Three Mile Island
deuxième partie

TRANSCRIPTION DES ENTRETIENS DES MEMBRES DE LA N.R.C.

Traduction EDF d'articles de "NUCLEONICS WEEK" et "NUCLEAR FUEL"

La première partie publié le 13/9/99 reproduisait les conversations des membres de la NRC, qui ont débuté aux alentours de 9 h le vendredi 30 mars, date à laquelle les Membres de la Commission de Réglementation Nucléaire ont commencé à se réunir de façon quasiment continue. La première partie s'arrêtait au début de l'après-midi de ce même jour au milieu d'une conversation téléphonique entre des Membres de la Commission et Roger Mattson, directeur de la Division Sûreté des Systèmes de la NRC. Nous reprenons l'entretien à l'endroit où nous l'avons laissé.


Le 30 mars 1979

(Heure : 12h45 environ. Roger Mattson est au téléphone; il discute des différentes mesures à prendre pour réduire la bulle d'hydrogène qui bloque le réfrigérant dans certaines parties du coeur du combustible).

Mattson : Vous avez des circulations préférentielles dans le coeur et vous auriez probablement de l'eau dans les canaux périphériques où vous n'en avez pas besoin, et les incondensables pénétreraient alors au centre, à l'endroit précisément où vous avez besoin d'eau.

Hendrie : Peut-on estimer quelle est l'évolution à l'intérieur de la bulle?

Mattson : Non, c'est ce que je viens de dire il y a une minute. Au mieux, nous pouvons penser qu'il ne se produit pas actuellement de réaction métal-eau, car il y a beaucoup d'eau froide à l'intérieur. Il s'agit donc seulement d'une décomposition radiolytique qui ne devrait pas être importante. La bulle est en train de se développer, mais nous avons le temps de réfléchir au problème. En ce qui concerne les difficultés au niveau de l'installation, on nous a dit, il y a une heure environ, que l'on était sur le point de dépressuriser. Leur problème vient de ce qu'ils ont beaucoup trop d'eau, car ils ont perdu le circuit de décharge (du CCV). Selon nous, il y a des débris solides dans ce circuit et nous ne pouvons les éliminer. S'il y a un tel excédent d'eau, il va se produire un rejet à partir du bâtiment des auxiliaires nucléaires.

Hendrie : Ont-ils actionné les soupapes de décharge du pressuriseur? Peuvent-ils éventer le pressuriseur - le remplir en eau, puis éventer le pressuriseur, en laissant seulement un débit de fuite?

Mattson : Il s'agit d'une soupape de décharge a commande assistée de 2in (5 cm).

Hendrie : Mais est-ce possible de soulager ainsi au lieu de

Mattson : Le circuit de décharge?

Hendrie : Oui.

Mattson : Eh bien, cela n'était pas possible tant qu'ils n'avaient pas raccordé ce circuit, mais maintenant ils recirculent les dégagements radioactifs que crachait la cheminée, et qui avaient provoqué de petites bouffées. Ils ont, je pense, raccordé une lance à incendie et ils ne savent pas - à quel endroit se produisent les bouffées derrière l'enceinte de confinement. On nous a dit que d'ici une heure environ, le système fonctionnerait. Dans l'intervalle, je crois comprendre qu'ils prévoient un système de canalisation en cas de perte de la lance à incendie. Cela signifie qu'ils ne doivent pas être sur le point de devoir procéder au refroidissement. Ils pensaient jusqu'ici que le refroidissement permettrait d'arranger la situation ils ont abandonné les possibilités qu'ils envisageaient pour tenter d'évaluer si le circuit de décharge était en bon ou mauvais état. A ce stade, je pense que l'on s'accorde à considérer que le refroidissement serait probablement plus grave que la situation actuelle si elle n'évolue pas. S'ils peuvent trouver une manière plus satisfaisante de procéder au refroidissement, je pense qu'ils maintiendront la situation actuelle aussi longtemps que des Personnes ne risqueront pas d'être exposées à des rayonnements. En outre, si vous décidez de refroidir le réacteur, et si nous n'en savons pas davantage qu'à l'heure actuelle, je pense que vous allez devoir procéder à l'évacuation car vous allez perdre la partie. Et dès que vous prendrez la décision de refroidir le réacteur Vous savez Joe, nous faisons appel aux plus grands spécialistes et ceux-ci n'ont pas de réponse à nos problèmes. Nous avons fait appel à la marine, nous avons également fait appel aux techniciens de Calvert Cliffs, qui ont connu un problème analogue, mais sans formation de bulle. B&W est constamment en rapport avec les responsables de la GPU (Groupement des Exploitants de la Centrale). Nous n'avons pas de solution, mais peut-être vont-ils nous en apporter une. Ils vont procéder à des contre-vérifications et quelles que soient les décisions qu'ils prendront, dès qu'ils auront posé le téléphone, ils procéderont à des contrôles avec notre personnel; mais jusqu'ici nous n'avons pas trouvé de solution. Dès que la centrale en propose une, ils disent " veuillez vérifier cela pour nous ". Il semble donc qu'ils n'aient pas confiance.

Hendrie : Il me semble que nous devrions nous en tenir à la situation actuelle. Je n'aime pas Vidée de dépressuriser et de laisser la bulle pénétrer dans le coeur.

Mattson : Pas encore. Je ne pense pas que nous voulions déjà dépressuriser. La dernière bouffée n'a pas atteint beaucoup de Personnes. Je ne comprends pas pourquoi vous ne procédez pas à l'évacuation. Je dois, vous le dire, et je l'ai dit ici même. Je ne sais pas ce que nous cherchons à protéger à ce stade. Je pense que nous devrions évacuer les gens.

Kennedy : A quelle distance?

Mattson : Il faudrait les évacuer sous le vent et, malheureusement, le vent n'est pas stable, mais à ces niveaux de doses, ce n'est probablement pas grave car c'est (inaudible).

Kennedy : Et à quelle distance sous le vent?

Mattson : Je pourrais ajouter qu'il n'y a pas de risque de mort d'homme au-delà de 16 km. Cela ne représente pas beaucoup de Personnes et ces Personnes ont été - elles ont eu deux jours pour se préparer.

Kennedy : A 16 km c'est la ville d'Harrisburg.

Hendrie : Je ne sais pas, Roger, vous -

Mattson : Malheureusement, nous avons trop peu d'informations et trop tard; ça a toujours été comme cela à chaque incident de fusion partielle du coeur. Les gens ne croient pas les instruments. Ce n'est qu'à minuit hier soir que nous sommes parvenus à convaincre tout le monde que ces fichues mesures de températures signifiaient quelque chose. B&W l'admettait à 4 heures du matin.

Hendrie : O.K. Rappelez-les et tenez-nous au courant.

Mattson : Oui monsieur.

(conversation entre des membres de la Commission; une bonne partie de cette est inaudible; heure : 13 heures environ).

