Le Monde, 27/11/2008: 

La fin ["]contestée["] des centrales nucléaires espagnoles

Puisqu'on ne construit plus de logements ni de bureaux en Espagne, bâtissons des centrales nucléaires. "La réalisation de dix nouvelles implantations d'ici à 2030 injecterait 19,7 milliards d'euros dans le secteur du BTP", a suggéré Maria Teresa Dominguez, la présidente du Forum de l'industrie nucléaire dans un entretien à l'agence Bloomberg.

Une telle proposition aurait dû provoquer des réactions indignées dans un pays qui a décidé sa sortie du nucléaire au fur et à mesure que les huit réacteurs en fonction arriveront au terme de leur "durée de leur vie utile", à savoir 2028 au plus tard. Cet engagement a été rappelé par le chef du gouvernement socialiste, José Luis Rodriguez Zapatero, au début de l'année.

La suggestion provocatrice du lobby nucléaire a pourtant trouvé un écho immédiat auprès du patronat et des principaux syndicats espagnols qui ont réclamé un débat national "rigoureux et transparent". Pour Gerardo Diaz Ferran, président de la CEOE, le Medef espagnol, il faut, qu'en 2030, l'énergie d'origine nucléaire représente le tiers de la production globale d'électricité, contre moins de 20 % actuellement.

En 2007, la production d'énergies renouvelables a dépassé pour la première fois celle du nucléaire. La part de ce dernier devrait encore baisser avec la fermeture programmée, en 2011, de la vieille centrale (1971) de Garona, près de Burgos (Castille-Leon).

Officiellement, la fin du nucléaire est "un thème qui ne fait pas débat". Cette affirmation de la ministre de l'environnement, Elena Espinosa, a été contredite, début octobre, par l'ancien chef du gouvernement, Felipe Gonzalez.

Fervent partisan du moratoire sur la construction de nouvelles centrales lorsqu'il était au pouvoir (1982-1996), l'ex-leader socialiste s'est prononcé pour son réexamen : "Certains membres du gouvernement sont d'accord avec moi et, puisqu'il faut que quelqu'un fasse le premier pas, je me dévoue. On doit se pencher à nouveau sur ce sujet."

ACCROÎTRE LA PUISSANCE DES SITES

L'opposition au nucléaire du Parti socialiste (PSOE) est avant tout idéologique, mais l'argument de la dépendance du pays vis-à-vis de l'étranger pour 85 % de son énergie commence à peser. M. Zapatero fera-t-il machine arrière après avoir évoqué "la disparition nécessaire" du nucléaire ? Son ministre de l'industrie, Miguel Sebastian, serait en train de plancher sur un "rapport de prospective énergétique" à l'horizon 2030.

Selon le quotidien économique Expansion, l'augmentation de la production d'énergie nucléaire ferait partie des scénarios étudiés par les experts. Il ne s'agirait pas de faire sortir de terre de nouvelles centrales, mais d'accroître la puissance des sites existants en les convertissant aux technologies de nouvelle génération.

Le patron des patrons a-t-il connaissance de ces projets quand il propose d'ajouter 11 000 mégawatts à la capacité de production actuelle (7 000 MW) ? L'investissement nécessaire serait de 3,3 milliards d'euros. "Non seulement cela créerait des milliers d'emplois, a-t-il ajouté, mais cela représenterait une augmentation de 3 % du produit intérieur brut." Le secrétaire général du syndicat UGT, Candido Mendez, reconnaît cependant que la série d'incidents techniques de ces derniers mois dans les centrales "ne facilite pas les choses pour débattre de ce thème".

Le 21 novembre, des militants de Greenpeace ont manifesté devant la centrale de Garona, réclamant sa "fermeture immédiate". Mais les réacteurs plus récents installés en Catalogne et dans la région de Valence accumulent aussi les déboires. Un incendie s'est déclaré fin août dans la salle des générateurs de Vandellos II. Au printemps, le Conseil de sûreté nucléaire (CSN) n'avait pas apprécié qu'une fuite radioactive dans le réacteur d'Asco I lui ait été signalée avec six mois de retard. Le CSN a enjoint les propriétaires des centrales (Endesa, Iberdrola, Union Fenosa et HC Energia) d'investir dans la prévention. Trois Espagnols sur quatre, selon les sondages, seraient favorables à la diminution du nucléaire.


Zapatero: pas de nouvelles centrales nucléaires

28/6/2008 - Le gouvernement espagnol ne construira pas de nouvelles centrales nucléaires et ne compte pas prolonger la durée de vie des huit centrales dont dispose l'Espagne, a déclaré aujourd'hui le président du gouvernement, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero. "Nous avons un engagement, qui est de respecter la durée de vie normale des centrales, sauf nécessités énergétiques impérieuses, et de ne pas construire de nouvelles centrales nucléaires", a déclaré M. Zapatero dans une interview au quotidien espagnol El Pais. Le journal a publié des extraits de l'entretien ce soir sur son site web, et doit publier l'interview intégrale dans son édition de demain. Les socialistes, réélus aux élections législatives de mars dernier, se sont engagés à éliminer progressivement l'énergie nucléaire. Mais ils n'ont pas encore décidé s'ils prolongeraient la durée de vie des centrales existantes. Les licences de ces centrales doivent expirer entre 2009 et 2011, avant la fin du mandat des socialistes qui interviendra en 2012.

 


Libération, mercredi 5 mars 2008:

Rebonds
Renoncer au nucléaire ?

