de Tokaimura a relancé le débat sur la sécurité nucléaire aux Etats-Unis, où les experts divergent sur la probabilité qu'un tel accident puisse survenir sur le territoire américain.

Il existe cinq usines civiles de traitement du combustible nucléaire aux Etats-Unis, semblables à celle de Tokaimura. En plus, l'US Navy possède deux centres d'enrichissement de l'uranium pour ses porte-avions et ses sous-marins à propulsion nucléaire.

Pour tenter de rassurer le public, le président Bill Clinton a annoncé vendredi qu'il avait demandé aux autorités compétentes de s'assurer de l'adéquation des mesures de sécurité en vigueur dans les installations nucléaires américaines.

"Tout le monde est assez confiant mais lorsqu'une chose comme cela arrive, on réalise que nous vivons dans un monde imparfait", a-t-il déclaré.

"Cela devrait nous sensibiliser de nouveau au problème de la sécurité dans le domaine nucléaire", a ajouté le président américain.

Selon Felix Killar, un expert nucléaire de l'Institut de l'énergie nucléaire (NEI), un groupement proche de l'industrie, le risque d'un tel accident aujourd'hui aux Etats-Unis est faible.

"Je ne dis pas qu'il est nul mais je dis qu'il est très réduit", explique-t-il, en estimant que seule une erreur humaine peut expliquer une telle catastrophe.

"D'après ce que l'on sait, les opérateurs ont placé 16 kilogrammes d'uranium enrichi dans un conteneur prévu pour seulement 2,4 kg, ce qui a déclenché une réaction en chaîne incontrôlée", affirme-t-il, sans pouvoir s'expliquer l'origine d'une erreur aussi grossière.

"Peut-être une erreur sur la concentration" en produits dangereux, avance-t-il. De plus, relève-t-il, les normes américaines en vigueur ne prévoient qu'un enrichissement à 5% de l'uranium, bien en deçà de 18,8%, comme c'était le cas à Tokaimura.

Mais pour Kevin Kamps, spécialiste des questions nucléaires, il ne fait aucun doute qu'un accident similaire à celui de Tokaimura reste possible.

"Cet accident au Japon devrait servir d'avertissement au Sénat américain qui s'apprête à adopter une loi qui autoriserait le transport routier et ferroviaire de matières fissiles à une échelle sans précédent à ce jour".

Les Etats-Unis ont connu de nombreux incidents du type de celui de Tokaimura par le passé mais ceux-ci sont généralement restés très localisés.

Ainsi, en 1964, dans la centrale de Wood River Junction, dans l'Etat du Rhode Island, un accident similaire s'était produit, faisant un mort et un blessé grave.

En 1961, dans l'Idaho, un autre accident avait fait trois morts.

Depuis la Commission de réglementation nucléaire (NRC), qui régit et contrôle aux Etats-Unis le fonctionnement des 66 centrales et 103 réacteurs nucléaires pratiquement tous opérés par le secteur privé, a instauré des garde-fous et des procédures strictes de sécurité.

Pour David Albright, président de l'Institut pour la science et la sécurité internationale (ISIS), les Etats-Unis ne sont pourtant pas à l'abri d'une telle catastrophe, en dépit de "l'approche très sophistiquée mise en place pour faire face à ce genre de risque".

"Il y a toujours le facteur humain et la complaisance qui s'installe dans la routine des procédures", souligne-t-il.

Au bout du compte, le vrai problème, selon lui, c'est que "ce genre d'accident stigmatise aux yeux de l'opinion publique tout ce qui touche au nucléaire".

Accident de Tokaimura: un "non-respect des procédures", selon l'IPSN

PARIS, 1er oct (AFP) - Un "non-respect des procédures", l'introduction pour dissolution de 16 kg d'uranium dans une cuve de précipitation-décantation alors que la masse maximale autorisée est de 2 kg, a causé l'accident survenu jeudi dans le centre nucléaire de Tokaimura (Japon), a expliqué, vendredi, l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN), à Paris.

L'accident, dit de "criticité", le premier du genre enregistré au Japon, qui a causé l'irradiation de 49 personnes, dont trois très grièvement, n'a été maîtrisé qu'après une quinzaine dheures, l'intervention ayant été rendue difficile en raison des niveaux élevés des rayonnements émis.

Déclenchement incontrôlé de réactions en chaîne de fission dans un milieu contenant des matières fissiles, ce type d'accident entraîne en effet une émission intense de rayonnements gamma et neutroniques, ainsi qu'un dégagement de gaz de fission radioactifs (isotopes de l'iode, du krypton, du xénon notamment).

L'accident s'est produit dans un atelier de la JCO (Japan Nuclear Fuels Conversion Company), lors de la fabrication d'oxyde d'uranium (UO2) enrichi à 18,8 % en uranium-235.

Cet oxyde est fabriqué à partir d'un autre oxyde d'uranium (U308), vendu aux Japonais par le NUKEN (Allemagne), après enrichissement de l'uranium par la COGEMA (France).

Il était destiné au réacteur expérimental à neutrons rapides Joyo, situé à 30 km de Tokaimura.

