Du rififi à la commission des
communautés européennes? suite...

Ou comment donner l'illusion de faire progresser protection et information
de la population en faisant un pas en avant, suivi d'un pas en arrière.

par Bella Belbéoch

On n'est pas aussi rapide que les journalistes ! Avant même que l'analyse de la recommandation 2003/120/CE du 20 février 2003 annulée quelques jours plus tard ne soit publiée dans le Bulletin de Stop Nogent, 98, mai-juillet 2003 (voir Nota en fin de texte) une version modifiée, toujours signée par Margot Wallström, paraissait dans le Journal officiel de l'Union européenne du 17 avril 2003 (L 99/55) ayant exactement le même titre que la précédente et notifiée sous le même numéro C(2003) 510 :
RECOMMANDATION DE LA COMMISSION du 14 avril 2003 concernant la protection et l'information de la population eu égard à l'exposition résultant de la contamination persistante de certaines denrées alimentaires sauvages par du césium radioactif à la suite de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl. Le 1er mai la référence 2003/274/CE sera rectifiée en 2003/274/Euratom. (Les deux versions figurent en Annexe).
Nous avions suggéré quelques pistes pouvant motiver l'annulation. Mais pourquoi une nouvelle mouture ?
L'exposé des motifs de la version annulée insistait, entre autres, sur les insuffisances de la surveillance et des contrôles nationaux concernant les denrées alimentaires sauvages (champignons sauvages, baies des forêts, gibier, certains poissons) dépassant la norme de 600 Bq/kg en césium 137 - fixée dès le 31 mai 1986 - car ces denrées ne sont pas nécessairement mises sur le marché par les chaînes alimentaires agro-industrielles, contournant ainsi tout contrôle, et insistait sur la nécessité de sensibiliser la population au risque sanitaire qui pouvait résulter de leur consommation en grandes quantités.
Dans le souci de protection et d'information des populations on aurait pu s'attendre à des dispositions communautaires plus contraignantes, chaque Etat prenant des mesures pour que dans les zones du territoire les plus touchées par les retombées radioactives, les denrées sauvages dépassant les normes ne puissent être consommées. C'est le contraire qui s'est produit : la comparaison des 2 textes montre que la version définitive réduit considérablement la portée de celle de février 2003 en ce qui concerne la protection et l'information de la population ce qui pourrait bien expliquer pourquoi la première ait été mort-née

ABSENCE DE DONNÉES SUR LA CONTAMINATION

Désormais ce qui frappe c'est l'absence de toute donnée chiffrée concernant les niveaux de contamination en césium radioactif relevés dans certaines denrées alimentaires avec des niveaux très supérieurs à la tolérance maximale de 600 Bq/kg en césium 137 et qui prouvent sans ambiguïté que 17 ans après, Tchernobyl ce n'est pas fini. Dans la version annulée de février, nous avions signalé que la RFA était citée pour des dépassements de la norme dans la viande de sanglier : les niveaux de contamination dans certaines régions peuvent être 10 fois plus élevés que pour le cerf ou le chevreuil et l'incidence des dépassements augmente depuis 1996, s'élevant à 51% en 1999 avec des valeurs maximales supérieures à 10 000 Bq/kg. Sans indiquer les pays d'origine étaient également cités les poissons carnivores d'eau douce, les brochets (valeurs maximales supérieures à 10 000 Bq/q) et les perches (supérieures à 5 000 Bq/kg). Tout ceci a été supprimé.
La RFA est-elle le seul Etat membre ayant fourni des données ? Si la Commission Européenne était vraiment et unanimement respectueuse de la protection et de l'information des populations on aurait pu s'attendre à ce que la CE rende public un état des lieux des contaminations des denrées alimentaires sauvages dépassant la norme dans les zones les plus touchées par les retombées de Tchernobyl de tous les Etats membres et aussi des pays candidats à l'Union européenne. Situation délicate au moment où vont entrer dans l'Union européenne des pays d'Europe centrale et de l'Est dont il est notoire que certaines régions ont été très touchées par les retombées et qu'il est démontré par la CRIIRAD (et confirmé par les données récentes de l'IRSN) que l'Atlas européen des retombées de Tchernobyl sous-estime l'importance des retombées en césium 137 en France.
Les écosystèmes à surveiller sont les forêts et les zones boisées là où les couches superficielles du sol ont tendance à conserver le césium 137. Pour la santé des populations il serait quand même souhaitable, et on devrait l'exiger, que chaque Etat membre, que chaque pays candidat, répertorie les zones où les niveaux de contamination des baies sauvages, champignons, poissons lacustres et gibier dépassent la norme et en informe la population. Entre autres, parmi ces denrées sauvages, les champignons mycorhiziens tels Boletus edulis qui n'est autre que le cèpe de Bordeaux. Les personnes se nourrissant régulièrement de ces denrées sauvages subissent une exposition aux radiations par contamination interne chronique. Evidemment la suggestion faite plus haut de répertorier ces zones suppose que l'on considère qu'elles présentent un risque sanitaire, qui, "bien que faible ne peut être négligé". C'est admettre implicitement que les faibles doses de rayonnement ont un effet biologique, ce que nombre d'officiels et de responsables sanitaires n'admettent que du bout des lèvres ou nient carrément, en France tout particulièrement.
Désormais plus aucun chiffre. Cette version édulcorée entérinée par les experts de la Commission est un consensus pour que finalement elle ne soit suivie d'aucune application concrète