Nous voilà arrivés à un carrefour dans le domaine de l'énergie (lire «L'Espagne enfouit l'avenir du nucléaire», Libération, 25 janvier) : les menaces sur le ravitaillement en pétrole et en gaz, la forte croissance de la demande. À quoi bon prendre des positions fondamentalistes - qu'il s'agisse de l'opposition radicale à l'énergie nucléaire ou d'un appui inconditionnel - si on n'offre pas de solution de rechange et si on n'analyse pas les implications de l'une ou l'autre position ? Comment couvrir la demande énergétique en se passant de l'énergie nucléaire ? De quel volume d'investissement et de quels risques parlons-nous, quand on choisit le nucléaire, et en échange de quels avantages ? Il faut peser le pour et le contre à l'heure du choix, évaluer les alternatives et les variantes.

Comme nous le verrons, et c'est le message essentiel de ces lignes, la réponse est essentiellement politique et elle doit s'appuyer sur un civisme bien informé, qui puisse déterminer les risques et les efforts qu'elle veut assumer pour disposer de ses propres ressources énergétiques.

En réalité, il y a plusieurs directions : comment allons-nous couvrir la demande d'énergie en Espagne et dans le monde dans dix, vingt-cinq ou cinquante ans ? Comment allons-nous, en Espagne, couvrir la nôtre tout en tenant nos engagements internationaux de réduction des émissions de CO2 ? Jusqu'où sommes-nous disposés à accroître - ou à réduire - notre demande d'énergie au vu des risques et des efforts que cela entraîne ?

En Espagne, ces dix dernières années, la demande d'énergie globale a augmenté de 48 % et celle d'électricité de 67 %, la dépendance énergétique dépassant même les 80 %. Actuellement, 85 % de la demande énergétique mondiale vient des combustibles fossiles, la part du pétrole étant de 40 %. La plupart des experts reconnaissent que la production de pétrole - et celle de gaz par la suite - ne pourra se maintenir à ce rythme ;
par ailleurs, même en couvrant dès maintenant toute la croissance de la demande en recourant aux technologies qui n'émettent pas de CO2, on ne pourra pas empêcher la température moyenne globale terrestre de dépasser de 2 degrés Celsius celle de l'époque préindustrielle, objectif pourtant fixé par l'Union européenne comme un principe élémentaire de précaution face à la menace de changement climatique.

[A propos de "réchauffement climatique", lire:

- Pas de certitude scientifique sur le climat
Il faut rappeler que la preuve scientifique n'a pas besoin de l'unanimité pour exister... La difficulté avec la question du réchauffement est que s'opposer à sa cause plébiscitée peut être perçu comme un soutien à la pollution, ce qui est évidemment faux.

- Nucléaire: L'escroquerie du discours sur l'effet de serre

L'année la plus chaude du XXe siècle ? Réponse 1934

- Des fraises à Noël à Liège en 1116 et des figuiers à Cologne vers 1200... (en PDF), La Recherche n°321, juin 1999

- Ce que nous apprennent les thermomètres (en PDF), La Recherche n°321, juin 1999
De 1700 à 1730, "la température s'est élevée de 1,79 °C en à peine trente ans, ce qui correspond à un réchauffement beaucoup plus important et plus rapide que les 0,6 °C observés au cours du XXe siècle"

- L'élevage contribue beaucoup au réchauffement climatique...

On ne sortira pas du nucléaire sans les centrales à charbon, fioul, gaz

- Yves Lenoir dénonce
le discours catastrophiste sur l'évolution du climat (Note de lecture, voir la préface de son livre)

- Les prophètes
de l'été carbonique, (dossier en PDF 2,3 Mo, Science et Vie n°827, août 1986), il faut se rappeler que 10 ans avant certains climatologues prédisaient une nouvelle aire glaciaire à cause des activité polluante de l'homme, lire: Le temps change, cycle ou accident ? (Science & Vie n°708, septembre 1976), Vers une nouvelle ère glaciaire ? (Sciences & Avenir n°337, mars 1975)

- Vers un
refroidissement de l'Europe ? (en PDF), La Recherche n°295 février 1997

- Les pôles
fondent-ils ? (en PDF, 1,5 Mo), La Recherche n°358, novembre 2002]

Le modèle énergétique des pays développés, que les autres pays essaient de suivre, n'est tout simplement pas soutenable. Et les choix pour le remettre sur une voie tolérable, avec les technologies disponibles actuellement ou à moyen terme, sont très peu nombreux : améliorer radicalement l'efficacité et les économies de la production, de la distribution et - surtout - de la consommation d'énergie ; accroître de façon drastique la part des énergies renouvelables ; capturer les émissions des grosses installations de combustion de ressources fossiles ; utiliser résolument la technologie nucléaire.

Il est évident qu'on ne peut être contre tout et ne rien proposer. Et que pencher pour la première des différentes alternatives ci-dessus exposées implique d'importantes économies énergétiques et sans doute aussi financières. Mais pour pouvoir mesurer les conséquences de chacune de ces voies, les Espagnols devraient connaître, par exemple, le nombre de nouvelles centrales nucléaires qui seraient nécessaires pour, au moins, tenir les engagements prévisibles de réduction des émissions de CO2 pour notre pays et ramener la dépendance énergétique de combustibles fossiles à un niveau plus raisonnable.

