Du rififi à la commission des communautés européennes ?

Il se passe des choses bizarres à la Commission des Communautés européennes. Dans le Journal officiel de l'Union européenne L 47 du 21 février 2003 à la page 53 on lit :
"RECOMMANDATION DE LA COMMISSION du 20 février 2003 concernant la protection et l'information de la population eu égard à l'exposition résultant de la contamination persistante de certaines denrées alimentaires sauvages par du césium radioactif à la suite de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl".
Cette Recommandation 2003/120/CE de la Commission, [notifiée sous le numéro C(2003) 510], comporte un peu plus de deux pages (de L 47/53 à L 47/55) avec 22 paragraphes numérotés de 1 à 22 suivis de 4 Recommandations, le tout signé "Pour la Commission, Margot Wallström, Membre de la Commission".
Cinq jours plus tard dans le JO de l'Union européenne L51/23 du 26 février est publié un "Rectificatif" à cette Recommandation de la Commission du 20 février 2003. Le rectificatif comporte une ligne : "La publication de la recommandation 2003/120/CE doit être considérée comme nulle et non avenue".
Cette annulation est énoncée sans aucun justificatif.

La recommandation de la Commission débutait par :
"LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité [EURATOM] instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, et notamment son article 38, paragraphe 1, et son article 124, deuxième tiret,
"vu l'avis du groupe d'experts désignés par le comité scientifique et technique en application de l'article 31 du traité,
considérant ce qui suit : ()"
[suivaient les 22 paragraphes et les 4 Recommandations].
Espérant obtenir des informations sur cette étrange affaire nous avons envoyé un courrier électronique au Professeur McAuley, Président de ce groupe d'experts, le "Comité de l'article 31" du traité Euratom. Nous n'avons pas obtenu de réponse. Nous n'avons pas non plus réussi à joindre par téléphone Mme Wallström à Bruxelles.

Plutôt que de citer tout de suite cette recommandation il nous a paru important d'en rapporter l'essentiel puis de faire un bref rappel historique des points importants des diverses recommandations européennes depuis mai 1986 suite à l'accident de Tchernobyl afin d'en suivre l'évolution jusqu'à celle de février 2003. Cette dernière est un exposé clair de radioécologie sur la contamination alimentaire et qui mérite d'être lue jusqu'au bout !

Ce qui ressort de cette recommandation annulée c'est que 17 ans après, Tchernobyl ce n'est pas fini en Europe, pas seulement dans les pays tiers mais aussi dans les États membres. Dans certaines régions, les baies des forêts, les champignons, le gibier sauvage, les poissons lacustres dépassent les tolérances maximales de contamination européennes qui doivent être respectées (depuis 1986, 600 Bq/kg pour le césium 137 et 134 cumulés). Ces produits ne doivent pas être mis sur le marché.
Il est précisé : "Les Etats membres ont informé la population du risque sanitaire résultant de la consommation de certaines catégories de denrées alimentaires à la suite de l'accident de Tchernobyl, mais la sensibilisation de la population à la contamination persistante de produits alimentaires sauvages tend à diminuer. Bien que les implications de la contamination de produits sauvages pour la santé de la population soient très faibles, le risque sanitaire pour les personnes qui consomment de grandes quantités de ces produits provenant des régions touchées ne peut être négligé et il est dès lors nécessaire de sensibiliser la population à ces dangers".
[Recommande aux Etats membres] "dans les régions où ces produits sont susceptibles de dépasser les tolérances maximales, d'informer la population des risques sanitaires correspondants".