Hendrie : (inaudible) - un système en pressions, plutôt qu'une cuve pleine de liquide ils pensent avoir dans la cuve une importante bulle incondensable. C'est pourquoi vous ne voulez pas faire varier la pression, vous ne voulez pas diminuer la pression; dans ce cas, nous sommes dans l'impasse.

Kennedy : Quelles sont les possibilités pour se débarrasser de cette bulle

Hendrie : Je ne sais pas ce qui se passe dans la partie supérieure de la cuve, mais je pense il doit y avoir quelques barres de commande à la partie supérieure de la cuve

Kennedy : On court le risque d'une explosion Est-il possible que le coeur soit endommagé (inaudible)?

Hendrie : Tout d'abord, il n'est pas certain qu'il se produise une, explosion (inaudible); il se peut, mais ce n'est pas sûr, qu'il y ait suffisamment d'hydrogène pour créer un mélange inflammable dans l'enceinte de confinement, à moins qu'il ne soit piégé dans un petit volume Le problème auquel nous sommes confrontés n'est pas une concentration d'hydrogène dans l'enceinte de confinement, mais le fait que nous ne pouvons imaginer comment nous débarrasser de cet hydrogène de façon à pouvoir résoudre le problème Roger (Mattson) m'a dit qu'ils étaient en train de raccorder une lance à incendie aux tuyauteries du circuit (du CCV) de façon à poursuivre pendant un certain temps le retour périodique du fluide primaire de refroidissement. Ce qu'il veut dire, c'est qu'alors nous pouvons maintenir cette situation jusqu'à ce qu'elle soit apparemment stabilisée le coeur du réacteur a été par ailleurs beaucoup plus endommagé qu'on ne l'indiquait hier. Les thermocouples qui indiquent une situation au-delà de la saturation l'inquiètent énormément.

(Conversation téléphonique entre la Commission et Mattson).

Mattson : Ainsi, dans la séquence d'accident où vous perdriez la pompe de refroidissement primaire du réacteur, du fait que vous ne pourriez plus introduire de l'eau, vous n'auriez plus que des gaz. Vous les élimineriez probablement. Dans un premier temps, vous procéderiez à une injection haute pression, puis au fur et à mesure que la pression diminuerait, le refroidissement - excusez-moi, je n'arrive plus à parler correctement - vous procéderiez à une injection basse pression. Quand la pression serait devenue assez basse, l'eau froide arriverait par la branche froide pour arriver jusqu'à la partie inférieure du réacteur, traverserait le coeur et il s'établirait à un endroit ou à un autre un équilibre de pression. Comme le niveau de l'eau serait bloqué en partie supérieure par le développement de la bulle d'hydrogène, une partie du coeur serait refroidie et une autre ne le serait pas. Les gens discutent, mais voilà la situation dans laquelle nous sommes et qui est apparemment demeurée stable pendant une quinzaine d'heures. C'est cette situation qui explique que le coeur ait été endommagé. Si nous avons vécu ainsi pendant 15 heures, pourquoi ne pourrions-nous pas continuer ainsi un peu plus longtemps? A ce stade, tout ce qui pourrait être libéré par la soupape de décharge à commande assistée du pressuriseur serait de l'hydrogène. Une soupape de 2in (5 cm), ce n'est pas très large et le passage des gaz prendrait très longtemps. Ils travaillent sur d'autres solutions. Nous avons envisagé l'une de ces solutions et l'autre plaît à B&W, mais elle ne semble guère prometteuse. B&W demande de mettre en route toutes les pompes de refroidissement primaire, de les laisser s'arrêter par épuisement, de faire sauter les joints d'étanchéité et d'espérer créer ainsi un accident par perte de réfrigérant, qui aurait pour effet de dépressuriser rapidement le système. Ensuite, nous nous retrouverions dans une situation pour laquelle tous ces systèmes ont été conçus et à laquelle nous pourrions faire face. Malheureusement, vous savez, nous apprenons à ces gars à faire des hypothèses pessimistes sur la façon dont sautent les joints d'étanchéité, lorsque nous les calculons. J'ai peur qu'ils envisagent ces hypothèses pessimistes et, selon toute vraisemblance, les joints qui sauteraient n'auraient pas en fait une capacité d'éventage importante. Il s'agirait de petites brèches et tous nos spécialistes en matériaux et sécurité sont d'accord là-dessus. Nous sommes très conservatifs pour nos estimations relatives à un accident par perte de réfrigérant. Une possibilité à laquelle nous venons de penser, il y a une heure environ, et sur laquelle B&W travaille actuellement, consisterait à prendre par exemple le système de recirculation, et, sur le système d'évacuation de la chaleur résiduelle, le piquage de 14 in (30 cm) sur l'une des branches chaudes. Vous pourriez ouvrir cette ligne; ne mettre en route aucune pompe et mettre en service cette ligne - nous pensons depuis la salle de commande - ouvrir le système d'aspersion du coeur et ramener les gaz vers l'enceinte de confinement par l'intermédiaire des buses d'aspersion, à la partie supérieure du dôme. Maintenant, si cette solution marche, nous avons peut-être trouvé le moyen d'éliminer la bulle et de procéder, soit à une dépressurisation rapide, soit à une lente. Vous avez le choix, selon les résultats des calculs actuellement réalisés sur ordinateur, pour déterminer la façon la plus appropriée de refroidir le coeur. Nous continuons de procéder à des calculs pour essayer d'estimer, grâce aux codes, quelle est la situation réelle du coeur. C'est un mode de défaillance qui n'a jamais été étudié. C'est tout simplement incroyable.

Gilinsky : Pendant combien de temps pensez-vous que le coeur ait été à découvert? Quand cela s'est-il produit?

Mattson : Malheureusement, les premières informations dont nous disposons ici sont très imprécises, et il nous est impossible de retourner à la centrale pour obtenir ces informations, car il est impossible de déranger les spécialistes dans leur travail actuel.Aussi, nous essayons de deviner grossièrement ce qui s'est passé dans les 4 premières heures. Mais si nous pensons juste, il se peut que le coeur ait été dénoyé pendant 15 heures depuis le premier jour, peu de temps après le transitoire, lorsque le système d'injection de sécurité (SIS) a été débranché, jusqu'à ce qu'ait été rétabli la circulation du fluide primaire de refroidissement, lorsque les spécialistes de B&W ont fini par arriver à la salle de commande.

Gilinsky : Et, vraisemblablement, si toute cette réaction métal-eau : s'est produite, vous avez dû avoir des températures de l'ordre de 2000° F, est-ce exact?

Mattson : Nous estimons à l'heure actuelle qu'il y a probablement eu fusion de quelques éléments combustibles. Mais il ne s'agit là que d'estimations. Je ne sais pas ce que je répondrais à un journaliste qui me demanderait s'il y a eu fusion d'éléments combustibles. Il se passe des choses que nous ne pouvons expliquer à moins que Selon la plupart des estimations, nous nous trouvons actuellement bien au-delà de l'hypothèse TID. Le coeur est donc sérieusement endommagé.

