La Voix du Nord, 01/02/2006 :
Si la construction du réacteur dans la Manche est acquise, le débat de lundi soir a permis de se pencher sur Gravelines
Le débat s'était, jusqu'alors,
passé sans problème. Puis, après deux heures
et demi de discussions, dans la salle du conseil de la CUD, Jean-Luc Mathieu, le président
de la Commission particulière du débat public sur
le réacteur EPR,
est sorti de sa réserve. «On n'a pas laissé
au débat le temps de se développer dans des conditions
optimales.» Façon polie mais suffisamment explicite
de dire que le gouvernement s'est mollement assis sur le débat
et la confrontation des avis sur l'extension de la centrale nucléaire
de Flamanville, en Basse-Normandie.
«Tout est joué?», a-t-il demandé, rappelant
qu'en juillet, l'Assemblée nationale a décidé
d'implanter ce réacteur de troisième génération
dans la Manche, alors que le débat public était
prévu pour alimenter, dans les mois suivants, la réflexion.
Mais après avoir «interpellé,
sans avoir de réponse, le premier ministre, nous avons
décidé de continuer», et c'est ainsi que lundi
soir, le débat s'est engagé à Dunkerque,
comme il l'a été ailleurs en France.
Dans le public, une grosse centaine de personnes: militants écologistes,
associations diverses, personnel d'EDF venu en force, élus
de la région de Flamanville Tous ont débattu de
l'intérêt technique de construire ce réacteur
dit «tête de série», c'est-à-dire
préfigurant l'installation d'autres centrales de ce type,
d'un prototype de réacteur de génération
suivante.
À Gravelines ensuite?
Pour les représentants dunkerquois,
l'intérêt des discussions était grand, car
Gravelines est toujours candidate pour accueillir un réacteur
EPR, en complément des six tranches actuelles de la centrale,
qui en font actuellement la plus puissante d'Europe. Le collectif
régional, regroupant diverses associations et partis politiques
et disant «non merci» à l'EPR a considéré
qu'«ajouter un réacteur, ce serait faire de la région
littorale de Gravelines le site le plus nucléarisé
du monde», accroissant le risque auquel est soumise la population.
Dans la salle, on s'est demandé si les sites de bord de
mer étaient ceux qui avaient pour vocation d'accueillir
ces nouvelles centrales. EDF n'a pas démenti, assurant
que ces emplacements étaient, comme tous les autres, analysés
tous les dix ans pour déterminer leur vulnérabilité
aux accidents industriels ou aux agressions climatiques.
Agressions, vulnérabilité, la transition était
toute trouvée pour embrayer sur la deuxième partie
du débat: le secret qui entoure le nucléaire. La
question est venue du débat autour de l'EPR et de la polémique
née du réseau Sortir du nucléaire, citant
des documents classés «secret défense»
ayant trait à la capacité d'un réacteur à
résister à la chute d'un avion de ligne. Sujet à
discussions, ce thème s'est élargi à la transparence
dans le secteur du nucléaire. Un champ que les acteurs
dunkerquois de la concertation aimeraient continuer à défricher.
Lire: Après une suite de "non-accidents", Gravelines centrale à haut risque ?
La Voix du Nord, 01/02/2006 :
À la centrale nucléaire de Gravelines,
«il y a une caméra de surveillance à l'entrée.
Tout le monde le sait. Mais nous ne dirons jamais où les
autres sont installées, quel est le plan de ronde des gendarmes
du site, de quelles armes ils disposent» Cet «équilibre
entre la sécurité et l'information», expliqué
par EDF, était au coeur des discussions qui se sont tenues
lundi soir à Dunkerque.
La ville accueillait une des dernières étapes de
la commission particulière du débat public, chargée
de recueillir les avis sur le futur réacteur EPR (alors que sa construction est déjà
entérinée, à Flamanville; Gravelines est
toujours candidate pour accueillir un tel équipement).
Transparence
La question du secret défense avait été
soulevée par le réseau Sortir du nucléaire
à propos de
la résistance du réacteur EPR à la chute d'un avion. L'association
s'était justement procuré un document secret défense.
Sur le dossier de l'EPR, «nous ne pouvions pas ne pas informer
la population, mais nous devons être transparents de façon responsable».
Car le secret défense inclut ce qui concerne «les
intérêts fondamentaux de la Nation», militaires
ou non.
Quand EDF affirme que le réacteur «résiste
à la chute d'un avion commercial, tout ce qui est plus
précis (l'épaisseur de la coque en béton)
est classifié». Point à la ligne?
«Je veux savoir si la sûreté est assurée»,
a lancé Monique Sené, experte indépendante,
louant l'action des Commissions locales d'information (CLI) implantées
autour des sites nucléaires et qui concourent à
la concertation entre les exploitants (EDF, Areva) et la population.
Expertise indépendante
Objet d'une loi, la transparence dans le nucléaire devait
être au programme du Sénat début février,
«mais son examen est reporté sine die, ou peut-être
d'un mois, en attendant la fin du débat public»,
a noté Jean-Luc Mathieu, président de la commission
du débat public. Ce qui, a déploré Jean-Claude
Delalonde, conseiller général et président
de la CLI de Gravelines, hypothèque l'émergence
de l'expertise indépendante que l'ANCLI, association nationale
dotée d'un comité scientifique, pourrait apporter.