I - Petit historique. La contamination en Europe et les principales recommandations et réglementations européennes de 1986 à 2003

Les passages les plus importants seront mis en gras.
6 mai 1986 cette première Recommandation est "adressée aux Etats membres concernant la coordination des mesures nationales prises à l'égard des produits agricoles suite aux retombées radioactives provenant d'Union soviétique".
La Commission des Communautés européennes indique que "à la suite de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl en Union soviétique, des éléments radioactifs se sont dispersés dans l'atmosphère dont la retombée a été constatée notamment dans la communauté".
Considérant que, "dans le souci légitime de protéger les consommateurs, les Etats membres ont adopté des mesures nationales en vue de restreindre ou d'interdire la commercialisation de certains produits agricoles".
Cette recommandation ne sera pas appliquée en France [1]. C'est tout le problème de la crise ouverte en France concernant la gestion post-Tchernobyl par les autorités françaises dont le Pr. Pellerin qui est posé jusqu'à aujourd'hui.
30 mai 1986 [2] dans ce Règlement du Conseil "relatif aux conditions d'importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl" il s'agit, un ton au-dessus, de "quantités considérables d'éléments radioactifs". Ces termes seront repris dans les règlements communautaires successifs relatifs aux conditions d'importation de produits agricoles des pays tiers.
Dès le 30 mai 1986 il est indiqué que dans les échanges entre pays membres et pays tiers l'unicité du marché doit être préservée. Le Règlement introduit dans la Communautés des modalités communes, des tolérances maximales de contamination, de façon à sauvegarder la santé des consommateurs (mais sans porter indûment atteinte aux échanges entre la Communauté et les pays tiers). Ainsi la radioactivité maximale cumulée de césium 134 et 137 ne doit pas dépasser 370 Bq par kg pour le lait et les denrées alimentaires particulières destinées aux nourrissons et 600 Bq/kg pour tous les autres produits concernés. Le Règlement est obligatoire pour tout Etat membre.
Ce règlement sera prorogé ou modifié plusieurs fois en réitérant les mêmes tolérances maximales à respecter concernant la contamination en césium 134 et 137, avec des spécifications concernant les produits exclus de la réglementation ou au contraire ceux auxquels ils doivent s'appliquer et qui ont varié au cours du temps [3] [4].
En 1990 il est rappelé que des contrôles appropriés doivent toujours être effectués sur des produits agricoles importés des pays tiers touchés par l'accident car la contamination radioactive de certains produits dépasse toujours les tolérances maximales de 1987 (celles de 1986 réitérées en 1987).
En 1999, coup de semonce, l'énoncé [5] introduit les modalités d'application du Règlement du Conseil et il est question de cas répétés de non-respect des "tolérances maximales". Les articles du règlement sont précédés d'un descriptif de l'atteinte de l'écosystème par la radioactivité y compris dans les Etats membres où l'on constate qu'au cours du temps la contamination radioactive de certaines espèces de champignons ne diminue que très peu ou pas, et peut même augmenter et dépasser les normes :
"(1) considérant que les retombées de césium radioactif consécutives à l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl le 26 avril ont atteint un grand nombre de pays tiers ; que des cas répétés de non-respect des tolérances maximales ont été constatés pour les importations de certains types de champignons en provenance de certains pays tiers ;