Une voix : Que signifie TID 7

Mattson : TID 14844, c'est-à-dire l'hypothèse de calcul de dose envisagée dans la partie 100 de l'étude des sites. En réalité, cette hypothèse a été remplacée par des guides de réglementation (Regulatory Guide) et chacun sait que les hypothèses TID correspondent au relâchement de 25 % de la quantité totale de produits de fission (contenus dans le combustible).

Gilinsky : Ces hypothèses servent à quoi? à calculer les accidents de référence?

Mattson : Oui monsieur

Gilinsky : Ainsi, nous sommes au-delà de ces hypothèses?

Mattson : Nous travaillons à partir d'informations très imprécises, alors -

Gilinsky : Mais c'est comparable?

Mattson : Mais c'est comparable. L'échantillon a été envoyé par avion au Laboratoire Atomique de Bettis, il y a quelques heures, et nous n'avons pas encore reçu les résultats de l'analyse spectroscopique, mais nous pensons qu'il contient de l'uranium. C'est le seul échantillon qui ait été prélevé dans le fluide primaire de refroidissement.

Gilinsky : Pouvez-vous estimer la quantité d'hydrogène?

Mattson : Là, nous avons un problème Vic Stello (division des Réacteurs Opérationnels) s'est occupé de ça depuis les 2 premiers jours et s'est efforcé de convaincre les gens que le coeur était vraisemblablement sérieusement endommagé. Dès le départ, il a eu des soupçons et lorsque les mesures de température ont commencé à nous parvenir, on a observé quelques anomalies. Il a déclaré alors mettez-vous dans la tête que le coeur doit être sérieusement endommagé, croyez les instruments. Nous avons eu quelques difficultés à faire admettre cela, mais pas nécessairement par notre Personnel intérieur qui s'est attaqué sérieusement au problème. Nous avons eu quelques difficultés à faire admettre cette idée par B&W. Finalement, ils ont commencé à croire ces propos la nuit dernière aux environs de minuit et, à 4 heures du matin, ils étaient d'accord avec nous. Je pense que ce qui leur a montré leur erreur, c'est cet échantillon de réfrigérant chaud d'une activité de 1000 rad au contact. Puis, un deuxième élément est intervenu ce matin aux alentours de 9 ou 10 heures Alors qu'on était en train de mesurer les températures, a-t-il déclaré, j'ai entendu dans la salle de commande que quelqu'un, chargé de lire les données de l'enregistreur graphique, avait observé dans l'enceinte de confinement une aberration que personne n'avait remarquée auparavant, un pic de pression de 28 PSI (2 bar) à 13h50 mercredi.

Gilinsky : Et c'est maintenant seulement que l'on trouve cela?

Mattson : Oui, nous venons juste de le constater. Peut-être cela a-t-il échappé à tout le monde car, vous savez, il sortait de la partie supérieure du coeur une vapeur surchauffée et les spécialistes étaient en train de convenir que le coeur était à découvert et ils étaient en train de donner des instructions sur la façon d'arrêter cette situation. Il est donc possible qu'ils n'aient pas observé ce phénomène, mais il s'agit peut-être d'une explosion d'hydrogène.

Gilinsky : Ce serait l'hydrogène qui a fui du circuit primaire?

Mattson : C'est ça. Et c'est cet hydrogène qui serait à l'origine de la bulle. La seule chose qui puisse expliquer cette bulle, c'est une réaction métal-eau. Nous venons de faire des calculs là dessus et il semble qu'une réaction avec 10 ou 30 % d'eau expliquerait les 1500 cu.ft (47 m3) d'hydrogène que nous avons maintenant et la pression de 1000 PSI (69 bar), mais si une explosion d'hydrogène venait s'ajouter à cela, nous pourrions avoir des chiffres bien supérieurs.

Gilinsky : Je voudrais vous reposer ma première question, à savoir quel est le délai (inaudible) et qu'est-ce qui doit être pour nous une source de préoccupation.

Mattson : C'est ce que nous nous sommes demandés. Nous sommes convaincus que nous pouvons rester indéfiniment au stade où nous en sommes actuellement, car la production d'hydrogène est apparemment faible et nous avons une certaine marge; indéfiniment - je suis désolé, mais c'est un petit peu fort. Nous pouvons rester à ce stade de l'ordre de quelques jours, je pense cinq jours, mais je dirais que c'est un peu long. Je pense que ce serait plutôt deux jours.

Gilinsky : Est-ce que cela risque d'entraîner une défaillance d'un appareil, par exemple d'un générateur de vapeur?

Mattson : Avant de commencer (inaudible) ça va être un réel problème. Si vous n'étiez pas sur le point d'envoyer cette bulle dans la branche chaude Nous avons un système d'alarme qui nous prévient quand cela se produit. Le premier signal d'alarme indiquerait probablement un mauvais fonctionnement de la pompe. Celle-ci commencerait par aspirer des, gaz et il se produirait des problèmes de cavitation et de vibration qui seraient détectés par les capteurs placés sur les pompes en fonctionnement.

Gilinsky : Combien de temps cela vous laisserait?

Mattson : C'est ce que je voulais vous dire; il faut procéder à une dépressurisation rapide ou lente. Nous aurions devant nous quelques heures avant que les produits de fission issus du coeur fondu passent à travers le confinement. Il y a une autre chose que j'étais en train de vous dire ces thermocouples, qui sont la meilleure indication dont nous disposions, indiqueraient également la formation d'une couverture gazeuse venant de la partie supérieure et descendant dans le coeur. Cela constituerait un autre signal d'alarme. Cela signifierait, peu importe, jusqu'à quel point les procédures mises en oeuvre sont satisfaisantes, mais continuez. Continuez ce qui vous semble le mieux et procédez à la décompression du système, rapidement ou lentement, selon la décision que vous aurez prise. Les spécialistes sont réunis et prêts à prendre la décision dès à présent. Certains sont pour et d'autres sont contre, mais quelqu'un va devoir prendre une décision.

Gilinsky : Quels sont les dangers pour que d'autres explosions d'hydrogène se produisent à partir de la bulle ou ailleurs?

Mattson : Eh bien, ils ont un recombineur, ce qui permet, si vous savez ce qui se passe et à quelle vitesse cela se passe - maintenant, ils ne pensent même plus que la bulle va arriver jusqu'au confinement. Ce que nous aimerions arriver à faire, c'est amener la bulle dans l'enceinte de confinement et la brûler. Ils peuvent recombiner ou, encore, ils peuvent brûler la bulle et l'empêcher d'exploser.

Gilinsky : Et que se passerait-il si vous décidiez de poursuivre l'une de ces manoeuvres, non en y étant contraint par suite d'une dégradation de la situation, mais que vous vouliez agir ainsi?

