VSD.fr, 21/3/2008: 

Infirmières bulgares, Sarkozy, Kadhafi, nucléaire : le docu suisse que les chaînes françaises ne veulent pas voir

C'est un documentaire passionnant, qui va être présenté la semaine prochaine au Figra, le festival international du grand reportage d'actualité*. Un film signé par deux femmes, la réalisatrice Marie-Laure Widmer Baggiolini et la journaliste Anne-Frédérique Widmann.

Ce documentaire retrace l'incroyable saga de six individus devenus otages d'un grand jeu diplomatique, et victimes du régime du Colonel Kadhafi. Diffusé en décembre dernier sur la télé suisse nationale, ce reportage n'intéresse pas les télés françaises. Nous avons demandé pourquoi à la journaliste Anne-Frédérique Widmann.

VSD. Est-ce qu'une chaîne française a acheté votre documentaire ou s'est montré intéressée par votre travail ?

Anne-Frédérique Widmann. Non. Pour le moment, le sujet a été diffusé en décembre dernier sur notre chaîne, la TSR (Télévistion suisse romande) dans le cadre de l'émission Temps présent. Après l'émission a été rediffusée sur TV5, la chaîne francophone qui reprend dans le monde le meilleur des programmes français, suisses québécois et belges. J'aurais cru qu'une chaîne française allait l'acheter et le diffuser dans la mesure où l'affaire a fait beaucoup de bruit en France. Mais en fait, personne n'a bougé.

VSD. Vous avez réussi à faire parler les négociateurs européens. Pourquoi vous ont-ils accepté de s'entretenir avec vous ?

Anne-Frédérique Widmann. Tous les négociateurs européens et en particulier Marc Piérini et Bettina Wegner, avaient envie de raconter leur vérité, car ils ont été un peu surpris par la façon dont la France a récupéré la libération des infirmières bulgares. Les médias français n'ont donné que la version française à savoir que le président Nicolas Sarkozy et son épouse Cécilia ont fait libérer les infirmières. Dans les autres pays européens, il y a eu saturation par rapport à cette version des faits. Il y a même eu des contrevérités. Par exemple, le garde du corps de Cécilia Sarkozy aurait aidé à la libération. C'est totalement faux. Je crois aussi que le fait d'être Suisse nous mettait dans une position plus neutre.

VSD. Vous ne pouvez pas nier le rôle de la France, et les liens par exemple de Claude Guéant avec Moussa Koussa le numéro un du renseignement libyen

Anne-Frédérique Widmann. Non, bien sûr. Mais les négociateurs européens ont commencé à travailler à partir de 2004, cela fait donc plus de trois ans de tractations très actives. Dans le tour de table des négociations, il y avait aussi des Américains, des Anglais. Lorsque la France rentre dans le jeu diplomatique, l'accord est pour ainsi dire conclu. C'est vrai que l'intervention de la France est concluante car c'est le seul pays à pouvoir vendre du nucléaire civil à la Libye, mais tout le travail de fonds a été fait par les négociateurs européens.

VSD. Qu'est-ce que vous avez découvert d'autres?

Anne-Frédérique Widmann. Les Libyens ont bien versé l'argent pour indemniser les victimes de l'attentat de Lockerbie, soit 430 millions de dollars. En revanche, le Qatar n'a rien versé, contrairement à ce que le président Nicolas Sarkozy a laissé entendre en échange de la libération. L'important pour le colonel Kadhafi est de revenir dans le jeu diplomatique respectable et l'invitation de la France à la fin de l'année 2007 a été déterminante.

*Figra, du 26 au 30 mars 2008 au Touquet. www.figra.fr

 


Bakchich.info, 9/3/2008 : 

Infirmières bulgares : l'ambassadeur qui remet Sarkozy à sa place

Dans son livre-témoignage « Le Prix de la liberté. Libye, les coulisses d'une négociation », qui sort en librairie le 11 mars, Marc Pierini, ancien chef de la délégation de la Commission européenne en Libye, raconte les vrais dessous de la libération des infirmières bulgares en Libye. L'enjeu, selon lui, était le retour de la Libye dans « le concert des nations » et son accès au nucléaire. Et la France, son président Nicolas Sarkozy et son ex-épouse Cécilia, ne sont intervenus que très tardivement dans ce dossier

« Dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité » sur l'affaire des infirmières bulgares et du médecin palestinien, retenus pendant huit années (de 1999 à 2007) dans les geôles libyennes et libérés en juillet dernier, telle est l'ambition de l'ouvrage de Marc Pierini, homme de l'ombre, plongé au coeur de tout le processus de négociations entre l'Union européenne et l'Etat Libyen qui a débuté en octobre 2004 et duré plus de deux ans.

Côté français, c'est surtout la photo souvenir de Cécilia Sarkozy sur le tarmac de l'aéroport de Sofia, aux côtés des infirmières fraîchement libérées, qui a marqué les esprits. Côté Union européenne, le souvenir est un peu plus amer. Ce que Marc Pierini raconte dans le détail, c'est tout le travail de négociations, mené de mains de maître par Benita Ferrero-Waldner, la commissaire européenne aux Relations extérieures, Tony Blair et bien d'autres, sous l'égide de la Commission, accompagnée de la Bulgarie. Et d'ajouter :« Un exercice inédit de la diplomatie européenne ». Marc Pierini souligne le défi de l'UE dans cette affaire : « être un et multiple ».

Dans ce jeu, la France est arrivée sur le tard, voire même le très tard. N'allez pas vous méprendre, il n'est pas question pour Marc Pierini de vanter ses mérites ou de critiquer l'action française, mais bien de fournir un éclairage complet (et le plus objectif possible) sur les tenants et les aboutissants de l'histoire. Ce document est d'autant plus précieux que la « Commission d'enquête parlementaire sur la libération des soignants bulgares », présidée par le député socialiste Pierre Moscovici, qui a auditionné notamment Marc Pierini, s'est conclue en eau de boudin au mois de janvier dernier, après le refus de Cécilia Sarkozy de se présenter devant ladite commission. Décidément, difficile d'y voir clair dans l'hexagone

En bousculant le dénouement, Sarkozy a pris de sacrés risques
A la lecture du récit de l'ancien chef de la délégation européenne, il apparaît très clairement que, depuis le début, le colonel Kadhafi attendait plusieurs contre-parties à cette libération, et en premier lieu de permettre à son pays « de réintégrer le concert des nations » selon les mots de Marc Pierini. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. En leader politique, le Guide de la Révolution libyenne cherchait à obtenir plus. Malgré de nombreux accords passés avec les négociateurs, Kadhafi ne leur laissait toujours pas entrevoir d'issue heureuse au printemps 2007. C'est à ce moment-là que la France, pourtant absente du processus de négociations, a sauté sur l'occasion pour satisfaire les demandes libyennes, notamment en matière de nucléaire civil, avec des promesses de futurs contrats juteux

Si l'auteur reconnaît que le nucléaire fut le levier essentiel de la libération, il ne manque pas de préciser que la France a joué à un jeu dangereux, du fait de l'empressement de Nicolas Sarkozy à conclure l'affaire. Bruxelles a du remettre les pendules de Paris, et surtout de l'Elysée, à l'heure pour s'assurer que les Etats membres parleraient d'une même voix jusqu'au dénouement : « désormais l'action sera conjointe [Entre la France et l'UE], évitant ainsi les surenchères ».

Deal conclu et négociations bouclées, le 26 juillet 2007. Le monde entier assistait à la libération des infirmières bulgares, Cécilia Sarkozy et Claude Guéant en tête, aux côtés de Benita Ferrero-Waldner. Le discret Marc Pierini (évidemment présent dans l'avion du retour) et les autres hommes clés de l'affaire disparaissaient de la scène médiatique.

Symbole révélateur : c'est bien auprès de Marc Pierini que ces femmes trouvèrent du réconfort durant le vol qui les ramenait chez elles, lui qui les a accompagnées, sans relâche, tout au long de ce très long processus, en leur rendant plusieurs fois visite dans leur prison. En 2006, lors d'une nouvelle visite, Snejana Dimitrova eut ses mots : « L'avocat libyen, les avocats bulgares, les avocats sans frontières, tout cela n'a aucune importance, c'est du théâtre. La seule chose importante c'est ce que vous avez à nous dire, Monsieur Pierini, car je sais que c'est vous qui négociez. Et ce que vous avez à me dire est la seul chose qui me raccroche à mon avenir ». Lui qui ne parle pas de « l'affaire de la libération des infirmières bulgares » mais de « l'affaire Benghazi », nom de la ville où tout a commencé.

Le Prix de la liberté.
Libye, les coulisses d'une négociation, Marc Pierini, Actes Sud, 18 euros.

 


Communiqué, Sortir du Nucléaire, 22/1/2008:


Publication d'un rapport - Libération des otages bulgares et accord nucléaire avec M. Kadhafi : le Réseau "Sortir du nucléaire" accuse M. Sarkozy d'avoir menti

La libération des otages bulgares et la signature de l'accord nucléaire Sarkozy-Kadhafi sont directement liées

Le Réseau "Sortir du nucléaire" publie aujourd'hui, mardi 22 janvier 2008, un rapport complet sur l'affaire de la libération des otages bulgares et de la signature de l'accord nucléaire (*) Sarkozy-Kadhafi.

Pour mémoire, c'est le Réseau "Sortir du nucléaire" qui, tôt le matin même de la libération des otages bulgares, le mardi 24 juillet 2007, a révélé qu'un véritable "troc nucléaire" confidentiel avait été conclu par MM Sarkozy et Kadhafi.

Les conclusions principales du rapport sont celles-ci :
- M. Sarkozy a menti : la libération des otages bulgares et la signature de l'accord nucléaire Sarkozy-Kadhafi sont directement liées.

- M. Sarkozy et ses conseillers - M. Guéant (Secrétaire général de l'Elysée), M. Boillon (Conseiller du Président pour le Maghreb et le Moyen-Orient) - ont multiplié les preuves d'incompétence sur la question du nucléaire.

- La Commission parlementaire d'enquête, composée majoritairement de parlementaires UMP, a fait preuve de partialité. Elle rend d'ailleurs son propre rapport ce mardi 22 janvier 2008.
En d'autres temps, ou dans une démocratie digne de ce nom, le Chef de l'Etat aurait immédiatement été amené à démissionner. M. Sarkozy n'en fera bien sûr rien mais, pour le Réseau "Sortir du nucléaire", il est important que les citoyens sachent que M. Sarkozy leur ment, en particulier sur la question du nucléaire.

