Nucléaire et risque incendie

Réévaluation

Fait incroyable, les systèmes de protection des centrales nucléaires françaises sont depuis longtemps inadaptés au risque incendie. La dépêche AFP du 5 septembre 2000 est explicite à ce sujet : "Les systèmes de protection, calqués à l'origine sur ceux des premières centrales américaines, ont dû être revus. Un programme de réévaluation de la sûreté contre l'incendie a été engagé par EDF sur huit ans (1998 à 2006), pour un coût de 2,8 milliards de francs." Cependant, impossible d'être sûr que la situation soit rétablie : comment faire confiance à des gens qui ont mis si longtemps à s'apercevoir que la sûreté de leurs centrales n'étaient pas fiables en cas d'incendie ?

De toute façon, le plus grave semble être encore ailleurs : des exercices montrent que les équipe d'interventions sont souvent défaillantes et interviennent en retard, des documents montrent qu'EDF ignore les directives de l'ASN.

Directives

EDF a délibérément ignoré deux importantes directives édictées par l'Autorité de sûreté nucléaire concernant la formation des personnels et la remise en conformité de clapets coupe-feu défaillants.

Extrait : "L'ASN a constaté, au cours d'inspections sur les sites nucléaires, que deux actions prioritaires n'étaient pas menées avec la célérité requise sur tous les sites. Il s'agit d'une part de la formation pratique sur simulateur des agents de conduite des réacteurs aux nouvelles procédures de conduite applicables en cas d'incendie, d'autre part de la remise en conformité de clapets coupe feu qui ont été reconnus depuis 1997 comme pouvant être défaillants." (cf www.asn.gouv.fr/data/information/decision8.asp). Comme d'habitude, aucune sanction n'a été prise. Impossible de savoir si EDF tient aujourd'hui compte des directives de l'ASN. L'expérience laisse craindre que non. Mais il y a toujours, pire.

Les Pieds nickelés de Nogent

De temps en temps, les inspecteurs de l'ASN organisent un exercice inopiné pour tester la réactivité des équipes de sûreté des installations nucléaires. Assez souvent, le résultat est mauvais, voire affligeant. Des consignes sont alors données pour tenter d'obtenir une amélioration et, quelques temps plus tard, le même exercice est organisé. Il ne s'agit plus véritablement d'une surprise pour l'exploitant qui se doute bien qu'il va être à nouveau testé. Pourtant, les progrès sont parfois difficiles à détecter. Le pompon revient de toute évidence à la centrale nucléaire de Nogent, qui s'est surpassée dans l'incompétence et les défaillances. Ce serait à pleurer de rire si ce n'était pas aussi grave : "Au cours de l'exercice réalisé sur la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine par l'Autorité de sûreté nucléaire pendant l'inspection inopinée du 2 octobre 2001, il avait été constaté qu'entre le moment du déclenchement de l'alerte incendie par un témoin et l'arrivée sur place de l 'équipe de deuxième intervention plus de 50 minutes s'étaient écoulées." Pas vraiment brillant, sachant que le délai maximum toléré est de 15 minutes ! Mais le "meilleur" est à venir : "Quatre mois après cet exercice, les inspecteurs ont effectué une nouvelle inspection inopinée la nuit du 12 au 13 février 2002. Ayant réalisé le même exercice incendie (même scénario, même lieu), ils ont à nouveau constaté qu'entre le moment du déclenchement de l'alerte incendie par un témoin et l'arrivée sur place de l'équipe de deuxième intervention plus de 45 minutes étaient encore nécessaires, et de plus pour les mêmes raisons ; les mesures prises entre-temps par EDF pour améliorer la situation se sont avérées insuffisantes pour certaines, non appliquées pour d'autres." (http://asn.gouv.fr/data/information/14_2002_nogent.asp)

Faut-il se contenter de ce "progrès" de 5 minutes ? A ce rythme, il faut encore 6 inspections "inopinées" pour que le délai de 15 minutes soit tenu. A moins d'un rechute entre temps. Ou à moins. d'un véritable incendie, qui risque bien de régler définitivement le problème !