Mattson : Si je devais poursuivre dès à présent l'une de ces manoeuvres, j'aimerais que nous évacuiez les gens aussi loin que cela vous semble possible. Je dois vous dire que j'ai recommandé l'évacuation il y a quatre heures environ.

Gilinsky : O.K., je voudrais maintenant vous poser une autre question. Quels sont les plans d'évacuation qui existent? Autrement dit, si quelqu'un décide maintenant l'évacuation, y-a-t'il des plans pour procéder à celle-ci?

Mattson : Oh oui. Les gens commenceraient à partir. On m'a dit que certaines Personnes étaient déjà parties et notamment que des enfants et des femmes enceintes avaient été évacués.

Gilinsky : John Davis (Bureau d'Inspection et d'Application) est-il là?

Mattson : Pas pour l'instant, mais je l'appellerai.

Gilinsky : Les plans d'évacuation sont-ils vraiment établis au niveau de chaque Etat?

Mattson : Oui monsieur.

Gilinsky : Nous verrons cela avec Davis, mais je voudrais vous demander quel est votre principal sujet d'inquiétude à la minute présente?

Mattson : Eh bien, mon principal sujet d'inquiétude vient de ce que nous nous trouvons en face d'un accident que nous n'avions pas prévu; selon les estimations les plus favorables, la situation se détériore lentement et, selon les estimations les plus pessimistes, elle est sur le point de mal tourner. Je n'ai aucune raison de ne pas évacuer les gens. Je ne sais pas ce que vous cherchez à protéger en n'évacuant pas les gens. John, j'ai dit que selon moi, des enfants et des femmes enceintes avaient dans certains secteurs été évacués. Est-ce vrai ou non, autant que vous sachiez?

Gilinsky : Est-ce que c'est John?

Mattson : D'après ce que nous comprenons, le Gouverneur a recommandé dans certains secteurs l'évacuation des femmes enceintes et des enfants sur une distance de 8 kilomètres. Tout autour?

Gilinsky : Eh bien, nous avons recommandé cela précédemment, mais sur la base d'un problème différent.

Mattson : Oui. Vous le recommandiez sur la base du premier problème. Et l'on a de bon espoir de penser que nous contrôlons ce problème, mais je -

Gilinsky : Le Président sera de retour d'ici peu et nous allons chercher à définir ce que nous allons faire. Mais si John Davis est ici, j'aimerais revenir avec lui sur le problème de l'évacuation.

Mattson : D'accord, mais laissez-moi le temps de le retrouver, car il est sorti. Vic, l'explosion d'hydrogène n'est à ce stade qu'une hypothèse, vous savez; il s'agit d'une information de troisième main et cela irait de pair avec une réaction métal-eau importante. Cela irait également de pair avec la défaillance de certains instruments cet après-midi et également de certains matériels (inaudible) - ce à quoi vous devriez vous attendre s'il se produisait des explosions, comment cela se passerait-il?

Gilinsky : Pourquoi les recombineurs n'ont-ils pas fonctionné?

Mattson : Je n'ai pas posé cette question. C'est une bonne question. Je ne sais pas si la mise en route des recombineurs est automatique pour ce type d'événement, ou si elle n'est automatique qu'en cas d'accident par perte de réfrigérant par grosse brèche.

Gilinsky : Je voudrais vous demander une fois encore, à supposer que vous adoptiez cette solution, ou l'une de celles-ci, et que cela tourne mal, quel est le temps dont vous disposez alors?

Mattson : Quelques heures.

Gilinsky : Quelques heures avant quoi?

Mattson : Avant la fusion du coeur.

Gilinsky : Avant la fusion du coeur?

Mattson : Si vous avez perdu la partie et s'il y a fusion du coeur, il faudra plusieurs heures avant que le coeur ne s'effondre.

Gilinsky : Y-a-t'il des intermédiaires?

Mattson : - et vous vous rapporterez à des choses comme Wash 1400 (étude des probabilités d'accidents, rapport Rasmussen) pour savoir de combien de temps vous disposez, selon les conditions dans lesquelles vous pensez vous trouver.

Gilinsky : Mais si cela tournait mal, vous dites qu'il faudrait quelques heures pour assister à un effondrement du coeur?

Mattson : Non, j'extrapole à partir du fait que les choses ont stagné pendant 15 heures et que le réacteur ne s'est toujours pas effondré.

Gilinsky : Il faudrait plus de temps - combien, une demi-heure de plus? - pour que quelque chose pénètre la cuve du réacteur?

Mattson : C'est juste. Et vous auriez toujours la possibilité d'y injecter de l'eau si vous en avez. Nous avons la possibilité d'injecter de l'eau, mais nous ne pouvons pas amener cette eau jusqu'au coeur, si nous perdons la partie - C'est-à-dire si la bulle se développe et s'il se forme un ciel au-dessus du coeur.

(John Davis arrive et prend le récepteur des mains de Mattson).

Gilinsky : John, qu'en est-il des plans d'évacuation? Je présume qu'il s'agit de plans établis par Etat. Supposons que quelqu'un ordonne d'évacuer immédiatement. Existe-t-il des plans à mettre en oeuvre ou que se passerait-il?

Davis : Autant que nous le sachions, le problème de l'évacuation est placé sous le contrôle de chaque Etat.

Gilinsky : Bien sûr, mais savez-vous quels types de plans pourraient être mis en oeuvre ou si, au contraire, ce serait chacun pour soi; tous les habitants prendraient alors leur voiture et encombreraient les autoroutes?

Davis : Attendez une minute. Nous avons ici des exemplaires du plan d'évacuation.

Kennedy (à Gilinsky) : Je ne pense pas que nous devrions agir de la sorte tant que le Président n'est pas de retour. Tout d'abord, à partir de l'instant où vous ferez cela, la presse prendra cette indication comme un signal de décision.

Gilinsky : Je pense, Dick qu'ils doivent

Kennedy : - jusqu'à ce que nous décidions de le faire.

Gilinsky : Il me semble que nous devrions être préparés à décider de ne pas le faire aussi bien qu'à décider de le faire.

Kennedy : Je pense que nous devrions, mais nous ne le ferons pas (inaudible).

Gilinsky : J'aimerais que les Responsables de l'Etat s'enquièrent des conditions d'évacuation et sachent exactement ce que (inaudible). Où qu'ils soient, sont-ils prêts à faire quelque chose; ont-ils prévu des endroits pour héberger la population. Est-ce censé d'ordonner une évacuation? Je n'aimerais pas le faire, mais s'il se passe quelque chose au niveau du coeur du réacteur, et si nous sommes tous là, vous savez (inaudible).

Kennedy : Roger avait raison quand il disait qu'il y aurait un certain nombre de notifications ou d'alertes avancées.