 

(*) La dénomination exacte de l'accord est "Mémorandum d'entente sur la coopération dans le domaine des applications pacifiques de l'énergie nucléaire".

 



La commission d'enquête clôt ses travaux sans lever le mystère Cécilia

21/1/2008 - La commission d'enquête parlementaire sur la Libye, qui présentera mardi ses conclusions, ne devrait pas lever le mystère sur le rôle central joué par Cécilia Sarkozy dans la libération des soignants bulgare, relancé par un récent livre. Le président de la commission, le socialiste Pierre Moscovici, a plusieurs fois lancé cette semaine un appel à l'ex-épouse du Président Nicoals Sarkozy qui avait ramené de Tripoli les ex-otages le 24 juillet 2007, pour qu'elle vienne témoigner. "Je lui dit qu'elle est la bienvenue. C'est la seule façon de répondre à toutes les interrogations, les mystères, les commentaires qui entourent cette affaire", a déclaré le député du Doubs. L'Elysée s'était opposé à l'audition de Cécilia Sarkozy, qui a depuis divorcé en octobre, arguant de "la séparation des pouvoirs". L'UMP, majoritaire dans la commission, a repoussé une demande en ce sens de l'opposition. Deux journalistes, Michaël Darmon et Yves Derai, affirment dans un livre que Mme Sarkozy a mené en Libye une véritable "opération commando" pour faire libérer les soignants, version démentie par le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, qui accompagnait Mme Sarkozy à Tripoli, et par deux des infirmières. Les différentes auditions ont cependant révélé le rôle crucial et inhabituel pour une "première dame" de Mme Sarkozy. M. Guéant a notamment révélé que c'était elle qui avait arraché, le 23 juillet, lors d'un tête-à-tête avec le Guide de la Révolution libyenne, Mouammar Kadhafi, l'accord pour la libération après de longues négociations très difficiles et tendues. Les travaux de la commission ont également été marqués par la visite très controversée à Paris du numéro un libyen en décembre, qui avait remis au premier plan la question des contreparties éventuelles à la libération des soignants. Des accords en matière de défense et de nucléaire civil avaient été signés lors d'une visite de M. Sarkozy à Tripoli dès le lendemain de la libération. Selon le rapporteur de la commission, Axel Poniatowski (UMP), également président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, ses conclusions feront apparaître qu'"il n'y a "rien eu de caché" de la part de la France dans cette affaire. L'ancien émissaire de l'Union européenne en Libye, Marc Pierini, avait pourtant estimé pour sa part lors de son audition que les négociations Paris-Tripoli sur les armements et le nucléaire avaient été "l'élément décisif" de la libération, alors que l'UE travaillait depuis des années sur ce dossier. Le réseau "Sortir du nucléaire" qui accuse le président Sarkozy d'un "véritable troc nucléaire" avec M. Kadhafi a annoncé qu'il présentera mardi "son propre rapport" sur cette affaire. La commission d'enquête n'aura enfin pas réussi à lever le voile sur la nature d'une médiation du Qatar. Après la libération, Paris et l'UE avaient remercié Doha, sans plus de précisions. Selon des spéculations jamais confirmées, l'émirat aurait financé à hauteur de millions de dollars l'indemnisation des familles des enfants que les infirmières bulgares et le médecin palestinien naturalisé bulgare, incarcérés depuis 1999 et qui ont témoigné avoir été torturés, étaient accusés d'avoir contaminé avec le virus du sida. L'ambassadeur du Qatar en France n'a pas répondu à une demande d'audition formulée par la commission. Les députés de gauche devraient s'abstenir mardi sur le vote du rapport pour protester contre le refus de l'UMP d'entendre l'ex-épouse de M. Sarkozy.

 


Libération des infirmières bulgares: fin des auditions avec Guéant, bras droit de Sarkozy

13/12/2007 - La commission d'enquête parlementaire sur les conditions de la libération des soignants bulgares en Libye a clos jeudi ses auditions avec Claude Guéant, bras droit du président Sarkozy et pivot de cette affaire.
Hasard du calendrier, c'est au moment où le colonel Kadhafi poursuivait une visite tumultueuse à Paris que le secrétaire général de l'Elysée répondait, deux heures durant, aux questions des députés sur les conditions de la libération, le 24 juillet, des cinq infirmières bulgares et du médecin d'origine palestinienne.
Il a réitéré la position officielle: il n'y a "pas eu de contreparties" à cette libération. Une polémique avait éclaté après l'annonce de contrats d'armements et de nucléaire civil au lendemain de la libération, et l'opposition socialiste, suspectant des contreparties, avait alors obtenu la création de cette commission d'enquête.
La "France n'a pas déboursé un centime", "n'a pas conclu le moindre contrat pendant les négociations" et "n'a pas échangé" la libération des infirmières "contre des perspectives de coopération" ultérieure, a martelé M. Guéant.
"Le seul terrain sur lequel nous avons accepté de répondre à la Libye, c'est le terrain humanitaire", a-t-il assuré, faisant allusion au soutien à l'hôpital de Benghazi.
Pour M. Guéant, comme pour le conseiller diplomatique de M. Sarkozy, Jean-David Levitte, auditionné précédemment, c'est la volonté du numéro un libyen de réintégrer la communauté internationale et l'implication personnelle du président Sarkozy qui expliquent ce dénouement alors que l'Union européenne et d'autres pays agissaient également.
Tous les témoins auditionnés par la commission ont évoqué le rôle "décisif" de Cécilia Sarkozy, qui s'est rendue à deux reprises à Tripoli, les 12 et 22 juillet, et a rapatrié les ex-otages dans un avion officiel français en Bulgarie.
M. Guéant a révélé que c'est l'ex-épouse du président qui avait obtenu le 23 juillet à Tripoli, dans un "tête-à-tête" avec le colonel Kadhafi, un premier "accord de principe, résigné, du bout des lèvres" pour la libération.
Le président de la Commission, Pierre Moscovici (PS), n'a pu s'empêcher de regretter à nouveau que Mme Sarkozy, aujourd'hui divorcée du chef de l'Etat, ne soit pas auditionnée. L'Elysée a refusé ce témoignage au nom de la "séparation des pouvoirs" et la majorité UMP a voté contre.
Lors des précédentes auditions, deux témoins ont contredit les affirmations des autorités françaises. L'ex-ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, a estimé que l'accord sur l'indemnisation des familles des enfants infectés du sida (460 millions de dollars) et une éventuelle visite de Kadhafi à Paris, refusée par Jacques Chirac, avaient été décisifs pour la libération.
L'ancien représentant à Tripoli de la commission européenne, Marc Pierini, a affirmé que "l'élément décisif a été la disponibilité de la France à se prêter à une discussion, fondamentale pour le colonel Kadhafi, sur les armements et le nucléaire".
La commission, qui a demandé, en vain pour l'instant, à entendre le fils du colonel Kadhafi, Seif al-Islam, doit maintenant élaborer son rapport qu'elle remettra au président de l'Assemblée, Bernard Accoyer, avant de le publier.
M. Moscovici a par ailleurs souligné qu'il voulait débattre à la prochaine réunion de la commission, le 20 décembre, "de l'opportunité de rencontrer ou non le président de la République".

 


Libération, 2/12/2007: 

Le troc radioactif de Sarkozy

par Stéphane Lhomme porte-parole du Réseau Sortir du nucléaire.

L'affaire a commencé le 24 juillet au matin : alors que l'avion de la République française - avec à son bord les otages bulgares et Mme Sarkozy - était encore entre Tripoli et Sofia, le réseau Sortir du nucléaire annonçait que MM. Sarkozy et Kadhafi avaient conclu un véritable troc nucléaire dont la monnaie d'échange n'était autre que les otages bulgares détenus et persécutés en Libye depuis huit ans. Le lendemain même, le fameux accord nucléaire franco-libyen était signé. Cet accord était prêt depuis quelque temps : il n'a pas été rédigé en quelques minutes sous la tente du dictateur libyen ! Pour tenter de rendre acceptable cette transaction, Paris prétend que le réacteur nucléaire promis à la Libye servira à dessaler l'eau de mer. C'est un subterfuge : pour cela, il est bien plus rapide (il faut dix ans avant qu'un projet de réacteur se concrétise), bien moins cher et bien plus écologique d'utiliser l'énergie solaire, pour laquelle la Libye a des atouts exceptionnels à condition d'investir dans ce secteur et non dans l'atome. Mais M. Kadhafi n'a que faire de dessaler l'eau : son objectif est d'obtenir des technologies nucléaires pour se donner la possibilité d'accéder tôt ou tard à l'arme atomique. Certes, le dictateur libyen prétend avoir renoncé depuis 2003 à ce funeste projet, mais il a souvent changé d'avis durant sa longue carrière. L'actualité récente en Iran ou en Corée du Nord le démontre, nucléaire civil et militaire sont indissociables. Ce n'est pas pour rien si les grandes puissances ne croient pas l'Iran qui, pourtant, annonce avoir un programme nucléaire purement civil. Livrer du nucléaire «civil» à la Libye reviendrait à aider ce pays à accéder, tôt ou tard, à l'arme atomique. De plus, même lorsqu'il n'est pas utilisé avec des visées militaires, l'atome est une calamité pour l'environnement. Tout d'abord, le risque d'accident est plus élevé que jamais, comme on l'a vu cet été au Japon : un tremblement de terre a causé un incendie et de graves dommages dans une centrale nucléaire. Et justement, la Libye est elle-même située en zone sismique. Ensuite, il n'existe aucune solution pour les déchets radioactifs. Que fera M. Kadhafi de ceux qui seraient produits par le réacteur que M. Sarkozy lui propose ? Finalement, M. Kadhafi est récompensé pour avoir pris les malheureux bulgares en otages et les avoir torturés. Encore fallait-il qu'un chef d'Etat nucléarisé cède au chantage : c'est M. Sarkozy qui l'a fait, donnant raison au coupable au détriment des victimes.

Stéphane Lhomme est auteur de l'Insécurité nucléaire (éditions Yves Michel).

 

 


Libération, 12/12/2007: 

Mais où sont donc les 10 milliards ?

Libye. En scrutant les contrats signés avec Tripoli, le compte n'y est vraiment pas.