Nous avons déjà vu ce qu'une «option nucléaire radicale» supposerait à l'échelle mondiale. Quelques calculs très élémentaires - que les institutions adéquates devraient étudier et expliciter - montrent que pour couvrir avec des centrales nucléaires la moitié de la croissance prévue de la demande en électricité en Espagne jusqu'en 2030 (en se basant sur le taux de croissance le plus bas invoqué par le récent plan du secteur de l'électricité), on aurait besoin de 14 nouvelles centrales nucléaires de 1 GW (comme les grands sites actuels de Cofrentes, Trillo ou Almaraz). Pour se faire une idée de l'impact de ces nouvelles centrales nucléaires sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faut considérer que, actuellement, les émissions de CO2 du secteur électrique représentent 23 % du total en Espagne. Ces 14 centrales couvriraient la moitié de la croissance prévue d'un secteur qui représente 23 % des émissions du pays.

[Rappel: Calculs avec les chiffres donnés dans le mémento du CEA
- réserves d'uranium dans le monde fin 1996 (ressources connues + ressources estimées: 4.299.000 t
- consommation mondiale actuelle annuelle: 56.250 t,
- durée de la vie de la production d'énergie nucléaire: 76 ans.
Si on triple la production mondiale de l'électricité nucléaire actuelle - pour lutter contre l'effet de serre - alors, la durée de la vie des réserves se réduit à 25 ans. C'est moins de temps que promit le soi-disant "sortir du nucléaire" allemand...
Sources: (L'énergie en France, édition 2000, ministre de l'économie des finances et de l'industrie) et dans "Mémento sur l'énergie", 1999]


La probabilité d'un accident nucléaire grave sur une seule centrale est très faible, mais elle existe - voyez Tchernobyl en 1986. Une étude de l'université de Princeton estime que l'installation de 700 à 1 400 centrales nucléaires nouvelles représente environ le septième de l'effort qu'il faudrait déployer pour envisager raisonnablement de ne pas dépasser les 2 °C d'augmentation de la température terrestre ; et qu'il faudrait des moyens impressionnants pour empêcher que cette énorme quantité d'installations nucléaires - nécessaires si on voulait vraiment freiner le changement climatique - ne soient victimes d'accidents graves, d'attentats terroristes, ou ne dissimulent des visées belliqueuses.

La gestion et le stockage ou la destruction des résidus nucléaires hautement radioactifs - qui doivent être isolés de la biosphère pendant des centaines de milliers d'années - est un des problèmes les plus insolubles auquel ait été confrontée l'industrie nucléaire. Près de cinquante ans après le premier réacteur commercial, aucun pays n'a encore réussi à implanter un système efficace pour gérer ses résidus. Il faut tenir compte du fait que l'opinion publique, au moins en Europe, est massivement opposée à la technologie nucléaire, en particulier en Espagne. Selon l'Eurobaromètre de la Commission européenne (2005) seule 4 % de la population espagnole (pour une moyenne de 12 % dans l'Union européenne) est favorable à l'emploi de l'énergie nucléaire actuellement. Enfin, le système international de contrôle actuellement en vigueur me semble inadapté, il ne peut répondre à une problématique de prolifération, et je ne vois pas de solution dans le contexte géopolitique actuel.

Serait-il possible d'assurer la croissance prévue de la demande avec les technologies renouvelables ? Quel serait le coût financier direct ? De quelle superficie de territoire aurait-on besoin pour les implantations ? On ne peut que s'étonner de l'absence presque totale d'études un peu sérieuses pour répondre à ces simples questions, sans lesquelles il n'est pas possible de prendre position. Quelqu'un pourrait-il décrire le niveau de pénurie énergétique - par exemple en termes d'utilisation du transport privé, du surcoût de l'«excès» dans la consommation d'électricité ou de gaz, des exigences dans la climatisation des habitations ou du prix de l'énergie - entraînée par l'éviction de l'énergie nucléaire ? Il faut absolument qu'on fasse les comptes et qu'on nous informe. Pour qu'on puisse donner notre opinion aux politiques.

JOSÉ IGNACIO PÉREZ ARRIAGA professeur de l'Institut d'investigations technologiques (IIT) de l'université Comillas de Madrid.

 


Libération, 25/1/2008: 

L'Espagne enfouit l'avenir du nucléaire

Le zéro nucléaire: c'est l'objectif affiché par les socialistes espagnols. Au moment même où Londres veut construire davantage de centrales, où Paris vend sa technologie du Maghreb à la Chine et où Washington prévoit d'allonger la durée de vie de ses réacteurs, Madrid veut orchestrer la fin de ses installations nucléaires.

Mardi, José Luis Zapatero a donné son feu vert pour que cette «résolution ferme» soit mentionnée dans le programme électoral de son parti, le PSOE, dans la perspective des législatives du 9 mars, où la gauche est donnée légèrement favorite. Il ne s'agit pas, bien sûr, de décréter la fermeture immédiate des 8 centrales espagnoles, pour d'évidentes raisons logistiques et de sécurité. Mais, assure le chef du gouvernement, pas question de maintenir en vie les réacteurs «au-delà du nécessaire».

En 2006, les socialistes avaient fermé la centrale de Zorita, près de Madrid. L'an prochain, ce sera au tour de celle de Garoña, en Castille et Leon. Les sept autres, construites dans les années 80, devront connaître le même sort au terme de «leur durée de vie utile», entre 2021 et 2028. Le programme socialiste ne laisse aucune ambiguïté : «Nous mettrons en place le remplacement graduel du nucléaire par des énergies plus sûres, plus propres et moins onéreuses.»

Mauvais élève. Ces ambitions marquent un saut qualitatif. Au début de son mandat, José Luis Zapatero évoquait la «diminution» du nucléaire. Aujourd'hui, il insiste sur sa «disparition nécessaire». Comme une partie du PSOE, le chef du gouvernement y est opposé «idéologiquement» : trop cher, trop dangereux (longévité des déchets radioactifs, sécurité relative), arguë-t-on.

