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Que cherche José Maria Aznar dans son alliance hasardeuse avec George W. Bush ?

Le premier ministre espagnol a décidé d'aller jusqu'au bout pour soutenir les Etats-Unis en Irak, même si 90 % de ses concitoyens sont opposés à la guerre. "Que fait donc en première ligne d'une gigantesque opération un pays qui vient de démanteler son armée et qui n'est plus une puissance militaire depuis le XVIIIe siècle ?" C'est ce que se demandent nombre d'Espagnols, selon le conservateur ABC.
"L'alignement inconditionnel d'Aznar sur Bush dans la crise irakienne ne répond pas à une illumination subite. Il s'agit au contraire de l'aboutissement d'un long processus, fruit d'une psychologie faite de nationalisme complexé, d'une dose inévitable de méfiance envers l'Europe et de cette vénération des Etats-Unis typique d'une certaine droite espagnole", analyse un diplomate dans El Pais. Dans La Vanguardia de Barcelone, le chef du gouvernement catalan, Jordi Pujol, cherche les motivations d'un dirigeant qui n'a ni pétrole à défendre en Irak ni l'ambition de voir son pays jouer un rôle dans la région : "Dans le monde, il y a une superpuissance. Loin derrière, il y a la France et l'Allemagne. (...) En dessous, on trouve le peloton. Je crois qu'Aznar pense que l'Espagne, qui est un pays émergent, peut sortir du peloton et rattraper la France et l'Allemagne. Comment ? On ne peut compter sur la France ni sur l'Allemagne. Pas sur l'Europe en définitive. Et il ne faut pas oublier qu'Aznar n'est pas proeuropéen. Comment faire ? En devenant l'ami et l'allié privilégié des Etats-Unis."
"L'heure d'Aznar est arrivée"
, se félicite dans ABC un ancien député du parti de M. Aznar. Ce dernier "a vu avec clarté où étaient nos intérêts. Notre pays avait trois options. Ne rien faire, c'est-à-dire faire comme si ce conflit ne nous concernait pas, en copiant la neutralité espagnole pendant la première guerre mondiale. Suivre l'Allemagne et la France, comme nous l'avons fait pendant la seconde, ce qui nous a valu quarante ans d'isolation. Et repenser notre politique étrangère des cent cinquante dernières années, en nous alliant avec ceux qui furent nos ennemis, les Etats-Unis -durant la guerre de
1898 - et la Grande-Bretagne - à propos de Gibraltar-".
Reste que l'engagement de M. Aznar en faveur de la guerre risque de coûter cher à son parti et d'avoir des conséquences néfastes au niveau européen. Il croyait qu'en soutenant Washington, il pourrait hisser son pays en première division, pour reprendre l'expression d'El Pais, mais il risque "de transformer l'Espagne en un pays Kleenex pour les Etats-Unis, du style "je te prends, je te jette"".

Isabelle Lauze

Arrêtez, José Maria Aznar !
par Baltasar Garzon
(El Pais)

Vous devez choisir votre camp, celui de la légalité internationale et nationale - je parle de la vraie légalité, pas celle du marketing ni de l'arrogance et des paroles creuses - ou celui du mensonge et de l'intérêt occulte de quelques-uns.

José Maria Aznar, je vous adresse ces notes nées de l'urgence avec l'angoisse de celui qui se pose de multiples questions, ne trouve guère de réponses et se doute qu'il est difficile d'imaginer une formule qui pousse à réfléchir ceux qui, comme vous, dirigent cette folie, avec une surdité aussi déconcertante que dangereuse, qui nous déboussole et nous mène à un déséquilibre émotionnel et psychique dont la majorité des Espagnols ne sortiront pas indemnes. J'ai parfois la sensation, monsieur le président du gouvernement, que nous ne sommes plus face à des hommes politiques - au sens classique du terme, et non dans l'acception utilitariste que beaucoup lui donnent aujourd'hui -, mais à des murs de pierre suintant l'humidité et l'absence nauséabonde de sentiments.