(2) considérant que des retombées similaires ont touché certaines parties du territoire d'Etats membres de l'Union européenne ;
(3) considérant que les forêts et les zones boisées constituent généralement l'habitat naturel des champignons non cultivés (les produits repris à l'annexe I) et que ces écosystèmes tendent à conserver le césium radioactif par un échange cyclique entre le sol et la végétation ;
(4) considérant que par conséquent, la contamination permanente par le césium radioactif des champignons non cultivés a très peu diminué depuis l'accident précité et peut même avoir augmenté pour certaines espèces ;
(5)
considérant que, en 1986, la Commission a effectué et mis à jour ensuite une évaluation des risques potentiels pour la santé humaine présentés par les aliments contaminés par le césium radioactif ; que cette évaluation reste pertinente compte tenu de la période radioactive physique de la substance en cause et que, par ailleurs, la tolérance maximale est conforme, pour l'essentiel au niveau recommandé par la Commission du Codex alimentaire ()"
S'ensuit une liste de modalités : les Etats membres doivent procéder à des contrôles sur les produits originaires des pays tiers mais aussi procéder à des contrôles nationaux en application du traité EURATOM afin que les normes de base soient respectées. Il y a lieu dans l'immédiat de renforcer le contrôle des champignons.
Le Règlement comprend cinq articles sur les modalités du contrôle. Par exemple si un produit en provenance d'un pays tiers dépasse les normes, tous les produits de même nature de ce pays sont contrôlés. Des certificats d'exportation sont exigés pour les produits agricoles. Une liste des bureaux de douane figure pour les 15 pays de l'Union. L'Etat membre s'assure que le certificat d'exportation délivré par les autorités compétentes des pays tiers atteste que le produit respecte les tolérances maximales, celles figurant dans le Règlement CEE n°737/90 [réitérées depuis le 31 mai 1986].
En 2000, un nouveau Règlement [6] modifie celui de 1990 qui était prévu jusqu'au 31 mars 2000. Il est précisé que la contamination radioactive de certains produits agricoles originaires des pays tiers les plus touchés par l'accident dépasse toujours les tolérances maximales de radioactivité réglementaires, tolérances maximales qui sont redonnées.
"Il est désormais établi scientifiquement que la durée de la contamination par le césium-137 consécutive à l'accident de Tchernobyl pour certains produits provenant d'espèces qui vivent et se développent dans les forêts et les zones boisées dépend essentiellement de la durée de demi-vie physique dudit radionucléide, à savoir quelque trente ans".
Ainsi pour ces espèces comme certains champignons c'est la période de 30 ans du césium 137 qui est désormais déterminante (l'écosystème retient le césium radioactif comme indiqué dans le Règlement de 1999, le césium ne migre plus en profondeur).
Le Règlement précise que pour l'importation de champignons déshydratés il y a lieu de calculer les tolérances maximales sur la base des produits reconstitués prêts à la consommation.
Le paragraphe (6) mentionne que le règlement (EURATOM) 3954/87 du Conseil a fixé les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive pour les denrées alimentaires et les aliments pour le bétail après un accident nucléaire (voir réf. [2] et il est ajouté "Il est nécessaire dans un tel cas d'assurer la cohérence des mesures mises en oeuvre". [En clair cela veut dire de passer à des niveaux de contamination admissibles plus élevés en cas d'accident]