Lundi, dans la foulée de son entretien avec le président Kadhafi, Nicolas Sarkozy déclare devant la presse que la France «va signer pour une dizaine de milliards d'euros de contrats» avec la Libye. Ce qui équivaut, selon l'Élysée à «30 000 emplois sur cinq ans». Mardi, par souci du détail, on prend donc notre calculette et on refait les comptes. Et là, surprise : on a beau refaire les calculs, on est loin, très loin des 10 milliards annoncés. Revue de détail.

Les 21 Airbus

C'est le plus gros morceau: l'achat de 21 appareils par deux compagnies libyennes, pour 2,7 milliards d'euros selon l'estimation de l'Elysée. Sauf que cette double commande n'est en réalité que la confirmation d'une intention d'achat signée en juin au Salon du Bourget. C'est-à-dire bien avant l'affaire des infirmières bulgares. Or, comme le précise Airbus, une intention d'achat se transforme en commandes fermes dans «plus de 99 % des cas». Donc la France n'avait pas besoin de faire venir Kadhafi pour concrétiser la commande. De plus, autre (petit) détail : Airbus parle d'un double contrat de 3,2 milliards de dollars, prix catalogue, soit 2,17 milliards d'euros. Ce qui fait 530 millions d'euros de moins que l'estimation de l'Elysée.

Les contrats militaires

Là c'est le grand flou puisque l'Elysée se contentait, hier, de répertorier une liste de matériels d'un «montant potentiel de 4,5 milliards d'euros». Mais aucun contrat ferme, juste «un mémorandum sur la coopération en matière d'armement» , dans lequel l'Elysée espère fourguer notamment 14 Rafale, une cinquantaine de blindés et 35 hélicoptères Eurocopter, filiale d'EADS. «Mais aujourd'hui, on n'a aucun élément précis sur les volumes, les types d'appareil et donc les montants d'un contrat. On ne sait pas très bien ce qui va remonter de cette négociation globale», relève un cadre d'Eurocopter.

Le nucléaire

Passons sur les prétendus 2 milliards d'euros du contrat lié à la nouvelle coopération nucléaire entre les deux pays qui, toujours selon l'Elysée, recouvre «la fourniture de un ou plusieurs réacteurs pour le dessalement de l'eau de mer» ainsi qu'un soutien «à l'exploration et à l'exploitation de l'uranium». Pour Areva, la vente d'une telle centrale si elle se réalise, mettra au minimum plusieurs années avant d'être concrétisée.

Eau et BTP

Reste une dernière enveloppe de 2 milliards qui, d'après l'Elysée, recoupe notamment l'extension de l'aéroport de Tripoli (Vinci) et un contrat de gestion d'eau potable (Veolia). Hier, il suffisait d'interroger les industriels concernés, pour mesurer leur embarras. «On n'a rien signé du tout. Sur l'annonce de l'Elysée, on ne souhaite pas faire de commentaire» (un cadre de Veolia). «L'extension de l'aéroport de Tripoli ? Oui, on en a entendu parler, mais aujourd'hui, ce n'est qu'un projet comme on en a plein dans d'autres pays» (un cadre de Vinci).

Résultat

Hier, le seul contrat commercial ferme signé (en dehors des 21 Airbus qui de toute façon auraient été vendus) était à mettre à profit d'Areva pour du matériel de transmission et de distribution d'électricité, pour un montant de 300 millions d'euros. On est donc très loin des 10 milliards annoncés

 

 


Libération, 11/12/2007: 

Pour Areva, un réacteur libyen n'arriverait pas à point

Ce projet embarrasse l'entreprise qui veut changer l'image du nucléaire.

Si on en croit la diplomatie sarkoziste, la visite de Kadhafi en France est donc le prix à payer pour aider nos entreprises à exporter. Et donc à «sauver nos emplois», comme le justifiait, hier matin, Bernard Kouchner, le ministre des affaires étrangères sur France Inter. Il en irait ainsi des Airbus, des centrales nucléaires d'Areva ou de tout autre contrat. En clair, l'activisme diplomatique de Nicolas Sarkozy serait au service du «made in France», et de l'ambition commerciale de nos industriels. Pourquoi pas. Mais ce qui peut à la rigueur se justifier pour le Rafale de Dassault (qui n'a toujours pas trouvé de preneur à l'exportation), ne fonctionne pas du tout pour Areva.
Car bizarrement, lorsque vous interrogez plusieurs responsables du groupe français, on vous répète la même chose (sous couvert d'anonymat, bien sûr): non seulement ce projet de centrale nucléaire pour la Libye n'est pas «une priorité pour l'entreprise», mais c'est une très mauvaise nouvelle pour l'image du nucléaire français. «On ne va surtout pas se précipiter. On va faire traîner ce contrat le plus possible», assure un cadre du groupe. Pourtant, si on en croit les propos du fils du guide libyen, Seil al-Kadhafi, Tripoli espère bien repartir de ces cinq jours de visite avec «un réacteur nucléaire ainsi que de nombreux équipements militaires» sous le bras. En réalité, le contrat de collaboration qui devait être signé hier soir, entre Paris et Tripoli doit s'appuyer sur le réacteur expérimental existant de Tajoura (fourni en 1979 par la Russie) pour réaliser une usine pilote de dessalement de l'eau de mer.

Pouffer. Tout depuis le début, dans cette affaire de la centrale nucléaire libyenne, tombée du ciel, est rocambolesque. Et d'abord, la justification donnée à l'occasion de la visite de Nicolas Sarkozy à Tripoli, par le secrétaire général de l'Elysée en personne : «La Libye veut une centrale nucléaire pour dessaliniser l'eau de mer» , avait expliqué Claude Guéant aux journalistes présents. Un argumentaire de vente qui avait fait pouffer de rire les industriels français. Car une telle usine de traitement de l'eau de mer n'a absolument pas besoin d'une centrale nucléaire pour fonctionner. Surtout dans un pays dont le sous-sol regorge de pétrole et de gaz.

Certes, Areva avait bien envoyé à Tripoli quelques semaines auparavant une délégation commerciale pour prendre un premier contact avec les autorités libyennes. Mais pas pour parler gros sous. «Vendre une centrale à un pays qui n'a aucune tradition du nucléaire civil, est un processus très lent qui prend au minimum dix ou quinze ans», assure un industriel français. Tout est à construire : l'expertise technique, l'autorité de sûreté, le cadre législatif... Et cela ne se fait pas en un claquement de doigt. «Contrairement à la Libye, l'Algérie ou les Emirats arabes unis, l'ont compris. Le nucléaire intéresse ces pays mais ils savent que cela demande du temps et nécessite du travail de leur part» , poursuit l'industriel.

Caprice. l'empressement politique de la Libye enquiquine profondément Areva, tout à sa tâche depuis plusieurs mois pour respectabiliser le nucléaire civil, comme une énergie responsable, durable et compétitive. Le plus cocasse, c'est que le groupe français n'a finalement pas besoin de ce contrat. Avec le retour en grâce de l'atome, et la prochaine ouverture du marché américain, Areva anticipe un carnet de commandes plein à craquer d'ici une dizaine d'années. «Notre problème ce ne sera pas de chercher des clients mais de les sélectionner. Alors signer avec la Libye pourrait être dommageable en termes d'image», analyse un cadre du groupe.

Pourquoi, diable, Nicolas Sarkozy s'emploie donc à donner du crédit au caprice nucléaire de son nouvel ami libyen ? Est-ce une contre partie explicite de la libération des infirmières bulgares ? Possible. Des mauvaises langues posent une autre question: et si cette entreprise de banalisation du nucléaire servait aussi les projets de politique industrielle de Nicolas Sarkozy ? L'Elysée réfléchit en effet à l'idée de fusionner Areva avec Alstom et de placer le tout sous le contrôle de Martin Bouygues, intime du président. Or pour justifier cette privatisation, le gouvernement sera, alors, tenté d'expliquer qu'une centrale nucléaire, se vend exactement comme... des petits pains.

 


Enerpresse, 11/12/2007: 

Les Français jouent et perdent en Libye

La Libye a attribué, dimanche, quatre périmètres d'exploration gazière à Shell, Gazprom, Sonatrach et Polski (Pologne) à la suite d'un appel d'offres. Gazprom a remporté trois blocs dans le bassin de Ghadamess (sud) d'une surface totale de 3 936 km2, devant Gaz de France, Inpex (Japon), Lukoil, BG et Polski, en proposant à la compagnie nationale libyenne (NOC) de lui céder 90,2% de part de la production. La Sonatrach, associée à Oil India et Indian Oil, a présenté, quant à elle, la meilleure offre pour un périmètre de quatre blocs à Ghadamess d'une surface de 6 934 km2, avec une part de production de 87% pour la NOC. Gaz de France, BG et Polski étaient aussi sur les rangs avec l'allemand RWE. Le troisième périmètre (1 790 km2) de deux blocs dans le bassin de Syrte (Nord) a été attribué à Shell qui a proposé 93 millions de dollars outre une prime de signature minimum de 10 millions de dollars exigée par les Libyens pour chaque périmètre. Shell, qui se contentera de 15% de part de production, était en compétition avec un consortium Total-Sonatrach et PetroCanada. Polski a enfin obtenu deux blocs de prospection dans le bassin de Murzak (sud) avec une part de production de 11,8%.

 


Une association anti-nucléaire porte plainte pour torture contre Kadhafi

Une association anti-nucléaire basée à Bordeaux, Tchernoblaye, a annoncé dimanche avoir porté plainte pour "torture" contre le numéro un libyen Mouammar Kadhafi et a demandé son arrestation lors de sa venue en France lundi. L'association précise dans un communiqué avoir adressé dimanche une plainte au procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris, invoquant "le principe de compétence universelle", transposé par la France dans son droit interne en tant que pays signataire de la Convention internationale de 1984 contre la torture. Le texte de la plainte, transmis à l'AFP, mentionne "les tortures dont ont été victimes les otages bulgares", reconnues selon Tchernoblaye par le fils de Mouammar Kadhafi lui-même en août dernier, et demande au procureur de "faire procéder" à l'arrestation du dirigeant libyen lors de son séjour à Paris. "Nous attirons votre attention sur le fait que Mouammar Kadhafi n'est pas couvert par une immunité en tant que chef d'Etat puisque, dans son pays, il ne bénéficie pas formellement d'un tel statut et est seulement qualifié de "Guide" ", ajoute l'association dans sa plainte. "Le "troc nucléaire", qui a consisté à échanger les otages bulgares - livrés à M. Sarkozy pour en faire un "libérateur" - contre l'accès au nucléaire - promis par M. Sarkozy à M. Kadhafi, revient à encourager les prises d'otages éventuellement assorties de tortures", juge l'association dans le communiqué. "Comment être certain que M. Kadhafi, une fois servi en technologies et matières radioactives, n'alimentera pas la prolifération nucléaire ?", s'interroge encore Tchernoblaye, qui demande l'annulation de l'accord nucléaire signé le 25 juillet dernier à Tripoli par M. Sarkozy et M. Kadhafi. Samedi à Lisbonne, le président Nicolas Sarkozy a une nouvelle fois justifié la visite controversée que doit débuter lundi à Paris Mouammar Kadhafi, souhaitant qu'elle soit "un succès".