DES SUPPRESSIONS CONTRAIRES A LA PROTECTION DE LA POPULATION.

La première version comprenait 22 paragraphes suivis de 4 articles de recommandations. Dans la nouvelle version, les articles de recommandations sont identiques. L'introduction ne comporte plus que 17 paragraphes : 13 sont inchangés, 3 autres sont contractés en 2 paragraphes, 4 sont supprimés, et 2 sont complètement différents (voir l'Annexe). Dans ce qui suit nous mettons les numéros des paragraphes de la nouvelle version entre crochets pour les distinguer de ceux de la version annulée mis entre parenthèses.
-Ainsi l'ancien § (15) relatif à la viande de gibier sauvage est supprimé "L'incidence de la viande de gibier sauvage dépassant 600 Bq/kg de césium radioactif diminue lentement, sauf pour le sanglier et des quantités non négligeables de viande de gibier sauvage provenant de certaines parties du territoire de plusieurs Etats membres et pays candidats continuent de dépasser les tolérances précitées".
-De même sont supprimées les données sur les niveaux de césium radioactif dans la viande de sanglier en RFA (§ 16) et on remarque surtout la suppression du § (17) qui généralisait la situation à toute l'Europe "Il est permis de supposer que, dans les parties du territoire d'autres Etats membres et pays candidats qui présentent des niveaux similaires de dépôts de césium radioactif, les niveaux de contamination de la viande de gibier sauvage et, en particulier, de sanglier devraient être comparables à ceux relevés en République fédérale d'Allemagne".
Questions :
"Il est permis de supposer" ? Il y a bien eu un sanglier très contaminé dans les Vosges à St Jean d'Ormont. Etait-ce le seul de la harde ? La seule harde ? Sûrement pas. Et le seul endroit en France ? Peut-être Mais la CE a-t-elle réclamé les mesures des niveaux de contamination dans les zones les plus contaminées des Etats membres et des pays candidats ? Quels pays, autres que la RFA, ont fourni des données ? Les résultats ont-ils été publiés ? Sont-ils connus du public ? Il n'est plus fait référence à la contamination dans les pays candidats (ancien §15) : il ne faut pas nuire à l'élargissement de l'Union ?
-De même il n'est plus question des valeurs atteintes par les poissons carnivores lacustres (ancien §18).
-Plus généralement s'il est redit au nouveau § [13] que "Ces dernières années les données communiquées à la Commission par certains Etats membres indiquent que des niveaux élevés de césium radioactif continuent d'être présents dans le gibier sauvage, les baies sauvages, les champignons sauvages et les poissons lacustres carnivores" là aussi les lacunes sont de taille.

Questions :
De quels pays s'agit-il ? Où précisément ? avec quels niveaux en Cs 137 pour chaque denrée répertoriée ? On n'en saura pas plus bien qu'il soit redit que ces produits sauvages comestibles peuvent contourner la surveillance et les contrôles réglementaires nationaux (§ [14]). Drôle de protection et d'information des populations. Y aurait-il eu des interdictions ou restrictions de consommation dans des pays restés inconnus du public ? (ça pourrait donner des idées aux consommateurs des autres pays ?) Mais je ne crois guère à cette éventualité.