Et peu populaire. D'après un sondage du Centre d'investigations sociologiques (CIS), en juin, trois quarts des Espagnols sont pour la baisse du nucléaire. Ce qui explique que, sur ce point, la droite évite le débat, même si elle dit souhaiter que cette source d'énergie «demeure une alternative».

Le PSOE n'en est pas moins paradoxal. Car, outre la cherté croissante du pétrole, l'Espagne vit une situation précaire en important 85 % de son énergie, notamment du gaz algérien. Plus grave, alors que l'Espagne applaudit aux efforts onusiens face au changement climatique, elle est l'un des plus mauvais élèves d'Europe : les émissions de CO2 y sont 49 % supérieures à celles de 1990. [Lire: Nucléaire: L'escroquerie du discours sur l'effet de serre]

On est très loin des + 15 % fixés par le protocole de Kyoto. Comment, dans ces conditions, trouver la quadrature du cercle et se passer du nucléaire (19,6 % de la production électrique), sans augmenter la dépendance vis-à-vis des énergies fossiles ?

«Ingénue». Parmi les socialistes (dont la ministre de l'Environnement Cristina Narbona et l'ex-Premier ministre Felipe González), pas mal de voix s'élèvent pour voir là une «résolution ingénue» voire «suicidaire». Les ingrédients de la potion magique, Zapatero dit les avoir trouvés : importation électrique (de France surtout [donc à 80% nucléaire]), économies d'énergie (producteurs et usagers), taxe écologique (pour lutter contre les émissions) et, surtout, forte impulsion aux renouvelables. C'est sur ce dernier chapitre que les principaux espoirs se fondent.

L'énergie solaire, balbutiante, va gagner du terrain : «C'est un atout, une partie du territoire est aride ou semi-aride», assure-t-on. Quant à l'éolien (18 % de la production électrique), on espère voir sa part égaler celle du pétrole d'ici à 2016, soit un bon tiers. Cela sera-t-il suffisant ? Beaucoup en doutent. Fin novembre, El Pais titrait : «L'Espagne, ce Don Quichotte antinucléaire.»

 


Espagne: Zapatero écarte une reprise du nucléaire en cas de réélection

9/1/2008 - Le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a annoncé mercredi ne pas avoir l'intention de relancer la filière nucléaire en Espagne s'il était réélu le 9 mars. "Ma position est de ne pas augmenter l'énergie nucléaire dans notre pays mais plutôt de la réduire progressivement et de faire un effort collectif en faveur des énergies renouvelables", a déclaré M. Zapatero lors d'un forum économique à Madrid, qui a demandé à la droite espagnole de prendre position. Il a fait ces déclarations alors que l'envolée du prix du pétrole et les objectifs de réduction des gaz à effets de serre ont relancé l'engouement de plusieurs pays pour le nucléaire, comme les Etats-Unis ou la Chine. La Grande-Bretagne devrait autoriser jeudi la relance du nucléaire. "Cette position représente un défi supplémentaire pour le pays" qui dépend "à 80%" des énergies fossiles, a reconnu M. Zapatero. "Il est plus facile de dire que nous allons augmenter l'énergie nucléaire mais il est plus intéressant pour nous, en tant que pays, d'accepter le défi compliqué et ambitieux que notre énergie alternative soit renouvelable et non nucléaire", a-t-il insisté. L'abandon progressif du programme nucléaire figurait déjà au programme du parti socialiste pour les élections de mars 2004. L'Espagne comptait en 2007 huit centrales nucléaires en fonctionnement, générant 22,88% de la production espagnole d'électricité. Le pays, que M. Zapatero s'est engagé en novembre à placer "en première ligne" dans la lutte contre le changement climatique, fait toutefois figure de mauvais élève européen en matière de respect des objectifs de Kyoto. Sans mesures supplémentaires, l'Espagne afficherait en 2010 près de 30% d'émissions de CO2 en plus par rapport à 1990, au lieu des 15% autorisés dans le cadre du protocole de Kyoto, selon des projections de la Commission européenne. L'Espagne a fortement développé ces dernières années le secteur des énergies renouvelables, en particulier celui de l'éolien.

 

A propos du nucléaire en Espagne:


Carte de 1993 extraite de l'Atlas du nucléaire civil et militaire de Gérard Chaliand et Michel Jan.


2/8/2006:

Amende record de 1,6 million d'euros pour une centrale nucléaire espagnole

Le gouvernement espagnol a annoncé mercredi avoir infligé une amende record de 1,6 million d'euros à une centrale nucléaire qui avait connu en 2004 une avarie de son système de refroidissement.
Le ministère espagnol de l'Industrie a indiqué dans un communiqué avoir imposé trois amendes d'un montant total de 1,6 million d'euros à la centrale nucléaire Vandellos II, exploitée depuis 1987 par les compagnies d'électricité espagnoles Endesa (72%) et Iberdrola (28%).
Il souligne que cette sanction, prise sur recommandation du Conseil de la sécurité nucléaire (CSN), "est la plus importante jamais infligée en Espagne à une installation de ce type", et se justifie par le "caractère prioritaire de la sécurité des centrales nucléaires".
La centrale Vandellos II, située dans la région de Tarragone (nord-est), avait subi le 25 août 2004 un incident sérieux, avec la rupture d'un joint de tuberie de son système de refroidissement liée à un problème de corrosion, qui avait été "sans conséquences pour ses employés et l'environnement".
Ses responsables sont triplement sanctionnés pour leur mauvaise maintenance à l'origine de l'accident, pour ne pas avoir effectué les réparations exigées par le CSN et pour avoir omis de signaler à ce dernier les premiers problèmes de corrosion de l'installation, qui remontaient à 1993.

