Éditorial

À Nogent-sur-seine (presque) personne ne veut d'une nouvelle tranche nucléaire

 

Dans l'éditorial de notre Lettre d'Information n° 78 (octobre-décembre 1997), nous avons évoqué le problème posé à EDF par l'abandon du site qu'elle convoitait au Carnet, sur l'estuaire de la Loire. Mais cet abandon en vue de protéger la zone humide de cette région ne signifiait pas que le réacteur qu'EDF prévoyait d'y implanter était rayé de ses projets. Il s'agit d'un nouveau type de réacteur, évidemment déclaré plus sûr que les précédents, d'après EDF, (qui oserait dire que ses futurs réacteurs seraient moins sûrs que les anciens ?). Faire la démonstration des capacités de ce réacteur européen fait partie de la stratégie d'EDF pour aborder le renouvellement de son parc nucléaire vers 2010. Où EDF prévoit-elle de mettre ce réacteur ? C'était la question que nous posions dans notre éditorial. Des rumeurs nous étaient parvenues concernant Nogent-sur-Seine et Golfech (mais nous n'avons guère de contacts avec d'autres sites convoités comme Flamanville, St-Alban et Penly qui sont bien placés eux aussi pour hériter de ce réacteur).

La réaction à Nogent a été très rapide car dès la réception de la Lettre d'information du Comité Stop-Nogent le journal local Libération Champagne du 7 janvier 1998 a rapporté les réactions du maire de Nogent et du directeur de la centrale : " La direction et le maire démentent les informations lancées par le Comité Stop-Nogent ". Précisons que l'information dont nous avons fait état n'était pas la décision d'implanter une nouvelle tranche nucléaire sur le site de Nogent. Nous rapportions des rumeurs concernant des élus (nous aurions dû ajouter des notables) qui " seraient preneurs car toujours à l'affût pour soutirer du fric quelles qu'en soient les conséquences ", tels étaient les termes de notre éditorial. Le journaliste mentionne au début de son article que " nombreux sont les Nogentais qui s'interrogent déjà sur le bien fondé d'une rumeur de plus en plus persistante ". Il semble donc bien que notre analyse avait une certaine pertinence si l'écho a eu cette résonance dans la population.

La centrale de Nogent comporte 2 réacteurs et a été prévue pour en héberger 4. Notons la réaction d'Alain Keramsi, le directeur de la centrale. Il juge que la possibilité d'une nouvelle tranche à Nogent est " complètement farfelue " car il " rappelle que le site ne permet pas, compte tenu du faible débit du fleuve, la mise en fonctionnement d'une tranche supplémentaire ". Dont acte. Soulignons aussi que par son commentaire ce responsable d'EDF indique que les 4 tranches nucléaires initialement prévues par les décideurs EDF, c'était complètement farfelu. Une mise en cause aussi radicale de la direction d'EDF par un chef de centrale est à mentionner comme une grande première. Signalons que le directeur de la centrale de Civaux sur la Vienne n'a pas eu, jusqu'à présent, l'audace de déclarer complètement farfelus ses 2 réacteurs sur une rivière à débit encore plus faible que celui de la Seine. Quant au maire de Nogent, fort de ses compétences en technologie nucléaire, il a confirmé au journaliste de Libération Champagne qu'une " nouvelle tranche n'était pas possible techniquement à Nogent ".

Le journaliste signale " l'enthousiasme de certains commerçants à l'annonce de cette éventuelle implantation ". Nous ne commenterons pas ces propos. Ainsi les rumeurs dont nous nous sommes faits l'écho semblaient bien correspondre aux souhaits de quelques uns. Il est dommage que le journaliste ait limité son enquête au directeur de la centrale et au maire de Nogent. Il aurait été intéressant d'avoir l'avis de certains industriels qui pourraient être intéressés par une nouvelle tranche, des notables des chambres de commerce, des élus locaux et nationaux de la région, des responsables syndicaux, etc.

Concernant les rumeurs d'une implantation possible de ce réacteur miraculeux sur le site de Golfech nous n'avons pas eu d'écho local pour l'instant, mais notre Lettre d'information n'étant pratiquement pas diffusée dans la région il est probable que l'absence de démenti n'est pas forcément significative pour le moment. A suivre

 

Le Monde du 10 septembre 1994 rapportait l' "engagement d'objectifs" signé le 8 septembre par le préfet de police et le directeur de la sécurité civile pour l'Île de France afin de " réunir les moyens nécessaires à la lutte contre les risques majeurs de la région ". Le journaliste ajoutait ce commentaire : " la présence d'une centrale nucléaire importante, celle de Nogent-sur-Seine, en amont de Paris, ne met pas la capitale à l'abri des risques majeurs ". Il est bien évident que la région de Nogent est aux premières loges et encore moins à l'abri de ces risques majeurs nucléaires.