France3 Limousin, 20/5/2008: 

Un convoi d'uranium appauvri va quitter Bessines

Depuis 10 ans 125 000 tonnes de matières radio-actives sont stockées sous un hangar.

Areva (ex-Cogema) a décidé de réexpédier sur son site de Pierrelatte ( Drôme) une partie des containers qui sont entreposés sous des hangars visibles de l'autoroute sur la commune de Bessines-sur-Gartempe (Haute-Vienne). Ceux-ci contiennent de l'uranium dit "appauvri" que l'industriel va recycler.

[A propos d'uranium appauvri, lire:
- Mort de soldats,
leucémies et armes à uranium appauvri
- A propos de la mise en orchestration de la culpabilité de l'uranium 236
-
L'uranium est mortifère qu'il soit civil ou militaire
-
Les munitions françaises doivent être démantelées
- Dossier
Golfe: une guerre atomique (1,6 Mo en PDF, Sciences et Avenir n°646, décembre 2000)
-
Leçons de la guerre du Golfe
- Une journaliste atteinte du "syndrome du Golfe"... (en PDF)
- De l'uranium appauvri
dans les avions de ligne (Science et Avenir n°648, février 2001)
-
Les avions civils aussi (Science & Vie n°1001, février 2001)]

Les premiers wagons partent mardi à destination de la Drôme. La décision de recycler cet uranium correspond à la flambée des cours de l'uranium qui rend l'opération plus rentable, selon l'industriel. Le procédé de "diffusion gazeuse" qui va être utilisé constituerait même une première mondiale. Mais les associations écologistes dénoncent une opération de communication. Bessines devrait rester encore pour longtemps une [poubelle nucléaire] plate-forme de transit pour matières radio-actives.

[Lire:
-
Le limousin radioactif
- Mines d'uranium du Limousin
-
La gestion des résidus issus de l'extraction et du traitement des minerais d'uranium]

Rappel des faits - Un long feuilleton juridique
- 1995: arrêté préfectoral autorisant la Cogema à réaliser l'entreposage
- 1996: un recours en annulation contre l'arrêté a été déposé.
- 1998: le tribunal administratif de Limoges annule l'autorisation en juillet mais la cour d'appel de Bordeaux renverse la décision en novembre
- 2001: le conseil d'Etat refuse d'annuler l'arrêté de la Cour d'Appel au motif que l'U308
[U238] ne constitue pas un déchet ultime. L'association écologiste ADEPAL est condamnée à payer 20 000 F à la Cogema

 


Le Midi libre, 20/5/2008: 

Marcoule: comment rendre le nucléaire durable ?

Comment rendre le développement du nucléaire durable ? La question, vue d'un point de vue écologiste, pourrait paraître provocante. Mais elle est considérée avec un très grand sérieux par les quelque 300 participants à la Conférence internationale "Atalante 2008" organisée depuis hier et jusqu'au 22 mai, au Corum à Montpellier, par le centre CEA (Commissariat à l'énergie atomique) de Marcoule, dans le Gard.

Ces spécialistes mondiaux du cycle du cycle du combustible sont venus des Etats-Unis, de Chine, du Japon, d'Australie, d'Afrique du Sud ou d'un peu partout en Europe (plus de quinzaine de pays sont représentés) pour questionner, débattre, échanger sur la manière d'économiser les ressources énergétiques disponibles [au niveau mondiale, les reserves d'uranium, ne sont que pour environ 50 à 70 ans de production], sur la façon de recycler mieux encore les matières nucléaires après leur passage en réacteur, sur les moyens mis en oeuvre pour minimiser encore plus les déchets radioactifs et maîtriser leur devenir [lire: Vivrez-vous près d'une poubelle nucléaire ? - Déchets très radioactifs sous la France tranquille].

[Calculs avec les chiffres donnés dans le mémento du CEA:
- réserves d'uranium dans le monde fin 1996 (ressources connues + ressources estimées: 4.299.000 t
- consommation mondiale actuelle annuelle: 56.250 t,
- durée de la vie de la production d'énergie nucléaire: 76 ans.
Si on triple la production mondiale de l'électricité nucléaire actuelle - pour lutter contre l'effet de serre - alors, la durée de la vie des réserves se réduit à 25 ans. C'est moins de temps que promit le soi-disant "sortir du nucléaire" allemand...
Sources: (L'énergie en France, édition 2000, ministre de l'économie des finances et de l'industrie) et dans "Mémento sur l'énergie", 1999]

Autant de domaines dans lesquels la France reste un incontournable leader, à Marcoule en particulier, « et notamment sur le site d'Atalante, un nom d'un site qui est carrément devenu un nom générique » se félicitaient hier, d'une même voix, à l'ouverture de la conférence, Philippe Pradel et Christian Bonnet, respectivement directeur de l'énergie nucléaire au CEA et directeur du CEA Marcoule.

