Les Echos, 6/2/2008: 
L'accord entre les très gros industriels et EDF est en passe de se débloquer

 


Les Echos, 22/1/2008: 

L'Etat refuse d'accorder les hausses de tarifs réclamées par EDF d'ici à 2010

A deux reprises, la tutelle a demandé à l'électricien français de corriger la « trajectoire tarifaire » inscrite dans son plan à moyen terme. De 2008 à 2010, EDF espérait voir progresser les tarifs appliqués aux entreprises de près de 25 %. Ce ne sera pas le cas. Pour couvrir ses coûts, le groupe est prié de trouver d'autres sources de revenus.

La querelle couve depuis un mois. Pour la deuxième fois consécutive, les administrateurs d'EDF se réuniront aujourd'hui sans pouvoir débattre du plan à moyen terme de l'entreprise (« PMT »). Un document très attendu, puisqu'il est censé tracer ses perspectives financières sur la période 2008-2010. Ce PMT, la direction d'EDF aurait dû, initialement, le présenter lors du conseil du 19 décembre.

Mais, au dernier moment, le sujet avait été retiré de l'ordre du jour. On évoquait alors la nécessité de « caler toutes les retombées financières de la réforme des retraites ». Cinq semaines après, aucune raison n'est, officiellement, invoquée, mais EDF reconnaît que « le plan à moyen terme est toujours en discussion ».

« L'entreprise a décidé de présenter ses perspectives à moyen terme en conseil d'administration en même temps que ses comptes annuels, fin février », prévient-on au siège du groupe.

Pourquoi ce nouveau retard ? Parce qu'en coulisses, un sérieux bras de fer oppose l'électricien à l'Etat, son actionnaire. A deux reprises, la tutelle a en effet demandé à EDF de revoir sa copie, en corrigeant notamment la « trajectoire tarifaire » sous-tendant le PMT : en clair, l'Etat refuse d'accorder à l'entreprise les hausses de tarifs qu'elle réclamait pour les trois ans à venir.

Sur cette période, conformément aux engagements pris dans le cadre de son contrat de service public, l'opérateur historique sait qu'il devra se contenter d'une hausse proche de l'inflation pour les tarifs s'appliquant à ses 30 millions de clients particuliers (le tarif « bleu » de son barème).

25 % en trois ans. Mais il espérait avoir plus de marge de manoeuvre pour les tarifs « jaune » et « vert », qui s'appliquent à quelque 380.000 entreprises. Dans sa version initiale, le PMT soumis à l'approbation des pouvoirs publics prévoyait, de sources concordantes, des augmentations annuelles proches de 8 % pour cette catégorie de clients, ce qui aurait fait progresser les tarifs environ quatre fois plus vite que l'inflation d'ici à 2010.

Pour justifier la hausse réclamée, EDF explique qu'il faut faire progressivement converger le barème tarifaire vers ce qu'il estime être le coût de renouvellement de ses centrales nucléaires (46 euros par mégawattheure, pour la tête de série EPR).

Le raisonnement séduira sans doute la Commission européenne, qui prône elle-même l'alignement des tarifs administrés sur les prix de marché. Mais, politiquement, un relèvement proche de 25 % en trois ans est jugé suicidaire.

Depuis un mois, la tutelle s'efforce donc de faire comprendre à EDF que « le tarif ne peut pas être la seule variable d'ajustement du PMT ». Pour couvrir ses coûts et financer son ambitieux programme d'investissements (qui devrait dépasser les 20 milliards d'euros entre 2008 et 2010), l'électricien tricolore est prié de trouver « d'autres sources de revenus ».

« Levier de rentabilité ». C'est là que les choses se compliquent : arrivé à échéance fin 2007, le programme Altitude a permis d'améliorer sensiblement les performances opérationnelles du groupe en serrant les coûts et en dégageant nombre d'économies. En ce domaine, « beaucoup a été fait, et il sera difficile de trouver de nouveaux gisements de productivité sans dégrader la qualité [la sécurité] du service public », observe un bon connaisseur de l'entreprise.

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- Santé du travail dans l'industrie nucléaire:
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Rationalité instrumentale et santé au travail dans l'industrie nucléaire
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Les résultats du nouveau management dans le nucléaire
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Les services de l'Etat, eux, semblent avoir identifié un autre « levier de rentabilité ». Au cours des dernières semaines, les discussions menées avec la direction d'EDF ont souvent tourné autour de la disponibilité des centrales nucléaires, l'éternel point faible du groupe.

En 2007, une série d'anomalies et de problèmes techniques l'ont conduit à prolonger certaines opérations de maintenance, ce qui a encore dégradé le taux d'utilisation du parc français. Sur l'ensemble de l'année, ce dernier serait retombé autour de 80 %, son niveau le plus bas depuis huit ans. On est loin des 84 % initialement visés pour 2007, et très loin des 90 % affichés par le belge Electrabel ou certains exploitants américains.

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- Les circuits de secours ne fonctionneront pas en cas de rupture du circuit primaire
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Fissures fatales ?

- Embrouilles dans les centrales
- Un cauchemar de plomberie (Pdf 432 Ko)
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Difficultés techniques (Pdf 1,2 Mo)
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Les centrales nucléaires françaises en crise (août 1982, Science & Vie n°779, en Pdf 128 Ko)

Sûreté des réacteurs:
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Des principes à la réalité
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Le rapport Tanguy
(synthèse sur la sûreté nucléaire à EDF en 1989)
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Extrait 1, extrait 2 et extrait 3 (en Realaudio 33 Kb) de "L'erreur humaine" sur Radio Lucrèce (Roger Belbéoch 3/3/90)
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La saga des fissures sur le palier N4 ]

Au plus haut niveau de l'Etat, on attend donc aujourd'hui qu'EDF prenne des engagements pour améliorer les performances de son parc nucléaire, en rappelant qu'un point de disponibilité gagné améliorerait son excédent brut d'exploitation d'environ 150 millions d'euros. De quoi patienter avant la prochaine hausse de tarifs.