Certainement agacés d'être encore plus que d'habitude pris pour des imbéciles, les dirigeants de l'ASN se sont alors fendus d'une "mise en demeure" en avril 2002 : "Devant cette situation anormale et persistante, l'Autorité de sûreté a donc mis en demeure le site de Nogent-sur-Seine d'améliorer son organisation afin de pouvoir garantir l'engagement d'actions de lutte contre un incendie par l'équipe de deuxième intervention sur ces zones dans des délais acceptables". Soit. Mais il n'y a pas là de quoi empêcher un directeur de centrale de dormir. Cette mise en demeure se contente en fait d' "exiger" ce qui aurait dû être réalisé, et parfaitement, dès le premier exercice. Pourquoi, pour des défaillances aussi graves, EDF n'est-elle pas mise à l'amende ?

Tricastin: sûreté illusoire

La centrale nucléaire du Tricastin (Drôme) est certainement en concurrence avec celle de Nogent pour la palme de l'installation la plus dangereuse. L'ASN a ainsi rendu compte le 2 septembre 2004 d'une inspection inopinée menée le 2 juillet précédent, précisément sur le thème "incendie". A nouveau, les constats sont impressionnants : "Cet exercice a mis en exergue un manque de pratique des agents, notamment pour faire face à un incendie se propageant, des erreurs commises par l'équipe de première intervention et l'absence de déploiement préventif de moyens lourds en soutien. Ainsi, l'attaque du feu par des moyens efficaces aurait pris 37 minutes. Ce délai, trop long, rend illusoire l'extinction d'un incendie bien développé."

Chinon: pas mieux !

La centrale nucléaire de Chinon semble, elle aussi, participer au "concours" d'incompétence. Le 14 octobre 2004, l'ASN rend compte d'une inspection inopinée organisée le 7 septembre précédent. A nouveau, il apparaît que la situation est restée médiocre malgré les défaillances constatées à deux reprises auparavant : "Cette inspection inopinée s'inscrivait dans la continuité des deux inspections du 16 décembre 2003 et des 12 - 13 mai 2004 sur le même thème, qui avaient révélé des lacunes organisationnelles dans la lutte contre l'incendie. Cette troisième inspection, au cours de laquelle ont été réalisées deux simulations d'incendie, n'a pas mis en évidence de progrès significatif sur l'efficacité des moyens et l'organisation du site en terme de lutte contre un incendie, malgré la mise en place d'un plan local d'actions consécutif aux inspections précédentes." On apprend aussi des choses "amusantes" comme celle-ci : "L'une des raisons pour lesquelles l'équipe de 2ème interventio n n'est parvenue sur le lieu du sinistre simulé que 53 minutes après l'alarme est que la porte d'accès matériel du Bâtiment des auxiliaires nucléaires (BAN), pourtant spécialement aménagée pour un accès rapide des équipes d'intervention, ne s'est pas ouverte." Espérons que, depuis, quelqu'un a retrouvé la clef.

Chinon (bis): les grands moyens

Certainement agacée, l'ASN a alors mené à Chinon, toujours sur le thème de l'incendie, une impressionnante inspection du 7 au 11 mars 2005. Le compte-rendu, daté du 19 mai 2005, est explicite : "Cette inspection de revue a été programmée par l'Autorité de sûreté nucléaire à l'issue d'insuffisances constatées lors de trois inspections sur le thème de l'incendie réalisées au cours des douze derniers mois." L'ASN fait alors un aveu concernant l'ensemble du parc nucléaire ce qui, en fin de compte, n'est pas très surprenant vu le nombre de centrales pour lesquelles nous avons trouvé des défaillances dans la protection contre les incendies : "Comme sur la plupart des autres centrales nucléaires, les équipes locales d'intervention doivent améliorer leurs pratiques pour arriver au niveau d'exigence de l'Autorité de sûreté nucléaire, compte tenu des enjeux liés au risque incendie. Par ailleurs, les services centraux d'EDF doivent mettre à disposition des centrales nucléaires des direc tives et des guides méthodologiques de qualité en la matière, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui, comme ont pu le mettre en évidence les inspecteurs. L'implication des services centraux est en effet primordiale pour garantir un haut niveau de protection contre l'incendie dans les centrales nucléaires". Suit alors une impressionnante liste de critiques sur pas moins de. 29 pages. Pas sûr que le directeur de la centrale ait pris le temps de lire un document aussi long. Y'a pas l'feu ?