Soignants Libye: armements et nucléaire, "élément décisif" dans libération

6/12/2007 - Les discussions Paris-Tripoli sur "les armements et le nucléaire" ont été un "élément décisif" pour la libération des soignants bulgares détenus en Libye, a affirmé jeudi à l'Assemblée nationale Marc Pierini, ancien chef de la délégation de la Commission européenne en Libye. "L'élément décisif a été la disponibilité de la France à se prêter à une discussion, fondamentale pour le colonel Kadhafi, sur les armements et le nucléaire", a déclaré le haut fonctionnaire européen devant la commission d'enquête parlementaire sur les conditions de cette libération. "Nous nous sommes limités, en tant que Commission européenne et Etats membres, aux aspects humanitaires et médicaux de cette affaire", a-t-il souligné. Par ailleurs, selon lui, Bruxelles n'a pas pas été informée de la première visite de Cécilia, ex-épouse du président Nicolas Sarkozy, à Tripoli en juillet dans le cadre de cette affaire. "Le 12 juillet, Mme Sarkozy et Claude Guéant (secrétaire général de l'Elysée) sont venus en Libye. Je ne les ai pas vus, j'ai appris leur arrivée une demi-heure avant. Nous n'étions pas prévenus ni à Tripoli, ni à Bruxelles", a déclaré M. Pierini. "Je n'étais pas du tout partie (prenante) à cette discussion, mais il était tout à fait clair pour moi qu'elle était un ingrédient tout à fait indispensable dans le chef du colonel Kadhafi pour clôturer cette affaire" a-t-il dit.

 


Libye: nucléaire et indemnisation au menu de la commission d'enquête

PARIS, 15 nov 2007 - La commission d'enquête parlementaire sur la Libye a entendu jeudi le groupe nucléaire Areva, qui a affirmé n'avoir joué aucun rôle dans le processus de libération des soignants bulgares, alors qu'un accord signé juste après sur un réacteur nucléaire avait jeté le soupçon. Areva n'a "pas du tout été associé" à la libération, a déclaré sous serment sa présidente Anne Lauvergeon. Elle a précisé que le groupe n'avait pas participé à la conclusion du mémorandum signé le 25 juillet lors de la visite du président Nicolas Sarkozy à Tripoli, au lendemain de la libération des infirmières bulgares. Ce mémorandum d'intention vise notamment à fournir à la Libye un réacteur nucléaire, selon le texte pour la désalinisation de l'eau de mer. Sa signature, ainsi que celle d'un accord dans le domaine militaire, avait déclenché une polémique sur d'éventuelles contreparties à la libération des prisonniers, conduisant à la création de la commission parlementaire. Le contenu d'une partie des accords signés en juillet à Tripoli, notamment sur la coopération militaire et énergétique, a été publié ce jeudi au Journal officiel. Mme Lauvergeon a cependant reconnu que le mémorandum "ouvre une porte" pour un éventuel accord et montré qu'Areva se tient en embuscade sur le marché libyen depuis la levée des sanctions européennes en 2004. Anne Lauvergeon a ainsi indiqué que, "le 24 janvier", une délégation libyenne avait visité Areva "pour savoir comment développer un usage civil de l'énergie nucléaire". Elle a également révélé qu'Areva s'est porté acquéreur d'un stock d'uranium libyen, mais sans "issue" jusqu'à présent, et qu'un pré-accord sur la recherche de gisements d'uranium en Libye a été conclu. Areva exploite des gisements au Niger, voisin de la Libye et premier producteur mondial d'uranium, mais des tensions sont récemment apparues entre le groupe et les autorités de Niamey. L'ex-ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, qui avait pu rendre visite aux otages bulgares dans leur geôle le 5 janvier 2006, a ensuite été auditionné par les députés. Pour lui, le déblocage de l'indemnisation pour les familles des enfants contaminés par le sida a été déterminante. "Le 11 juillet, la cour suprême libyenne confirme la peine de mort, le 12 juillet, il y a un déplacement du secrétaire général de l'Elysée (Claude Guéant), de Mme Sarkozy et le 17 juillet, c'est pour moi la clef, les familles des enfants contaminés reçoivent l'indemnisation promise par la fondation Kadhafi, un million de dollars par enfant et annoncent qu'elles renoncent à exiger l'application de la peine de mort", a-t-il expliqué. "On avait pratiquement tout fait, la partie sanitaire, humanitaire" sauf l'indemnisation jugée à l'époque "pas acceptable", a regretté le ministre qui a quitté son poste en mai 2007. Il a également soutenu qu'une visite à Paris du président libyen Mouammar Kadhafi était "quelque chose d'important" pour ce dernier. M. Sarkozy doit recevoir M. Kadhafi à Paris en décembre. Les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien naturalisé bulgare, incarcérés depuis 1999 en Libye et condamnés à mort sous l'accusation d'avoir inoculé le virus du sida à des enfants libyens, ont été libérés le 24 juillet. M. Sarkozy s'est personnellement investi dans ce dossier et les soignants avaient regagné Sofia à bord d'un avion officiel français, accompagnés de son épouse Cécilia et de la commissaire européenne aux Relations extérieures Benita Ferrero-Waldner. L'Elysée a exclu que Cécilia Sarkozy, depuis divorcée d'avec le chef de l'Etat, soit entendue par la commission.

Suzette BLOCH



France/Libye: la commission d'enquête veut entendre des dirigeants étrangers

17/10/2007 - La commission d'enquête parlementaire française, chargée de déterminer les conditions de la libération en juillet des soignants bulgares en Libye, a entamé mercredi ses travaux et souhaité entendre Mouammar Kadhafi et plusieurs responsables de l'UE, selon une source parlementaire. Cette commission de 30 membres, voulue par l'opposition de gauche et présidée par le député socialiste Pierre Moscovici, s'est réunie pour la première fois mercredi matin pour décider d'un calendrier d'auditions. Une audition du numéro un libyen "n'est pas exclue", a assuré M. Moscovici, selon des propos rapportés de source parlementaire. Seïf Al-Islam, fils du dirigeant libyen, qui joué un rôle clef dans les négociations, figure également sur la liste de la trentaine des personnalités que la commission d'enquête voudrait entendre, La commission souhaite également entendre les cinq infirmières et le médecin bulgares, libérés le 24 juillet après avoir passé plus de 8 ans en détention en Libye. Elle voudrait en outre auditionner le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée de Bulgarie, ainsi que des représentants de l'UE, dont le président de la Commission Jose Manuel Barroso, et des dirigeants européens, parmi lesquels l'ex-Premier ministre britannique Tony Blair et le chef du gouvernement luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a ajouté une source parlementaire. M. Moscovici a indiqué mercredi laisser "de côté pour le moment" le président Nicolas Sarkozy et son épouse Cécilia, qui s'était rendue en Libye pour ramener à Sofia les soignants bulgares, selon une source parlementaire. Cécilia Sarkozy a exclu de témoigner devant la commission. Pour le volet français, doivent notamment être auditionnés quatre anciens ministres des Affaires étrangères --Hubert Védrine, Michel Barnier, Dominique de Villepin et Philippe Douste-Blazy--, ainsi que l'actuel chef de la diplomatie française Bernard Kouchner et le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant. L'opposition de gauche veut savoir si la libération des infirmières a donné lieu à des "contreparties" et s'est interrogée sur le rôle de Cécilia Sarkozy, qui n'a aucune fonction officielle. M. Sarkozy a démenti "toute contrepartie" à cette libération et s'est déclaré favorable à la création d'une commission d'enquête. La commission prévoit aussi entendre le principal conseiller diplomatique du président Sarkozy, Jean-David Levitte, et des représentants des groupes français Areva (nucléaire) et européen EADS. Dans la foulée de la libération des infirmières, le chef de l'Etat français s'était rendu en Libye et Paris et Tripoli avaient alors signé un accord portant notamment sur une coopération en matière de nucléaire civil. Quelques jours après, EADS avait de son coté annoncé la conclusion d'un contrat de livraisons de missiles anti-char Milan à la Libye. La commission doit se réunir tous les jeudis à compter du 8 novembre et jusqu'au 13 décembre. Ces réunions seront ouvertes à la presse. Son rapport sera publié le 4 février.

 


Communiqué, 17/10/2007:
Le Réseau "Sortir du nucléaire" demande à être reçu par la Commission parlementaire d'enquête sur la libération des otages bulgares


Libération, 17/10/2007: 

Une centrale nucléaire ensablée depuis 2006

Le projet d'une centrale nucléaire censée, selon les mots de Claude Guéant, «dessaliniser de l'eau de mer», est toujours enfoui dans les sables libyens. Et personne ne peut affirmer qu'elle en sortira en jour. «On ne peut pas entamer des négociations commerciales tant qu'un accord-cadre en matière de nucléaire civil n'a pas été signé entre les deux pays», précise un industriel français. Et pour l'instant, on en est encore loin.
Seule certitude du calendrier, les deux pays avaient entamé, depuis plusieurs mois déjà, quelques approches. En mars 2006, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) signe avec Tripoli un accord de coopération scientifique. Déjà le communiqué de l'époque stipulait que
ce partenariat «est la traduction concrète de l'attachement que porte la France au droit que confèrent les dispositions du Traité de non-prolifération des armes nucléaires sur l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire». En clair, la Libye est un pays recommandable.
Pendant ce temps, Areva, lui, parlait uranium.
Deux dossiers mobilisent l'entreprise française : le stock d'un millier de tonnes d'uranium militaire de Tripoli (soit l'équivalent d'un an de production d'une mine au Niger) et la possibilité d'aller faire de l'exploration dans le sud du pays. Pour l'instant, aucun n'a abouti. Mais trois semaines avant la visite de Nicolas Sarkozy, une petite délégation d'Areva était venue présenter son catalogue. «Une simple visite de prospection», assurait alors le groupe.

