Journal du Pays Basque, 28/10/2008: 

A l'usine Fertiladour du Boucau, l'activité cesse... pas la radioactivité

L'usine Fertiladour à Boucau cessera début 2009 son activité, après l'officialisation en 1997 d'une pollution radioactive, et procédera à la vente de ses terrains

A l'entrée de la zone portuaire, l'usine d'engrais Fertiladour du Boucau s'apprête à tourner la page d'une activité de fabrication d'engrais. Pour son directeur, M. Capdepuy, l'avenir passe par le renforcement du deuxième site de l'entreprise, situé plus en aval de l'Adour, toujours sur le port, au nom de la société AGRIVA. "On va cesser notre activité d'appoint sur ce site entre la fin 2008 et le début de 2009. On va raser le terrain qui sera mis en vente, la Mairie du Boucau devrait exercer son droit de préemption, mais nous, de toute façon, on va abandonner le site".

Cette cessation d'une activité industrielle est un dossier sensible, déclare le directeur, surtout depuis l'arrêté préfectoral qui, le 20 avril 2000, reconnaît une contamination dangereuse de la monazite broyée dans les ateliers [voir: l'exploitation de sables sur la côte de l'Etat du Kerala]. "On avait travaillé à l'époque (de 1973 à 1992) des terres rares qui amenaient de la radioactivité, naturelle. Alors, le mot radioactivité, bien sûr, ça percute, mais moi je dis aux gens : 'Venez, on va en parler, regardez ce qui est fait et regardez les dossiers  : nous, industriels, nous nous devons de ne pas cacher la vérité".
Sans doute les efforts du CADE (Collectif de défense de l'environnement) y sont pour beaucoup puisque, dès 1997, ils dénoncent son impact sur l'environnement : sur le terrain jouxtant les bâtiments, ils mesurent une radioactivité 100 fois supérieure à la radioactivité naturelle. Des études complémentaires confiées à la société ANTEA détermineront au bout du compte des terres 300 fois plus radioactives que le sol local.

Un arrêté préfectoral validera cette dangerosité, trois ans après, préconisant le décaissage de 25 m3 des terres les plus contaminées, le démantèlement de la structure de broyage, et la gestion de 11 000 m3 de terres moins contaminées. Huit ans après cet arrêté préfectoral, où en sommes-nous ? Administrativement, le site est toujours considéré comme sensible pour l'ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) qui, depuis février 2005, y notifie sur son site Internet 300 m3 de "déchets de Très Faible Activité (TFA), dans 373 big-bags", ainsi que 14 m3 de "déchets de Faible et Moyenne Activité à Vie Longue (FMA VL), dans 17 big-bags".

L'ANDRA
Depuis 1991, la gestion des déchets nucléaires est placée sous la gestion de cet organisme : depuis 2003, l'ANDRA a augmenté son périmètre d'action en éloignant des populations ces déchets industriels bien moins radioactifs, mais qui, comme ici au Boucau, contiennent du thorium et de l'uranium. Si l'ANDRA ne peut pas pour l'instant accueillir tous les TFA du territoire français, leurs préconisations de confinement sont claires : protéger l'homme et son environnement contre toute émission ou dissémination de matières contaminées.

Dans un air chargé de poussière, ces consignes ne sont pas forcément bien visibles à l'intérieur de l'usine, ouverte aux vents, aux oiseaux et à des "promeneurs" du dimanche, dans cet espace cerclé de plaques de béton (et "sécurisé" par une vague affichette) où une bâche recouvre des sacs (big-bag) saturant en ce mois de juin 2008 un compteur Geiger au-delà de 100 fois la radioactivité naturelle. Résultat du grattage des terres les plus contaminées demandées en 2000, ces big-bags seraient en cours d'évacuation ces jours-ci, "une partie vers l'ANDRA et une autre vers un site approprié", précise M. Capdepuy.

Opération "transparente"
Pour lui, cette opération est donc parfaitement "transparente", puisqu'effectuée sous le contrôle du responsable local de la DRIRE (Direction Régionale de l'Industrie de la Recherche et de l'Environnement), qui, jusqu'en juin 2008, y a effectué des tests d'eaux souterraines n'indiquant pas de problèmes. Placé devant l'obligation de présenter à la vente un certificat de non-impact environnemental, la "gestion" des 11 000 m3 de terres moins contaminées désignés par l'arrêté préfectoral de 2000 fera l'objet d'un "revêtement de graviers classés argile zéro et notifiées dans le rapport final", conclut le directeur de Fertiladour.

A des valeurs 35 fois supérieures à la radioactivité naturelle, M. Capdepuy indiquait en conférence de presse de l'association Port Bayonne Avenir que, sur ce terrain, "on ne pourra pas y faire un potager". Sur ce point-là au moins, on lui fera crédit d'avoir fait preuve d'exactitude.

 

Exemples de sites pollués suite à une activité industrielle (voir la carte des poubelles nucléaires):
- Gif-sur-Yvette (Essonne).
- Lotissement contaminé à Gif-sur-Yvette
- La halte-garderie du 12 rue Chomel à Paris
- Un ancien laboratoire Curie au centre ville d'Arcueil
- Les peintures luminescentes au radium: L'affaire Bayard

Le Bouchet:
- L'histoire du Bouchet
- 20 000 tonnes de déchets nucléaires dorment près de Paris
(une "poubelle" radioactive voisine avec les onze mille habitants de trois communes de l'Essonne, Ballancourt, Itteville, Vert-le-Petit)

Gueugnon:
- Le nouvel arrêté régissant la décharge radifère
- Près de 30 000 tonnes de déchets radioactifs sous le parking du stade de foot !
Criirad, Trait d'Union n°40, avril 2008 (en PDF)