LE RECUL FINAL

Les paragraphes [15] et [16] sont des plus clairs : alors que le texte précédent de Février disait "Les Etats membres ont informé la population du risque sanitaire résultant de la consommation de certaines catégories de denrées alimentaires à la suite de l'accident de Tchernobyl [là ça a dû tiquer. Y a-t-il eu en France des mises en garde de ce genre qui seraient passées inaperçues ? ] mais la sensibilisation de la population à la contamination persistante de produits alimentaires sauvages tend à diminuer" suivi de "Bien que les implications de la contamination de produits sauvages pour la santé de la population soient très faibles, le risque sanitaire pour les personnes qui consomment de grandes quantités de ces produits provenant des régions touchées ne peut être négligé et il est dès lors nécessaire de sensibiliser la population à ces dangers". Le nouveau texte est bien plus succinct, il supprime que l'information a été donnée par les Etats membres (ce qui est plus conforme à la réalité française). Mais surtout, s'il est bien indiqué § [15] que "La sensibilisation de la population à la contamination persistante des produits alimentaires sauvages tend à diminuer bien que les implications de cette contamination pour la santé des personnes qui consomment de grandes quantités de ces produits provenant des régions touchées ne puissent être négligées" le paragraphe suivant [16] le réduit à néant :

"Les implications de la contamination de produits sauvages pour la santé des populations sont très faibles de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'adopter des dispositions plus contraignantes"

Ainsi, bien que l'intitulé, les premiers paragraphes et les 4 articles de la recommandation finale aux Etats membres restent inchangés, ayant en vue de protéger la santé des consommateurs, de les informer des risques sanitaires en cas de dépassement des tolérances maximales, l'exposé des motifs qui accompagne les recommandations revient à annuler leur portée. Surtout ne rien faire, pas de dispositions plus contraignantes.
Questions
Y a-t-il eu à la CE des "experts" ayant demandé à ce que la "tolérance maximale" (600 Bq/kg en Cs137) soit abaissée pour tenir compte de la réduction de la limite annuelle de 5 mSv à 1 mSv ? (C'est peu probable).
Y a-t-il eu des experts qui aient réclamé, que vraiment chaque Etat interdise la consommation de denrées sauvages dépassant les 600 Bq/kg ce qui implique l'interdiction de cueillette, de chasse au sanglier, de pêche, voire d'accès au public de certaines zones ? (Est-ce que cela a été fait en RFA ? )
En ce qui concerne la France, Etat membre qui jusqu'à présent n'a jamais informé la population de quelque risque sanitaire que ce soit qui serait lié à la consommation de produits alimentaires sauvages contaminés en césium 137, il n'y a pas lieu de prendre d'autres dispositions. Il n'y a qu'à continuer comme ça Ouf, voilà qui doit soulager les autorités.
Signalons pourtant que l'IPSN indiquait en 1997 (Ph. Renaud et al. Rapport 97-3, Conséquences radioécologiques et dosimétriques de l'accident de Tchernobyl en France) que dans les années à venir la contamination de Boletus Edulis, le cèpe de Bordeaux, était susceptible de s'élever en raison d'un mycélium plus profond (5-10 cm). "Les années à venir", c'est peut-être déjà aujourd'hui ? On aimerait savoir si ces cèpes poussent dans la forêt du Boréon lieu touristique niçois, le haut-Var en général, les Vosges, le Jura, la Corse. Si oui quelle est leur contamination ? Le cas échéant il faudrait vérifier si certaines zones ne doivent pas être interdites de cueillette ou d'accès.