Je n'ai pas le souvenir d'un degré de contestation et d'authentique rébellion populaire comme celui que votre position est en train de soulever dans toutes les couches de la société espagnole. Je n'ai pas le souvenir non plus d'un pareil degré de cynisme chez certains leaders politiques qui usent de toute la démagogie et de la manipulation des médias qu'ils contrôlent pour semer gravement la confusion dans l'esprit des citoyens, en jouant avec leur sécurité et en les soumettant sans répit à un "bombardement" de mensonges et de demi-vérités.

Comme je n'aspire à aucun poste, aucune nomination, et que perdre celui que j'occupe m'importe peu, je dispose de la liberté suffisante pour écrire et pour dire "Basta ya !" ("Ça suffit !"). Que les militants dévoués de la plateforme contre le terrorisme basque du même nom me pardonnent de faire mienne cette expression qu'ils défendent si courageusement par leur action pacifique d'insoumission et d'ingérence face à la terreur. Mais il s'agit de lutter, ici aussi, contre la violence dialectique institutionnelle imposée par des gouvernants hors de toute réalité qui, jour après jour, méprisent ceux qui par leur bulletin de vote, favorable ou non, les ont dotés de la légitimité démocratique et les forcent à accepter une réalité inexistante et un état de choses créé de toutes pièces par l'un d'eux pour justifier le cauchemar que traversent à présent presque tous les pays de la Terre.

Depuis le 27 janvier dernier, j'ai suivi, comme tant d'autres, les débats du Parlement espagnol sur la guerre d'Irak, ainsi que les nouvelles de la presse, les débats et images des chaînes de télévision, et en particulier les efforts que vous faites, avec M. Blair, pour expliquer votre position - M. Bush ne se donne même plus cette peine - et justifier son antagonisme avec ce que pensent les citoyens d'Espagne et de Grande-Bretagne.

Une fois de plus, j'ai constaté le règne de la loi non écrite du suivisme acritique chez les membres du groupe parlementaire du Parti populaire, dont certains ont fâcheusement injurié les personnes qui exprimaient en silence leur désaccord ou lancé des insultes à l'opposition pour son désaccord démocratique. J'ai pu voir, surtout, comme ils adulaient, par leurs sourires et leurs applaudissements, leur leader, c'est-à-dire vous. Et j'ai eu peur, une peur glacée, physique, palpable et dense comme le fioul. Mais j'ai aussi noté comment l'un d'eux, tout en applaudissant et en souriant, se tortillait sur son siège à la pensée, sûrement, de la honte qui l'attendait au moment où il lui faudrait, de retour chez lui, regarder ses enfants, ses parents, sa femme ou son mari, et leur expliquer l'inexplicable. C'est aux députés comme lui que je m'adresse, pour leur demander d'exprimer ce qu'ils ressentent et d'agir en conséquence.

J'ai eu l'occasion de parler non pas à deux ou trois militants ou électeurs du parti que vous présidez, mais à des dizaines et des dizaines. Tous affichaient un rictus amer devant votre position et un réel souci face à la direction que vous avez prise, et qu'ils ne peuvent partager sans frôler le problème de conscience. En même temps, et je le dis avec l'affection que je porte à certains d'eux, ils se taisent lâchement, par peur des représailles de la hiérarchie du parti. Quant à moi, je redoute que leur peur, celle des "rangs serrés de nos martiales troupes" de certain hymne phalangiste ou celle que suscite l'appel de M. Rajoy -vice-président du gouvernement- à "la fierté, l'honneur et les convictions" ne viennent s'ajouter à ma peur et à celle des Espagnols qui, pour défendre leur patrie, s'opposent, au nom de la liberté et de la cohérence, à une guerre injuste.