II - 2003, l'intitulé de la Recommandation "annulée" comportait pour la première fois la protection et l'information du public eu égard à l'exposition résultant de la contamination.

Il est rappelé dans les 8 premiers paragraphes que des retombées de césium radioactif ont atteint un grand nombre de pays tiers et que des retombées importantes ont touché certaines parties du territoire d'Etats membres et de pays candidats à l'Union européenne.
Que des tolérances maximales pour le césium radioactif ont été fixées pour l'importation des produits agricoles originaires des pays tiers, "dont le respect fait l'objet de contrôles de la part des Etats membres". Que "les Etats membres se sont engagés [dès le 12 mai 1986] à appliquer les mêmes tolérances maximales aux échanges intracommunautaires" [celles qui seront adoptées le 30 mai 1986]. (370 Bq/kg pour les produits laitiers pour nourrissons et 600 Bq/kg pour les autres produits).
Que "les mesures in situ sur les territoires des Etats membres découlent des obligations légales définies dans la Directive européenne 96/29 du 13 mai 1996" [7] [celle qui introduit la limite annuelle de 1 mSv pour le public].
La description radioécologique complète celle donnée précédemment en 1999 :
"(9) Les écosystèmes naturels et semi-naturels tels que les forêts et les zones boisées constituent généralement l'habitat naturel du gibier, des baies et des champignons sauvages et ces écosystèmes ont tendance à conserver le césium radioactif par un échange cyclique entre les couches supérieures du sol (litière), les bactéries, la microfaune, la microflore et la végétation. En outre, le sol de ces écosystèmes, principalement constitué de matières organiques, tend à augmenter la disponibilité biologique du césium radioactif.
(10) Les végétaux forestiers susceptibles d'être consommés par l'homme sont les fruits comestibles, en particulier les baies sauvages telles que les myrtilles, les fruits du faux mûrier, les canneberges, les framboises, les mûres et les fraises des bois. L'évolution de la contamination des baies sauvages par le césium radioactif montre que cette contamination a légèrement diminué ou est est restée stable, en particulier pour les espèces vivaces, depuis l'accident de Tchernobyl.
(11) En raison de l'impact de la nature des sols forestiers sur la présence de césium radioactif, beaucoup d'espèces de champignons sauvages comestibles (chanterelles, bolets bais, pieds de mouton et autres champignons comestibles connus) continuent de présenter des niveaux de césium radioactif supérieurs à 600 Bq/kg. Les champignons des espèces mycorhisiennes vivant en symbiose avec des arbres et dont le mycélium se développe en profondeur (Boletus edulis par exemple) ont été touchés beaucoup plus tard par les retombées et présentent actuellement des niveaux très élevés de contamination par le césium radioactif.
(12) La contamination par le césium radioactif concerne également des espèces animales telles que le gibier sauvage et les poissons d'eau douce carnivores provenant de lacs situés dans des régions où les dépôts ont été les plus importants. En particulier la présence d'espèces fortement contaminées dans l'alimentation (lichen, mousses et notamment certaines espèces de champignons) contribue manifestement à accroître la contamination du gibier sauvage qui les consomme.
(13) Il est admis que la durée de la contamination de certains produits provenant d'espèces vivant et se développant dans les forêts et les autres écosystèmes naturels et semi-naturels par le césium radioactif dépend principalement de la période radioactive de ce radionucléide qui est de quelque trente ans et que, par conséquent, aucune évolution appréciable de cette contamination ne sera observée au cours des prochaines décennies.
(14) Ces dernières années, les données communiquées à la Commission par certains Etats membres indiquent que des niveaux élevés de césium radioactif peuvent être présents dans le gibier, les baies et les champignons sauvages ainsi que les poissons lacustres carnivores ?
(15) L'incidence de la viande de gibier sauvage dépassant 600 Bq/kg de césium radioactif diminue lentement, sauf pour le sanglier, et des quantités non négligeables de viande de gibier sauvage provenant de certaines parties du territoire de plusieurs Etats membres et pays candidats continuent de dépasser les tolérances précitées.
(16) Dans certaines régions de République fédérale d'Allemagne, les niveaux de césium radioactif dans la viande de sanglier peuvent être dix fois plus élevées ou davantage que les niveaux mesurés pour le chevreuil ou le cerf. Ainsi l'incidence des cas de sangliers dépassant 600 Bq/kg de césium radioactif est en augmentation constante depuis 1996 et s'élevait à 51% environ en 1999, avec des valeurs maximales supérieures à 10 000 Bq/kg.
(17) Il est permis de supposer que, dans les parties du territoire d'autres Etats membres et pays candidats qui présentent des niveaux similaires de dépôts de césium radioactif, les niveaux de contamination de la viande de gibier sauvage et, en particulier, de sanglier devraient être comparables à ceux relevés en République fédérale d'Allemagne.
(18) Selon les données récentes, les concentrations de césium radioactif restent élevées chez les poissons carnivores d'eau douce provenant des de lacs situés dans des zones où les dépôts sont les plus importants, avec des valeurs maximales supérieures à 10 000 Bq/kg pour le brochet et 5 000 Bq/kg pour la perche.
(19) Les produits sauvages comestibles n'étant pas nécessairement mis sur le marché par les chaînes alimentaires agro-industrielles, il est possible qu'ils contournent la surveillance et les contrôles réglementaires nationaux.
(20) Les Etats membres ont informé la population du risque sanitaire résultant de la consommation de certaines catégories de denrées alimentaires à la suite de l'accident de Tchernobyl, mais la sensibilisation de la population à la contamination persistante de produits alimentaires sauvages tend à diminuer.
(21) Bien que les implications de la contamination de produits sauvages pour la santé de la population soient très faibles, le risque sanitaire pour les personnes qui consomment de grandes quantités de ces produits provenant des régions touchées ne peut être négligé et il est dès lors nécessaire de sensibiliser la population à ces dangers".
L'article 22 est relatif au rapide échange nécessaire d'informations dans le cas de dépassement des tolérances maximales entre les Etats membres [8].