Reste un mystère. Après l'annulation du texte de février pourquoi avoir accouché d'une nouvelle version sur la protection et l'information de la population exposée à la contamination persistante de certaines denrées alimentaires sauvages par le césium 137 dû à Tchernobyl, dont les implications pour la santé de certains individus, gros consommateurs de ces denrées, ne peuvent pas être négligées, si finalement rien n'est à changer, tout est pour le mieux (dans le meilleur des mondes nucléaires

Septembre 2003


Nota : - Pour la lecture de cette "Suite" au Rififi de la CE il est utile d'avoir à côté de soi la Lettre d'information 98, mai-juillet 2003. L'exposé radioécologique de la CE dans ses Recommandations est vraiment bien fait à partir de 1999 quand intervient la contamination des champignons. (L'historique des différentes recommandations depuis 1986 est très instructif.)
- Au Bélarus (ex-Biélorussie) et en général dans les pays de l'Est, les fruits de la forêt sont traditionnellement très importants dans l'alimentation et sont largement commercialisés. Des cartes ont été publiées dans les journaux ukrainiens en juillet 1989 concernant une vaste région du nord de l'Ukraine et un peu plus tardivement en Biélorussie, où étaient signalées les zones où ramassage de champignons et de cueillette des baies sauvages devaient subir un contrôle radiamétrique obligatoire ainsi que celles où tout ramassage était interdit. (Voir Gazette Nucléaire 100, mars 1990 ; Tchernobyl une catastrophe. Quelques éléments pour un bilan, Ed. Allia 1993).
Il faut garder en tête que, contrairement à ce que pensaient les experts pour qui le Cs 137 migrerait régulièrement en profondeur dans le sol ce qui devait faire baisser l'exposition aux radiations des habitants des zones contaminées, on sait, depuis les années 90, que le Cs 137 est toujours dans les couches superficielles du sol et l'activité décroît avec la période physique de 30 ans (l'activité est divisée par 2 au bout de 30 ans, par 10 au bout de 100 ans, 1000 au bout de 300 ans). Sans parler du strontium 90. Et des transuraniens.
Ainsi les habitants du Nord de l'Ukraine, des régions de Briansk, Toula etc. en Russie et surtout du Bélarus en ont pour des décennies à ingérer de la nourriture contaminée d'une façon chronique. Ce sont les enfants qui trinquent le plus, même s'ils sont nés après l'explosion du réacteur, ce qu'ont bien montré les travaux de Youri Bandajevsky et de ses collaborateurs à l'Institut de Gomel et c'est bien pourquoi Y. Bandajevsky est toujours en prison.


Annexe

Nous comparons ci-dessous la recommandation du 14 avril 2003 (publiée au JO de l’Union européenne le 17.4.2003, L99/55) à celle du 20 février 2003 annulée 5 jours après, (voir le Bulletin 98, mai-juillet 2003 " Du rififi à la Commission des Communautés européennes ?"). Elles sont identiques jusqu’au 10ème paragraphe. Nous séparons ensuite les 2 versions lorsqu’elles diffèrent, numéros entre parenthèses pour l’ancienne et entre crochets pour la nouvelle. La recommandation finale qui comporte 4 articles est la même. Nous avons souligné certains passages qui nous paraissent importants.

 

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

Concernant la protection et l’information de la population eu égard à l’exposition résultant de la contamination persistante de certaines denrées alimentaires sauvages par du césium radioactif à la suite de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl [notifiée sous le numéro C(2003) 510]

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique et notamment son article 38, paragraphe 1, et son article 124, deuxième tiret
vu l’avis technique du groupe d’experts désignés par le comité scientifique et technique en application de l’article 31 du traité,
considérant ce qui suit :

(1) A la suite de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl le 26 avril 1986, des quantités considérables d’éléments radioactifs ont été dispersés dans l’atmosphère.

(2) Les retombées de césium radioactif consécutives à l’accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl ont atteint un grand nombre de pays tiers.

(3) Des retombées importantes ont touché certaines parties du territoire d’Etats membres et de pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne.

(4) Le règlement (CEE) n°737/90 du 22 mars 1990 relatif aux conditions d’importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n°616/2000 (2), a fixé, pour les produits agricoles originaires des pays tiers et destinés à l’alimentation humaine, des tolérances maximales pour le césium radioactif dont le respect fait l’objet de contrôles de la part des Etats membres.

(5) Dans une déclaration au Conseil du 12 mai 1986, dans le cadre de l’adoption du règlement (CEE) n°1707/86 du Conseil du 30 mai 1986 relatif aux conditions d’importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl (3), les Etats membres se sont engagés à appliquer les mêmes tolérances maximales aux échanges intracommunautaires.