 

Première en Espagne: une centrale nucléaire a été fermée

MADRID - Pour la première fois en Espagne, une centrale nucléaire a définitivement arrêté sa production dimanche, après 38 ans de fonctionnement, sur décision politique. Il s'agit du plus ancien des sept réacteurs nucléaires du pays.

1 mai 2006 - Cet arrêt, salué comme une "victoire" par les écologistes, intervient alors que, facture pétrolière aidant, une nette inflexion en faveur de l'option nucléaire est récemment apparue dans le discours des socialistes espagnols au pouvoir.
L'arrêt définitif de la centrale José Cabrera, à Almocinad de Zorita, près de Guadalajara (centre), était prévu dimanche soir.
Il fait suite à une décision politique et aux critiques des écologistes qui la jugeaient peu sûre. Son propriétaire, le groupe Union Fenosa, assure qu'elle aurait pu boucler sans problème son cycle de 40 ans de production et fermer en 2008 comme initialement prévu.
Greenpeace a saisi l'occasion pour exiger du chef du gouvernement socialiste, José Luis Rodriguez Zapatero, qu'il tienne sa promesse électorale d'annoncer un calendrier de fermeture progressive de toute la filière nucléaire espagnole.


Extrait de l'Atlas du nucléaire civil et militaire de Gérard Chaliand et Michel Jan, 1993.

"Il existe actuellement beaucoup trop d'ambigüités sur ce thème au sein du gouvernement", a déclaré le directeur des campagnes de Greenpeace en Espagne, Mario Rodriguez à l'agence Europa Press.
La gauche espagnole, animée d'un fort courant antinucléaire et anti-Otan au début des année 1980, s'est ralliée au pragmatisme défendu par l'ancien gouvernement de Felipe Gonzalez.
L'avenir de l'énergie nucléaire fait l'objet d'un débat entre pouvoirs publics, écologistes et industriels, à l'initiative du ministère de l'Industrie qui organise des séances de travail mensuelles en vue de présenter des conclusions lors du prochain débat sur l'Etat de la nation.
Les centrales nucléaires espagnoles génèrent actuellement 22,88% de la production d'électricité. Union Fenosa prévoit de remplacer la centrale José Cabrera par une centrale électrique classique à cycle combiné, dotée de deux groupes de 400 mégawatts et cinq fois plus puissante que la précédente. (ATS)

 

Vandellos II : production ou sécurité ?

27/5/2005 - Les techniciens du Conseil de la sécurité nucléaire (CSN) en Espagne ont expliqué aux Cortès à Madrid leur version de l'incident survenu à Vandellos II, versant de nouvelles contradictions à la polémique qui ébranle l'organisme public.

Les huit experts responsables du rapport sur l'incident du mois d'août sur la centrale de Vandellos II, le plus grave depuis 1992, ont expliqué que le CSN avait depuis 1991 exempté l'installation catalane d'essais de contrôle de la canalisation dont la rupture en 2004 est à l'origine de l'incident. La présidente du CSN, María-Teresa Estevan Bolea avait affirmé, il y a un mois, devant les mêmes députés ne pas savoir pourquoi ces essais n'avait pas été effectuées dans la centrale et soutenu que ces vérifications auraient évité l'accident.

Mais la contradiction vient de l'intérieur, la directrice technique à la sécurité nucléaire du conseil, Isabel Medallo, considérant ledit examen «n'est pas le moyen le plus adéquate pour détecter ce genre de problème. Il aurait même pu ne pas servir à détecter la corrosion de la conduite», a-t-elle déclaré au sortir de sa comparution, lundi. I.Medallo estime également que les services de Vandellos II «ont préféré la production à la sécurité», le redémarrage du réacteur en août «s'est effectué dans des conditions de sécurité qui n'étaient pas les plus adéquates», a-t-elle insisté.

Un des experts a y compris déclaré aux groupes de l'Assemblé que l'incident du 25 août pourrait être reclassé de niveau 3, ce qui ne s'est plus vu depuis 1989, lors d'un incident sur Vandellos I. Les députés des Cortès sont sortis sceptiques de l'audience des experts qui contredisent leur présidente, le groupe socialiste réitérant son intention de réformer le CSN.

 

 

La production d'un tiers des centrales nucléaires en Espagne paralysée

18/3/2005 - La production d'un tiers des neuf centrales nucléaires en fonctionnement en Espagne se trouve paralysée à la suite de différentes pannes, a-t-on appris vendredi auprès du Conseil supérieur du Nucléaire (CSN). Deux des réacteurs de la centrale d'Asco I (Tarragone, nord-est) ont dûs être arrêtés à la suite d'une panne dans les transformateurs électriques de sortie qui ne devrait pas être réparée avant deux semaines. Une fuite d'huile s'est produite, sans provoquer de risques pour la population, selon le CSN. La centrale de Vandellos, située également dans la région de Catalogne, a suspendu ses activités pour recharger son combustible après la détection d'un problème dans le système d'eau de "services essentiels" de la centrale. Elle devrait reprendre ses activités dans un peu plus d'un mois. Enfin, la production de la centrale de Garona, près de Burgos (centre-nord de l'Espagne) a été arrêtée pour une recharge de combustible prévue depuis deux mois, mais au cours d'une inspection, une anomalie dans le système de ventilation a été repérée. Le responsable du nucléaire de l'organisation écologiste Greenpeace, Carlos Bravo, a dénoncé le "mauvais fonctionnement" des centrales nucléaires catalanes et "le manque de sécurité de la technologie nucléaire espagnole, intrinséquement dangereuse". Il existe neuf centrales nucléaires en fonctionnement en Espagne, peu en comparaison à d'autres pays européens comme la France, le Royaume-Uni ou même l'Allemagne.