Gilinsky : Eh bien, je crains un peu que les plans d'évacuation (inaudible) Bien sûr, je ne veux pas créer une situation, vous savez (inaudible) J'aurais préféré que nous soyons en contact permanent avec eux de façon à savoir ce qu'ils (inaudible).

Kennedy : C'est ce que je vous ai dit ce matin.

Gilinsky : Eh bien, c'est ce que je vous demande. Nous essayons de trouver une solution.

Kennedy : Pourquoi ne posez-vous pas la question?

Gilinsky : Bien sûr. John, pourriez-vous amener la Personne qui a été en contact avec les responsables de l'évacuation au niveau de l'Etat.

Davis : Doc Collins (Harold " Doc " Collins, Bureau des Programmes de l'Etat) est ici; c'est lui qui a été en contact avec les responsables au niveau de l'Etat.

Collins : Comme tous les autres Etats, la Pennsylvanie a la faculté d'organiser les opérations d'évacuation. De fait, nous savons que le Directeur de ce qui correspond à leur Organisation de Défense Civile et qui s'intitule Agence de Gestion des Cas d'Urgence dans l'Etat de Pennsylvanie, a dit au Gouverneur qu'il avait cette faculté.

Gilinsky : Pour cette région?

Collins : Pour cette région, comme pour toute autre région de l'Etat. Il est Directeur pour l'Etat de Pennsylvanie.

Gilinsky : Avons-nous une idée précise de ce qui se passerait aujourd'hui; ont-ils des endroits vers lesquels diriger les populations et que feront celles-ci?

Collins : Des endroits d'hébergement? J'imagine qu'ils en ont, mais, vous savez, ce sont des choses que l'on décide sur le moment. Il leur faut voir de quel côté souffle le vent et étudier les cartes pour déterminer où sont les écoles où l'on pourrait aménager des centres d'hébergement. Mais

Gilinsky : Ont-ils pensé à celui-ci?

Collins : Ils ont été au courant de toutes les directives préalables établies par la NRC pour tous les plannings à mettre en oeuvre en cas d'urgence; ce qui est clair, c'est que nous n'avons pas apporté notre concours au plan d'urgence de l'Etat de Pennsylvanie, qui ne fait pas partie des 10 Etats qui ont coopéré avec la NRC, mais néanmoins, ils ont un plan.

Gilinsky : Eh bien, quant à moi, je pense que j'aimerais connaître la situation dans l'Etat de Pennsylvanie (inaudible) quelle sorte de mesures peuvent être mises en oeuvre. Permettez-moi de m'interrompre une minute (se tournant vers Kennedy). Voyez-vous un inconvénient à vous informer auprès du Docteur Collins des responsables en cas d'urgence dans cet Etat?

Kennedy : Auprès du Docteur Collins? Sur une base purement routinière?

Gilinsky : Purement routinière.

Kennedy : (inaudible) Ce soir à 5 heures, vous pourrez lire dans les journaux " La NRC envisage l'évacuation "; si c'est cela que vous voulez, d'accord.

Gilinsky : Nous avons déjà dit aux femmes enceintes et aux enfants de partir.

Kennedy : Ce n'est pas ce que le Gouverneur a dit (inaudible).

Gilinsky : Oui, c'est ce que nous avons recommandé, comme étant une mesure raisonnable (inaudible).

Kennedy : J'étais ici même; nous avons soumis une recommandation que le Gouverneur a approuvée.

Gilinsky : Eh bien, Dick, je propose que Doc Collins s'enquière auprès des personnes avec lesquelles il a traité (inaudible) au sujet de ses tractations avec l'Etat de Pennsylvanie.

Kennedy : D'accord, mais je pense que, dans le même temps, vous devriez informer Fouchard (inaudible). " La NRC envisage l'évacuation " - Joe doit répondre aux questions. (inaudible).

Gilinsky : Je propose que quelqu'un les informe. Bill, pourquoi n'appelez-vous pas M. Fouchard afin de lui dire que j'ai demandé à Doc Collins de chercher à savoir auprès de ses homologues de l'Etat de Pennsylvanie dans quelle mesure ils sont prêts à agir. Cela vous semble correct?

(Quelques mots de-ci de-là révèlent que Gilinsky, Ahearne, Bradford et Kennedy se lancent dans une discussion pour l'essentiel inaudible, afin d'établir ce qu'il faut dire à la population de l'Etat de Pennsylvanie).

Gilinsky : Doc, j'aimerais que vous entriez en contact avec votre homologue, quel qu'il soit. J'aimerais savoir dans quelle mesure ils sont prêts; autrement dit, j'aimerais connaître leur plan.

Collins : D'accord, dans le plan qui est sur mon bureau, l'organisme responsable d'opérations d'évacuation en Pennsylvanie est la police de l'Etat de Pennsylvanie. Ce sont eux qui sont chargés d'assister les responsables de la Défense Civile.

Gilinsky : Oui, mais je voudrais savoir ce qu'ils comptent faire dans ce cas précis, notamment en ce qui concerne l'évacuation sur les routes. Ont-ils (inaudible).

Collins : D'accord.

Gilinsky : Ceci dit, il faut admettre que Kennedy a peut-être raison de dire que dès que vous entrerez en contact (inaudible) à poser des questions.

Collins : Oui, je sais, mais Henderson sait bien que j'appartiens au staff, je ne pense donc pas qu'il va s'exciter là dessus.

Gilinsky : Mais, par ailleurs, je pense que nous aimerions simplement avoir cette information, et j'aimerais que vous puissiez venir nous la rapporter d'ici une demi-heure et nous dire dans quelle mesure ils sont prêts à agir, ce qu'ils comptent faire, et s'ils ont différents niveaux d'alerte. Ont-ils des idées quant aux endroits vers lesquels ils vont évacuer la population?

Collins : C'est entendu. Mais nous avons quelques difficultés avec le téléphone, je ferai de mon mieux. (Collins appelle les Membres de la Commission; heure : 14h30).

Gilinsky : Au cours des deux derniers jours, on a demandé aux trois comtés concernés, Dauphin, York et Lancaster, de revoir leurs plans d'évacuation pour le cas où il serait nécessaire de les appliquer. Tous les comtés ont leur propre plan d'évacuation; ils ont la capacité d'agir, mais n'ont jamais testé ces plans. Il m'a dit néanmoins qu'il était persuadé qu'ils étaient à même de les mettre en place. Il m'a dit également qu'au niveau de l'Etat, le centre des opérations d'urgence était en état d'alerte et que tous les organismes de l'Etat de Pennsylvanie avaient des représentants auprès de ce centre, dont le Président est le Colonel R. Henderson. Je lui ai demandé s'ils avaient une idée de l'endroit vers lequel ils pourraient diriger la population. Il m'a dit qu'ils avaient bien entendu leur idée là dessus. La population sera logée dans des écoles et des casernes et il m'a dit également qu'un accord inter-organismes avait été signé depuis quelque temps avec les services généraux du Ministère s'occupant des problèmes d'eau et d'alimentation de façon à assurer l'approvisionnement nécessaire des centres d'hébergement. J'ai parlé également avec Laminson; il est confiant et pense qu'ils peuvent mettre en oeuvre les plans d'évacuation si nécessaire et que les comtés sont à même de le faire.