 


Sarkozy défend à nouveau les accords signés avec Tripoli

24/8/2007 - Nicolas Sarkozy a de nouveau défendu vendredi l'accord franco-libyen de coopération dans le nucléaire civil ainsi que la signature de contrats commerciaux qui a suivi la libération des infirmières bulgares. "La plus grande menace du monde aujourd'hui c'est la confrontation des civilisations entre l'Occident et l'Orient", a déclaré le chef de l'Etat lors d'un discours à Arcachon (Gironde).

"Si on pose le postulat qu'ils n'ont pas le droit à l'énergie du futur, à l'énergie nucléaire (on risque de favoriser) la guerre entre le monde (des riches) et le monde des pauvres". "Naturellement qu'il faut leur permettre d'accéder au nucléaire civil pour démontrer la malhonnêteté des dirigeants actuels de l'Iran qui veulent faire du nucléaire militaire", a souligné Nicolas Sarkozy.

Deux contrats d'armement, portant sur des missiles antichars et un système de communications radio-sécurisé, sont en cours de finalisation entre Tripoli, EADS et l'une de ses filiales, MBDA. "Faut-il que l'on refuse de vendre à M. Kadhafi alors qu'il libère les infirmières? Alors que tant de chefs d'Etat et de gouvernements ont été en Lybie alors que les infirmères étaient en prison?", s'est interrogé Nicolas Sarkozy.

Le Parti socialiste a demandé la création d'une commission d'enquête sur la libération des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien fin juillet pour en dissiper les "zones d'ombre" - une requête à laquelle l'UMP et l'Elysée ne se sont pas opposées.

En revanche, au nom de la séparation des pouvoirs, la présidence refuse que Cécilia Sarkozy soit auditionnée par les parlementaires, comme l'ont demandé plusieurs dirigeants socialistes. L'épouse du chef de l'Etat s'est impliquée dans l'affaire, se rendant deux fois en Libye et ramenant les anciens prisonniers à Sofia à bord d'un avion officiel.

"On m'a dit: 'avec les infirmières, vous avez pris un risque'. Parce qu'on croit qu'on résoud un problème que personne n'a résolu depuis huit ans sans prendre de risque ? Mais le risque ce n'était pas de m'exposer ou d'exposer ma femme ou d'exposer (le secrétaire général de l'Elysée) Claude Guéant. Le risque c'était de continuer à maintenir ces pauvres femmes" en prison, a estimé Nicolas Sarkozy. Il a ajouté qu'il était de son devoir de libérer la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, retenue en otage par les Farc depuis plus de cinq ans. "Bien sûr qu'on ira chercher Ingrid Bétancourt aussi", a-t-il dit.

Dans un communiqué diffusé vendredi, avant un déplacement de Nicolas Sarkozy dans le Sud-Ouest sur le thème de la lutte contre le terrorisme, le collectif Sortir du nucléaire exige l'annulation de l'accord nucléaire. "Est-il nécessaire de le rappeler, le régime libyen est de longue date à l'origine de nombreux actes terroristes. De fait, livrer des matières nucléaires à M. Kadhafi est aussi irresponsable que de fournir du Viagra à un pédophile", déplore l'organisation qui regroupe 800 associations anti-nucléaires.

 

 

Le président français pour que la Libye accède au nucléaire civil

24/8/2007 - Le président français Nicolas Sarkozy a affirmé vendredi qu'il fallait "permettre" à la Libye "d'accéder au nucléaire civil", lors d'une tournée à Arcachon (sud-ouest). "Le plus grand rique du monde aujourd'hui, c'est la confrontation des civilisations entre l'Occident et l'Orient. Le jour où l'Orient n'a plus de pétrole, plus de gaz, il faut qu'ils aient le développement.
S'ils ont la misère, on aura le terrorisme", a affirmé M. Sarkozy. Selon lui, "si on pose comme postulat qu'ils n'ont pas le droit à l'énergie du futur, l'énergie nucléaire, comment éviterez-vous la guerre de civilisations, la guerre entre le monde des riches et le monde des pauvres?". "Naturellement, il faut leur permettre d'accéder au nucléaire civil", a-t-il insisté, en faisant allusion notamment à la Libye
[lire à propos de la Libye], à propos de laquelle il venait de rappeler que le colonel Khadafi avait libéré les infirmières bulgares.
"De surcroît", a-t-il souligné, la France a "obtenu 300 millions (d'euros) de commande par la Libye". A ses yeux, il faut permettre à certains pays d'Orient d'accéder au nucléaire civil "pour bien montrer la malhonnêteté des dirigeants actuels de l'Iran qui veulent faire du nucléaire militaire alors que nous ne le voulons pas".

 

 

Rue89, 15/8/2007: 

Le colonel Kadhafi voulait la bombe atomique

L'ancien numéro 2 de Framatome (aujourd'hui Areva) révèle à Rue89 comment le "Guide" a manoeuvré dès les années 70.

C'est une certitude pour les nucléocrates: Kadhafi a toujours voulu la bombe atomique. Yves Girard s'en souvient très bien. Vice-président de Framatome (l'ancêtre d'Areva) entre 1974 et 1981, puis de Technicatome jusqu'en 1991, il a accompagné plusieurs minitres des gouvernements Barre à la fin des années 70 à Tripoli. Juste après l'Iran, la Libye du colonel Kadhafi cherchait alors à développer un véritable arsenal, en lorgnant sur un réacteur du même type que celui fourni à Israël. Par la France. La centrale nucléaire de Dimona fut opérationnelle dès 1963.

Or, les quelques éléments rendus publics par l'Elysée depuis la signature d'un "mémorandum d'entente", le 25 juillet dernier, sur la construction d'un réacteur laissent penser que le "Guide" n'a pas changé d'avis sur cette question stratégique. D'après Yves Girard, un réacteur de "dessalement d'eau de mer" permet d'obtenir assez facilement une matière fissile de qualité militaire. Surtout lorsque ce même pays a utilisé les filières "clandestines" du réseau du docteur Abdul Qadeer Khan, le physicien pakistanais.

Dernier conseil de ce nucléocrate au président Sarkozy: faire durer les discussions et ne jamais aboutir...

Dans les années 70, comment êtes-vous arrivé à la conclusion que le colonel Kadhafi cherchait à acquérir la bombe atomique?

Il s'en cachait à peine. Il ne s'en cachait même pas du tout. Quand je dis que Kadhafi ne se cachait pas, je veux parler de ses sbires et de son état-major. Quand on a commencé à discuter, il voulait faire du nucléaire. Ce n'était pas très difficile de faire avouer aux responsables libyens que ce qu'ils cherchaient, c'était une copie de Dimona. Et s'ils cherchaient une copie de Dimona, c'est qu'ils supposaient que Dimona avait donné la bombe à Israël. Il n'y a pas eu un compte rendu où est mentionné ce désir, c'était le fruit de conversations. Mais, effectivement, cela correspond au réacteur de Dimona: on pourrait faire de l'eau dessalée avec le réacteur de Dimona.

Quels risques présente une telle livraison?

Si vous faites un réacteur genre Dimona, un réacteur à basse température, pour faire du dessalement d'eau de mer, c'est un réacteur qui pourra être alimenté en uranium naturel, facile à trouver. Et de cet uranium naturel, on tirera du plutonium de qualité explosive, il n'y a aucun problème.

D'après le journal Le Parisien du lundi 13 août, Tripoli chercherait à s'équiper de l'EPR?

C'est complètement délirant. Cela ne correspond pas du tout à la production de la Libye. Complètement délirant. Mais vous savez, c'est comme cela que ça se passe: on ne veut pas vexer les gens en leur disant "non", alors on leur dit "oui", mais en fait rien ne se passe.

Lorsque la France a refusé la livraison d'un réacteur du type Dimona à la Libye, comment Kadhafi a-t-il réagi?

Les Libyens ont suggéré, aussi bien aux Egyptiens qu'aux Tunisiens, de commander la même chose que le réacteur de Dimona, pensant que cela aurait plus de chance d'être accepté. Comme Kadhafi savait qu'il n'était pas en odeur de sainteté, il pensait qu'on ferait plus confiance aux Tunisiens. En fait, cela n'a pas été le cas, parce que la Tunisie n'a absolument pas besoin de ça.

Si on vous demandait aujourd'hui de conseiller le président Sarkozy, que lui diriez-vous?

Cause toujours... On peut très bien faire traîner, l'art de faire traîner un accord pendant plusieurs années... Je lui conseillerais de ne pas aboutir. Cela me paraît aberrant, aujourd'hui, de livrer de l'équipement nucléaire, même modeste, à un pays comme la Libye. Une fois que vous êtes embrayés là-dedans, vous ne savez jamais comment cela se termine. Je ne sais pas sous quelle forme il l'a promis, mais j'espère que c'est une promesse qui ne sera jamais tenue.

 

 

Le Parisien, 13/8/2007: 

Nucléaire: les dessous de l'accord entre la France et la Libye

Le 25 juillet, Paris a promis à Tripoli son aide en matière de nucléaire civil. Selon nos informations, la Libye cherche en fait à s'équiper de l'EPR, le plus puissant réacteur au monde. Un marché prometteur pour Areva, mais politiquement sensible...

Après la controverse sur les ventes d'armes françaises - soupçonnées d'avoir servi de monnaie d'échange pour la libération le 24 juillet des infirmières bulgares -, voici que, selon nos informations, le régime de Tripoli s'intéresse de près au dernier-né des réacteurs nucléaires français, l'EPR. Confirmée au « Parisien » et à « Aujourd'hui en France » par un porte-parole du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), actionnaire principal du fabricant français de centrales nucléaires Areva, l'information pourrait relancer la polémique sur les « liaisons dangereuses » entre Paris et Tripoli.

En quoi l'intérêt libyen pour l'EPR pose-t-il problème ?