Saint-Alban ne s'alarme pas

Le mercredi 11 mai 2005, l'Autorité de sûreté nucléaire (Division de Lyon) a adressé au Directeur de la centrale nucléaire de St-Alban (Isère) un courrier faisant suite à une inspection inopinée menée dans la nuit du 25 au 26 avril 2005 (soit... 19 ans exactement après la catastrophe de Tchernobyl). A la lecture de ce document, on comprend qu'une nouvelle fois, les inspecteurs sont tombés des nues : "De nombreux écarts aux règles de prévention du risque incendie : présence de potentiel calorifique inutile dans les secteurs de feu de sûreté ou dans les zones de dégagement, ruptures de sectorisation incendie non identifiées ou incorrectement traitées, permis de feu défaillants dans leur analyse, etc." Pire : "Les inspecteurs ont procédé à un exercice incendie en activant un détecteur dans un local du bâtiment électrique. Le détecteur activé par les inspecteurs, neuf, n'a pas déclenché d'alarme incendie mais a déclenché l'apparition d'une alarme « défaut » en salle de commande." Fort logiquement, les inspecteurs notent que cela "pourrait avoir de grave conséquence sur le lancement de l'alerte en cas de départ de feu." Touchons du bois.

Cadarache: "Y'a pas l'feu à la piscine" !

Une inspection consacrée au risque incendie s'est déroulée fin 2003 au centre nucléaire de Cadarache (Bouches-du-Rhône). Une fois de plus, la "pêche" des inspecteurs fut miraculeuse. Extraits : "Les inspecteurs ont constaté un potentiel calorifique important et non justifié dans de nombreux locaux, aggravant notoirement le risque d'incendie." Encore une illustration de la fameuse "rigueur" de la sûreté nucléaire. Mais ce n'est pas tout : "Le bâtiment 769 abritant notamment les piscines d'entreposage des éléments de combustibles irradiés ne possède pas de détection automatique d'incendie." (cf : www.asn.gouv.fr/actualite/lds/maj/2003-12/INS_2003_41015.pdf). Les combustibles irradiés contiennent des matières aussi sympathiques que le plutonium, dont un millionième de gramme suffit à tuer une personne. A Cadarache, de toute évidence, et contrairement aux règles de sécurité qui exigent des alarmes, personne ne s'inquiète d'un possible incendie de ce fameux bâtiment 769. C'est peut-être parce que l'on y trouve des piscines: l'incendie s'arrêtera sûrement de lui-même.

Bugey dans la course à l'insécurité

La centrale de Bugey est aussi, de toute évidence, dans la course à la palme de l'insécurité nucléaire. Le 21 mars 2005, l'ASN rendait compte d'une inspection menée les 3 et 4 mars précédents. Edifiant : "L'exercice réalisé par les inspecteurs le 03/03/2005 au magasin général du site a été arrêté 45 minutes après le déclenchement de l'alarme alors que l'équipe de 2ème intervention n'était toujours pas opérationnelle suite à une difficulté pour ouvrir le poteau incendie (poteaux récemment remplacés sur le site)." Pas d'eau pour éteindre l'incendie, plutôt gênant. Mais ce n'est pas tout : "Lors de l'exercice réalisé par les inspecteurs le 04/03/2005 dans le local presse du bâtiment des auxiliaires nucléaires généraux (BANG), l'équipe de 2ème intervention n'a été opérationnelle que 38 minutes après le déclenchement de l'alarme. Un manque de coordination flagrant sur le point de rencontre entre 1ère et 2ème intervention a été constaté. L'équipe de 2ème intervention n'avait pas le bon plan des locaux et ne connaissait pas les lieux." Il serait certainement utile d'organiser, pour les personnes chargées de la protection contre les incendies, une visite de leur propre centrale. Avant qu'il n'y ait un véritable "Bang !" dans le BANG.

Sommeil paisible

Il existe de nombreux autres exemples de défaillance du nucléaire face au risque incendie. Comme par rapport au risque sismique, le risque incendie fait du nucléaire un grave danger qui menace la population française et même européenne. Certes, le risque incendie menace aussi d'autres industries, mais seule une catastrophe nucléaire peut contaminer un continent entier, et entraîner l'évacuation d'un pays pendant des centaines d'années. Pendant ce temps, les citoyens dorment paisiblement, croyant à la fameuse sûreté nucléaire française qu'on leur vente, il est vrai, à longueur de temps.