Gilinsky : Avez-vous par hasard une idée du temps que cela prendra ou

Collins : Non, pas la moindre. Je ne lui ai pas posé la question de façon précise, car Je pense qu'il est relativement délicat de lui demander cela. Mais je pense que, si vous voulez obtenir cette précision, je peux le rappeler et lui poser la question.

Gilinsky : Non, vous-même, avez-vous une idée du temps que cela pourrait prendre?

Collins : Attendez un moment. Hal, avez-vous une idée du temps qu'il faudrait pour évacuer la population au niveau des comtés de Dauphin, York et Lancaster, dans ces coins-là (inaudible) quel est le délai dont nous parlons, mettons sur un rayon de 8 km -

Gilinsky : Il pourrait s'agir de plus de 8 km.

Collins : 16 km peut-être? Bien entendu, à 16 km, vous avez la ville d'Harrisburg, vous le savez?

Gilinsky : Je le sais bien.

Collins : Oui, vous évacueriez probablement la population sur trois secteurs de 22 degrés 112. Il faudrait que je vois combien de Personnes cela représente. Cela dépendrait, vous savez, de la direction du panache de gaz.

Gilinsky : Quelle est votre opinion à ce sujet?

Collins : A-t-il une idée là dessus? Je suis sûr qu'ils ont une idée de la rapidité avec laquelle ils peuvent évacuer les gens.

Gilinsky : Non, ce que je vous demande c'est quelle est votre opinion à ce sujet?

Collins : Mon opinion, qui n'est qu'une impression personnelle, est qu'il faudrait évacuer sur un périmètre de 16 km, c'est-à-dire sur trois secteurs d'environ 22 degrés 1/2, ce qui correspond à un secteur de 70°. Je pense que cette évacuation pourrait se faire en l'espace d'une heure, au pire de deux.

Gilinsky : Incluez-vous là-dedans la ville d'Harrisburg?

Collins : Il faudrait que je l'inclue.

Gilinsky : Je voudrais vous demander si la ville d'Harrisburg est inclue dans ces trois comtés.

Collins : Voyons dans quel comté se trouve Harrisburg? (Marmonnant pour lui-même et regardant manifestement unecarte). Oui, Harrisburg se trouve dans le comté de Dauphin. Il y a également dans le coin bon nombre de petites villes, mais, vous savez, le secteur aurait une largeur de 70°. D'après moi, ils devraient pouvoir évacuer la population de toutes les petites villes des trois comtés, et des villages du coin en l'espace d'une heure; il faudrait probablement deux heures environ pour évacuer la population de la ville. Il ne s'agit que d'une estimation puisque je ne vis pas là et que je ne sais pas exactement ce qu'il en est. C'est une question délicate.

Gilinsky : Envisagent-ils simplement une évacuation limitée dans un secteur donné ou peuvent-ils ordonner une opération de plus grande envergure?

Collins : Si la situation devait empirer, ils envisageraient certainement des opérations de plus grand envergure. Mais je pense qu'ils devraient prendre la décision de définir le secteur. Je suis sûr que c'est comme cela qu'ils procéderont. Ils définiront probablement un secteur de l'ordre de 70 à 90°, ce qui correspond à peu près au sixième ou au quart d'un cercle. Bien sûr, si la direction du vent change, ils devront prévoir d'évacuer la population dans une autre direction. Mais je ne pense pas qu'ils mettraient en place un plan d'évacuation s'ils pouvaient maîtriser relativement bien la direction des panaches de gaz; ils choisiront avec beaucoup de soin les secteurs appropriés. Ils savent cela, c'est dans tous nos guides et publications, afin d'éviter la panique et de n'évacuer l'ensemble d'une région que si c'est absolument nécessaire.

Gilinsky : Eh bien, c'est réconfortant de savoir qu'ils semblent à même de faire face à la situation.

Collins : Oui, je pense qu'ils le sont. C'est le mieux qui nous puissions définir pour l'instant, et Laminson a eu l'air très calme et très confiant. Il a cherché à m'assurer qu'ils pouvaient procéder à l'évacuation et que les comtés étaient habilités à le faire. Comme je vous l'ai dit, il m'a précisé qu'ils avaient au cours des deux derniers jours demandé aux directeurs de la Défense Civile des comtés de réviser leurs plans afin de s'assurer qu'ils sauraient ce qu'il fallait faire si on leur ordonnait d'évacuer la population.

Gilinsky : C'est entendu, je vous remercie et j'aimerais que vous me rappeliez rapidement.

(Fin de cette conversation téléphonique : heure - 14h45).

(Conversation téléphonique entre des Membres de la Commission; le début de cette conversation a été pour l'essentiel inaudible).

Hendrie : Ce que je dis c'est que, selon moi, il y a deux cas d'évacuation possibles. Dans le premier cas, la situation se dégrade dans le coeur qui est déjà endommagé, cette situation ne résulte pas d'une variation de pression, de températures, d'écoulement ou autres, mais simplement des dommages occasionnés, et vous ne pouvez être certain qu'il s'agit là d'une situation parfaitement stable.

Kennedy : Et d'après ce que vous avez dit, lorsque vous percevez des indices manifestes d'une telle situation, vous avez devant vous 6 à 12 heures avant d'être confrontés à de sérieux problèmes.

Hendrie : Je ne pense pas que les dégagements seront importants à moins que vous (inaudible) mais nous allons en reparler dans une minute environ. Je voudrais maintenant évoquer l'autre situation, en supposant que nous sachions comment nous débarrasser de la bulle d'hydrogène (inaudible) et mettre en route le pressuriseur, et que nous soyons décidés à aller jusqu'au bout de cette solution Je pense qu'il faut entre autres choses faire en sorte que le panache ne soit pas amené par le vent dans la direction d'Harrisburg; c'est-à-dire qu'il faut choisir un moment où les conditions météorologiques sont favorables dans l'hypothèse où les choses ne.se présentent pas bien, et l'on peut, dans ce cas, envisager une évacuation à titre préventif sur une distance de 16 km environ (inaudible) sous le vent (inaudible). Je voudrais maintenant revenir au premier cas envisage, qui est un cas où la situation se dégrade et où vous n'avez pas mis sur pied un (inaudible) délibéré (inaudible) la majeure partie du coeur, autant que nous puissions le savoir, est en cours de refroidissement. Alors qu'un certain nombre d'éléments combustibles, dans la mesure où les données des thermocouples sont correctes, étaient en phase vapeur hier et la nuit dernière, nous avons maintenant stoppé l'ébullition; mais nous en avons encore un ou deux qui sont en phase vapeur, si les deux thermocouples reflètent bien une ébullition. Il s'agit donc d'une partie relativement limitée du coeur Il me semble pratiquement improbable que ceci puisse conduire à (inaudible) générale, un nombre limité de débris aux alentours, mais il n'est pas besoin qu'il y ait (inaudible); ce qui vous préoccupe bien entendu, c'est l'accroissement des produits de fission dans le confinement et les quantités importantes d'eau et d'air.