 




Wise Amsterdam n°320, 3/11/89:
(Référence 320.2207, Wise Tarragone)

Le feu à Vandellos 1

Les maires de quatre municipalités proches de Vandellos (Mont Roig, Tivissa, Pradip et l'Ametlla) demandent l'arrêt des réacteurs 1 et 2 jusqu'à ce que les niveaux de sécurité soient conformes aux directives du Conseil de Sûreté nucléaire (en 1988 il y a eu trois incendies à Vandellos 2 en l'espace de cinq mois, voir WISE 305.3048).

D'après un article de "El Pais" du 25 octobre, l'AIEA a dit que l'accident de Vandellos 1 était l'incident le plus grave dans une installation nucléaire depuis Tchernobyl. Mais l'AIEA démentirait.

Les causes de l'accident du 19 octobre proviennent de l'arrêt de brusque (pour des raisons encore inconnues) d'une turbine. Le poids de la machine (cinq tonnes) a réchauffé l'huile de lubrification, qui s'est décomposée et a dégagé de l'hydrogène qui à son tour a explosé. La turbine a alors pris feu.

Comme la centrale n'a pas d'équipement contre l'incendie, elle a fait appel à des pompiers des environs (jusqu'à ceux de Bella Terra, située à 100 km). L'incendie a duré quatre heures et demi et sérieusement affecté deux des quatres liaisons entre la turbine et le système de réfroidissement de la centrale.

Le Conseil de Sûreté nationale et le gouvernement ont d'abord déclaré qu'il n'y avait pas eu de fuite radioactive, mais les autorités ont contredit par la suite cette affirmation en disant qu'il n'y avait pas de niveau de radiation significatif et que les populations des environs ne couraient aucun risque. WISE Tarragone a publiquement demandé aux autorités de Catalogne de rendre publiques les mesures qu'elles fait faire près de la centrale.

Les Commissions ouvrières, syndicat auquel sont rattachées des organisations de pompiers, dit que les pompiers ont risqué leur vie parce qu'ils ne disposaient pas des équipements prévus par le plan d'urgence nucléaire et qu'ils n'avaient été, prévenus des risques de radioactivité. Ils ont ainsi commis des erreurs : ils ont d'abord utilisé de l'eau parce qu'ils ne connaissaient pas la nature du sinistre (ce qui a provoqué des courts-circuits supplémentaires dans le système électrique). La fumée importante qui s'est dégagée au-dessus du site serait venue des isolateurs électriques (d'après Carlos Fernandes Palomero).

Les pompiers ont ensuite été emmenés à Vandellos 2, où on a vérifié leur niveau de contamination, les analyses se sont révélées négatives, mais Ils ont demandé, lors une conférence de presse, qu'il soit procédé à un nouvel examen par des médecins indépendants de l'industrie nucléaire.

Vandellos 1 est arrêtée, sans doute pour six mois au moins. L'Hifrensa, consortium franco-espagnol qui exploite la centrale, envisage de refaire démarrer ce réacteur avec une seule turbine, à 50% de ses capacités. Le réacteur de Chinon A 3, de même nature que Vandellos et qui connaît des problèmes de corrosion analogue, doit être démantelé. Une de ses turbines pourrait être transportée à Vandellos.

Le prototype de Vandellos 1, la centrale de St-Laurent-des-Eaux a également connu de nombreux incidents. Le 13 mars il a été le théâtre de l'accident connu le plus grave dans une installation française. L'unité 1 de St. Laurent doit être démantelée en avril 1990, et l'unité 2 en 1992.

Vandellos 1 a une longue histoire de surchauffe et de corrosions (de son système de refroidissement, justement). Le réacteur n'était qu'à 80-85 % de sa capacité quand l'accident s'est produit. Après l'accident de Tchernobyl, le Conseil de Sûreté national a ordonné cinq modifications, mais deux seulement avaient été menées à bien. L'une de celles qui n'ont pas été accomplies est directement liée à l'accident : le CSN avait demandé que les quatre alimentations du système de refroidissement soient rendues plus indépendantes les unes des autres. Une cinquième liaison aurait été rendue impossible par suite de son coût. Si le système de refroidissement avait cessé de fonctionner, les 3000 tonnes de graphite auraient pris feu.

Le CSN a admis que cet accident était le pire jamais survenu dans une centrale espagnole, mais le public n'a pas été depuis tenu au courant des investigations sur ses causes. D'après WISE Tarragone, l'incendie aurait pu être évité parce que le même type d'accident était déjà arrivé à l'un des deux réacteurs d'Asco (autre centrale nucléaire espagnole). Les opérateurs de Vandellos n'en avaient pas tiré d'enseignement. Toujours d'après WISE Tarragone, le système de défense incendie de Vandellos 1 ne répondrait pas aux normes de l 'AIEA.

Des organisations antinucléaires de la région ont appelé à une manifestation le vendredi 27 octobre devant le siège de l'Hifrensa à Barcelone. Une manifestation devant la centrale a été appelée par les municipalités voisines de Vandellos pour le 4 novembre.

(sources WISE-Tarragone, "El Pais" des 22, 24, 25, 27 et 28 octobre 1989 ;
Nuclear Power Reactors in the World, édition d'avril 1989).