Je crois, en toute humilité, que vous êtes aujourd'hui dans l'obligation de vous joindre au cri d'opposition à la guerre et de le faire ouvertement dans votre sphère de compétence. Comme citoyen, j'ai le droit de vous le demander, voire de l'exiger, car le droit à la paix est mon droit, et la guerre est la négation de ce droit et la négation de la justice la plus élémentaire, en même temps qu'elle signe la défaite de tous.

Vous devez choisir votre camp, celui de la légalité internationale et nationale - je parle de la vraie légalité, pas celle du marketing, ni de l'arrogance et des paroles creuses - ou celui du mensonge et de l'intérêt occulte de quelques-uns qui prétendent suborner nos consciences en nous faisant miroiter les richesses des mines du roi Salomon.

J'ai observé attentivement l'activité que vous avez déployée en divers points du monde, monsieur le président, vos réunions avec différents chefs d'Etat, dont Sa Sainteté Jean-Paul II : elle est louable, mais je ne saisis pas la raison ultime de tant d'interventions "en première ligne". Je ne sais si vous êtes mû par le souci d'être reconnu comme un grand homme d'Etat ou par le besoin de comprendre, ou bien si vous êtes pressé d'obtenir une absolution préventive de vos actes. Vous pourriez aisément atteindre ces différents objectifs sans mettre en péril des valeurs essentielles : il suffirait de vous rallier à la position adoptée par tout le monde civilisé et par les leaders politiques les plus divers. Elle est un véritable pari sur la paix. Que ferez-vous si le Conseil de sécurité n'approuve pas la résolution que vous avez préparée avec M. Blair et M. Bush ?

Tous trois, vous dites que vous épuisez toutes les ressources, vous affirmez que, l'Irak ayant violé la résolution 1441, vous voulez ouvrir la voie à la guerre. Mais à quoi rime ce ballet de contacts et de visites, quand vous n'en faites aucune en Irak pour parler à votre ennemi ? Pourquoi une deuxième résolution, alors que les inspecteurs sont en train de bien faire leur travail ? Voyez-vous, je crois qu'il s'agit seulement du prétexte dont l'administration nord-américaine a besoin pour lancer une attaque qui est déjà décidée.

José Maria Aznar, comment pouvez-vous parler de la décision irakienne de détruire les missiles Al-Samoud 2 comme d'un "jeu très cruel avec le désir de paix de millions de personnes" ? Mais ces millions de personnes sont justement opposées à l'intervention en Irak, autrement dit à votre position et à celle de M. Blair et M. Bush. Quand comprendrez-vous que, pour convaincre les citoyens, il faut autre chose que des paroles grandiloquentes, tonnantes ou alambiquées ?

J'ai l'impression que le mot "paix" est prostitué à force d'être mal employé. Sauf par nous tous qui comprenons dans notre chair que, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, en descendant dans la rue, ou de tout autre manière, nous sommes en train de créer "une révolution pour la paix". Nous prononçons peu son nom, en général, mais nous la défendons par nos actes, chacun sur le lieu de son travail et de ses responsabilités. Et nous le ferons encore, en criant mille et une fois, s'il le faut.

Sachez, M. Aznar, que le 15 février 2003, j'ai éprouvé une fierté qu'il vous sera difficile de comprendre. Mes enfants et mon épouse ont défilé à mes côtés, au coude à coude, et nous avons crié ensemble pour la paix. Voir leur visage et leur détermination, semblable à celle de tant de milliers et de millions de personnes, a réconforté le père et le citoyen que je suis, et ils m'ont insufflé la force qui m'était nécessaire pour continuer.