La Libye souhaite s'équiper, ce n'est pas un secret, d'une centrale nucléaire. Motif officiel : alimenter une usine de dessalement d'eau de mer. L'objectif est inscrit dans le « mémorandum d'entente » sur le nucléaire civil ratifié le 25 juillet lors de la visite de Nicolas Sarkozy à Muammar Kadhafi. Problème : l'idée paraît suspecte dans un pays regorgeant de pétrole. Si encore la Libye se contentait d'un réacteur de faible puissance et d'un modèle ancien, mais Tripoli viserait l'EPR, le réacteur le plus puissant jamais construit dans le monde. L'affaire risque de faire grand bruit en France, où les socialistes ont jugé, par la voix de Jean-Louis Bianco, que livrer une centrale à la Libye serait « géopolitiquement irresponsable ». Plus grave, le gouvernement allemand a déjà dénoncé l'accord franco-libyen en mettant en garde contre les risques de prolifération. Berlin a les moyens de se faire entendre : Areva NP, la filliale d'Areva qui construit l'EPR, est détenue à 34 % par l'allemand Siemens

Y a-t-il un risque de prolifération ? Signataire dès 1975 du traité de non-prolifération nucléaire, la Libye a renoncé en 2003 à son programme d'armes de destruction massive et le pays est tenu de se soumettre aux contrôles de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Pour plus de sureté, la France pose comme préalable à la vente d'équipements nucléaires la signature d'un accord bilatéral. Selon les experts, il est, de plus, impossible d'utiliser l'uranium enrichi à 4 % à la fabrication d'une bombe qui réclame un uranium enrichi à plus de 90 %. Quant à récupérer le plutonium dans le coeur du réacteur, il y faut des compétences et des installations que ne possède pas la Libye.

L'EPR fait-il partie du « deal » ayant permis la libération des otages ? L'Elysée a nié le moindre lien entre le protocole d'accord nucléaire et l'affaire des otages. Pourtant, la chronologie des faits est troublante. Ainsi, fin juin, Areva est brusquement sollicitée pour venir présenter la gamme de ses produits aux Libyens. A cette occasion, « ils ont marqué leur intérêt pour l'EPR », confirme-t-on chez Areva, qui ouvre aussitôt des « discussions préliminaires ». Un mois plus tard, les infirmières bulgares sont relâchées et des contrats d'armements signés ou en voie de signature.

La Libye est-elle un enjeu commercial pour Areva ? D'un coût de l'ordre de 3 milliards de dollars, l'EPR est le produit phare d'Areva. A ce jour cependant, seules la Finlande - où le chantier cumule les retards -, la Chine et la France ont signé des contrats et un nouveau client n'est jamais à négliger. D'autant que la Libye recèle des stocks et des réserves d'uranium que lorgne le géant français du nucléaire, qui reste sur ce dossier d'une extrême prudence.

 

 

Pas de négociations sur l'EPR avec la Libye, selon Areva

13/8/2007 - Aucune négociation n'a été engagée avec la Libye sur la vente éventuelle d'un réacteur nucléaire de troisième génération EPR, a déclaré lundi le groupe Areva. Areva réagissait à un article du Parisien dans lequel le quotidien écrit que Tripoli convoite la technologie de troisième génération EPR, que le groupe Areva a présenté en juin à des responsables libyens. Citant une source non identifiée chez Areva , le quotidien écrit que les responsables libyens "ont marqué leur intérêt pour l'EPR" et que des "discussions préliminaires" ont été ouvertes aussitôt.
Un porte-parole du numéro un mondial du nucléaire a confirmé que l'ensemble des technologies nucléaires avaient été présentées, mais a souligné qu'aucune négociation n'avait été engagée sur telle ou telle technologie. "C'est le temps des discussions politiques, pas le temps de l'industrie ou du commercial", a déclaré le porte-parole. A propos de la rencontre évoquée par Le Parisien, il a précisé : "C'était un échange d'informations très général sur les technologies de production nucléaire mais en aucun cas il ne s'agissait de discussions commerciales, ou de négociations en vue d'un contrat."
Au lendemain de la libération des infirmières bulgares détenues depuis plus de huit ans en Libye, la France a signé fin juillet avec Tripoli un accord de coopération dans le domaine du nucléaire civil. Cet accord pourrait se traduire par la fourniture d'un réacteur nucléaire à Libye, destiné selon l'Elysée à alimenter une usine de dessalement d'eau de mer. Interrogé par Le Parisien, Philippe Delaune, adjoint au directeur adjoint des affaires internationales du Commissariat à l'énergie atomique, actionnaire majoritaire d'Areva, déclare qu'"Areva a été sollicitée pour présenter l'EPR".
"Une première étude devra d'ailleurs être menée sur la capacité du système électrique libyen à accueillir un tel réacteur, ce qui en tout état de cause ne pourra pas être possible avant dix ou quinze ans", ajoute-t-il. Le groupe français, qui construit actuellement avec Siemens (SI) son premier réacteur EPR en Finlande, a signé un protocole d'accord portant sur la fourniture de deux centrales EPR à la Chine. Le collectif Sortir du nucléaire dénonce ces accords dans un communiqué, estimant que "c'est dans des dictatures que la France vend des réacteurs nucléaires". "M. Sarkozy a échangé les infirmières bulgares contre un EPR. Ce 'troc nucléaire' avec le dictateur Kadhafi est injustifiable", déclare le mouvement qui regroupe un ensemble d'associations anti-nucléaires. La mise en service d'un réacteur de troisième génération, à Flamanville (Manche), est prévue pour 2012.

 

 

Le Journal de Montreal, 7/8/2007:

L'eau, le nucléaire, le solaire et la Lybie...

La planète bleue ne manque pas d'eau puisque 71 % de sa surface est immergée. Mais c'est d'eau douce dont l'humanité a besoin. Toute pénurie est un problème que connaissent beaucoup de pays. Et parmi eux: la Lybie. La mer est salée. Il suffit de lui retirer le sel. La Libye dispose déjà d'une trentaine d'usines de dessalement. Une de plus, pourquoi pas ?

S'il est un pays ensoleillé, c'est bien la Lybie. Alors pourquoi choisir l'énergie nucléaire pour alimenter cette usine ? Est-ce bien raisonnable pour la France de prendre la responsabilité commerciale de cette vente ? Les réacteurs de troisième génération tels que celui que la France propose à la Lybie utilisent l'uranium-235 dont les réserves sont très limitées. Alors si cette énergie doit être choisie, ne faudrait-il pas que ce soit pour des pays sans soleil ?

Les centrales nucléaires sont potentiellement plus dangereuses que tout autre mode de production d'énergie donc la sécurité doit être au top niveau. Pour l'atteindre, il faut une construction résistant à tous les risques identifiés; le personnel doit bénéficier d'une formation sans faille. Et sur ces exigences se greffe le spectre du terrorisme. Même si l'édifice est d'une solidité à toute épreuve, si le personnel est hautement qualifié, le risque du terrorisme est à craindre, outre celui d'une guerre. Les Lybiens sont-ils consultés et prêts à prendre ce risque ? La réponse a son importance.

Il y a moyen de faire autrement. Parce que les centrales de dessalement existantes fonctionnent à partir d'énergies fossiles (ce qu'il faut dorénavant éviter), l'énergie de remplacement n'impose pas le recours au nucléaire. Surtout en Lybie. La place n'y manque pas pour installer une centrale solaire photovoltaïque ou heliothermodynamique! Il existe de par le monde des centrales solaires opérationnelles, en Californie par exemple. Pourquoi pas en Lybie ? Non seulement la France pourrait vendre une technologie de production d'énergie sans risque, mais elle pourrait aussi vendre un procédé de dessalement moins vorace en énergie.

Deux procédés se partagent actuellement le marché du dessalement thermique. Le plus répandu est la distillation multiflash qui donne de l'eau pure après plusieurs opérations de chauffe, de vaporisation et de condensation. L'autre procédé, dit de l'osmose inverse, nécessite de filtrer et désinfecter l'eau avant de lui appliquer une pression suffisante pour la faire passer à travers une membrane ne laissant passer que les molécules d'eau.

Nouveau procédé primé. Un nouveau procédé mis au point par le Laboratoire des sciences du génie chimique (LSGC) de Nancy évite un gâchis thermique. Et l'invention ne demande pas d'être un expert en assemblage, si bien que des emplois locaux seraient créés. L'initiatrice de ce procédé, Viviane Renaudin, a reçu le Grand Prix pour l'innovation de la fondation Altran, remis par Frederico Mayor, directeur général de l'Organisation des Nations unies et de Pierre-Frédéric Ténière-Buchot, Haut conseiller pour l'eau au programme de l'ONU pour l'environnement. Construire l'usine de dessalement - utilisant ce procédé moderne - à proximité d'une centrale de production d'énergie solaire serait l'idéal.

Hubert Reeves



La Libye tarde à se débarrasser de ses stocks d'uranium

3/8/2007 - La Libye essaye de gagner du temps avant de remplir son engagement pris en 2003 de se débarrasser de ses stocks d'uranium, dont elle détient toujours près de 200 barils dans une base militaire, rapporte le Daily Telegraph lundi. Citant des sources proches du dossier sous couvert d'anonymat, le quotidien britannique affirme que le stock d'uranium conservé par Tripoli, dont la valeur s'élève à 295 millions d'euros, est entreposé dans une base militaire à Sabha. La Libye a accepté en décembre 2003 de démanteler ses programmes de développement d'armes de destruction massive, en contrepartie de la levée des sanctions imposées par la communauté internationale, et à coopérer avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Le chef de l'Etat libyen Moummar "Khadafi s'est plié à la procédure dictée par l'AIEA mais l'a retardée", indique la même source. "Khadafi entend utiliser l'uranium comme outil de tractation pour obtenir un réacteur", ajoute le journal. Fin juillet, La France et la Libye ont conclu un protocole d'accord controversé pour la fourniture à la Libye d'un réacteur nucléaire pour dessaler l'eau de mer.


Le Monde, 28/7/2007: 

En Libye, Areva souhaite construire un réacteur mais aussi chercher des gisements d'uranium

Le "mémorandum d'entente" sur le nucléaire, signé lundi 25 juillet à Tripoli par le président de la République, Nicolas Sarkozy, et le numéro un libyen, Mouammar Kadhafi (Le Monde du 27 juillet), ouvre la voie à une coopération dans toutes les applications du nucléaire civil. Il intéresse les groupes français du secteur, surtout Areva, EDF et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), mais il a réveillé toutes les inquiétudes. Les risques de prolifération ont été dénoncés par les Verts et les associations écologistes français. Dans le quotidien économique Handelsblatt, le secrétaire d'Etat allemand aux affaires étrangères, Gernot Erler, a critiqué un accord impliquant son pays à travers Siemens, détenteur de 34 % du constructeur de réacteurs Areva NP.

