Le risque inondation des centrales nucléaires françaises:
16 sites sur 19 sont concernés !

Après l'incident très grave survenu à la centrale du Blayais lors de la tempête du mois dernier (27 décembre 1999) où l'inondation du site a dégradé des systèmes indispensables pour assurer la sûreté, l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire, dans un rapport [1] publié le 17 janvier 2000, indique que la protection des sites des centrales nucléaires à l'égard des risques d'inondation d'origine externe est assurée notamment par les deux critères suivants en application de la Règle Fondamentale de Sûreté, (RFS I.2.e, 12 avril 1984) sur la " prise en compte du risque d'inondation externe " :
"-1 le calage de la plate-forme supportant les bâtiments abritant les matériels importants pour la sûreté à un niveau au moins égal au niveau des plus hautes eaux, avec une marge de sécurité (le niveau correspondant est appelé cote majorée de sécurité ­CMS).
-2 l'obturation des voies possibles d'accès de l'eau dans les locaux abritant les matériels participant au maintien de l'installation dans un état sûr, situées au-dessous du calage de la plate-forme. "
Seuls les sites de Chooz, Civaux et Cattenom respectent ces deux critères !
Pour les réacteurs construits avant le 12 avril 1984, ce qui était le cas des réacteurs de la centrale du Blayais, des mesures devaient être prises après coup pour que l'installation respecte le deuxième point. Manifestement cela n'a pas été fait ou tout au moins pas efficacement c'est le moins qu'on puisse dire. Mais de toute façon cela n'aurait pas suffi car les calculs ont sous-estimé la cote majorée de séité (CMS) et la plate-forme a été construite trop bas dès le départ.
Mais il n'y a pas que Le Blayais :15 autres sites autres nécessitent des mises à jour vis-à-vis du risque inondation :
-" La plate-forme de l'îlot nucléaire est calée au-dessus de la CMS mais le respect du second critère mérite des vérifications plus approfondies pour les sites de Bugey, Cruas, Flamanville, Golfech, Nogent, Paluel, Penly et Saint-Alban
-" La plate-forme de l'îlot nucléaire est calée au-dessous de la cote majorée de sécurité (CMS)
pour les sites de Belleville, Chinon, Dampierre, Gravelines, Le Blayais et Saint-Laurent ; il conviendra pour ces sites de réexaminer l'ensemble des dispositions spécifiques mises en place ;
-" les sites de Fessenheim et Tricastin sont implantés à proximité d'un canal dont la ligne d'eau est supérieure à la cote de leur plate-forme. Pour ces sites également il conviendra de réexaminer les dispositions particulières mises en oeuvre. "
Belleville.
Admirons le fait que nos géniaux concepteurs du nucléaire aient placé des réacteurs en dessous de la ligne d'eau d'un canal, que les plates-formes de réacteurs puissent avoir été construites en dessous de la CMS, et qu'il soit nécessaire de vérifier même des installations récentes. Bien sûr cela a diminué les coûts de construction et l'exemple du Blayais montre que c'est au détriment de la sécurité.
Gravelines (voir la photo du chantier en 1978).
Si l'on ajoute que les systèmes antisismiques sont souvent dégradés et qu'EDF traîne les pieds pour les remettre en état en reportant les travaux toujours à plus tard notamment aux visites décennales, on a de quoi s'inquiéter !

Penly.


La fameuse " digue " de la centrale du Blayais
Toutes les photos du site sur lesquelles on voit les transformateurs haute tension ont, en fait, été prises non en front de Gironde mais à l'opposé, côté entrée du site. Peu de photos montrent réellement la " digue " en front de Gironde.
A l'origine, terrain marécageux. La plate-forme de la centrale a été érigée à 4,5 mètres d'altitude. La construction des 4 réacteurs du Blayais a démarré en 1976 (réacteur 1) et 1977 (réacteurs 2,3,4). Ils ont été couplés au réseau à la mi-1981et 1982 pour les deux premiers et 1983 pour les réacteurs 3 et 4. Ce n'est qu'après la parution en 1984 de la Règle Fondamentale de Sûreté sur la " prise en compte du risque d'inondation externe " que le site a été ceinturé par une digue.
Mais, en fait, est-ce vraiment ce qu'on a coutume d'appeler une digue ? Citons l'IPSN : " La digue est constitué par un ouvrage en terre [souligné par nous] protégé côté Gironde par un enrochement de blocs de pierre. "
Ici on a donc un ouvrage qui n'est pas étanche à l'eau et est inévitablement sujet à l'érosion lors de fortes marées et coups de vent. Le journal Sud-ouest a présenté une photo de la réparation de la partie haute de la digue effectuée ces jours derniers côté Gironde et qui montre ce qu'est un " enrochement " : c'est un amoncellement de blocs de pierreContinuons la citation :
" En front de Gironde, sa hauteur est de 5,2 mNGF ; sur les côtés latéraux sa hauteur est de 4,75 mNGF " [2].
Le schéma ci-contre montre la digue censée protéger l'installation nucléaire.



En clair, cela a rehaussé la plate-forme de 70 centimètres seulement côté Gironde et de 25 cm sur les côtés. On a vu le résultat lors de la tempête du 27 décembre dernier où des vagues sont passées par dessus cette " digue ", inondant le site. D'après EDF, 90000 m3 d'eau (90 millions de litres !) ont dû être pompés (et rejetés dans la Gironde). La masse d'eau infiltrée dans les galeries souterraines indiquées sur le schéma a conduit à la perte de matériels et circuits indispensables à la sûreté (perte totale des pompes d'injection de sécurité et d'aspersion de l'enceinte et perte partielle des pompes d'eau brute secourue). C'est un incident très grave qui aurait pu dégénérer en accident par défaut de refroidissement du coeur.

Bella Belbéoch, 4 férier 2000.

[1] www.ipsn.fr Rapport sur l'inondation du site du Blayais survenue le 27 décembre 1999, IPSN, 17 janvier 2000.
[2] NGF = nivellement général de la France. L'altitude zéro est définie par le plan d'eau à Marseille. Les altitudes sont données par rapport à ce plan pris pour référence. On a alors une altitude exprimée en mètres NGF.