RECOMMANDE AUX ETATS MEMBRES
1.En vue de protéger la santé des consommateurs, de prendre les mesures appropriées afin que les tolérances maximales applicables au césium 134 et au césium 137 visées à l'article 3 du règlement (CEE) n°737/90 [il s'agit des 600 Bq/kg)] soient respectées dans la Communauté pour la mise sur le marché du gibier sauvage, des baies sauvages, des champignons sauvages et des poissons lacustres carnivores.
2.Dans les régions où ces produits sont susceptibles de dépasser les tolérances maximales, d'informer la population des risques correspondants.
3.D'informer la Commission et de s'informer mutuellement des cas consacrés de non-respect des tolérances maximales par des produits de ce type au moyen du système communautaire d'alerte rapide établi par le règlement (CE) n°178/2002
4.D'informer la commission et les autres Etats membres des mesures prises en application de la présente recommandation.

Fait à Bruxelles, le 20 février 2003. Par la Commission Margot Wallström, membre de la Commission".


III- POURQUOI CETTE ANNULATION ?

On ne peut que formuler quelques hypothèses.
1) La Recommandation cite en exemple la contamination très élevée de la viande de sanglier provenant de certaines régions de la République Fédérale Allemande. Des pays de l'Est candidats à l'Union ont été beaucoup plus contaminés que chez nous (on se souvient des montagnes de girolles arrivées en France, avec quel contrôle ? et qui ont dû être retirées des étals il n'y a pas si longtemps). On peut se demander si cette recommandation n'était pas un avertissement avant l'entrée de ces pays dans la Communauté européenne pour les obliger à des contrôles sévères ? Mais dans ce cas pourquoi l'annulation ?

2) La conception de la radioprotection qui sous-tend ces recommandations est d'admettre que la radioactivité provenant d'une contamination par la nourriture, celle des produits sauvages, peut avoir un effet sur la santé qui ne peut être négligé, d'autant plus que cette nourriture contaminée peut passer en dehors des circuits commerciaux. D'autre part elle peut être consommée en grande quantité par certains individus.
Dès 1986 la Commission désirait, par l'adoption de tolérances maximales des aliments, protéger les consommateurs. S'intéresser aux individus, admettre, comme le fait la Commission, des effets sanitaires liés à la contamination alimentaire, même 17 ans après Tchernobyl, c'est admettre des effets biologiques nocifs liés aux faibles doses de rayonnement. Il faut rappeler que certains des membres de notre académie des sciences et de l'académie de médecine qui ne voulaient pas baisser les limites de dose annuelle en 1995 ne sont pas convaincus de leur existence.
La recommandation fait référence à la nouvelle directive européenne du 13 mai 1996 qui introduit la limite de dose efficace annuelle de 1 mSv (1 millisievert) pour les membres du public. Or elle était de 5 mSv lorsque les "tolérances maximales" relatives à la contamination cumulée du césium 137 et du césium 134 dans les produits alimentaires ont été introduites le 30 mai 1986. Pour rester logique ne faudrait-il pas les diviser par un facteur 5 ? On imagine le tollé général, alors que des limites beaucoup plus élevées ont été fixées en 1987 pour le prochain accident nucléaire (voir référence [2].

3) Ceci entraîne une autre interprétation : de telles recommandations n'allaient-elles pas raviver la polémique en France, sur la sous-estimation de la contamination post-Tchernobyl et des possibles effets sanitaires toujours niés par les autorités françaises depuis Tchernobyl, alors que la CRIIRAD et l'association française des malades de la thyroïde ont déposé une plainte contre X, cancers et autres affections thyroïdiennes étant imputés aux retombées de Tchernobyl ?
On peut soupçonner l'intervention, à des niveaux très élevés, d'autorités gouvernementales (de quels pays ? ) pour que cette recommandation ait été annulée. On aimerait bien qu'il y ait des journalistes curieux à ce sujet, sachant que, dans le passé, les autorités françaises ont pesé sur les décisions européennes dans le domaine de la radioprotection. (Et même à l'échelon mondial lorsqu'il s'est agi en 1994 d'adopter les nouvelles normes qui baissaient les limites de dose annuelles tant pour les travailleurs que pour le public. C'est ainsi que lors de l'assemblée des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique à Vienne le gouverneur français s'était opposé à leur adoption).
Or en France, c'est très agité en ce moment dans les milieux de la radioprotection, (voir "Les retombées sur la liberté d'expression des scientifiques, de la publication de la carte de contamination de la France en 1986")

