Tempête: mise à l'arrêt des réacteurs de la centrale du Blayais

13/2/2009 - Les quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Blayais (Gironde) ont été mis à l'arrêt jeudi après l'activation d'un dispositif de protection lié à la présence de débris végétaux dans la Gironde après les tempêtes ayant touché la région, a indiqué vendredi la direction. Cette mise à l'arrêt des quatre unités de production de la centrale n'a engendré "aucune conséquence sur la sûreté et l'environnement" et n'a pas perturbé "l'équilibre" du réseau électrique, a souligné Philippe Sasseigne, le directeur de la centrale. La tempête du 24 janvier et l'épisode venteux des 9 et 10 février, associées aux grandes marées, "ont généré beaucoup de débris végétaux et de particules en suspension dans la Gironde qui sont venus colmater les filtres situés sur nos stations de pompage" alimentant les circuits de refroidissement des turbines, a expliqué M. Sasseigne. "Dans ces cas-là, des dispositifs de sécurité entraînent la mise à l'arrêt automatique des quatre réacteurs", a-t-il ajouté [Rappel: l'arrêt automatique n'est pas une opération bénigne et sa réussite n'est jamais "gagnée d'avance"]. Le redémarrage des réacteurs doit se faire progressivement entre vendredi et dimanche, a-t-il précisé.

 

Rappel:

- Le risque inondation des centrales nucléaires françaises: 16 sites (dont Le Blayais) sur 19 sont concernés !

- En 1999, le Blayais, très près de l'accident majeur



Sud-Ouest, 28/1/2009: 

Les oubliés de la centrale

PARADOXE. Les voisins de la centrale du Blayais sont privés d'électricité et n'ont pas encore vu un véhicule... d'EDF
«Vous êtes les premiers à frapper à notre porte pour nous demander si nous rencontrons des problèmes et si nous avons besoin d'aide. Merci d'être venu ! »

Pâle, visiblement choquée, Arlette Morel a du mal à supporter la situation. « Une situation aggravée par une absence totale d'information, ajoute Alain, son mari. Nous n'avons plus d'électricité, plus de téléphone, plus de télé, plus de radio. Nous ne savons absolument pas où en sont les réparations, aucun véhicule d'intervention n'est venu et personne ne nous a contactés pour nous dire comment cela allait se passer. »
Au milieu des marais

Les Morel font partie des oubliés du Blayais. Au sens propre comme au sens figuré. Arlette et Alain habitent au milieu des marais, au lieu dit La Manche, à la limite des communes d'Anglade et de Braud-et-Saint-Louis. Plus isolés qu'eux, il y a peu. « J'ai peur, je ne me sens pas très bien, avoue Arlette. Avec le téléphone portable, nous avons bien tenté d'avoir EDF, mais ça répond occupé ou ça dit que le réseau est indisponible. »

Une situation d'abandon d'autant plus difficile à supporter qu'ici, au milieu de l'eau, on est au pays d'EDF. La maison des Morel est à 2 kilomètres à vol d'oiseau de la centrale du Blayais, l'un des plus gros producteurs de courant de la région. « C'est vrai que ça fait mal quelque part. La centrale produit de l'électricité, il y a des fils à haute tension partout et nous, là, nous sommes obligés de nous éclairer à la lampe à pétrole. »

Ils ne sont pas seuls dans ce cas. Pratiquement toutes les maisons situées autour de la centrale sont encore sans courant, alors que l'électricité au bourg de Braud-et-Saint-Louis est déjà rétablie. « Les marais sont le seul secteur où il y a encore des problèmes et on ne sait pas lorsque cela pourra se régler », confirme la mairie.

« C'est dur »

« On s'habitue, mais ce n'est pas facile. Être isolé comme ça, c'est éprouvant ! J'espère que cela ne durera pas comme en 99. Le secteur a été privé de courant pendant trois semaines », confie Martine Moine au lieu dit La Nieule. Au milieu des marais toujours, mais plus au nord, à mi-chemin de Braud-et-Saint-Louis et de Saint-Ciers-sur-Gironde.

Pour parler, Monique hausse la voix car, tout près, ronronne de façon continue le moteur du tracteur. « La leçon de 99, souligne-t-elle. Grâce à la génératrice que mon mari a branchée sur le tracteur, nous avons de l'électricité dans la maison. Sinon, je ne sais pas comment on ferait cette année. Ma fille Laurice est malade et elle ne supporte pas du tout d'être dans le noir. »

Martine Moine confirme l'absence totale d'information. « On m'a dit à Braud que quelqu'un allait passer. Personnellement, je n'ai vu personne. Depuis samedi, il n'y a qu'une amie qui est venue jusque-là, pour nous demander si nous avions besoin d'aide. » Le fait de se retrouver sans courant alors que la centrale est là, toute proche, la fait elle aussi grincer des dents. « On a beau savoir que le courant qui part de la centrale n'est pas pour nous, que nous sommes reliés à un autre réseau alimenté par ailleurs, c'est difficile à admettre. »

Ubuesque

Pour Jean Grelier, agriculteur-éleveur au lieu dit La Parisienne : « C'est un beau paradoxe ! » Une situation qu'il juge même, pour sa part, un peu ubuesque. La nuit, il voit de la lumière sur tout le site de la centrale et lui, le plus proche voisin, n'en a pas.

« Regardez, dit-il, la centrale est là tout près. Je pourrai presque m'y brancher avec une rallonge ! » Effectivement, les immenses bâtiments de la centrale sont là, à moins d'un kilomètre. Le voisin d'EDF n'est pas plus informé pour autant. Ce qui le chagrine beaucoup. Il est conseiller municipal de Braud-et-Saint-Louis et, à ce titre, il aurait bien aimé aller faire un tour du secteur pour rassurer les habitants. « Ce serait bien que d'autres le fassent. Moi, maintenant, je ne peux plus. J'ai mon exploitation à sauver et, je vous assure, ce n'est vraiment pas facile. »

Jean Grelier possède 30 vaches laitières, plus une quarantaine de reproducteurs. « Sans la génératrice que j'ai achetée après la tempête de 99, j'aurai déjà tout perdu. Grâce à elle, j'ai du courant dans toute l'exploitation et je peux traire mes vaches sans difficulté. » L'agriculteur n'échappera pas aux pertes toutefois. Gravement blessée par une branche tombée d'un arbre, une génisse devra vraisemblablement être euthanasiée. « Et une autre pourrait subir le même sort. Elle boite de façon inquiétante », pense l'éleveur

Malgré tout, la vie continue dans les marais et on ne désespère pas d'y voir débouler très vite les camions bleus d'EDF. Comme ils sont intervenus ailleurs. Dans ce secteur, le plus au nord du département de ce côté de l'estuaire, plusieurs communes sinistrées ont déjà été servies. Une partie de Saint-Ciers a retrouvé de la lumière, la commune de Saint-Palais pas encore. Ce serait, dit-on ici, pour bientôt. Les marais dans la foulée ?