 

 


[Texte publié sur une des listes de diffusion du Réseau Sortir du nucléaire, les liens en plus des textes de l'autorité de sûreté nucléaire ont été rajouté par Infonucléaire]

Incendie au Blayais - Tchernoblaye publie un document accablant pour EDF
Tchernoblaye - association membre du Réseau "Sortir du nucléaire"
Communiqué du Mardi 22 novembre 2005:

Nucléaire et risque incendie: un dossier accablant pour EDF

Suite à l'incendie survenu ce jour à la centrale nucléaire du Blayais, l'association Tchernoblaye publie un document qui met en lumière les défaillances du nucléaire face au risque incendie. Ce document montre :
- que les centrales nucléaires françaises ne répondront pas aux normes de sécurité incendie avant 2006 (si tout va bien),
- que les équipes d'intervention sur incendie dans les centrales nucléaires sont souvent défaillantes en particulier concernant la rapidité d'intervention (critère fondamental),
- qu'EDF n'a pas respecté d'importantes directives édictées par l'Autorité de sûreté nucléaire concernant la formation des personnels et la remise en conformité de clapets coupe-feu défaillants.
L'incendie de ce jour au Blayais, même s'il s'est produit dans les parties non nucléaires de l'installation, était susceptible d'aboutir à un accident majeur du fait de l' "effet domino" qui peut propager l'incendie jusqu'aux réacteurs nucléaires.
Le risque d'incendie dans les centrales et autres installations nucléaires françaises, peut avoir des conséquences dramatiques : dissémination de matières radioactives dans l'environnement, atteinte à la sûreté de l'installation, voire même fusion du réacteur avec au pire une catastrophe comparable à celle de Tchernobyl.
Il est donc injustifiable qu'EDF (mais aussi la Cogéma) soit défaillante dans la gestion du risque incendie, une des raisons qui font du nucléaire une industrie qui met en permanence en danger la population française et même européenne.

 

 

Libération, 15 novembre 2006:

Trois mois après un court-circuit à Forsmark, un incendie oblige le site de Ringhals à fermer.
Les centrales suédoises pètent les plombs

C'est une vraie série noire pour les centrales nucléaires suédoises. Dans la nuit de lundi à mardi, une explosion a provoqué l'incendie d'un transformateur de courant près d'un des réacteurs de la centrale de Ringhals, au sud de Göteborg.
L'installation, reliée à l'une des turbines, a pris feu peu après minuit, pour des raisons encore inconnues. Le système de sécurité s'est aussitôt déclenché. Le réacteur a été arrêté. «Tout a fonctionné comme il fallait» , affirmait hier le porte-parole de la centrale. Sauf que ça commence à faire beaucoup pour le royaume nordique.
Le 25 juillet, un court-circuit dans le réseau électrique en bordure d'un des réacteurs de la centrale de Forsmark, située à 150 km de Stockholm, avait révélé des défaillances dans le système d'arrêt d'urgence. Seuls deux des quatre générateurs de secours qui auraient dû s'enclencher pour alimenter le système de refroidissement du réacteur s'étaient allumés automatiquement.
[Lire: A quelques minutes de l'accident nucléaire majeur à Forsmark]
Classé de niveau 2 sur l'échelle d'Ines (International Nuclear Event Scale) qui en compte sept, l'incident avait été qualifié de «très sérieux» par l'organisme suédois de l'inspection de la sûreté nucléaire (SKI). Par mesure de sécurité, la moitié du parc nucléaire suédois était restée immobilisée pendant plus d'un mois. Quant à la centrale de Forsmark, elle a dû attendre début octobre pour redémarrer ses réacteurs. C'était sans compter une nouvelle série de problèmes : des coupures d'électricité pour Forsmark 1 et une fuite du radiateur pour Forsmark 2, toujours à l'arrêt aujourd'hui.
Comme si cela ne suffisait pas, l'organisme suédois de l'inspection de la sûreté nucléaire vient d'annoncer qu'il avait porté plainte près le procureur d'Uppsala contre la direction de la centrale. Une première en Suède. Le SKI dit avoir constaté une suractivité de l'un des réacteurs de mars à avril. Il aurait signalé l'irrégularité à la direction de la centrale. Mais celle-ci aurait ignoré la mise en garde.
La centrale de Ringhals avait échappé à la fermeture, après l'incident du 25 juillet. Mais l'incendie de lundi soir devrait maintenir le réacteur 3 à l'arrêt plusieurs jours. Coût : 10 millions de couronnes (plus de 1 million d'euros) par jour. Le réacteur fournit à lui seul 5 % de l'électricité produite en Suède.