Bella Belbéoch, juin 2003

Notes
[1] Journal Officiel N°L118/28, 7 mai 1986. Cette recommandation indiquait que " dans le souci légitime de protéger les consommateurs, les Etats membres ont adopté des mesures nationales en vue de restreindre ou d'interdire la commercialisation de certains produits agricoles ". La Commission faisait des propositions en vue de suspendre les importations des pays tiers affectés de produits agricoles susceptibles d'être contaminés et de prendre des mesures dans le secteur des viande d'une part, des fruits et légumes d'autre part.
La Commission recommandait aux Etats membres de respecter sur leur propre marché des tolérances maximales pour le lait et produits laitiers ainsi que pour les fruits et légumes (au 6 mai 500 Bq/kg pour le lait et produits laitiers, 350 Bq/kg pour les fruits et légumes puis au 16 mai respectivement 250 et 175 ; au 26 mai 125 et 90).
Durant le mois de mai la contamination essentielle provenait de l'iode 131. Début mai des laits ont notablement dépassé les 500 Bq/l notamment le lait de brebis en Haute-Corse qui a dépassé les 10 000 Bq/l (15 000 Bq/l selon M. Cogné directeur de l'IPSN dans sa réponse au Dr. Denis Fauconnier) sans qu'aucune information ait été donnée à la population. Nous avons publié un dossier sur la contamination en France dans la Gazette Nucléaire 78/79, juin 1987.
Les recommandations européennes n'ont pas été appliquées en France (sauf tardivement pour la consommation des épinards en Alsace) et les informations communiquées à la Commission européenne ont été erronées (Gazette Nucléaire 88/89, juin 1988).
Dans la Gazette 75 de janvier 1987 figurent les analyses de la CRIIRAD.
[2] JO N°L146/88, 31 mai1986. Règlement (CEE) N°1707/86 du Conseil du 30 mai 1986 relatif aux conditions d'importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl. Prorogé par les Règlements (CEE) n°3020/86, 624/87 puis le 22 décembre 1987 par le Règlement n°3955/87.
[Ce même jour a été adopté un Règlement n°3954/87 " fixant les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive pour les denrées alimentaires et les aliments pour bétail après un accident nucléaire ou dans toute situation d'urgence radiologique ". Ces niveaux (pour le lait 500 Bq/l et l'iode 131, 1000 Bq pour les Cs134 et 137) pour le prochain accident sont plus élevés que ceux en vigueur depuis le 30 mai 1986 après Tchernobyl. On se réfèrera à la Gazette Nucléaire 84/85, janvier 1988 qui dénonçait le rôle des experts français à la Commission européenne et celui de certains de nos académiciens. Une lettre GSIEN adressée au directeur du journal Le Monde n'a pas été publiée, comme d'habitude].
[3] JO du 29 mars 1990, L82/1. Le Règlement (CEE) N°737/90 du Conseil du 22 mars 1990 donne ainsi en annexe I la liste des produits impropres à la consommation humaine et en annexe II les codes du lait et des produits laitiers auxquels s'applique la tolérance maximale de 370 Bq/kg dont la liste est plus longue qu'en 1987. (Plutôt que des codes on aurait préféré avoir les noms en clair !).
[4] Règlement (CEE) N°598/592 de la commission du 9 mars 1992 établissant une liste de produits exclus du champ d'application du règlement 737/90 du Conseil.
[5] Règlement (CE) N°1661/1999 de la Commission du 27 juillet portant modalités d'application du règlement (CEE) n°737/90 du Conseil relatif aux conditions d'importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl.
JO du 29 juillet 1999, L197/17 à L197/24.
[6] Règlement (CE) n°616/2000, JO n°L75/1 du 24/03/2000.
[7] Directive européenne 96/29 Euratom du Conseil du 13 mai 1996, JO du 29 juin 1996, L159/1
[8] Règlement (CE) N°178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002, "établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de la sécurité des aliments et fixant les procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires" JO du 1er février 2002, L31/1 à L31/10.