En raison des délais de certification et de construction, la Libye ne disposera pas d'une centrale avant six à huit ans. M. Sarkozy estime que la manière de traiter la Libye sera scrutée à la loupe par le monde arabe. La priver du nucléaire, c'est s'exposer à "une guerre des civilisations", a-t-il prévenu. " Si on ne donne pas l'énergie du futur aux pays du sud de la Méditerranée, comment ils vont se développer ? s'est-il interrogé. Et s'ils ne se développent pas, comment on va lutter contre le terrorisme ?" Il a reconnu que tout risque de prolifération n'est pas écarté en ajoutant qu'il existe, en cas de crise, "un système permettant de désactiver une centrale nucléaire depuis l'extérieur".

L'accord pour la construction d'une centrale alimentant en électricité une usine de dessalement d'eau de mer - une activité très "énergivore" qui aurait pu être couplée à une centrale thermique - n'a pas été rendu possible par la seule libération des infirmières bulgares. Il supposait surtout que la Libye, signataire du traité de non-prolifération en 1975, renonce d'abord à son programme d'armes de destruction massive, notamment nucléaires. Tripoli l'a fait fin 2003 sous la pression des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne et a accepté le contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur ses installations de recherche.

"TEMPS DES POLITIQUES"

La coopération Paris-Tripoli ne part pas de rien. Des discussions sur le nucléaire "durent déjà depuis plusieurs années", a indiqué, jeudi, le ministère des affaires étrangères. En mars 2006, le CEA a signé un accord portant sur le dessalement de l'eau de mer utilisant l'énergie nucléaire et sur la production de radio-isotopes (médecine, industrie). Récemment, une équipe d'Areva s'est rendue à Tripoli pour y présenter ses activités. "C'était une rencontre exploratoire, précise un porte-parole. Aujourd'hui, c'est le temps des politiques. Demain, ce sera celui des industriels."

Dans l'immédiat, le groupe d'Anne Lauvergeon s'intéresse à d'éventuels gisements d'uranium dans le Sud libyen. "Le contexte géologique est le même" qu'au Niger, où Areva exploite d'importantes mines, a indiqué M. Sarkozy. Le groupe discute aussi du rachat des 1 600 tonnes d'uranium stockées par Tripoli dans le cadre de son programme militaire.

De nombreux pays du pourtour méditerranéen (Egypte, Algérie, Maroc, Turquie) et du golfe Persique ont l'intention de se doter de centrales nucléaires. Et la concurrence va s'exacerber entre les français (EDF, Areva), les américains (General Electric), les japonais (Toshiba-Westinghouse) et les russes (Atomenergoprom). Areva et EDF n'ont "que quelques années d'avance" sur leurs concurrents, prévient le PDG d'un grand groupe d'énergie.

Les pays en pointe dans l'industrie nucléaire civile (Etats-Unis, Russie, France, Japon) tentent de concilier deux objectifs : exporter leurs produits (réacteurs, cycle combustible-retraitement) sans déclencher de phénomène de prolifération. D'où l'idée lancée par les présidents américain et russe, George Bush et Vladimir Poutine, de créer des centres de référence dans les pays "sûrs" où les nations émergentes voulant accéder au nucléaire civil puissent se fournir en uranium faiblement enrichi avant de leur renvoyer le combustible usagé pour retraitement.

 



L'Humanité, 27/7/2007: 
[Aller, pour rire, Sarko est vraiment très, très fort !!!]

Le nucléaire offert aux Libyens

La France a signé avec Tripoli un accord de coopération dans le domaine du nucléaire civil, qui respecterait selon Paris, le traité de non-prolifération.
Tripoli, envoyée spéciale.

La France va fournir un réacteur nucléaire à la Libye. Le président Sarkozy a beau avoir affirmé mercredi soir à la presse nationale, qu'il recevait dans une petite salle VIP d'un hôtel de luxe de Tripoli, qu'aucun accord n'avait été signé, un pas a été franchi mercredi en direction de l'octroi du nucléaire civil au régime du colonel Kadhafi. Outre un « accord de coopération » en matière de défense et d'industrie de défense, Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, a signé avec son homologue libyen, Abdurrahman Mohamed Chalgam, un « mémorandum d'entente sur la coopération dans le domaine des applications pacifiques de l'énergie nucléaire ». L'objectif est l'installation d'un réacteur nucléaire qui fournirait l'énergie nécessaire à une usine de « dessalement d'eau de mer », a expliqué en substance Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée. Devançant comme à son habitude les éventuelles critiques quand au fait de doter la Libye d'une technologie qui pourrait aussi servir à des fins militaires, Sarkozy a pris soin de préciser qu'il était désormais possible de bloquer le fonctionnement d'une centrale de l'extérieur.

Ce geste, qui, selon Paris, respecte l'objectif de non-prolifération (dont est partie prenante la Libye depuis 2004), permet d'accompagner et d'encourager l'évolution d'un pays qui, depuis quatre ans, « manifeste sa volonté d'être réintégré dans la communauté internationale, a souligné Nicolas Sarkozy. Il a ainsi mis au crédit d'un régime longtemps honni des Occidentaux son renoncement aux armes de destruction massive et sa collaboration dans le domaine de l'antiterrorisme, ainsi que le règlement de l'affaire de l'attentat de Lockerby. La libération des infirmières a été également citée comme la dernière étape, même si de fait, comme l'a expliqué Claude Guéant, le groupe nucléaire français Areva avait envoyé une mission en Libye pour étudier la faisabilité du projet il y a environ trois semaines, bien avant du dénouement de l'affaire bulgare. « Mais cet accord va au-delà du cas de la Libye. J'essaie de rassurer le monde arabe », a souligné Nicolas Sarkozy. Bien que ne faisant pas partie du monde arabe, l'Iran, et son programme nucléaire controversé, est dans la ligne de mire de l'Élysée. « Ce projet a beaucoup de sens sur le plan politique, a résumé Claude Guéant. Il signifie qu'un pays qui respecte les normes internationales peut être doté d'une industrie nucléaire civile. »

Au-delà de sa portée politique, le mémorandum sur le nucléaire a une dimension commerciale. Comme l'a résumé le président français, « la Libye est un pays qui a des besoins et les moyens ». En difficulté avec sa principale réserve d'uranium au Niger, Areva s'intéresse notamment aux réserves libyennes. Sans compter un stock de 1 600 tonnes de ce minerai resté en Libye depuis l'époque où Kadhafi cherchait à doter son pays de l'arme nucléaire.

 

Le Monde, 26/7/2007:

Le Réseau "Sortir du nucléaire" dénonce un "troc nucléaire"

Les accusations des militants du réseau Sortir du nucléaire à l'encontre du président Nicolas Sarkozy, coupable, selon eux, de s'être livré à un "troc nucléaire injustifiable" avec le chef de l'Etat libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, afin d'accélérer la libération des infirmières bulgares, ne semblent guère émouvoir les chancelleries européennes. "Que le lobby écologiste se mobilise, c'est de bonne guerre. Mais si la France arrive à vendre sa technologie à la Libye - qui a l'argent pour ça et, désormais, la respectabilité -, pourquoi s'en scandaliser ?", commentait-on, mardi 24 juillet, dans les milieux diplomatiques à Sofia. Selon Sortir du nucléaire, M. Sarkozy "travaille à former un trust nucléaire" avec les sociétés Areva, Alstom et Bouygues, qui pourraient développer leurs activités en Libye, en y construisant, notamment, des centrales nucléaires. En 2006, Paris et Tripoli ont signé un protocole d'accord dans le domaine de la recherche nucléaire civile.

 

Communiqués de presse "Sortir du nucléaire", 26/7/2007:

Centrale nucléaire vendue par Sarkozy au dictateur Kadhafi: non, ce n'est PAS pour désaliniser l'eau de mer !

La désalinisation de l'eau de mer n'est qu'un subterfuge pour tenter de justifier le nucléaire !

Sous prétexte "d'aider la Libye à réintégrer le concert des nations", le Président français vient de signer un accord pour livrer un réacteur nucléaire au dictateur libyen Kadhafi. Dans cette affaire, M Sarkozy a commis des fautes majeures et a menti à plusieurs reprises :

La désalinisation de l'eau de mer est un faux prétexte

Paris prétend que le réacteur nucléaire promis à la Libye servira à désaliniser l'eau de mer. C'est un subterfuge : pour cela, il est bien plus efficace, bien moins cher et bien plus écologique d'utiliser l'énergie solaire, pour laquelle la Libye a des atouts exceptionnels à condition d'investir dans ce secteur et non dans l'atome. M Kadhafi n'à que faire de désaliniser l'eau, son objectif est d'obtenir à des technologies nucléaires, dans le but d'accéder tôt ou tard à l'arme atomique.

La Libye ne doit pas investir dans le nucléaire mais dans le solaire

La Libye est très largement auto-suffisante en énergie puisqu'elle regorge de pétrole. Et si elle souhaite se diversifier, elle doit logiquement privilégier l'énergie solaire : l'ensoleillement du pays tout au long de l'année est remarquable. L'énergie solaire est renouvelable, ne produit pas de déchets radioactifs, et ne mène pas à l'arme atomique (mais c'est certainement cela que M Kadhafi lui reproche !)

Nucléaire civil et militaire sont indissociables

L'actualité (Iran, Corée du Nord) montre que nucléaire civil et militaire sont intimement liés. Ce n'est pas pour rien si les grandes puissances ne croient pas l'Iran qui, pourtant, annonce avoir un programme nucléaire purement civil. Livrer du nucléaire "civil" à la Libye reviendrait à aider ce pays à accéder, tôt ou tard, à l'arme atomique.

Livrer un réacteur nucléaire à un dictateur est irresponsable

M Kadhafi a certes fini par libérer ses otages bulgares, mais il n'en reste pas moins un dangereux dictateur. Ses sautes d'humeur et ses revirements stratégiques ont été si brutaux depuis près de 40 ans qu'il est rigoureusement impensable de lui faire confiance. Hélas, M Sarkozy ne semble pas avoir pris conscience de ces données pourtant évidentes.

