Enerpresse, 7/1/2008: 

Une vidéo secoue le secteur nucléaire américain

Les grandes industries améliorent souvent leurs méthodes de travail après un accident. Et le secteur nucléaire américain ne fait pas exception à cette règle non écrite. A la suite de la catastrophe de Three Mile Island [on apprit, plusieurs années après que cet accident fut un "mishap" (un raté) comme disent les américains, à moins d'une heure près, la fusion du coeur aurait pu être totale], en 1979, la gestion de la sûreté a beaucoup progressé, outre-Atlantique. Tout comme l'organisation de la sécurité des installations nucléaires, après les attentats du 11 septembre 2001. Du moins, c'est ce que l'on pensait jusqu'alors.

Il y a quelques mois, raconte TheWashington Post dans son édition parue vendredi, un membre d'une équipe de gardes armés de la centrale de Peach Bottom surprend plusieurs de ses collègues en train de piquer... un petit roupillon. Tout naturellement, il alerte leur employeur, la compagnie de sécurité Wackenhut. Pas de réaction. Consterné, Kerry Beal fait part de son indignation au bureau local de la Nuclear Regulatory Commission (NRC). Le gendarme du nucléaire américain demande quelques précisions à Exelon, l'exploitant de la centrale, qui avoue ne rien savoir.

L'investigation s'arrête donc. Jusqu'à ce que l'employé indigné par le comportement des vigiles transmette à une télévision new-yorkaise une vidéo montrant le manque d'assiduité au travail de ses collègues. Le scandale éclate. Et les réactions ne tardent pas. Exelon casse le contrat par lequel Wackenhut assure la protection de ses 10 centrales nucléaires.

Le problème, c'est que la compagnie de sécurité assure aussi la garde de 21 sites nucléaires sensibles, dont le complexe Y-12 où le DOE assemble et stocke des armes nucléaires. Pour sa défense, Wackenhut explique que son client n'a jamais donné de consignes de sécurité claires. Ce qu'a reconnu du bout des lèvres le p-dg d'Exelon, John Rowe.

Cela étant, dans son enquête, le quotidien américain rappelle que ce n'est pas la première fois que la société de sécurité se fait épingler dans le secteur nucléaire. L'Union of concerned scientists affirme recevoir, depuis 2001, des plaintes de salariés reprochant àWackenhut de leur imposer des durées de temps de travail supérieures à 60 h par semaine.

En 2006, la NRC a ouvert une enquête à la centrale de Turkey Point pour vérifier ces allégations. Par ailleurs, certains gardes Wackenhut ont été convaincus de trafic d'armes sur des sites nucléaires. Bref, il serait peut-être temps de repenser la sécurité des centrales nucléaires américaines.