Cela dit, j'ai voulu faire un effort pour comprendre ce qui a poussé notre gouvernement - ou, plus précisément, son président - à s'enfermer dans une spirale qui peut le conduire à une sorte de suicide politique. J'ai pris quarante-huit heures pour méditer sur ce point : j'ai passé en revue les explications d'Ana Palacio, la ministre des affaires étrangères, tous les points de vue, entretiens ou conférences de presse où vous vous êtes exprimé, toutes les déclarations du porte-parole du gouvernement, les débats parlementaires, les interventions devant le Conseil de sécurité, les conférences de presse extravagantes du secrétaire nord-américain à la défense, celles de la conseillère pour la sécurité, Condoleezza Rice, celles de George W. Bush et, bien entendu, celles de M. Blair. Eh bien, je comprends la position des Etats-Unis, et aussi, un peu moins bien, celle de la Grande-Bretagne. Mais je ne comprends pas la vôtre, qui me paraît la plus dure et la plus extrême, malgré l'apparente modération dont vous faites montre lors de vos explications publiques sur le sujet.

Premier point : le terrorisme. Je ne crois rompre aucun secret professionnel en disant qu'à ma connaissance il n'existe aujourd'hui aucun indice de l'implication de Saddam Hussein dans le réseau Al-Qaida. La charge de la preuve revient à l'accusateur, vous ne pouvez l'éluder, or cette preuve n'a pas été fournie.

Deuxième point : la violation des droits de l'homme. Jusqu'à présent, on a seulement parlé, et à juste titre, des violations massives des droits fondamentaux de la part de Saddam Hussein, mais rien n'est dit des violations flagrantes et réitérées commises actuellement par les Etats-Unis à l'égard du millier de talibans détenus sur la base de Guantanamo (Cuba) et de ceux qui sont dans une situation identique sous contrôle nord-américain en Afghanistan et au Pakistan, ou encore des plus de 100 prisonniers retenus aux Etats-Unis en des lieux maintenus secrets pour des questions de "sécurité nationale" simplement parce qu'ils sont d'origine arabe et en situation irrégulière. Depuis plus d'un an, leurs conditions de vie sont infrahumaines et aucun d'eux n'a pu entrer en contact avec sa famille ni avec un avocat. Face à cela, que dites-vous, monsieur Aznar, monsieur Blair ? Pourquoi ne pas avoir abordé la question, lors de la rencontre, dans son ranch du Texas, avec M. Bush ? Pourquoi n'exigez- vous pas de lui qu'il prenne clairement et définitivement position pour faire cesser cette situation illégale ? Comment peut-on appuyer un gouvernant ou un pays qui viole grossièrement les droits mêmes qu'il prétend défendre ?

Troisième point : on en finirait avec les armes de destruction massive, les armes chimiques et la menace terroriste que représente Saddam si ce dernier était éliminé ou exilé. L'argument est puéril. La seule chose que cette guerre injuste va engendrer, c'est, d'une part, la rupture d'ores et déjà inévitable de la légalité internationale, et, d'autre part, l'augmentation à moyen et long terme du terrorisme intégriste, qui se verra ainsi offrir la justification objective qui lui manque pour l'instant. Ce développement du terrorisme en d'autres points du globe, dont l'Espagne, comme l'a dit Tarek Aziz - sur le ton non de la menace mais du constat logique -, est une réalité évidente et terrible, que vous ne savez ni ne voulez voir.

Eviter la guerre en gestation est la mission de chacun de nous et vous devez vous rendre compte que nous sommes des millions de citoyens à avoir donné naissance à la "révolution pour la paix" : face à vous et à vos compagnons d'aventure, nous avons voté en masse la "motion de censure" qui vous oblige à changer d'avis, à accorder plus de temps aux inspecteurs et à respecter la légalité internationale, et nous vous avons dénié le droit de présenter une nouvelle résolution qui donnerait le feu vert à la guerre.

José Maria Aznar, c'est avec respect mais avec une immense détermination que je vous dis que vous ne pouvez ni ne devez emboîter le pas de qui affiche, par sa politique, la consécration de la doctrine des "espaces de non-droit", de qui n'a pas reconnu la Cour pénale internationale, et de qui est en train de construire, de fait, des espaces d'impunité portant préjudice à la communauté internationale. Ne croiriez-vous pas plus que lui à la justice internationale ?

Baltasar Garzon est juge de l'Audience nationale, principale instance pénale d'Espagne.