(6) Le règlement (CE) n°1661/1999 de la Commission du 27 juillet 1999 portant modalités d’application du règlement (CEE) n°737/90 du Conseil relatif aux conditions d’importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl (4), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n°1608/2002 (5), a notamment introduit des conditions particulières renforçant les contrôles effectués sur les importations de champignons non cultivés en provenance de plusieurs pays tiers.

(7) Les Etats membres ont appliqué et appliquent toujours, le cas échéant, des contrôles et des conditions analogues à la mise sur le marché des denrées alimentaires provenant de leurs chaînes alimentaires agro-industrielles nationales, en particulier pour la viande de mouton et de renne.

(8) Les mesures in situ sur les territoires des Etats membres découlent des obligations légales définies dans la directive 96/29/Euratom du Conseil du 13 mai 1996 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants (6) et aux articles 35 et 36 du traité Euratom.

(9) Les écosystèmes naturels et semi-naturels tels que les forêts et les zones boisées constituent généralement l’habitat naturel du gibier, des baies et des champignons sauvages et ces écosystèmes ont tendance à conserver le césium radioactif par un échange cyclique entre les couches supérieures du sol (litière), les bactéries, la microfaune, la microflore et la végétation. En outre, le sol de ces écosystèmes, principalement constitué de matières organiques, tend à augmenter la disponibilité biologique du césium radioactif.

Version annulée du 20 février 2003

(10) Les végétaux forestiers susceptibles d’être consommés par l’homme sont les fruits comestibles, en particulier les baies sauvages telles que les myrtilles, les fruits du faux mûrier, les canneberges, les framboises, les mûres et les fraises des bois. L’évolution de la contamination des baies sauvages par le césium radioactif montre que cette contamination a légèrement diminué ou est restée stable, en particulier pour les espèces vivaces, depuis l’accident de Tchernobyl.

(11) En raison de l’impact de la nature des sols forestiers sur la présence de césium radioactif, beaucoup d’espèces de champignons sauvages comestibles (chanterelles, bolets bais, pieds de mouton et autres champignons comestibles connus) continuent de présenter des niveaux de césium radioactif supérieurs à 600 Bq/kg. Les champignons des espèces mycorhisiennes vivant en symbiose avec des arbres et dont le mycélium se développe en profondeur (Boletus edulis par exemple) ont été touchés beaucoup plus tard par les retombées et présentent actuellement des niveaux très élevés de contamination par le césium radioactif.

(12) La contamination par le césium radioactif concerne également des espèces animales telles que le gibier sauvage et les poissons d’eau douce carnivores provenant de lacs situés dans des régions où les dépôts ont été les plus importants. En particulier la présence d’espèces fortement contaminées dans l’alimentation (lichen, mousses et notamment certaines espèces de champignons) contribue manifestement à accroître la contamination du gibier qui les consomme.

Recommandation du 14 avril 2003

[10] Les baies sauvages telles que les myrtilles, les fruits du faux mûrier, les canneberges, les framboises, les mûres et les fraises des bois, les champignons sauvages comestibles (par exemple chanterelles, bolets bais, pieds de mouton), la viande de gibier sauvage, de chevreuil et de cerf par exemple, ainsi que la chair de poissons d’eau douce carnivores (par exemple brochet et perche) provenant de lacs dans certaines régions de l’Union européenne continuent de présenter des niveaux de césium radioactif supérieurs à 600 Bq/kg.

[11] Les champignons des espèces mycorhisiennes (par exemple Boletus edulis) et la viande de sanglier ont été concernés beaucoup plus tard par les retombées et présentent actuellement des niveaux très élevés de contamination par le césium radioactif dans les régions où les dépôts ont été les plus importants.

(13) [12] Il est admis que la durée de la contamination de certains produits provenant d’espèces vivant et se développant dans les forêts et autres écosystèmes naturels et semi-naturels par le césium radioactif dépend principalement de la période physique de ce radionucléide qui est de quelque 30 ans et que, par conséquent, aucune évolution appréciable de cette contamination ne sera observée au cours des prochaines décennies.
(14) [13] Ces dernières années, les données communiquées à la Commission par certains Etats membres indiquent que des niveaux élevés de césium radioactif continuent d’être présents dans le gibier sauvage, les baies et les champignons sauvages ainsi que les poissons lacustres carnivores.
(15) L’incidence de la viande de gibier sauvage dépassant 600 Bq/kg de césium radioactif diminue lentement, sauf pour le sanglier, et des quantités non négligeables de viande de gibier sauvage provenant de certaines parties du territoire de plusieurs Etats membres et pays candidats continuent de dépasser les tolérances précitées.

