37 ans après Tchernobyl, la catastrophe continue...

Pour les «liquidateurs» c'est plus de 100 000 morts et plus de 200 000 invalides, et pour les populations exposées à la contamination le bilan (serait déjà selon les estimations) probablement supérieur à 985 000 de morts à travers le monde.

Par l'intermédiaire de son ambassade à Paris, l'Ukraine qui a engagé 250 000 liquidateurs à Tchernobyl, communique à la presse qu'en 2004, 84% des liquidateurs sont malades. En janvier 2010, l'Académie des sciences de New York (NYAS) a publié le recueil (sous la direction d'Alexei Yablokov) le plus complet de données scientifiques concernant la nature et l'étendue des dommages infligés aux êtres humains et à l'environnement à la suite de l'accident de Tchernobyl «Chernobyl: Consequences of the catastrophe for people and the environment». Cet ouvrage (dont on peut lire en PDF la traduction de la 5ème édition) met à la disposition du lecteur une grande quantité d'études collectées dans les pays les plus touchés: la Biélorussie, la Russie et l'Ukraine (voir "Leçons de Tchernobyl" 22mn (youtube) réalisée à l'occasion du symposium organisé par la fondation Helen Caldicott en Mars 2013 à New York). Les auteurs estiment que les émissions radioactives du réacteur en feu ont atteint dix milliards de curies, soit deux cents fois les retombées des bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki, que sur les 830 000 «liquidateurs»* intervenus sur le site après les faits, 112 000 à 125 000 sont morts, et que le nombre de décès à travers le monde attribuables aux retombées de l'accident, entre 1986 et 2004, est de 985 000, un chiffre qui a encore augmenté depuis cette date.

(* d'après différentes sources sur les liquidateurs envoyés à Tchernobyl : Ukraine 305 à 360 000 - Russie 250 à 284 000 - Belarus 130 000 - Lettonie > 6 500 - Lithuanie > 7 000 - Estonie 4 833 - Kazakhstan 32 000 - Arménie 3 000 - reste de l'URSS 35 000.)

Le « Collectif Santé et Nucléaire - IndependentWHO » a organisé :
- Les 12 et 13 mai 2012 à Genève, un « Forum Scientifique et Citoyen sur la Radioprotection : de Tchernobyl à Fukushima.
- Le 29 novembre 2014, à Genève, un Forum Scientifique Effets Génétiques des Rayonnements Ionisants.

Voir la publication de Yury Bandajevski "La santé des enfants 30 ans après" (2018).

A voir absolument, "Tchernobyl. Chronique des semaines difficiles", un film de Vladimir Shevchenko (1988, URSS, 54 minutes), ce documentaire couvre la catastrophe de Tchernobyl sur les trois mois qui ont suivi. Présenté en russe avec des sous-titres en anglais. L'auteur Vladimir Shevchenko est un cameraman ukrainien, qui travaillait pour Centrale TV Ukraine et figura parmi les rares « privilégiés » susceptibles de filmer dans toute la zone dite « interdite ». Shevchenko filme sans relâche les liquidateurs au travail avec des moyens dérisoires, seulement protégés par des masques de chirurgien. A l'époque, Shevchenko ignorait bien sûr que ce film serait son dernier et que sa volonté de témoigner de la catastrophe de Tchernobyl, lui serait fatale, exposé aux hautes doses de radioactivité, son agonie fut à l'image de celle des pompiers intervenus durant les premiers heures ou de la plupart des employés qui travaillaient dans la centrale au moment de l'explosion.

Les sommes colossales dépensés par l'URSS pour « liquider Tchernobyl » :
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«  Pour les vingt premières années, les dépenses directes provoquées par la catastrophe pour les trois pays les plus touchés dépassent 500 milliards de dollars, ce qui, rapporté au coût de la vie dans l'Union européenne, représente plus de 2 000 milliards d'euros. Autant, donc, sinon plus, que le coût de construction de toute l'infrastructure nucléaire mondiale ! » Alison Katz, décembre 2010, Monde Diplomatique.
- La catastrophe de Tchernobyl aurait coûté 700 milliards de dollars en 30 ans, estime l'ONG Green Cross dans un rapport, publié le 21 avril 2016.
- «  25 ans après, Tchernobyl dévore chaque année 7 % du budget ukrainien. La somme colossale de 18 milliards de roubles dépensés par l'URSS pour « liquider l'incident » du 26 avril 1986 furent à l'époque considérés comme un des facteurs de l'effondrement du système soviétique. Le Belarus consacrait 22,3 % de son budget à Tchernobyl en 1991, un taux en régression rapide (6,1 % en 2002). Le gouvernement biélorusse a estimé les pertes à 235 milliards de dollars sur trente ans. [...]
C'est bien sûr le coût humain qui reste à la fois le plus tragique et le plus difficile à chiffrer. Le ministère de la Santé dénombre 100.000 citoyens rendus complètement invalides par la catastrophe. Auxquels il faut ajouter près de 80.000 enfants nés avec des déformations congénitales dans les régions voisines de Tchernobyl et un taux de cancers de la thyroïde qui a été multiplié par dix dans l'ensemble du pays. » La Tribune

