Préface

L'ouvrage d'Yves Lenoir est original à plus d'un titre. Voici en effet un scientifique qui sait écrire et qui réussit à expliquer clairement des phénomènes éminemment complexes. S'attaquer au système climatique dans son ensemble relève en effet de la gageure, tant cette délicate machinerie met en jeu de paramètres. On doit cumuler des connaissances d'astrophysique, de thermodynamique, de mécanique des fluides, de météorologie, d'océanographie et aussi, on l'oublie parfois chez les chercheurs entichés de stratosphère, de bonne vieille géographie, voire de topographie. Car le relief est un élément essentiel de la circulation des masses d'air et des courants marins.

En bon ingénieur de recherche, Yves Lenoir passe en revue tous les paramètres qui peuvent influer sur le climat, depuis l'accident ponctuel d'une éruption volcanique jusqu'aux tendances longues des périodes glaciaires, en passant par les taches solaires et les radiations cosmiques. Il évoque même «ce qui paraîtra une hérésie pour des climatologues patentés» l'influence des déplacements artificiels d'eau pour l'irrigation et la consommation en général. Ces millions de mètres cubes évaporés par la faute de l'homme, selon lui, jouent aussi leur rôle sur la scène climatique, comme les nuages formés par l'évaporation naturelle des océans.

Mais l'ouvrage d'Yves Lenoir ne se borne pas à démonter méticuleusement une mécanique dont il sait que beaucoup de ressorts nous échappent encore. Son objectif est polémique: il veut démontrer que la communauté scientifique internationale, abdiquant son libre arbitre et le doute méthodique qui sied à la recherche, s'est jetée comme un seul homme sur une hypothèse à la fois simpliste et floue: l'augmentation du taux de gaz carbonique dans l'atmosphère, due aux diverses activités de l'homme moderne, provoque un réchauffement de la Terre qui, à son tour, va faire monter le niveau des océans.

Cette hypothèse, lancée il y a vingt ans sous l'égide d'instances onusiennes, a depuis été reprise par la quasi totalité des chercheurs, amplifiée par les médias et acceptée comme vérité révélée par la plupart des décideurs, même lorsque, comme l'actuel président des Etats-Unis, ils refusent d'en tirer les conséquences. C'est là qu'Yves Lenoir se montre le plus incisif et, il faut l'avouer, le plus convaincant. Il démontre que, pour obtenir des crédits de recherche, la communauté scientifique s'est engouffrée dans la brèche du réchauffement climatique sans jamais remettre en cause le présupposé de départ. Car l'ONU et ses instances veulent le consensus à tout prix, alors que la vraie recherche scientifique n'avance que par le doute et la réfutation.

Ancien militant de Greenpeace et toujours actif au sein de l'association Bulle Bleue, Yves Lenoir est bien placé pour dénoncer les campagnes qui, sous prétexte de certitude scientifique, visent avant tout à recueillir des adhésions et des fonds. Souvenons-nous des «pluies acides» qui devaient tuer les forêts, Souvenons-nous du «trou de l'ozone» qui devait nous irradier de rayons ultra-violets. Chaque fois, l'opinion et les médias se mobilisent pour la «bonne cause», sans vraiment chercher à savoir, grâce à la caution de scientifiques plus soucieux de crédits que de faits établis.

Yves Lenoir en vient à mettre ce nouvel «écologisme» au rang de ce que fut naguère le marxisme: une idéologie totalitaire à prétention scientifique, qui fonctionne comme une religion révélée. L'accumulation du capital et la lutte des classes expliquaient tout et rendaient la révolution inévitable. L'accumulation du CO2 et le mépris des hommes pour l'environnement mettent la planète en danger. Une révolution verte s'impose pour la survie de l'humanité.

On peut s'étonner qu'un militant écologiste tire ainsi sur son propre camp. Mais Yves Lenoir est avant tout un scientifique qui ne supporte pas le conformisme, l'approximation, voire la malhonnêteté intellectuelle. En dénonçant le «prêt-à-penser climatique», il ne réhabilite pas la pollution industrielle ou automobile, au contraire. Il ne supporte pas que l'on s'en prenne au seul CO2, alors qu'il existe beaucoup d'autres gaz à effet de serre induits par l'activité humaine. L'ingénieur de recherche refuse le bouc émissaire et la pensée unique. Il met en doute les projections que donne la modélisation mathématique de phénomènes qui ne sont pas statistiques mais naturels, c'est-à-dire liés à des circonstances physiques et dynamiques, en un mot vivants.

À la suite du climatologue Marcel Leroux, il demande que l'on se donne la peine d'observer les photos prises par satellite et d'intégrer des données apparemment contradictoires, comme le refroidissement de la zone arctique. Le phénomène des «anticyclones mobiles polaires », notamment, rendrait mieux compte des phénomènes extrêmes «sécheresse, tempêtes, coups de froid» que l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère. Encore faut-il avoir l'idée de se pencher sur les basses couches, où tout se joue, au lieu de numériser les données recueillies à grands frais dans la haute atmosphère...

On pourrait reprocher à Yves Lenoir de céder à la polémique pour le plaisir de croiser le fer. Et donc d'abandonner à son tour la démarche scientifique. Il n'en est rien. S'il épingle avec talent les «magouilles du lobby climatique », c'est au nom de la raison scientifique, au nom d'une recherche davantage tournée vers les humbles réalités de la nature que séduite par les acrobaties mathématiques, les effets de mode et le conformisme politique.

Roger Cans