Nicolas Sarkozy a menti mardi 24 juillet

Lors de sa conférence de presse le 24 juillet à l'Elysée, Nicolas Sarkozy a été interrogé par un journaliste qui s'est fait l'écho des accusations portées par le Réseau "Sortir du nucléaire" : celui-ci annonçait que les infirmières bulgares allaient servir de "monnaie d'échange" pour un véritable "troc nucléaire". M Sarkozy a nié l'existence d'un tel arrangement et, le lendemain, M Martinon, porte-parole de l'Elysée, a affirmé qu'il n'était "pas question" de parler de "coopération nucléaire" au cours de la rencontre entre les deux chefs d'Etat mercredi. En réalité, il est clair que cet accord nucléaire était prêt depuis longtemps et qu'il n'a pas été rédigé en quelques minutes dans le palais du dictateur libyen.

L'aveu de M Sarkozy sur le "Grenelle de l'environnement"

En signant avec M Kadhafi un accord pour développer un programme nucléaire, M Sarkozy avoue involontairement que le "Grenelle de l'environnement", qui doit se tenir à l'automne, ne servira à rien : M Sarkozy a d'ores et déjà décrété que le nucléaire était acceptable sur le plan environnemental (alors qu'aucune solution n'existe pour les déchets radioactifs, et que l'accident nucléaire menace plus que jamais). Les accusations portées par le Réseau "Sortir du nucléaire", qui refuse de participer au "Grenelle", se révèlent encore une fois exactes.

 

Nucléaire pour désaliniser l'eau: un "subterfuge"

26/07/2007 - La fourniture à la Libye d'un réacteur nucléaire pour permettre à ce pays de désaliniser de l'eau de mer est un "subterfuge", et il serait "bien plus efficace et bien moins cher" d'utiliser pour cela l'énergie solaire, a estimé jeudi dans un communiqué le réseau d'associations "Sortir du nucléaire". "Sous prétexte d'aider la Libye à réintégrer le concert des nations, le président français vient de signer un accord pour livrer un réacteur nucléaire au dictateur libyen Kadhafi", s'indigne le réseau écologiste. "M. Kadhafi n'a que faire de l'eau, son objectif est d'accéder à des technologies nucléaires", souligne le réseau. "La Libye est très largement auto-suffisante en énergie puisqu'elle regorge de pétrole. Et si elle souhaite se diversifier, elle doit logiquement privilégier l'énergie solaire : l'ensoleillement du pays tout au long de l'année est remarquable", observe l'association. Pour Sortir du nucléaire, il ne fait pas de doute que "nucléaire civil et militaire sont indissociables", et que "livrer du nucléaire civil à la Libye reviendrait à aider ce pays à accéder tôt ou tard à l'arme atomique". Le réseau anti-nucléaire avait tiré la sonnette d'alarme mardi, soupçonnant le président de la République Nicolas Sarkozy de se livrer à "un troc nucléaire" en échange des infirmières bulgares. Nicolas Sarkozy avait pour sa part assuré lors d'une conférence de presse à l'Elysée le même jour qu'il n'avait "absolument pas été question" d'un quelconque accord dans le domaine nucléaire. La Libye et la France ont signé en mars 2006 à Tripoli un protocole d'accord sur la recherche nucléaire civile, le premier du genre depuis l'annonce par le dirigeant libyen en 2003 de sa décision de renoncer à son programme d'armes de destruction massive. Ce protocole porte sur les recherches et l'utilisation de la technologie nucléaire dans le domaine civil : médical, eau, agriculture.


Communiqués de presse "Sortir du nucléaire", 25/7/2007:

Nicolas Sarkozy en Libye:
Le Réseau "Sortir du nucléaire" demande à M. Sarkozy de s'engager à ne pas livrer de nucléaire au dictateur libyen Kadhafi

Nucléaire civil et militaire sont indissociables : il est dans tous les cas irresponsable de livrer du nucléaire à un dictateur

Au lendemain de la libération des infirmières bulgares, le Président Sarkozy se rend à Tripoli, selon lui "pour aider la Libye à réintégrer le concert des nations".

Cette déclaration est extrèmement inquiétante : M. Sarkozy semble avoir déjà oublié que M. Kadhafi reste un dictateur, même après avoir relâché ses otages bulgares. Cette curieuse amnésie semble survenir à point nommé pour permettre de juteux échanges commerciaux.

En particulier, le conglomérat nucléaire Areva, dont l'Etat est actionnaire majoritaire (par l'intermédiaire du Commissariat à l'énergie atomique), est en contact avancé avec Tripoli. M. Sarkozy prétend que ce dossier, pourtant ultra sensible, n'a pas été évoqué dans les tractations autour des infirmières bulgares.

Libre à chacun de croire à cette affirmation, toujours est-il que le Président français souhaite livrer de la technologie nucléaire au dictateur libyen : ce serait irresponsable dans tous les cas, même si M Sarkozy n'avait pas évoqué ce dossier lors des tractations autour des infirmières bulgares.

Le Réseau "Sortir du nucléaire" n'ose pas espérer de M. Sarkozy qu'il prenne enfin conscience de ce que le nucléaire (civil et militaire) est par nature funeste pour la planète et les êtres vivants. Par contre, il est nécessaire que M. Sarkozy s'engage à ne pas livrer de technologie nucléaire au dictateur qu'est toujours M. Kadhafi.

L'actualité (Iran, Corée du Nord) montre que nucléaire civil et militaire sont intimement liés. Livrer du nucléaire "civil" à la Libye reviendrait à aider ce pays à accéder, tôt ou tard, à l'arme atomique.

NB : Par ailleurs, faut-il le rappeler, un réacteur nucléaire "civil" produit des déchets radioactifs et peut causer une catastrophe : le nucléaire serait injustifiable même s'il n'avait pas d'application militaire.

 

Interrogations sur un accord nucléaire entre Paris et la Libye

24/07/2007 - L'implication de la France dans la libération de cinq infirmières bulgares et d'un médecin d'origine palestinienne accusés d'avoir inoculé le virus du sida à des enfants libyens suscite des interrogations sur un éventuel accord nucléaire entre Paris et Tripoli. Le réseau "Sortir du nucléaire" a accusé le président français Nicolas Sarkozy de s'être livré à un "troc nucléaire injustifiable" en proposant colonel Mouammar Kadhafi de la technologie "en échange des infirmières bulgares". Il a jugé "irresponsable" de fournir ce type de compétences au dirigeant libyen. "Certes, M Kadhafi a officiellement renoncé à un programme nucléaire militaire, mais ce dictateur est un habitué des revirements brutaux et des pratiques dissimulatoires", a-t-il ajouté dans un communiqué. Interrogé sur ces reproches lors d'une conférence de presse, le chef de l'Etat a déclaré : "Ca n'a absolument rien à voir. Je tiendrai des réunions cet après-midi avec Bernard Kouchner (ministre des Affaires étrangères) et le Premier ministre pour préparer mon voyage mais il était très difficile de faire un accord alors même que je ne savais si les infirmières allaient être libérées. Ca n'a absolument rien à voir". Nicolas Sarkozy doit se rendre mercredi en Libye avec Bernard Kouchner. "J'aurai l'occasion, demain (...) d'effectuer un déplacement politique (...) en Libye pour aider la Libye à réintégrer le concert des nations", a-t-il souligné. La Libye cherche des sources alternatives aux matières fossiles pour sa production d'électricité. Elle envisage de recourir au nucléaire civil dans le cadre des procédures de l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA). Areva, leader mondial du nucléaire, a été approché par le régime de Tripoli pour faire une offre. "On a bien été sollicité", a dit à Reuters un porte-parole du groupe français en ajoutant toutefois que rien ne pourrait se faire dans accord bilatéral et sans agréments internationaux.


Communiqués de presse "Sortir du nucléaire", 24/7/2007:

Infirmières bulgares:
Le Réseau "Sortir du nucléaire" accuse M. Sarkozy de se livrer à un "troc nucléaire" injustifiable avec le dictateur libyen Kadhafi

Le Réseau "Sortir du nucléaire" accuse M.Sarkozy de se livrer à un "troc nucléaire" injustifiable en proposant au dictateur libyen Kadhafi de la technologie nucléaire en échange des infirmières bulgares.

Le Réseau "Sortir du nucléaire" ne commentera pas le fait que le Président français s'attribue le mérite des efforts de l'Union européenne pour faire libérer les infirmières bulgares, par contre il dénonce avec la plus grande vigueur la "monnaie d'échange" utilisée par les Sarkozy - l'épouse du chef d'Etat étant son "pion avancé" en Libye - pour arriver à leurs fins.

Promouvoir le nucléaire, et tenter d'étendre cette technologie sur la planète, est de façon générale une très mauvaise chose pour l'environnement. Mais fournir de la technologie nucléaire à un dictateur est encore plus irresponsable.

- Certes, MM Sarkozy et Kadhafi parlent de "nucléaire civil", mais l'expérience et l'actualité (par exemple en Corée ou en Iran) montrent que nucléaire civil et militaire sont intimement liés.

- Certes, M Kadhafi a officiellement renoncé à un programme nucléaire militaire, mais ce dictateur est un habitué des revirements brutaux et des pratiques dissimulatoires.

Par ailleurs, il est fort curieux que la commissaire européenne aux Relations extérieures Benita Ferrero-Waldner, chargée du dossier des infirmières bulgares, ait exprimé le 13 juillet son "agacement" devant le forcing de M Sarkozy, avant de se déclarer 6 jours plus tard "d'accord sur tout" avec M. Sarkozy. Ce dernier attribue une telle importance aux infirmières bulgares que le seul "humanisme" du Président français semble une explication un peu courte.

Alors que M Sarkozy travaille en coulisse à la constitution d'un trust nucléaire regroupant Areva, Alstom et Bouygues, on ne peut que se souvenir qu'un des amis proches du Président français n'est autre que Martin Bouygues. Et ne peut que penser que ce dernier serait certainement heureux... de construire des centrales nucléaires en Libye.

L'industrie nucléaire est globalement en déclin sur la planète (le nombre de réacteurs qui vont fermer dans les 20 ans est nettement supérieur au nombre de projets de nouveaux réacteurs), mais il apparait que c'est principalement dans les régimes fort peu démocratiques que des projets de relance du nucléaire apparaissent (Chine, Russie, Libye, Algérie, Egypte, Biélorussie, etc).

Il est inacceptable que la France fournisse de la technologie nucléaire à ces pays.