A la ferme du kolkhoze Petrovski, on m'a montré un porcelet dont la tête ressemblait à celle d'une grenouille: à la place des yeux il avait des excroissances tissulaires où l'on ne distinguait ni cornée ni pupille.
- C'est un de nos nombreux monstres - m'a expliqué Piotr Koudine, vétérinaire du kolkhoze - Ordinairement, ils meurent sitôt venus au monde, mais celui-là vit encore.
La ferme est petite: 350 vaches et 87 porcs. En cinq ans avant l'accident nucléaire, on n'y a enregistré que trois cas de monstruosité parmi les porcelets et pas un parmi les veaux. En un an après l'accident, il y a eu 64 monstres: 37 porcelets et 27 veaux. Dans les neuf premiers mois de 1988: 41 porcelets et 35 veaux. Ces derniers naissent le plus souvent sans tête ni extrémités, sans yeux ou côtes. Les porcelets sont exophtalmiques, ont le crâne déformé, etc.
- Et que disent les savants ? à Kiev, on a créé un institut spécial de radiologie agricole.
- Ils n'ont pas manifesté un intérêt particulier pour notre ferme, m'a répondu Piotr Koudine. Ils ont examiné plusieurs cadavres de nouveau-nés monstrueux et déclaré que ce phénomène pouvait être provoqué par des centaines de causes n'ayant rien à voir avec la radiation. Je suis vétérinaire, donc je le sais moi aussi, mais les statistiques de la monstruosité m'obligent à distinguer une cause bien déterminée. Car les fourrages sont produits par des champs contaminés par les radionucléides. Et puis, les responsables du stockage refusent notre bétail car les doses de radiations qu'il a reçues sont supérieures à la norme.
La porchère ayant sorti le porcelet monstre pour que je puisse le photographier, m'a dit, les larmes aux yeux:
- Ma fille vient de se marier. Comment sera mon petit-fils ?

Extrait de l'article «Les séquelles»,
Les Nouvelles de Moscou,
édition française du 19/2/1989
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Comment seront les enfants ?

- Des éléments de réponse à la fin du reportage "Tchernobyl : Les conséquences sanitaires de l'explosion" (20 ans après sur Youtube). Des images commentées de ces lieux alternent avec les propos du journaliste Patrick HESTERS, sur place, de Vladimir DOROSHENKO, médecin-chef adjoint de la clinique de Briank, de Gérard DEVILLE-CAVELIN et dr Jean-René JOURDAIN de l'IRSN.

- Des éléments de réponse avec le reportage de Paul Fusco "Les oubliés de tchernobyl" qu'aucun magazine à part Photo de septembre 2001, n'a eu le courage de publier:

1) Minsk, Biélorussie 1997. Scène quotidienne dans l'asile Novinski. Ce jeune garçon hurle tandis que ses amis jouent dehors.

2) Hôpital des enfants cancéreux, Minsk, Biélorussie 2000. Vova sait qu'il est gravement malade. Malgré l'amputation, son état ne s'est pas amélioré.

3) Foyer pour enfants, Minsk, Biélorussie 2000. Alla tient dans les bras un enfant de 2 ans dont le cerveau se trouve dans l'excroissance.

4) Asile Novinski, Minsk, Biélorussie 1997. Ces enfants ne peuvent pas se tenir debout et sont nourris par terre.

5) Asile Novinski, Minsk, Biélorussie 1997. Cet asile est le principal centre d'accueil pour enfants contaminés en Biélorussie.

6) Foyer pour enfant, Minsk, Biélorussie 2000. Cet enfant de 3 ans est là depuis sa naissance. Il est inopérable: l'excroissance contient ses reins

7) Orphelinat pour enfants abandonnés, Gomel, Biélorussie 1999. Sasha, 5 ans, souffre d'une quasi absence de système lymphatique. Son organisme produit des toxines que sont corps ne peut donc plus éliminer.

8) Asile Novinski, Minsk, Biélorussie 1997. Cet enfant est en état de terreur constant.