Gros revers pour le retraitement :
la Russie ne retraite plus ses combustibles usés

Le chef de la sécurité nucléaire russe GosAtomNadzor, Iouri Vichnievski, a déclaré dans une interview publiée mardi 26 novembre par le quotidien Gazeta (AFP Moscou 26 novembre), que son pays ne retraitait plus les combustibles irradiés depuis deux ans ; provoquant l'accumulation de 400 tonnes de déchets dans l'usine de Mayak dans l'Oural, car il faut, dit-il, "des milliers de dollars pour récupérer un kilo de plutonium en retraitant du combustible nucléaire usagé" et "qu'un chef d'entreprise normal qui sait compter l'argent n'achètera pas ce combustible qui lui coûtera dix fois plus cher que le combustible neuf" ; puis de préciser que "le combustible nucléaire usagé ne peut être retraité qu'une seule fois" et que pour les mêmes raisons "une deuxième unité de retraitement en chantier (RT-2 à Krasnoïarsk en Sibérie), dont la construction a été suspendue il y a quelques années, faute d'argent, ne sera jamais construite".
Cette décision est un gros revers pour le président Poutine, dont la famille est le plus gros décideur nucléaire du pays et qui avait fait voter cette année par le Parlement russe, une loi permettant l'importation pour retraitement et stockage de déchets nucléaires étrangers. La Russie continue cependant d'en importer en provenance des pays de l'ancien bloc soviétique.
Quatre pays pratiquent actuellement le retraitement industriel de combustibles nucléaires irradiés : la France, la Grande-Bretagne, la Russie et, dans une moindre mesure, l'Inde. Dans le même temps, l'anglais BNFL, propriétaire de l'usine de Windscale-Sellafield est dans une situation financière critique avec un endettement équivalent à 400 milliards de francs ; son principal client, British Energy, s'opposant à la poursuite du retraitement de ses combustibles après avoir été de justesse sauvé de la faillite par une renationalisation expresse. Quant au Japon, qui construit actuellement une usine de retraitement en collaboration avec Cogéma-Aréva, de grosses incertitudes ont émergé sur la mise en service, suite à de nombreux scandales consécutifs à d'importantes dissimulations et falsifications dans le secteur de la sûreté nucléaire. En France aussi, EDF, le principal client de Cogéma-Aréva, rechigne à poursuivre cette option particulièrement coûteuse et incompatible avec son développement international imposé par le libéralisme économique et sa privatisation rampante.
Le retraitement des combustibles irradiés était la clé de voûte du programme nucléaire français. L'uranium ne représente qu'une capacité énergétique mondiale faible, avec l'équivalent de 3% des réserves planétaires de combustibles fossiles et une production annuelle nucléaire équivalente à 6% de l'ensemble des énergies commercialisées et ce avec les normes de conversion malhonnêtes de l'OCDE qui attribuent à l'électricité nucléaire une équivalence de 260,6 grammes de pétrole pour 1 kWh contre 86,5 grammes pour l'hydroélectricité. Le couple "retraitement-surgénérateurs" était censé multiplier cette réserve énergétique par 60 ou 100. On sait aujourd'hui que les calculs étaient erronés et que les réacteurs à neutrons rapides ne "surgénèrent pas" comme il était prévu au départ, d'où l'utilisation du plutonium extrait par retraitement dans le combustible MOX, avec ses problèmes de coûts très élevés, d'instabilité des réacteurs, de combustibles irradiés encore plus problématiques. C'est aussi de cette base que sont nés les mythes de la séparation poussée et de la transmutation, irréalisables industriellement, soutenus par un député Vert lors des auditions parlementaires préliminaires au "rapport Bataille" de 1990 dont est issue l'actuelle loi sur les déchets nucléaires. L'échec de Cogéma-Aréva se profile à l'horizon avec pour seule solution la pire imaginable, le stockage en profondeur des combustibles non retraités, n'en déplaise aux anti-enfouissement et aux farfelus du stockage "lunaire" ou au fond des couches argileuses des océans ; l'après 11 septembre et la dégradation prévisible à long terme des conteneurs ne laissant que cette seule solution.
Que reste donc t-il à Aréva ? sinon à déverser son abominable propagande afin d'obtenir les importants budgets nécessaires à la poursuite d'études sans issues pour maintenir la croyance scientiste de l'existence d'une solution.
Faut-il s'étonner que cette importante information de l'abandon du retraitement par les Russes n'ait pas été diffusée par la presse, ni même par les écologistes ?

Claude Boyer