Madame le ministre de l'Industrie

Avant projet de loi sur l'énergie

Madame,

À la lecture du texte sur l'avant-projet de loi et des rapports (parlementaires, comité de sages), des différents communiqués et articles de presse, propagande Areva et EDF, j'ai relevé un certain nombre d'informations erronées à partir desquelles vous justifiez, entre autres, la poursuite du programme nucléaire et des absurdités énergétiques.

Je cite ci-après ces informations et mes questions à leur sujet.

1 ­ Pourquoi le nucléaire est-il présenté comme moyen d'indépendance énergétique alors que l'uranium est importé en totalité, que 54 des 58 réacteurs d'EDF ont été construits sous licence américaine " Westinghouse ", que pendant les années 80, les emprunts d'EDF sur les marchés extérieurs étaient supérieurs à la dette extérieure nette de la France.

2 ­ Pourquoi le nucléaire est-il converti, dans la comptabilité énergétique de certains pays comme la France ou ceux de l'OCDE à 260,6 grammes de pétrole pour 1 kilowattheure, alors que l'hydroélectricité et autres formes de production d'électricité par des énergies renouvelables n'en valent que 86,5 grammes, ainsi que la comptabilité des échanges internationaux d'énergie y compris l'exportation d'électricité nucléaire. Le Système International S.I. établit la conversion à 86,5 grammes de pétrole par kWh et l'utilisation par la France, l'OCDE et l'AIE d'un équivalent pétrole à 260,6 grammes de pétrole par kWh constitue une fraude et une désinformation. Si officiellement le nucléaire représente 40% de la consommation totale d'énergie en France, il n'en représente en réalité que 18%.

3 ­ Pourquoi le nucléaire est-il présenté comme une solution énergétique alors qu'il ne représente que 6 % de l'énergie consommée annuellement au niveau mondial (2% en convertissant en équivalence du système S.I.). En termes de réserve globale d'énergies non renouvelables, l'uranium ne représente que 3% des réserves contre 70% pour les charbons et lignites, 9% pour le gaz naturel, 6% pour le pétrole conventionnel et 12% pour les autres réserves de pétrole. En convertissant en équivalence du système S.I., l'uranium ne représente plus que 1% des réserves énergétiques non renouvelables ; c'est-à-dire plus concrètement, quasiment rien.

4 - La catastrophe nucléaire :
Plusieurs scénarios de catastrophes sont possibles sur les installations nucléaires de type REP en service actuellement en France (et on ne peut pas tous les prévoir) : perte de refroidissement, rupture du circuit primaire, pouvant conduire à une fusion du coeur, à une crise d'ébullition, et vers une explosion d'hydrogène supérieure à la capacité de résistance de l'enceinte de confinement. Idem pour une perte de bore neutrophage dans l'eau du circuit primaire à laquelle nous avons échappé de peu sur une tranche du Blayais en 1989. Une étude de l'IPSN avait alors décrit la possibilité d'une excursion nucléaire à 180 fois la puissance de l'installation (3 fois la puissance de la première explosion du réacteur 4 de Tchernobyl). Après des décennies de négation de la possibilité d'une catastrophe nucléaire en France, votre gouvernement vient récemment d'en reconnaître la possibilité, en publiant divers décrets et arrêtés qui définissent les seuils d'exposition nécessitant la prise d'iode stable, le confinement ou l'évacuation, qui confient à l'armée le soin de gérer la future catastrophe et le classement en " secret défense " des informations. En plus de l'irresponsabilité financière des exploitants décidée par voie parlementaire en 1968, les pouvoir publics viennent ainsi de décider de la suspension des principes démocratiques en cas de catastrophe. Cette décision est parfaitement significative du peu d'intérêt que porte votre gouvernement à la démocratie, à la santé des populations, aux conséquences économiques et sociales qui s'ensuivront et qui préfère persister dans le soutien inconditionnel à un lobby dément.