Anne-Françoise HIVERT

 

Incendie dans une centrale nucléaire suédoise, un réacteur arrêté

14 novembre 2006 - Un transformateur d'une centrale nucléaire suédoise a pris feu dans la nuit de lundi à mardi, entrainant l'arrêt de la centrale, a-t-on appris auprès de l'autorité de l'énergie nucléaire suédoise (SKI). "Un feu dans un transformateur du réacteur Ringhals 3 a eu lieu vers minuit (23H00 GMT) (...). Le réacteur a été arrêté d'urgence et tous les systèmes de sécurité ont fonctionné comme ils le devaient", indique SKI sur son site internet. Les raisons de l'incendie, qui n'a pas fait de victime, ne sont pas encore connues, a indiqué à Anders Jörle, porte-parole de l'autorité.
Il a souligné que le réacteur Ringhals 3 est situé à "50 à 60 mètres" du transformateur qui a pris feu. La centrale se situe dans le sud ouest du pays.
 


Journal de l'environnement, 17/5/2005: 

Saint-Alban: insuffisances face au risque incendie

Une inspection de l'ASN a mis en lumière des dysfonctionnements dans les moyens de lutte contre le risque incendie à la centrale nucléaire de Saint-Alban en Rhône-Alpes. Elle observe d'ailleurs que certains défauts relevés sont également constatés dans d'autres installations nucléaires.
Les risques incendie de la centrale nucléaire de Saint-Alban (Isère) ne sont pas encore suffisamment pris en compte, comme l'ont récemment constaté les inspecteurs de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). «Nous avons décidé de faire une visite inopinée de nuit le 25 avril, au moment où les risques sont plus élevés étant donné que le personnel est moins nombreux et nous avons remarqué deux graves dysfonctionnements», explique Christophe Quintin, responsable de la division ASN de la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire) de Rhône-Alpes.
Les inspecteurs ont procédé à un exercice incendie en activant un détecteur et celui-ci n'a pas déclenché l'alarme incendie, mais seulement une alarme «défaut» en salle de commande. Les agents de la centrale vont donc devoir vérifier s'il s'agit d'une panne sur le détecteur ou sur l'ensemble du système de détection. Second défaut: la remise en état de la sectorisation incendie. En effet, à Saint-Alban comme dans d'autres centrales, EDF fait des travaux de remise à niveau des systèmes incendie qui nécessitent de faire des trémies, des trous qui permettent de faire passer des câbles. «C'est un dysfonctionnement déjà constaté: les agents doivent reboucher ces trémies pour la nuit car en cas d'incendie, les flammes seraient intensifiées par des appels d'air», poursuit Christophe Quintin qui a pensé mettre en demeure le site pour cette raison. Il lui a donné 15 jours pour remédier à l'organisation des travaux et que cet aspect soit intégré par les agents.
D'autres irrégularités ont été relevées comme la présence de stockages interdits, notamment des cartons, en raison de leur capacité à alimenter un incendie. Les analyses de risque ont également présenté des lacunes. «La situation est similaire dans d'autres centrales. La raison tient à l'insuffisance de formation des agents de conduite qui sont en charge du risque incendie, alors que dans d'autres industries, il existe des équipes dédiées», affirme le responsable de l'ASN.
Les travaux pour des remises aux normes incendies des centrales nucléaires ont débuté en 1998 sous la pression de l'ASN, qui avait alors noté la sous-évaluation du risque incendie dans les installations nucléaires. Les aménagements du parc français devraient prendre fin en 2006.