(Le reste de la discussion est pour l'essentiel inaudible).

(Harold Denton au téléphone, depuis le site de Three Mile Island, heure : 15h16).

Denton : Allô, Monsieur le Président.

Hendrie : Oui.

Denton : Quelle expérience!

Hendrie : Voyez-vous, je ne vous en avais pas parlé au moment où nous vous avions confié la direction de ce bureau, Harold; en réalité, je m'apprêtais à vous en informer à la fin de l'été. Comment cela se passe-t'il?

Denton : Je pense que cela se passe bien - les communications sont quasiment impossibles en raison de la situation d'urgence, mais ils ont travaillé sur la ligne pendant une heure. C'est dur d'avoir une ligne d'ici. Nous allons avoir notre propre camion de secours; à titre provisoire, nous avons dû emprunter celui des patrouilles routières. J'ai reçu un rapport général, que je peux vous transmettre. Laissez-moi d'abord vous dire ce qui s'est produit avec la branche de décharge (du CCV) Nous continuons d'avoir une extraction continue à raison d'environ 100 g.p.m (3,6 l/min) et ils continuent de relâcher du xénon; leurs calculs indiquent un relâchement de l'ordre d'un dixième de curie de xénon 133 à la seconde. C'est bien différent des 60 curies à la seconde que nous envisagions ce matin, pendant la fuite de la pompe. Aussi, dès que le gaz s'accumule, on le laisse s'échapper. Un dixième de curie de xénon 122 à la seconde, approximativement, ce qui provient du débit de décharge de 100 g.p.m (3,6 l/min) continu. Les débits de dose, aux alentours du périmètres du site semblent être de l'ordre de 120 millirems à l'heure. Tous les chiffres ont été mesurés sur les terrains de Vile. Je n'ai pas été informé jusqu'ici des doses mesurées par ailleurs. En ce qui concerne le refroidissement du coeur, la situation n'a pas évolué ce matin; ils continuent de le refroidir par l'intermédiaire du générateur de vapeur - ils ont décidé de ne pas modifier le mode de refroidissement (circuit d'évacuation de la chaleur résiduelle), tant que leurs analystes B&W et nos spécialistes ne comprennent pas réellement quelles sont les possibilités et quels sont les risques dans toutes les éventualités. Ils admettent, certes, que le coeur a été endommagé. Ils admettent également la présence d'une bulle à l'intérieur. D'après les indications, les pressions dans l'enceinte de confinement ne sont pas homogènes, ce qui leur donne à penser qu'il a pu se produire une explosion d'hydrogène. Je dirais que la situation est stable et que je ne vois pas de menace immédiate - nous avons mobilisé tout notre Personnel qui est prêt à intervenir dans chacun des domaines. J'ai organisé 4 équipes (task force) dont chacune est dirigée par deux chefs, ce qui permet aux équipes de travailler 24 heures sur 24. L'une de ces équipes envisage l'éventualité d'une fusion du coeur, l'autre cherche à déterminer ce qu'il conviendrait de faire en cas de fusion du coeur, la troisième s'occupe des opérations de traitement des effluents et la quatrième des dosages à l'extérieur du site. Ces équipes sont constituées de spécialistes et je pense que je les réunirai très prochainement pour qu'ils me fassent un rapport sur la situation, d'après eux. Nous sommes dans une maison privée, ce qui explique les problèmes de communication. Le Président est très intéressé par les données concernant, l'essai de perte de fluide réfrigérant; il est très bien informé.

Hendrie : Maintenant, la question fondamentale concerne la nécessité de procéder à une évacuation préventive. Nous avions pour l'essentiel recommandé au Gouverneur de suggérer à la population du voisinage de rester dans les maisons jusqu'à plus amples informations et aux femmes enceintes et aux enfants d'âge préscolaire de s'éloigner pour quelque temps.

Denton : Ce qui me préoccupe, c'est que les rejets diminuant, les gaz ne soient pas, ni capturés, ni stockés; étant donné les débits de doses enregistrées sur le périmètre du site, cela pourrait justifier une évacuation forcée, mais les précautions qui ont été prises me semblent parfaitement raisonnables.

Hendrie : C'est une considération qui répond à la situation actuelle où nous sommes encore affligés de ce débit de décharge de 10 g.p.m (36 l/min). Je parie que jusqu'ici, ils n'ont pas réussi à le renvoyer par pompage à l'intérieur de l'enceinte de confinement et à éviter ainsi les relâchements radioactifs?

Denton : Ils ont établi un raccordement entre le réservoir de stockage des gaz (radioactifs) et l'enceinte de confinement, et espère, dans la soirée, placer sur ce circuit un raccordement en T qui établira un lien avec la majeure partie des gaz provenant du circuit de décharge. Cela n'a pas été sans mal; aussi, l'équipe ne garantit pas que cela permette de résoudre l'ensemble du problème, mais cela devrait y contribuer sérieusement.

Hendrie : Cela devrait permettre de réduire sérieusement les rejets. L'autre aspect du problème de l'évacuation tient au fait que nous en arrivons maintenant à la conclusion que le coeur du réacteur est considérablement plus endommagé que nous le pensions hier à la même heure ou encore ce matin par ailleurs, nous ne savons pas encore très bien pour le moment comment nous allons nous débarrasser de cette bulle de gaz, abaisser la pression et établir un régime de refroidissement stable et durable après l'accident, tout en étant contrôlé.

Denton : J'ai dit à Vic qu'il me semblait conseillé d'établir des sortes de procédures avec eux dès à présent pour le cas où ils ne parviendraient plus à maintenir le vide ou autre incident analogue; ils devraient juger très rapidement de la situation et nous pourrions convenir provisoirement de ce qu'il faudrait faire en cas de perte de vide dans le condenseur. Ensuite

Hendrie : Que pensez-vous à l'heure actuelle de la nécessité éventuelle de recourir à des mesures préventives d'évacuation dans le cas où il arriverait quelque chose, par exemple que quelques débris commenceraient à se déplacer dans le coeur et que nous assisterions à un accroissement des températures ou, comme vous dites, à une perte du vide dans le condenseur et que nous aurions à chercher précipitamment où évacuer la chaleur?