Der Spiegel, 30/10/89:

"Panik im Kontrol Iraum"
Panique dans la salle de contrôle

Le jeudi 19 octobre, les habitants des environs de la centrale de Vandellos ont pu voir s'élever la fumée d'un incendie situé sur le site nucléaire. Ce n'est qu'au cours des jours suivants qu'ils ont pu apprendre ce qui s'était passé.

Une des deux turbines de la centrale a explosé et s'est enflammée. L'incendie, alimenté par huile lourde des compartiments de la turbine s'est étendu et a mis en danger le système de refroidissement du réacteur.

On n'a sans doute évité l'accident majeur que de justesse.
Les antinucléaires pensent qu'il s'agit là de l'accident de centrale le plus grave depuis Tchernobyl. Les autorités et les équipes de secours ont également sombré dans la confusion devant l'accident qui touchait ce vieux réacteur, "de l'époque de De Gaulle" (d'après le ministre de l'industrie espagnol).

Il est entré en service en 1972, utilise de l'uranium naturel et est refroidi par du dioxyde de carbone. L'eau de mer circule dans le secondaire pour évacuer la chaleur excédentaire, et 3000 tonnes de graphite servent de "modérateur". Quatre pompes fournissent le dioxyde de carbone nécessaire. L'arrêt de cette alimentation entraînerait l'incendie du graphite et produirait un accident comparable à celui de Tchernobyl. Or l'incendie de la turbine a endommagé deux des quatre pompes et menacé les deux autres. Le circuit secondaire a même connu des périodes de déséquilibre au cours de la nuit de l'accident : les deux pompes encore en état de marche ont connu des moments de dysfonctionnement.

L'accident a pris naissance "loin du réacteur" (d'après les paroles d'un représentant de la centrale) : une des turbines a dû être déconnectée par suite de problèmes techniques, ce qui a produit de violentes vibrations dans le circuit de refroidissement [...]. Une fissure est apparue, l'hydrogène est entré par là et au contact de l'air s'est enflammé. L'incendie s'est propagé jusqu'au système de cables électriques.

D'après le syndicaliste Ruiz (des Commissions Ouvrières), lorsque les pompiers sont arrivés, les techniciens étaient en pleine confusion, et prenaient la fuite. Les pompiers n'avaient pas été prévenus qu'il s'agissait d'un feu d'huile et de cables électriques, et leur premier véhicule ne contenait pas de la mousse, mais de l'eau (pour les feux de forêts). Même avec la mousse, l'incendie ne s'arrêtait pas parce qu'il était alimenté par des canalisations souterraines. Les pompiers ont finalement dû combattre directement le foyer sans vêtements de protection, et sans savoir s'ils subissaient des radiations.

L'action de sauvetage a presque causé la catastrophe : l'eau initialement déversée a envahi les sous-sols de la centrale et menacé de provoquer l'arrêt des systèmes de sécurité encore en état. Il a fallu la pomper, mais on a retiré beaucoup plus d'eau que ce qui avait été déversé. "Nous ne savions pas, à ce que dit un membre des équipes de secours, si le circuit secondaire n'avait pas explosé et libéré toute cette eau, ou si nous l'avions nous même transférée du bassin alimentation du système".

Ce n'est que le jour suivant que la température du réacteur est revenue à sa valeur normale.

Les négligences ne se sont pas arrêtées là : les pompiers n'ont n'ont été soumis à un contrôle de radioactivité que quatre jours plus tard (la poussière radioactive éventuelle ne pouvait plus être détectée).
Dans toute la Catalogne, les pompiers n'ont à leur disposition que trois combinaisons pour intervenir en milieu irradié. Ils menacent de ne pas se déplacer pour un incendie de centrale à l'avenir s'ils ne reçoivent pas d'appareil de mesure de radioactivité.

Le mardi 24 octobre, un transformateur auxiliaire de la centrale a subi un court-circuit, avec un fort relâché de fumée. L'affaire n'a pas eu de suite mais la population ne s'en est pas moins inquiétée.

Les autorités veulent remettre en marche Vandellos 1 dans quatre mois (elle est sensée fermer en 2003) en remplaçant la turbine par un appareillage venu de la centrale analogue de Saint Laurent



El Pais, 29/10/89:

Vandellos brûle

Ce sont des habitants proches de la centrale qui ont indiqué vers 21 H 40 à la police que de la fumée sortait par moments de la centrale. L'avarie s'est produite dans le turbogénérateur du groupe primaire. L'hydrogène est entré en contact avec l'air, provoquant une explosion. La salle de contrôle située à 15 m du réacteur a commencé à être envahie par une épaisse fumée. Il a fallu utiliser des masques à oxygène pour continuer à travailler. Des conduites amenant de l'eau de mer ont été rompues par l'incendie et la salle a été remplie d'un mètre d'eau (ce qui a bloqué divers systèmes de sécurité).

Le Gouvernement Civil a décidé après 22 h de déclencher le Plan d'Urgence nucléaire de Tarragone. L'anné précédente, en sept mois de fonctionnement, Vandellos 2 avait connu trois incendies. Ce n'est qu'à 22 h 21 que le Gouvernement Civil a su où était située l'avarie. L'intervention des pompiers a eu lieu dans une confusion considérable, et dans une atmosphère de peur d'une fuite radioactive. A 23 h 33, la direction de la centrale admet que la réfrigération du coeur subit des interruptions. A 23 h 36, l'incendie est contrôlé, mais non pas étouffé. Ce n'est que vers 2 h du matin que la centrale peut dire que que le feu est éteint et que le refroidissement du coeur fonctionne.

Au matin, les autorités prétendent qu'il n'y avait pas de danger (mais la Protection Civile affirme le contraire).

