Le Pr. Youri Bandajevsky (le prisonnier politique de Tchernobyl) emprisonné à Minsk, est en train de mourir

J'ai parlé hier soir avec Galina Bandajevskaya.
Le 4 novembre dernier il y a eu la visite longue de 3 jours en prison. Cette fois une chambre plus grande a été mise à disposition, pour accueillir toute la famille, sur trois couchettes. La mère de Youri est restée 3 jours, les deux fille, Olga et Natalia, sont restées 2 jours, Galina a parlé intensément avec Youri pendant 2 heures et a laissé la place aux autres (le règlement prescrit 3 visiteurs au maximum : le directeur de la prison a concédé exceptionnellement 2 heures à Galina).

Malgré la joie initiale qu'elle a éprouvée, en voyant le bonheur de Youri, quand il les a vues toutes les trois arriver vers lui, Galina ne s'est pas encore remise du sentiment opprimant que cette rencontre lui a laissé. Elle voit que cet homme jeune et dynamique est en train de s'éteindre. "Il est difficile de transmettre avec des mots, me dit-elle, comment il est changé en si peu de temps. C'est un homme malade. Il est très faible, il n'a plus aucune énergie. A la fin de la conversation de 2 heures il était tout en sueur et avait besoin de se coucher, car les forces lui manquaient. Le mal de tête est constant; la douleur au coeur est une habitude; l'appétit l'a complètement abandonné, il se force de manger et en réalité ne mange presque pas. La dépression ne le quitte pas. Il a tout le temps peur de l'assassin qui dort dans sa cellule et le surveille."

La pression qu'on exerce sur Bandajevsky est toujours très forte. Il a dit à sa femme que ses geoliers ont obtenu qu'il signe "un mauvais papier" : une déclaration comme quoi il ne veut plus rencontrer personne en dehors de la famille, pas de défenseurs des Droits de l'Homme, pas de représentants d'ONG, pas d'hommes politiques. Par contre, le fameux Konopliov continue à le visiter fréquemment, sans s'annoncer, et réussit à lui faire croire qu'il est sincèrement désireux de l'aider, mais que "son pouvoir n'est pas illimité".

L'élément positif de la rencontre de lundi dernier est qu'au bout de longs mois de silence et d'incompréhension, le père et les deux filles se sont pleinement et profondément retrouvés (voir les précédentes "Nouvelles de prison"). Les filles sont rentrées rassurées de ne pas avoir perdu l'affection de leur père. Mais ils se sont retrouvés dans la crainte, la douleur et la tristesse. Car c'est un père méconnaissable, mourant, qu'elles ont retrouvé. Galina continue à ne pas comprendre ce qui le mine à ce point. Elle lui a demandé : "que veux-tu transmettre à tes amis étrangers?" - "Qu'ils obtiennent une expertise médicale indépendante de mon état de santé. Je suis médecin, je connais notre monde, les notres ne diront que ce qu'on leur dira de dire." - "Mais les laissera-t-on venir t'examiner?" - "Je ne sais pas...".

Galina ne sait plus quoi faire. Sentiment d'impuissance et quasi-dépression. Pression artérielle à 180. Je lui ai rappelé la situation dans laquelle elle s'était trouvée quand, après les premiers 22 jours d'enfermement total de Youri , elle l'a apercu un bref instant à travers les grilles dans la cour de la prison, avant qu'on ne l'emmène, amaigri de 20 kg., chancelant, vers une destination inconnue. Interrogée, la prison de Gomel vers laquelle il était transféré ne l'avait pas vu arriver. Tout le monde les avait abandonnés et elle avait craint pour sa vie. Conseillée par le professeur Nesterenko, elle avait envoyé un télégramme au Président Loukachenko pour lui dire sa crainte et lui demander de retrouver son mari. On le retrouva dans un cachot de Moguilev (à 300 km de Minsk et de Gomel), presque mourant, et il fut transféré dans l'hopital du Ministère de l'Intérieur de Minsk. Hier, j'ai dit à Galina que le tableau qu'elle trace de l'état de santé du professeur Bandajevsky est aussi grave qu'alors, sinon pire à cause de ce progressif et constant dépérissement "dans la normalité de la prison", et qu'il faut mettre un terme à cette situation en placant les autorités, formellement et par écrit, devant leurs responsabilités. Je lui ai dit d'écrire au "gentil" Konopliov pour une rencontre urgente, comme femme du prisonnier et comme médecin, car la situation demande une intervention immédiate pour ne pas devenir irréversible. Ils sont en train de détruire un scientifique de grande valeur pour leur pays. Je lui ai dit d'écrire la même chose au Président Loukachenko. Ces lettres doivent etre transmises à Sergei Kovalev, qui présidera le 24 novembre prochain la réunion de la sous-commission du Conseil de l'Europe sur les disparus au Bélarus. L'adjoint de Kovalev, Valentin Mikhailovitch GEFTOR a rencontré Galina. Il est directeur du "Comité de défense des droits des scientifiques" de Moscou et veillera, a-t-il dit, à ce que la cause de Bandajevsky soit discutée. Il propose que son Comité et le Comité des Droits de l'Homme de l'APCE s'adressent par écrit au Président Loukachenko en lui demandant de modifier les conditions de détention du scientifique, pour lui permettre de travailler vraiment et en bonne santé dans son domaine.

J'ai interrogé également l'avocat Garri Pogoniailo, vice-président du Groupe Helsinki de Minsk, au sujet de la controverse, s'il est correct ou pas de demander à Loukachenko une "amnistie individuelle" pour Bandajevsky, vu que l'amnistie est un acte du pouvoir législatif. Il m'a répnodu qu'il faut connaitre leur pays et leur Président pour savoir que Loukachenko, qui a créé un Parlement à sa botte, exerce également le pouvoir législatif et ne s'en cache pas. Il agit par décrets et c'est lui qui décide en dernière instance des amnisties. Il convoque le Président de la Cour Suprème du Belarus, Soukalo, et lui dit ce qu'il doit faire... et ne s'en cache pas, s'en vante en télévision. Il a libéré un espion italien condamné par un tribunal à 4 ans de prison (il ne s'agissait pas de "grâce", mais d'amnistie individuelle), ce qui fut considéré comme un geste humanitaire. M. Chirac devrait demander au collègue Loukachenko de faire ce geste humanitaire envers le professeur Bandajevsky, geste qui serait apprécié.

Je transmets ces informations pour que ceux qui peuvent agir, agissent.

Bien amicalement
Wladimir Tchertkoff
Rome, le 7 novembre 2002

P.S. Galina était passée dans les douches proches du lieu de la rencontre. Il y avait là un rat de 1 kg, tranquillement assis. Il y a des détenus malades de tuberculose dans cette prison. Elle a demandé à son mari s'il toussait. Non, il ne tousse pas. Pour le moment...

- Modèle de lettre pour écrire (à plusieurs citoyens avec adresses et signatures)
au Président de la République française, Monsieur Jacques Chirac -

- Nouvelles de prison

- Une lettre de l'épouse de Youri Bandazhevsky

- Liste Bélarus (Criirad) sur Tchernobyl, Bandajevsky et l'institut Belrad, envoyer un mail vide à: belarus-request@ml.free.fr objet = subscribe

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Critique de la Mission sur Tchernobyl

- Modèle de lettre pour demander l'amnistie au Président Loukachenko