Denton : J'aimerais attendre d'avoir pu rencontrer quelques Personnes. Du moins, les choses étant ce qu'elles sont, j'aimerais m'entretenir à nouveau avec un certain nombre de Personnes pour savoir ce qu'elles pensent de la situation. Comme vous pouviez vous y attendre, lorsque nous avons commencé à discuter avec le Personnel, ici, nous avons appris une foule de détails qui ne nous étaient pas parvenus à Bethesda. Ils se sont penchés sur le problème et, bien entendu, pensent que, si cela devait arriver, ils auraient toujours la possibilité de se replier sur l'ensemble des systèmes de secours, dans le cas où le système d'injection de sécurité ne fonctionnerait pas. En outre, ils ne pensent pas que la bulle gênerait ce mode de refroidissement, mais ce point mérite réellement d'être abondamment discuté entre nos spécialistes et les leurs.

Hendrie : C'est également ma conclusion, notamment si, les températures commençant à monter dans les thermocouples et que vous ne pensez plus pouvoir les contrôler, vous recourriez à l'injection haute pression, maintiendriez à l'intérieur autant d'eau que vous pourriez et la feriez circuler le plus rapidement possible. Je pense qu'en cas d'accident survenant au niveau du système normal de refroidissement de secours du coeur (ECCS), vous avez une grande quantité d'eau dans l'enceinte de confinement, vous injectez; quand vous avez réussi à drainer l'eau accumulée dans les puisards, vous revenez à un mode de recirculation qui correspond à un mode de fonctionnement en basse pression, je pense. C'est vrai? Y-a-t'il une liaison haute pression qui permettrait de procéder au refroidissement en prélevant de l'eau dans le puisard de l'enceinte de confinement, en la faisant passer par un échangeur de chaleur et en la ramenant par pompage à travers le système d'injection haute pression, de façon à établir un mode de refroidissement stable et durable à 1000 P dans le système réacteur?

Denton : Je sais que le système par aspiration, qui consiste à aspirer de l'eau dans le puisard de l'enceinte de confinement, permet d'obtenir cela. Voulez-vous le demander à Denny Ross (Division Gestion des Projets) qui se trouve à côté de moi et qui, à l'heure qu'il est, a réussi à accélérer un peu les choses?

Hendrie : Denny, ma question est la suivante : y-a-t'il une configuration qui permettrait l'exploitation d'un système taré à 100 P pour une injection haute pression, en utilisant de l'eau ayant fuit du circuit primaire, en la faisant passer par un échangeur et en la renvoyant dans le circuit primaire? Je pense que la réponse à ma question est la suivante tout a été prévu dans le cas de l'accident avec un mode de fonctionnement en faible pression.

Ross : Pas du tout. Vous pouvez utiliser le système haute pression pour pomper l'eau dans le système de recirculation et la renvoyer dans la cuve du réacteur. Vous devez, dans un premier temps, pomper l'eau dans le puisard. L'eau de refoulement du côté basse pression va vers le côté aspiration de l'admission haute pression. Ce mode de recirculation est conçu de façon à fonctionner même en cas de petites ruptures, entraînant une perte de pression sur une période prolongée. Vous pourriez probablement adopter ce mode d'injection dès à présent - et il y a un circuit de contournement permettant de purifier l'eau du puisard. Vous pouvez voir qu'il ne s'agit pas d'un système fermé vous ne pouvez pas le fermer, vous ne pouvez pas créer un système fermé entre le côté aspiration de l'une ou l'autre de ces pompes et le réacteur.

Hendrie : Ce dont nous avons besoin en l'occurrence, Denny, c'est d'une petite brèche. Pouvez-vous sélectionner un tuyau de 4 in (10 cm) et nous ramener à une situation que nous comprenions?

Ross : Oui. Par exemple, vous pourriez prendre un petit risque en la réalisant sur la ligne de décharge, au droit des vannes doublées; vous êtes quasiment certain qu'entre les deux vannes, il y a une vanne de décharge, d'un code Je ne pense pas réellement que ce soit une bonne idée.

Hendrie : Moi non plus.

Ross : Il peut y avoir d'autres liaisons de vannes de sécurité que l'on pourrait utiliser. Nous avons envoyé sur le site nos meilleurs experts en systèmes et nous serons en liaison radio avec eux. Nous pourrons leur poser la question; s'ils ne peuvent pas y répondre, nous n'avons personne d'autres qui pourra le faire.

Hendrie : D'accord. Repassez-moi Harold une minute. Harold, laissez-moi regarder s'il y a des questions de la part du groupe qui s'est réuni. (Il s'ensuit une conversation sur le thème des communiqués de presse qui doit les préparer, où doivent-ils être établis et quelles mesures faut-il prendre pour coordonner toutes les déclarations. Ensuite).

Denton : Comprenez-vous comment nous nous sommes organisés? Vic (Stello) et moi-même avons élaboré le dossier. Dick Vollmer, qui est resté ici tout le temps, se relayera avec (Victor) Benaroya (Division Sûreté des Systèmes) comme principal coordinateur avec le licencié. Ensuite, nous avons organisé quatre équipes. A chacune de ces équipes, nous avons affecté deux Personnes qui travailleront à temps complet. Par exemple, Benaroya et John Collins s'occuperont de toutes les mesures relatives au traitement des effluents et, de même, nous avons affecté deux Personnes à chacun des autres domaines. Je pense donc que lorsque nous nous réunirons à nouveau, nous pourrons définir plus directement la Personne qui sera à tout moment en communication avec vous. La police nous prête son installation mobile et les spécialistes en communication de la Maison Blanche vont établir une ligne directe entre vous et la Maison Blanche. Je pourrai vous joindre ainsi.

Ahearne : Harold, comme vous le savez, avant notre départ, Mattson et Case ont recommandé l'évacuation et c'est l'un des problèmes auxquels, manifestement, nous essayons de réfléchir. Nous attendons que nos spécialistes se soient entretenus avec le licencié et que vous ayez une idée plus précise de ce que vous recommandez.

Denton : C'est une chose qui, au moins, me semble encourageante. Ce matin, nous avions l'impression à Bethesda, Md (Siège de la NRC) que le licencié n'admettait même pas les problèmes auxquels nous sommes confrontés en ce qui concerne la bulle et les dégâts subis par le coeur, en ce qui concerne également ce qui pourrait se produire en cas de perte du vide dans le condenseur et ainsi de suite. (D'après) les brèves discussions que nous avons eues (ici sur le site), ils semblent appréhender les mêmes types de problèmes et disposer de plans préliminaires pour les résoudre. Cela diminue quelque peu l'inquiétude que j'avais ce matin. Leurs spécialistes semblent avoir pris conscience des problèmes que nous avions ce matin. Denny Ross peut décrire ce qu'ils sont en train de faire et je peux vous faire un tableau plus satisfaisant et vous rappeler lorsque j'aurai fini.


TRANSCRIPTION H. 53 DES ENTRETIENS DES MEMBRES
DE LA N.R.C. A THREE MILE ISLAND (U.S.A.)
17/09/1979