II est probable que le Conseil de Sûreté nucléaire va exiger des réaménagements tels que les travaux seront longs (un à trois ans) et le coût énorme.

Le réacteur s'est trouvé arrêté 32 secondes après le début de l'incendie (on ne sait pas si c'est à la suite d'une réaction automatique, ou de l'action d'un opérateur). L'EDF qui possède des parts de Vandellos a déclaré qu'elle ferait tout pour que ce réacteur reste en fonctionnement jusqu'à l'an 2003, comme prévu. Vandellos 1 est une centrale au graphite-gaz d'un type voisin de celui des quatre réacteurs français qui vont être arrêtés au cours des trois prochaines années. EDF explique que la situation en France est différente : elle possède des centrales produisant du courant moins cher, ce qui n'est pas le cas de l'Espagne (EDF n'admettrait l'arrêt que si les parois du réacteur avaient subi des dommages structurels dans l'incendie).

La conception du réacteur était défectueuse en ceci que les vents ont poussé les flammes vers l'intérieur, vers le réacteur. Les autorités centrales espagnoles sont plus sceptiques sur l'avenir de Vandellos 1 et envisagent d'en faire une poubelle nucléaire.

Un plan d'urgence contesté

L'attitude de la direction de la centrale, qui a prévenu les pompiers avant l'autorité chargée du Plan d'Urgence nucléaire de Tarragone, pouvait compromettre l'efficacité du plan (dont la Protection civile a la charge).

Par ailleurs, les groupes écologistes locaux considèrent que l'objectif réel de ce plan est d'empêcher la fuite de la population irradiée (pour qu'elle n'entre pas en contact avec les populations non contaminées). II prévoit qu'en cas de fuite radioactive, les routes passent sous contrôle de la Garde civile, et que celle-ci aurait le droit de soumettre les gens à des examens radiologiques (dans des Unités de Répartition et de Decontamination qui d'après les écologistes ressembleraient plus à des camps de concentration qu'à des services d'aide sanitaire).

Pour que le plan puisse fonctionner, il faudrait que l'administration centrale fournisse des moyens qui font encore défaut (amélioration des voies de communication pour rendre possible des évacuations d'urgence, installation de mégaphones pour prévenir la population de la zone).

L'Ametlla (le comité antinucléaire) appelle à la grève générale pour demain 30 octobre afin d'obtenir le démantèlement de Vardellos 1

Ametlla de Mar est une ville (d'environ 5000 habitants) située à 9 kilomètres de la centrale. Le comité antinucléaire a convoqué une grève générale de 24 heures, qui est soutenue par la municipalité.

On demande le démantèlement immédiat de Vandellos 1, et le démantèlement progressif de Vandellos 2, Asco 1 et Asco 2 (toutes situées dans la province de Tarragone). Les habitants des environs s'estiment gravement lésés par les annulations de réservations hôtelières et d'achats de résidences d'été.

Le programme de la journée de grève comprend une "cacerolada" à dix heures du matin, un hommage à 12 heures à l'attention de trois femmes qui avaient été arrêtées en 1974 pour avoir manifesté contre le projet initial des centrales nucléaires, et une manifestation à 17 heures.

Le Comité antinucléaire est soutenu par les jeunes de la localité, et a reçu des facilités de la municipalité (locaux, lignes téléphoniques). Le fait qu'un circuit pour motocyclettes soit à moins de deux kilomètres de la centrale semble une source importante de motivation.

Les municipalités de Montroig, Pratdip et Tivissa sont moins engagées (ils demandent aussi la fermeture de Vandellos 1 et le gel du second réacteur tant que les carences du Plan d'Urgence ne seront pas comblées). Une manifestation a également été appelée par les étudiants pour le lundi 30 octobre. Diverses forces syndicales essayent de constituer un mouvement de citoyens antinucléaire à Tarragone. Le CDS doit proposer à la prochaine séance de la municipalité de cette ville le démantèlement de la centrale qui a subi l'incendie.

Les pompiers se sont de leur côté indignés de l'attitude du personnel de la centrale pendant l'accident. D'après Josep Pino, chef du détachement de pompiers de Amposta (près de Tarragone) : "Les techniciens ont fui de la zone du sinistre et nous sommes restés seuls pendant qu'on entendait des cris "ça va sur le réacteur", "ça va sur le réacteur". La direction de la centrale et la société Hifrensa ont démenti ces informations, et on parle de sanctionner l'auteur de ces paroles.



El Pais, 27/10/89:

L'accident de Vandellos est "le plus grave jamais survenu dans une centrale nucléaire espagnole

Le Conseil de Sûreté nucléaire, CSN, a déclaré dans un communiqué le 26/10/89 que l'accident du 19 octobre peut être considéré comme "l'événement le plus grave jamais survenu dans une centrale nucléaire espagnole". Un court-circuit s'est encore produit le 26 (dans un autre réacteur de Vandellos, mais n'a pas provoqué d'incendie). Un turbogénérateur principal a été détruit le 19, et le problème majeur portait sur le refroidissement du réacteur, qui n'était pas direct ement concerné par l'incendie. L'article signale quelques déclarations d'un porte-parole de WISE.
(voir aussi AFP du 24/10/89 qui rapporte qu'une enquête a été ouverte en raison du retard avec lequel l'accident a été annoncé aux autorités compétentes, et que la société propriétaire de la centrale,
l'Hispano Francesa de Energia Nuclear, est pour 25 % propriété d'EDF. Selon un communiqué de WISE, World Information Service on Energie, l'accident de Vandellos 1 est le plus important depuis celui de Tchernobyl)