La femme de l'agent EDF irradié à Tricastin dénonce l'"enfer" que vit son mari

VALENCE, 6 nov - La femme de Frédéric Moreau, un agent EDF irradié en mars 1999 à la centrale de Tricastin (Drôme), dont l'ex-directeur est jugé lundi à Valence pour blessures involontaires, dénonce "l'enfer" que vit son mari depuis qu'il a repris son travail.

"Il est seul face à ses collègues, face à la hiérarchie. Il est seul. Il faut voir toutes les misères, les bassesses qu'on lui fait", a déclaré son épouse, Muriel Moreau, à l'AFP.

Selon elle, son mari, aujourd'hui âgé de 41 ans et qui a reçu 16 fois la dose maximale européenne annuelle en vigueur en 2000 pour les travailleurs exposés après avoir pénétré durant trois minutes en zone rouge, "est la personne qu'il faut éjecter".

"Tout ça a une visée à mon avis: le faire sortir d'EDF. Il lui a été dit qu'il entachait l'image de la centrale. Partout c'est -c'est de ta faute-", ajoute-t-elle.

Selon Mme Moreau, seule la pression médiatique a empêché jusqu'à présent EDF de mettre son mari à la porte.

Elle énumère "les vexations", "les tâches subalternes, dégradantes" confiées à son mari, alternant avec des périodes d'inactivité totale depuis qu'il a réintégré son poste après 4 mois et demi d'arrêt maladie.

Cette situation est, selon elle, "une forme de représaille", alors que la direction d'EDF avait indiqué à son mari, après son accident, "qu'il n'y aurait aucune sanction".

Elle affirme que leur couple a également reçu "des menaces d'intimidation au téléphone de la part d'un collègue".

Procès lundi de l'affaire d'un agent EDF irradié à la centrale du Tricastin

VALENCE, 5 nov - Le procès d'un ex-directeur de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme), poursuivi notamment pour blessures involontaires après l'irradiation à la centrale du Tricastin d'un agent EDF, a lieu lundi au tribunal correctionnel de Valence après un report et une longue bataille de procédure.

Joël Bultel, 54 ans, est poursuivi pour "blessures involontaires causant une incapacité de plus de trois mois dans le cadre du travail", ainsi que pour "infractions au code du travail et une série de manquements au décret d'avril 1975 qui régit les règles de sécurité dans le domaine du nucléaire".

Le 11 mars 1999, Frédéric Moreau, 41 ans, agent de radioprotection depuis 12 ans à Pierrelatte, avait reçu une dose de 340 milliSiverts (mSv), plus de 16 fois supérieure à la dose maximale européenne annuelle en vigueur en 2000 pour les travailleurs exposés, après avoir pénétré durant trois minutes en zone rouge.

M. Moreau se plaint depuis de souffrir d'asthénie et de problèmes respiratoires. La défense rejette le lien de cause à effet.

M. Moreau avait repris son activité après 4 mois et demi d'arrêt de travail. Pour son médecin, l'asthénie dont il a souffert est due à la dose de radiation. Pour EDF, qui estime par ailleurs que l'entrée de Frédéric Moreau dans une pièce dangereuse de la centrale relève d'une faute humaine, cette asthénie ne justifie pas une ITT de plus de trois mois.

Quelques jours après l'accident, des dysfonctionnements avaient été relevés à Tricastin par la direction de la sûreté nucléaire.

En décembre 1999, le tribunal correctionnel de Valence avait décidé le report au 6 juin 2000 du procès, ordonnant la désignation d'un expert médical pour juger notamment de la durée de l'incapacité de travail, élément essentiel pour déterminer la gravité de la faute reprochée à M. Bultel. Une ITT de plus de trois mois représente en effet un délit. Inférieure à 3 mois, elle ne donne lieu qu'à une simple contravention.

Mais le 4 mai, saisi d'un appel d'EDF, la cour d'appel de Grenoble avait récusé le président et les assesseurs du tribunal correctionnel de Valence.

Le président de la cour d'appel de Grenoble, Charles Catteau, avait appuyé sa décision sur des "manifestations d'opinion dénotant un parti pris et faisant suspecter l'impartialité des magistrats" vis-à-vis de l'ancien directeur de la centrale. En juin, le tribunal de Valence, doté de nouveaux juges, avait reporté le procès au 6 novembre en redemandant une expertise médicale.

Le dossier sera donc enfin étudié sur le fond lundi à Valence. M. Moreau et le syndicat CGT se sont constitués parties civiles.



Santé du travail dans l'industrie nucléaire:

------>
Rationalité instrumentale et santé au travail dans l'industrie nucléaire

------> Rapport d'enquète de psychopathologie du travail au Centre de Production Nucléaire de Chinon

------> Les résultats du nouveau management dans le nucléaire (information de la section syndicale FO)

------> NUCLÉAIRE: SANS FOI, NI LOI! (information de la section syndicale FO)