5 ­ L'effet de serre :
a)
On nous fait croire que l'augmentation du gaz carbonique CO2 dans l'atmosphère entraînerait une augmentation de la température de l'atmosphère conduisant à des catastrophes climatiques. L'examen des courbes d'évolution du CO2 et des températures établies sur plusieurs centaines de milliers d'années, à partir des analyses de carottages des glaces polaires, montre des périodes de similitudes entre évolution du taux de CO2 et températures atmosphériques, mais aussi des périodes de plusieurs siècles, voire de plusieurs milliers d'années, pendant lesquelles ces deux paramètres évoluent en sens inverse. Cela infirme la validité de la thèse d'une liaison entre le CO2 et la température pouvant conduire à une catastrophe climatique. Cette question est posée aux experts depuis quinze ans sans qu'aucune réponse ne soit formulée.
b) Le CO2 est, paraît-il, le plus important des gaz à effet de serre ; ce qui est faux : la vapeur d'eau représente 70% des gaz à effet de serre contre environ 18% pour le CO2. De ces 18%, les quatre cinquièmes étaient déjà naturellement présents avant l'ère industrielle, et l'utilisation de combustibles fossiles n'est pas la seule cause de cette augmentation. A supposer qu'il y ait bien relation entre CO2 et température atmosphérique, je vous demande, Madame le ministre, de me chiffrer précisément la part mondiale et française de réduction d'effet de serre que procure l'utilisation de l'énergie atomique avec ses 2% en parts d'énergie par an ou 1% en termes de réserves ; de me le qualifier en terme d'efficacité (ex : efficacité moyenne, nulle).
c) Lors d'une présentation publique des théories des variations climatiques par l'un des plus prestigieux des experts français, j'ai posé la question du fonctionnement des " modèles " qui permettent de prédire la catastrophe climatique future. Ce dernier m'a répondu que " c'est tellement compliqué qu'on ne peut l'expliquer ". Concrètement, on demande aux populations de croire les experts sur parole, sans possibilité de vérifier leurs dires. Dans la réalité, ces " modèles " comme ils disent, sont aisément vérifiables : une fois paramétrée et gorgée d'informations avec les données issues des périodes passées, la machine peut calculer prédire le climat futur. Il est ainsi aisé d'effacer les données de températures sur une période récente d'un siècle et de demander à la machine de recalculer la température " virtuelle " actuelle qui devrait en principe correspondre à la réalité si ces " modèles " sont fiables. Je sais que l'expérience à été tentée, et que la température virtuelle ainsi calculée était supérieure de plusieurs degrés à la réalité ; ce que les éminents experts se sont bien gardés de divulguer.
d) Les causes d'évolutions climatiques sont multiples, c'est pourtant celle des gaz à effet de serre qui nous est continuellement présentée comme étant " LA " cause. Pourquoi cette partialité digne du scientisme de mauvaise fois, du charlatanisme de bas étage, de l'alchimiste ensorceleur ?