Selon eux, « comment rendre le développement du nucléaire durable est une question fondamentale, de plus en plus d'actualité quand on observe les problèmes liés à l'énergie et au climat. Le nucléaire est une des réponses. »

Et d'affirmer dans la foulée qu'« aujourd'hui, on compte 96 % de matières recyclables dans un combustible nucléaire usé. On le trie d'abord, on le sépare puis on le recycle. Et s'il fallait une preuve que la France reste le leader mondial sur ces technologies, développées à Marcoule, sachez que le Japon vient d'acheter une usine française pour travailler exactement sur ces mêmes technologies. Il s'agit du plus gros transfert technologique jamais réalisé entre la France et le Japon ! » s'enthousiasmaient-ils encore.

Ce recyclage, « tel qu'on le réussit aujourd'hui, et avec les améliorations que l'on peut encore apporte » , règle, selon MM. Pradel et Bonnet, le problème d'une pénurie de la ressource en uranium : « Si on ne recyclait pas, avec les réserves mondiales, on n'irait pas au-delà de 50 ou 100 ans. Là, en recyclant ainsi, on rend le nucléaire durable. »

 


La Montagne, 20/5/2008:

L'uranium n'est (presque) plus un déchet

Le site Areva de Bessines-sur-Gartempe au centre d'une première mondiale

Leader mondial en matière d'énergie nucléaire, la France est le premier pays qui va enrichir de l'uranium appauvri. Avec Bessines pour plaque tournante.

Si certains avaient cru et/ou espéré que la Cogema (aujourd'hui Areva) allait délaisser son site de Bessines après 2001, quand la mine toute proche de Jouac ferma, ils en ont été pour leurs frais. Non seulement Areva a maintenu une importante activité, notamment de sécurisation, mais l'entreprise française, leader mondial de l'énergie nucléaire, l'a développé. Les vastes hangars de Bessines ont d'abord accueilli des containers d'uranium appauvri, dont la livraison commença en novembre 1998 .

Et, ce mercredi à 9h10, partira le premier train contenant ce même uranium appauvri, destiné à être... enrichi. Une première mondiale. Une précision d'importance, avant tout : cet uranium appauvri n'est en aucun cas issu des centrales nucléaires. Les déchets de ces dernières sont d'abord traitées à La Hague, dans la Manche, puis stockées au même endroit et dans l'Aube, ou sur les sites des centrales elles-même.

Deux trains par mois. L'uranium appauvri de Bessines provient des usines de traitement et constitue en quelque sorte le résidu du minerai qui ne peut être destiné aux centrales. Son taux de radioactivité est faible, inférieur à celui du minerai naturel. Et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime dans une récente étude que sa dangerosité est limitée. Dix ans durant, donc, Areva a accueilli des containers de cet uranium, et les stocka, pour un total de 125.000 tonnes. Progrès technologiques aidant, Areva est aujourd'hui capable de valoriser ce produit, contredisant ainsi les arguments de ses opposants, qui ont toujours prétendu que Bessines accueillait des "déchets ultimes".

Gazéifié et filtré, l'uranium va donc être enrichi (dans les usines Areva de Narbonne et Pierrelatte dans la Drôme) et pourra ainsi repartir dans le circuit nucléaire, à destination des centrales. La France est le premier pays au monde à mettre en oeuvre cette technique. Un "ultime" problème. C'est demain que le premier train quittera Bessines. Il y en aura deux par mois, sachant que les convois d'uranium appauvri continuent d'arriver à raison de deux par mois également, puisque Bessines est loin d'avoir atteint le maximum de sa capacité de stockage (200.000 tonnes).

Puisque seuls 18 % de l'uranium appauvri pourra être enrichi, le reste reviendra à Bessines avant de repartir à nouveau. En théorie, ce circuit peut se faire plusieurs fois. Restera ensuite à résoudre le problème du déchet qu'on pourra cette fois qualifier d'ultime. Reprendre l'exploitation ?... Dans un premier temps, Areva a prévu d'enrichir 12.000 tonnes en 2008, puis 6.000 en 2009. Sur ces 18.000 tonnes, 3.350 seront valorisées une première fois. Cette nouvelle technologie est d'autant plus intéressante que le cours de l'uranium est remonté.

Mieux : alors que la France a stoppé l'extraction minière en mai 2001 avec la fermeture de la mine de Jouac, et qu'elle achète aujourd'hui à l'étranger son précieux minerai, « il n'est pas exclu qu'on reprenne l'exploitation de mines, y compris ici à Bessines », explique Laurent Blaszczyk, porte parole d'Areva-Bessines. Voilà qui ne manquerait pas de piment et pourrait profiter à l'économie du département.