Libération, 05/07/2006: 

La sûreté avance sur la transparence

Nucléaire. L'Etat rompt le silence et décide de ne plus minimiser les risques d'accident.

«Un tel accident est extrêmement peu probable, mais cela n'empêche qu'il faut s'y préparer.» Dixit, hier, André-Claude Lacoste, directeur général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L'accident évoqué, c'est celui qui, détruisant un réacteur nucléaire, libérerait dans l'atmosphère une quantité importante de radioéléments. Menaçant la santé du personnel et des populations. Leur protection en cas d'accident faisait l'objet d'une communication de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui y consacre le dernier numéro de sa revue Contrôle.

Faut-il parler de ce qui fait peur ? Longtemps, les nucléocrates français ont plaidé pour le silence. Un discours appuyé sur l'affirmation qu'un accident majeur serait «improbable». Three Mile Island (en 1979) et Tchernobyl (1986) ont fait litière de l'argument. Les responsables de la sûreté nucléaire reconnaissent que ces accidents ont entraîné de profondes modifications techniques ou d'organisation du travail, voire de «culture de sûreté», censées empêcher qu'ils ne se renouvellent. Et si aucun accident de cette importance n'a eu lieu en France, il ne faut pas sombrer dans «une routine entraînant l'absence de remise en cause des organisations de gestion d'une crise nucléaire», explique Lacoste.

D'où la multiplication des exercices pour tester les capacités des différents acteurs ? exploitants, pouvoirs publics, pompiers, sécurité civile... et elle-même ? à tenir leur rôle. Rien qu'en 2005, dix exercices nationaux ont été menés dans sept centrales nucléaires, un institut de recherche, à l'usine de La Hague et pour un transport de matières nucléaires. Exercices qui montrent parfois l'impossibilité de certaines préconisations [voir la plaisanterie de ces simulations...], comme le confinement des enfants dans les écoles puisque le premier réflexe des parents est de venir les y chercher. D'où, également, les réorganisations intervenues depuis cinq ans des dispositifs techniques (réseau de mesures de radioactivité), des chaînes de décision et d'information et du cadre légal précisant les responsabilités de chacun.

Mais si l'ASN tient ce discours plus ouvert ? admettre la possibilité d'un accident majeur tout en maintenant sa faible probabilité ?, c'est qu'elle fait sienne ce constat : «L'information [du public] seule est insuffisante : elle nécessite que l'émetteur soit crédible.». C'est à l'acquisition de cette crédibilité que doit contribuer ce nouveau discours, qui rompt avec l'ancien : «Tout est sous contrôle, dormez tranquilles !». Elle passe par la «transparence», écrit l'ASN. Les plans d'urgence et leurs degrés ? simple confinement chez soi si l'on craint une exposition supérieure à 10 millisievert (mSv), évacuation au-dessus de 50 mSv, prise des pastilles d'iode stable distribuées à l'avance en prévision de dose de 100 mSv.

La publicité de la préparation à la crise entraîne évidemment le débat public que craignaient les nucléocrates. Il prend la forme d'un texte de Jacky Bonnemain (association Robin des Bois), publié par l'ASN, qui critique gentiment ? les plans d'urgence. Mais suscite également les réactions indignées du réseau Sortir du nucléaire, qui ne veut voir dans ce discours que l'aveu qu'un accident est «de plus en plus probable».

Sylvestre Huet


Lire: Qui pense encore que l'accident nucléaire est impossible en France alors que les autorités s'y préparent ?

 

 

L'hypothèse d'un accident nucléaire majeur n'est plus un tabou, selon l'ASN

04/07/2006 - L'hypothèse qu'un accident nucléaire majeur puisse survenir en France ne constitue plus un tabou, a constaté mardi André-Claude Lacoste, directeur général de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), lors d'une conférence de presse tenue à Paris.

On a assisté ces dernières années à "une évolution profonde et spectaculaire: le fait d'admettre qu'il puisse y avoir des accidents nucléaires. Un tel accident est extrêmement peu probable, mais cela n'empêche qu'il faut s'y préparer", a déclaré M. Lacoste.

La distribution de doses d'iode (le tranquillisants contre l'angoisse nucléaire) aux populations vivant à proximité des centrales "a beaucoup contribué à cet état d'esprit", a-t-il ajouté.

En cas d'incident grave, certaines installations nucléaires sont susceptibles de relâcher dans l'atmosphère de l'iode radioactif, pouvant entraîner des cancers de la thyroïde [et tous les autres cancers...] au sein de la population riveraine [et dans toutes l'Europe...]. Une prise préventive d'iode naturel (non radioactif), ordonnée par le préfet, doit empêcher la fixation de l'iode radioactif dans les organismes.

M. Lacoste a précisé que les autorités nucléaires françaises réfléchissaient, en partenariat avec leurs homologues européennes, à la possibilité d'élargir le périmètre à l'intérieur duquel sont distribués les cachets d'iode (actuellement dans un rayon de 10 km autour d'une centrale). [les nuages radioactifs en France sont aux ordres des autorités...]

Dans ses scénarios de crise, l'ASN va jusqu'à prendre en compte la possibilité de la fusion partielle d'un coeur de réacteur, comme lors de l'accident de la centrale américaine de Three Mile Island, en 1979.