Le risque incendie insuffisamment pris en compte dans les centrales nucléaires

PARIS, 5 sept 2000 - Le risque d'incendie, qui reste minime mais dont les conséquences pourraient être catastrophiques, est insuffisamment pris en compte dans les centrales et autres installations nucléaires françaises, selon les experts de l'Autorité de sûreté. "On constate en moyenne un départ de feu tous les deux ans sur chaque installation, c'est donc un phénomène fréquent même si chaque départ de feu ne se traduit pas nécessairement par un incendie", a résumé Olivier Gupta, au cours d'une conférence de presse mardi de l'Autorité de sûreté.
Le "gendarme du nucléaire" consacre un dossier complet à ce sujet dans le numéro de septembre de sa revue "Contrôle".
Le risque incendie est plutôt moins important que dans d'autres secteurs de l'industrie, mais les conséquences peuvent être redoutables: dissémination de matières radioactives dans l'environnement, ou atteinte à la sûreté même de l'installation et fusion du réacteur, l'accident le plus grave qui puisse se produire dans une centrale nucléaire.
A l'origine de ces départs de feu constatés dans les installations nucléaires (centrales, usines de retraitement, installations de stockage ou de recherche), le plus souvent la présence de produits inflammables, des travaux effectués dans l'installation (soudure notamment) ou des courts-circuits électriques. Plus d'un départ de feu sur deux provient de matériels électriques (tableau électrique, transformateur...), selon les experts.

Plusieurs accidents

Considéré comme "fréquent" par rapport à d'autres risques comme les inondations ou les séismes, le risque d'incendie est à l'origine de plusieurs accidents dans le monde. Le plus grave s'est produit à Windscale (Grande-Bretagne) en octobre 1957 lorsqu'une pile de graphite a pris feu, entraînant des rejets radioactifs dans l'air. La consommation de lait a dû être interdite dans la région pendant une courte période, et les deux réacteurs ont été mis à l'arrêt définitif. Le site a depuis changé de nom et a été rebaptisé Sellafield...
"En France, aucune installation nucléaire n'a eu jusqu'à présent à faire face à un incendie ayant entraîné un grave problème de sûreté", rappelle le directeur de l'Autorité André-Claude Lacoste.
Pour faire face à ce risque, le principe de base consiste à découper l'installation en volumes parfaitement étanches, avec portes coupe-feu et systèmes de clapets dans les gaines de ventilation pour éviter toute propagation du sinistre.
Les systèmes de protection, calqués à l'origine sur ceux des premières centrales américaines, ont dû être revus. Un programme de réévaluation de la sûreté contre l'incendie a été engagé par EDF sur huit ans (1998 à 2006), pour un coût de 2,8 milliards de francs.
Mais le problème se pose moins sur le plan technique que sur le manque de "culture incendie" des personnels travaillant sur place, selon l'Autorité de sûreté. Outre la remise à niveau des dispositifs de sécurité, le "gendarme du nucléaire" souhaite que les exploitants donnent un coup de pouce à la formation de leurs agents, en première ligne en cas de sinistre avant l'arrivée des pompiers.

 


Bulletin sur la Sûreté des Installations Nucléaires n°70, juillet-août 1989:


Centre d'études nucléaires de Cadarache. Vue aérienne après l'incendie du 1er août 1989. Au 1er plan (a gauche) la zone sinistrée située à l'extérieur de la clôture. Derrière celle-ci des installations du site.

Le 1er août, un incendie de forêt, qui avait pris naissance à l'extérieur du centre, s'est propagé vers 21 heures, à proximité de plusieurs installations du site. Le feu, à la suite de la rotation du vent, a franchi la clôture en différents points, menaçant ainsi l'atelier de traitement de l'uranium enrichi, le parc d'entreposage des déchets et le réacteur expérimental Masurca. L'intervention des agents de la formation locale de sécurité, renforcés par des pompiers venus des Bouches-du-Rhône, des départements voisins, des centres de Marcoule et Pierrelatte a permis de circonscrire le feu dans la nuit. Pendant la durée de l'incendie, les installations potentiellement menacées ont été protégées. Dans la journée du 2 août, quelques foyers qui s'étaient rallumés ont été éteints. Toutes les installations du site qui auraient pu être menacées en raison de leur position ou d'une éventuelle reprise des incendies à l'extérieur du centre ont été maintenues en état de préalerte pendant toute cette journée. A aucun moment, il n'a été nécessaire de procéder à une évacuation du site et aucune installation nucléaire de base n'a été affectée. Cet incident se situe hors échelle [médiatique] de gravité.