Le sabotage d'une installation nucléaire, rien de nouveau

Il n'en est pas question dans les rapports de sûreté rendus publics. Pourtant les actes de malveillance existent et cela inquiète les autorités de sûreté depuis fort longtemps. On peut s'en apercevoir quand par hasard on a accès au "bon" dossier. Un exemple ancien (1977) mais significatif, le CEA voulait lancer pour le chauffage urbain, par l'intermédiaire de sa filiale Technicatome, un petit réacteur nucléaire dénommé Thermos dans la gamme de 100 MW. Il se trouve que les Options générales de sûreté concernant ce réacteur ont "fui" et qu'une analyse en a été faite par le "Groupe information Thermos de la région de Saclay" dans une brochure publiée en mars 1978 par Ecologie-hebdo. Ce qui s'est écrit il y a plus de 27 ans est toujours valable aujourd'hui quelle que soit l'installation nucléaire. Nous donnons ci-dessous quelques extraits.

" Sabotage
Enfin, il reste les actes de sabotage. Ceux-ci semblent beaucoup préoccuper les promoteurs de Thermos car il y est fait allusion tout au long du rapport sur les Options générales de sûreté, dans la description détaillée de l'installation et dans un chapitre spécial.
Certains circuits de secours situés dans le hall de la piscine sont protégés des jets d'eau éventuels pouvant provenir d'un explosif lancé dans la piscine, les portes d'accès au hall ne pourront pas être ouvertes rapidement afin de ralentir la progression des saboteurs. La porte d'accès sera verrouillée par un grand nombre de boulons. Le dessous de la cuve sera facile à inspecter, les hommes de quart pourront être enfermés dans la salle de contrôle pour les empêcher de communiquer avec l'extérieur, les barres de contrôle une fois tombées pourraient ne pas pouvoir être relevées manuellement, etc. La plupart de ces mesures d'ailleurs ne sont possibles que pendant le fonctionnement de routine, elles seraient une gêne considérable pendant la période d'essais et de mise au point.
En ce qui concerne le sabotage, il est dit: "Seuls peuvent être énoncés quelques principes généraux concernant ce mode commun que l'on prendra en compte dans toute la mesure du possible. Il est impossible de dimensionner un composant ou sa protection propre contre un acte de malveillance d'autant plus que celui-ci peut être le fait d'une personne avertie" (souligné par nous). Plus loin, on peut lire: "La complicité de l'équipe de quart rend possible toutes les hypothèses: mise hors service des sécurités sur la chute des barres, explosion d'une bombe dans la salle des mécanismes, réacteur en marche, etc" ".
La complicité possible des hommes de quart pose un problème insoluble. Le bon fonctionnement de l'installation demanderait d'avoir un personnel hautement qualifié et connaissant parfaitement l'installation, ce qui rendrait leur complicité avec des saboteurs particulièrement efficace. La tentation serait grande de recruter ce personnel sur des critères d'incompétence et de méconnaissance totale de l'installation. Mais alors, que de risques pour le fonctionnement du réacteur et le danger, là, peut être suffisamment grand pour que, les Options générales de sûreté fassent une mise en garde: "Dans le cas général, des problèmes se posent compte tenu des faibles moyens en personnel dont dispose sur place l'exploitant et de ses compétences assez étroitement limitées. Les deux principes que nous proposons ici sont les suivants: le personnel d'exploitation aura suivi une formation appropriée et connaîtra parfaitement l'installation. Il est exclu de se contenter d'un personnel presse-bouton, sous prétexte que les interventions sur le réacteur sont limitées et que de nombreuses séquences sont automatisées. On ne tirera pas non plus argument des risques que peut faire encourir une équipe de quart compétente dans le cas où elle deviendrait complice d'agressions dirigées contre l'installation elle-même."
Il est évident, même si cela n'est pas dit, que la première mesure qui sera prise pour prévenir les actes de sabotage sera un renforcement du contrôle policier pour le personnel d'exploitation et la population au voisinage du site du réacteur, c'est-à-dire dans la ville. Les conséquences très graves du sabotage d'un réacteur rendent inéluctables et quasi nécessaire le renforcement des contrôles policiers de la Société. C'est peut-être ce qui plait le plus dans le nucléaire aux partisans d'une société autoritaire à contrôle total sur les individus.
Enfin, pour terminer ces commentaires sur la sûreté de Thermos, signalons encore une fois que si les Options générales de sûreté consacrent une certaine place à quelques accidents possibles, elles ne mentionnent nulle part leurs conséquences sur la population, à court terme ou à long terme, l'importance, l'étendue et la durée de la contamination qui en résulteraient aux environs du réacteur. Le bilan du nucléaire qu'on nous présente, tant dans les rapports officiels que dans la grande presse, est un bilan truqué. Les avantages y sont abondamment détaillés, mais les dégâts possibles ne sont pas du tout évoqués. Il n'est pas possible de développer l'industrie nucléaire sans envisager les accidents nucléaires. Certains promoteurs du nucléaire l'ont déjà dit car on trouve dans une brochure de l'Agence pour la protection de l'environnement (agence gouvernementale américaine analogue en principe à notre SCPRI Service central pour la protection contre les rayonnements ionisants) un chapitre intitulé "Se préparer aux accidents nucléaires".(...) ".

Finalement le projet Thermos a capoté mais tout ce qui est dit sur le sabotage est valable pour les réacteurs nucléaires PWR ou toute autre installation nucléaire.
L'affaire Thermos en 1977 montre bien que les promoteurs du nucléaire avaient bien en tête les dangers des sabotages et du terrorisme mais cela ne les a pas empêchés de lancer la nucléarisation du pays. On peut se demander si pour certains de ces décideurs les risques de malveillance et de terrorisme n'étaient pas les bienvenus pour justifier une militarisation de notre société.

M. G. R. B.