La Chine, les centrales électriques à charbon, Alstom et la France

S'il est indéniable que les centrales électriques chinoises au charbon sont parmi les plus polluantes au monde, l'article de Libé du jeudi 23 octobre 2003 de Pierre Haski " La Chine peine à passer au vert " avec une photo qui comporte dans la légende " : () La construction de centrales électriques à charbon est désormais proscrite " me paraît plein de trous et revient à conforter EDF dans sa stratégie de démantèlement de nos centrales thermiques classiques à charbon et fioul afin de promouvoir, avec AREVA, un " nucléaire durable " chez nous et à l'étranger. Il manque l'essentiel : la Chine, dont les réserves en charbon sont considérables, veut moderniser ses centrales à charbon en s'appuyant sur des technologies de pointe dans le traitement de la combustion du charbon (et par ailleurs utiliser le gaz en récupérant le méthane épuré de ses mines).
J'aurais aimé lire dans Libé que pendant l'épidémie de SRAS, notre Premier ministre J. P. Raffarin était en Chine avec le Président directeur général d'Alstom, P. Kron, auprès du Président de l'électricité chinoise Zhao Xizheng et du Premier ministre chinois Wen Jiabao lors de la signature le 25 avril 2003 à Pékin d'un contrat de 65 millions d'euros, la commande d'une chaudière à lit fluidisé circulant (LFC) de 300 MW (300 mégawatts = 300000 kilowatts) pour la province de Sichuan. De plus, un transfert de technologie LFC sera accordé pendant 15 ans aux trois principaux fabricants chinois de chaudières qui construiront plusieurs unités en coopération avec Alstom assurant ainsi une mise en uvre efficace de la technologie. Il est notoire que cette technologie LFC permet la combustion propre et efficace du charbon même avec des combustibles de qualité médiocre. Alstom a obtenu récemment un contrat pour une chaudière LFC de 268 MW aux USA dans le Kentucky.
Et en France ? La France a 2 chaudières LFC, une de 125 MW à Carling (Lorraine) une de 250 MW en Provence à Gardanne, désormais exploitées par la SNET (Société Nationale d'Electricité et de Thermique). Or, pour moderniser les autres unités existant en France il suffit de remplacer la chaudière par une chaudière LFC sans changer l'infrastructure (turbine etc.). Ainsi depuis des années il est question d'une deuxième chaudière LFC à Gardanne de 600 MW mais on dit que François Roussely aurait mis son veto. Les LFC c'est bon pour l'exportation, pas pour la FranceEn attendant, pour maintenir et développer le nucléaire, EDF qui est en surproduction (d'où les exportations), a commencé à démanteler son parc thermique classique, par exemple l'unité charbon de 250 MW de Pont-sur-Sambre. Le plan a été annoncé par EDF il y a déjà plusieurs années :baisser la puissance installée du thermique classique jusqu'à 10 gigawatts (10 000 MW). Les travailleurs EDF ont fait grève cette année après l'annonce de la fermeture de 5 centrales du palier 250 MW. Dans l'indifférence générale
Effet de serre oblige, haro sur les combustibles fossiles, mais on oublie les transports, l'industrie pétrochimique, l'agriculture intensive. C'est vrai, la production d'électricité par les centrales à charbon produit du gaz carbonique, le gaz aussi mais moins, et on nous fait miroiter l'avenir nucléaire, si propre (une énergie " durable " avec ses déchets pour des millénaires !) Pour cela il suffit d'écranter, de refouler les inévitables bavures, l'exemple de Tchernobyl entre autres et les enfants malades de l'ex-Biélorussie et d'Ukraine. Certains persistent à dire que Tchernobyl c'est un accident soviétique alors que le décret publié au JO du 10 septembre 2003 se préoccupe de la situation après un accident nucléaire chez nous avec le secrétaire général à la défense qui a le rôle essentiel !
Rappelons que l'énergie nucléaire de la France représente moins de 1% de l'énergie primaire consommée dans le monde. Notre thermique classique s'il était utilisé au maximum de ses capacités aurait une influence négligeable sur l'effet de serre. On nous fait miroiter l'éolien danois et allemand en oubliant que la majeure partie de leur production électrique vient des combustibles fossiles (81,9% au Danemark en 2001, près de 61% en Allemagne avec plus de 50% de charbon d'après les données de 2002). Si l'on désire éviter un désastre nucléaire à nos enfants c'est d'urgence qu'il faut sortir du nucléaire. Or on peut arrêter immédiatement environ 70% du nucléaire : avec une production remarquable par hydraulique (juste après la Suède), en supprimant les exportations d'électricité et l'autoconsommation nucléaire (le retraitement, l'enrichissement et la fabrication du combustible etc.) il suffirait d'utiliser au maximum la production électrique du parc thermique classique (essentiellement charbon, fioul, peu de gaz). De grands progrès ont été faits dans le domaine du charbon " propre ". Bien sûr il faut moderniser le parc, le développer et développer le gaz. Economies d'énergie et les renouvelables seront un plus.
Ne pas s'opposer à la fermeture des centrales à charbon et fioul c'est accepter la continuation de l'énergie nucléaire avec ses risques d'accident grave.

Bella Belbéoch

Nota : texte envoyé à Libération par courrier électronique. Pas de réponse de M.Amalric. Le texte n'a pas été publié