6 - Les réacteurs du futur :
Vous préconisez la construction d'un réacteur expérimental de type EPR ; à en croire les avantages de sûreté qu'il procurerait comparés à l'actuel parc REP 900, 1300 et 1450 MWé, il serait impératif de stopper immédiatement tous ces réacteurs pour les nombreux risques qu'ils présentent !
On nous menace d'une pénurie d'électricité dans un futur proche, avec pour preuve la crise californienne de 2001 qui était induite par une spéculation crapuleuse due à la libération des prix à la production non répercutée sur la vente ; ou les incidents récents des USA et d'Italie issus de négligences de maintenance du réseau de transport d'électricité. On oublie de nous dire qu'en France il existe un parc de production d'électricité thermique à flamme équivalent à 29 réacteurs de 900 MWé qui est largement sous utilisé.
La France est en large surcapacité de production et malgré des exportations à des prix souvent inférieurs aux coûts de production, le coefficient de production (kp) du parc nucléaire EDF est l'un des plus mauvais de la planète.
Il est préconisé d'investir dans la recherche de nouveaux réacteurs, tels les surgénérateurs dont l'exemplaire aujourd'hui arrêté fut un échec cuisant. Le programme électronucléaire français des années 70 prévoyait 100 réacteurs en l'an 2000 dont 20 de la classe Superphénix. Avec 58 réacteurs en 2003, nous sommes en large surcapacité de production et exportons de l'électricité à des prix inférieurs aux coûts de production et de transport. Les projets de surgénérateurs de type " rubbiatron ", capable de rendre actifs l'uranium 238 ou le thorium 232 par accélérateur de protons, consommeraient autant d'énergie qu'ils n'en produiraient. De plus, son inventeur, bien que prix Nobel, est considéré par nombre de scientifiques comme prenant ses désirs pour des réalités, du genre à inventer l'avion renifleur si le coup n'avait pas déjà été fait.
Il est préconisé d'étudier des réacteurs à haute température, alors que l'on n'est même pas capable de trouver des solutions aux problèmes métallurgiques posés par les cuves de réacteurs, les gaines de combustibles et l'alliage Inconel sur les réacteurs REP fonctionnant à une température de 324°C.
Il est préconisé d'étudier la possibilité de fusion thermonucléaire contrôlée par le biais du projet international ITER, alors que 40 années de recherches passées n'ont pas permis d'évolution, sauf à démontrer que l'essentiel de l'énergie émise l'est sous forme de rayonnements non convertissables en électricité, lesquels consomment l'essentiel de l'énergie nécessaire à l'ignition, c'est à dire l'auto entretien de la réaction.
Vous encouragez la recherche sur la transmutation des déchets nucléaires, notamment en réutilisant le vieux et dangereux réacteur à neutrons rapides Phénix, alors que les travaux réalisés au CEA dans les années 70 avaient démontré que tant la filière " rapides " que la filière Mox ne faisaient qu'augmenter la quantité d'actinides mineurs. On persiste à nous faire croire, fallacieux rapports " Bataille " à l'appui, qu'il pourrait exister une possibilité à la destruction des déchets. La seule possibilité réaliste étant l'enfouissement profond des combustibles fortement recouverts de neutrophages, sous surveillance constante pendant des dizaines de milliers d'années, avec remplacement des containers tous les quelques siècles ; ce qui est objectivement inacceptable. Le tout sans oublier les nombreux illuminés qui nous abreuvent régulièrement de solutions délirantes de types " spatial " et autres injections dans les volcans, couches argileuses profondes des océans ou anciens puits de pétrole.

7 - Les énergies alternatives :
Dans ce domaine, les absurdités sont à l'égal de celles du lobby nucléaire ; à croire qu'il existe une complicité entre ces deux modes de production.
Prenons les aérogénérateurs : avec un coefficient de production moyen de 20%, il serait nécessaire d'implanter 250 000 éoliennes de 1 MW pour produire l'équivalent de production d'électricité des centrales nucléaires du parc EDF. Mais la production est aléatoire en fonction du vent. L'électricité n'étant pas stockable, il serait nécessaire de la convertir, avec les pertes de rendement et les coûts supplémentaires. Prenons la solution de la pile à hydrogène : il faut 5 kWh pour produire un mètre cube d'hydrogène, lequel produirait 1,8 kWh dans une pile à hydrogène ; duquel il faudrait aussi déduire 1 kWh pour la liquéfaction de l'hydrogène nécessaire à son stockage et à son transport. Au final c'est plus d'un million d'éoliennes qu'il faudrait installer sur le territoire et les sites marins de hauts fonds pour satisfaire les besoins nationaux d'électricité. Les coûts seraient à ce point élevés que beaucoup de foyers à modestes et moyens revenus n'auraient plus les moyens d'acquérir cette énergie. Avec le solaire photovoltaïque, les coûts seraient encore plus élevés. Les énergies renouvelables seraient donc une forme d'énergie à l'usage limité à une élite minoritaire au détriment de la plus grande part de la population. L'avenir énergétique " alternatif " serait t-il la base d'une société future profondément inégalitaire et forcément totalitaire ?
Certains prétendent nous vendre le biocarburant. En prenant pour base le diester de colza en culture intensive, déduction faite des intrants énergétiques, il faudrait cultiver 660 000 km2 de colza (plus que la superficie de la France) pour produire l'équivalent des 80 Mtep de consommation nationale routière actuelle. Comment peut-on oser nous faire croire à de telles solutions énergétiques ?
Cet été, près de 15 000 personnes sont décédées des suites de canicule mêlée de pollution atmosphérique. La motorisation diesel, qui utilise un combustible largement sous taxé, produit quatre fois plus de pollution que le moteur à essence. Y-a t-il eu un ministre, un responsable de la santé ou des transport, un député d'opposition, pour proposer la restriction de cette motorisation, ce qui pourrait épargner la vie de quelques milliers de personnes ?