Les poudres d'uranium sont d'abord dissoutes dans de l'acide nitrique, dans un réservoir de petite taille, puis la solution obtenue est transférée dans une cuve intermédiaire, pour contrôler la masse d'uranium devant être mise en oeuvre dans l'opération suivante.

Enfin, l'uranium est précipité en diuranate d'ammonium (ADU).

Cette opération a lieu dans une cuve de précipitation-décantation de grande dimension, dans laquelle la masse d'uranium doit être impérativement limitée.

Selon les informations parvenues à l'IPSN, les ouvriers de l'atelier auraient effectué directement la dissolution de l'uranium dans la cuve de précipitation-décantation et y auraient introduit 16 kg d'uranium. Cette masse huit fois supérieure au maximum prévu, au contact de la solution aqueuse de la cuve, a entraîné l'accident de criticité.

Les risques de criticité font l'objet de mesures de prévention systématiques portant sur la conception des appareillages et le respect de consignes de sécurité.

L'IPSN travaille notamment à l'élaboration des codes de calculs de criticité utilisés pour cette prévention et coopère, en particulier dans ce domaine, avec le JAERI (Japan Atomic Energy Research Institute).

Allemagne-nucléaire

L'accident de Tokaimura aiguise le débat sur le nucléaire (ANALYSE)

par Jérôme DAQUIN

BERLIN, 2 oct (AFP) - L'accident survenu jeudi dans le complexe nucléaire de Tokaimura (Japon) a donné un tour plus aigu au débat sur l'atome civil en Allemagne, engagée dans l'abandon à terme de l'énergie nucléaire et encore traumatisée par les retombées de Tchernobyl en 1986.

Vendredi, le ministre de l'Environnement, Juergen Trittin (Les Verts), n'a pas exclu que l'accident puisse avoir des répercussions en Allemagne et estimé qu'il était pour le moment impossible de savoir "dans quelle mesure il y a eu contamination".

Dans le même temps, son ministère soulignait que, selon la météo allemande, les masses d'air contaminées par la radioactivité devraient mettre au moins dix jours pour atteindre l'Europe. La veille, son collègue des Affaires étrangères, Joschka Fischer, lui aussi écologiste, s'était déclaré "très inquiet", soulignant que le nucléaire était "une technologie à hauts risques".

Les Verts, qui ont encaissé déconvenue sur déconvenue lors de récents scrutins régionaux et locaux, ont fait depuis toujours de l'abandon du nucléaire le thème central de leur combat politique.

C'est au nom de cette "impérieuse nécessité" qu'ils avaient signé, après la victoire de Gerhard Schroeder aux élections législatives de 1998, un contrat de coalition avec les sociaux-démocrates.

Toutefois, l'impossibilité technique d'un abandon "immédiat" du nucléaire et son renvoi à un terme de 20 ans minimum semblait avoir isolé les Verts dans ce combat.

Cependant, le 28 septembre, le gouvernement n'avait pas exclu d'imposer la sortie du nucléaire civil par le biais législatif, face à la résistance des industriels du secteur énergétique, une menace brandie par le ministre de l'Economie en personne, Werner Mueller, homme de confiance du chancelier.

Sociaux-démocrates et Verts, arrivés au pouvoir fin octobre 1998, s'étaient donné un an pour négocier avec l'industrie un compromis sur l'abandon de l'énergie nucléaire, faute de quoi ils l'imposeraient.

Autre soutien, inattendu, celui du PDS (Parti communiste rénové), généralement très réservé sur cette question, qui a estimé, au lendemain de l'accident au Japon, qu'il n'y avait "pas d'alternative à une sortie immédiate du nucléaire".

Le ministre écologiste de l'Environnement s'est toutefois bien gardé de tout alarmisme excessif.

Annonçant un examen approfondi des installations de transformation de l'uranium en Allemagne ainsi que du plan-catastrophe existant, il a souligné que la seule installation nucléaire allemande comparable à celle de Tokaimura, celle de Lingen (Basse-Saxe, nord), ne produisait que de l'uranium faiblement enrichi, au contraire de l'installation japonaise.

L'argument a été repris par plusieurs des groupes industriels exploitant les 19 centrales nucléaires allemandes, qui ont eux aussi mis en avant "l'impossibilité" d'un accident de type Tokaimura.

Reste à savoir si l'opinion réagira comme après l'accident de Tchnernobyl en 1986: un véritable vent de panique avait alors soufflé sur l'Allemagne, grossissant les rangs des anti-nucléaires.

Toutefois, depuis, d'après un sondage réalisé avant l'accident de Tokaimura par l'institut Allensbach, le nombre des opposants au nucléaire diminue: en 1992, 18,6% des Allemands de plus de 14 ans étaient opposés à l'énergie nucléaire.

En 1999, ils ne sont plus que 11,8%.

Simultanément à la publication de cette enquête, réalisée pour le compte des industriels du nucléaire, quelque 570 universitaires et chercheurs, issus d'une cinquantaine d'universités, avaient déposé à la chancellerie un mémorandum et demandé à l'Allemagne de "reconsidérer sérieusement" sa volonté de renoncer au nucléaire, estimant notamment qu'un tel abandon coûterait de 86 à 393 milliards d'euros (90 à 412 milliards de dollars) d'ici 2005 aux contribuables allemands.