Néant

 

 

 

 

(16) Dans certaines régions de la République fédérale d’Allemagne, les niveaux de césium radioactif dans la viande de sanglier peuvent être dix fois plus élevés ou davantage que les niveaux mesurés pour le chevreuil ou le cerf. Ainsi, l’incidence des cas de sanglier dépassant 600 Bq/kg de césium radioactif est en augmentation constante depuis 1996 et s’élevait à 51% environ en 1999, avec des valeurs maximales supérieures à 10000 Bq/kg.

Néant

 

 

 

 

 

(17) Il est permis de supposer que, dans les parties du territoire d’autres états membres et pays candidats qui présentent des niveaux similaires de dépôts de césium radioactif, les niveaux de contamination de la viande de gibier sauvage, et en particulier, de sanglier devraient être comparables à ceux relevés en République fédérale d’Allemagne.

Néant

 

 

 

 

(18) Selon des données récentes, les concentrations de césium radioactif restent élevées chez les poissons carnivores d’eau douce provenant de lacs situés dans des zones où les dépôts sont les plus importants, avec des valeurs maximales supérieures à 10000 Bq/kg pour le brochet et à 5000 Bq/kg pour la perche.

Néant

 

 

 

(19) [14] Les produits sauvages comestibles n’étant pas nécessairement mis sur le marché par les chaînes alimentaires agro-industrielles, il est possible qu’ils contournent la surveillance et les contrôles réglementaires nationaux.

(20) Les Etats membres ont informé la population du risque sanitaire résultant de la consommation de certaines catégories de denrées alimentaires à la suite de l’accident de Tchernobyl, mais la sensibilisation de la population à la contamination persistante de produits alimentaires sauvages tend à diminuer.

(21) Bien que les implications de la contamination de produits sauvages pour la santé de la population soient très faibles, le risque sanitaire pour les personnes qui consomment de grandes quantités de ces produits ne peut être négligé et il est dès lors nécessaire de sensibiliser la population à ces dangers.

 

 

 

[15] La sensibilisation de la population à la contamination tend à diminuer bien que les implications de cette contamination pour la santé des personnes qui consomment de grandes quantités de ces produits ne puissent être négligés.

[16] Les implications de la contamination de produits sauvages pour la santé de la population sont très faibles de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’adopter des dispositions plus contraignantes.

(22) [17] Le règlement (CE) n°178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliment et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (7), met en place un système d’échange rapide d’informations. Il est nécessaire d’utiliser ce système pour l’échange d’informations sur les cas recensés de dépassement des tolérances maximales entre membres.

 

RECOMMANDE :

1. En vue de protéger la santé des consommateurs, de prendre les mesures appropriées afin que les tolérances maximales applicables au césium 134 et au césium 137 visées à l’article 3 du règlement (CEE) n°737/90 soient respectées dans la Communauté pour la mise sur le marché du gibier sauvage, des baies sauvages, des champignons sauvages et des poissons lacustres et carnivores.

2. Dans les régions où ces produits sont susceptibles de dépasser les tolérances maximales, d’informer la population des risques sanitaires correspondants.

3. D’informer la Commission et de s’informer mutuellement des cas constatés de non-respect des tolérances maximales par des produits de ce type au moyen du système communautaire d’alerte rapide établi par le règlement (CE) n°178/2002

4. D’informer la Commission et les autres Etats membres des mesures prises en application de la présente recommandation.

Fait à Bruxelles, le 14 avril 2003,
Par la Commission, Margot Wallström,
Membre de la Commission.

(1) JO L 82 du 29.3.1990, p.1. (4) JO L 197 du 29.7.1999, p. 17.
(2) JO L 75 du 24.3.2000, p.1. (5) JO L 243 du 11.9.2002, p. 7.
(3) JO L 146 du 31.5.1986, p. 88. (6) JO L 159 du 29.6.1996, p.1.
(7) JO L 31 du 1.2.2002, p. 1.