8 - Le charbon :
La seule solution énergétique disponible actuellement est le charbon (et lignites), 70% des réserves énergétiques fossiles pour plus de 2 siècles de consommation mondiale, avec une bonne répartition géopolitique. EDF a par ailleurs développé des technologies capables de brûler à bon rendement et à peu près proprement ce combustible ; elle l'exporte d'ailleurs fort bien dans de nombreux pays dont la Chine et les USA. Mais en France, EDF ferme ses vieilles centrales thermiques à flamme au lieu de les moderniser, coupant ainsi la possibilité de sortir du nucléaire, y compris après une catastrophe. On nous présente des arguments anti-charbon issus de l'époque de Zola, énumérant les coups de grisou et autres accidents miniers en Chine ou en Ukraine, etc ; il est utile de préciser que la technologie actuelle, donc disponible, permet une extraction mécanique rendant inutile l'exposition humaine. On agite le fantôme de la silicose, particulièrement ceux qui ont en charge la responsabilité de la santé des populations et des travailleurs. Demandons donc à ces éminents irresponsables pourquoi les études épidémiologiques chez les mineurs d'uranium ont été falsifiées par l'introduction de cohortes de personnels non exposés, dès lors qu'il avait été constaté une augmentation en flèche des décès par cancers, selon le vieux principe " pas de preuve, pas de coupable ".

9 - Quelques principes en conclusion :
Nous vivons actuellement dans ce pays dans un système dit démocratique. Cela implique qu'en ce qui concerne les choix importants, tels ceux de l'énergie, la population soit informée objectivement afin de pouvoir participer aux décisions ou à l'élection de ceux qui décident à sa place. Or, le nucléaire nous a été imposé par un empilement constant de mensonges, de propagandes éhontées à grands frais de la part des exploitants (CEA, EDF, Areva) et des gouvernements successifs. Pendant des décennies, l'on a abusé les populations, profité de leur crédulité, de leur manque de connaissances dans ce domaine quelque peu complexe, pour décider à leur place et en leur nom d'un choix, le pire qui soit, qui est par ailleurs largement profitable aux industriels, banquiers, soutenus par des politiciens dont il y a présentement lieu de douter de leur objectivité. Ces pratiques sont fort éloignées de ce qu'elles devraient être en démocratie.

C'est au nom de ces principes démocratiques que j'insiste, Madame le ministre de l'Industrie, pour recevoir de votre part des réponses précises aux questions que je viens de vous soumettre et pour que vous veilliez à ce que le public ait droit à une information correcte et non manipulée.

Dans l'attente de votre réponse, je vous prie de croire, Madame le ministre de l'Industrie, à mes sentiments citoyens.

Claude Boyer
Représentant légal du Comité Stop-Nogent sur Seine
Décembre 2003.