Sortir du nucléaire.
Oui mais comment ?

Le " Réseau sortir du nucléaire " représente médiatiquement l'organisation antinucléaire. Cela pose problème car à la question :comment sortir du nucléaire ? les réponses du Rézo sont plus qu'ambiguës. Il paraît évident que pour être crédible le " Réseau sortir du nucléaire " doit donner quelques indications sur une stratégie de sortie. Les textes du Rézo sur ce sujet se résument à deux revendications : plaider auprès des citoyens pour qu'ils économisent l'énergie et demander au gouvernement de développer les énergies renouvelables. La stratégie préconisée à court terme repose ainsi sur les économies d'énergie et la mise en place d'un énorme parc éolien. Mais si l'on met des chiffres sur les deux termes de ce scénario on s'aperçoit qu'il n'est pas valable si l'on vise une sortie rapide.

Demander à la population de réduire sa consommation électrique domestique de 50% ne réduirait en fait que de 15% la consommation électrique nationale (la consommation domestique représente environ 30% de la consommation électrique nationale). Cette vision néglige le fait que la consommation électrique ce n'est pas seulement ce que consomment les frigidaires, les machines à laver etc. car nous consommons beaucoup plus d'électricité : le métro et les tramways mais aussi les TGV, la chaîne du froid en amont des congélateurs, les antennes d'émission télé et les relais des portables etc. Il ne faut pas oublier que tous les produits que nous utilisons ou consommons ont nécessité de l'électricité pour leur fabrication. Il est stupide de focaliser les économies d'énergie sur la consommation domestique car l'ensemble de la production électrique consommée en France est consommée par l'ensemble de la population. Evidemment s'attaquer au " hors domestique ", par exemple aux installations scientifiques comme le CERN (environ 1 réacteur), aux réseaux de distribution de l'alimentation, au chauffage électrique des bâtiments publics (universités, écoles, bâtiments des conseils régionaux et généraux ou autres) poserait des problèmes bien plus compliqués que de culpabiliser les plus pauvres vivant sous les toits dans d'anciennes chambres de bonnes et qui n'ont pas d'autres solution pour se chauffer que d'utiliser des radiateurs électriques.

Demander une sortie du nucléaire sans proposer une stratégie vraisemblable revient à décrédibiliser dans l'esprit de la population la possibilité de cette sortie. En fait cela revient à renforcer l'idée que le nucléaire est inéluctable. Cela revient à renforcer la propagande EDF.

Il en est de même pour le développement des énergies renouvelables, essentiellement l'éolien. Dire que l'éolien, énergie locale non centralisée, va résoudre les problèmes énergétiques de Paris et des grandes villes ne tient pas la route. Même si tout le territoire français était couvert d'éoliennes cela ne résoudrait pas le problème de la consommation. Et même si on est fana des éoliennes leur développement ne pourrait pas se faire avant des années. Autrement dit, mettre en avant ce scénario comme solution pour la mise en arrêt du nucléaire c'est accepter le risque à court terme d'une catastrophe nucléaire.

Venons-en à l'arrêt des exportations d'électricité car c'est mettre la charrue avant les boeufs.
Si l'on arrêtait maintenant les exportations d'électricité cela ne changerait rien au nucléaire, sauf que cela engendrerait une perte de revenu pour EDF. En effet l'exportation d'électricité produite par nos réacteurs se fait quand il n'y a pas suffisamment de consommateurs en France. Si au lieu d'exporter, EDF mettait des réacteurs au repos cela ne changerait pas grand chose à la gestion nucléaire. EDF vend l'électricité exportée au prix de ce qu'on appelle en économie le " coût marginal ", c'est à dire le coût supplémentaire pour cette production. Pour le nucléaire ce coût marginal est simplement le coût du combustible qui n'est pas très important par rapport à l'amortissement des installations, au coût de la maintenance etc. Ne pas exporter à bas prix revient à dire que les soldeurs qui vendent à bas prix leur production perdent de l'argent alors que quel que soit le prix de vente cela leur rapporte plus que de la mettre à la poubelle.

L'arrêt rapide du nucléaire impose rationnellement qu'EDF remette en fonctionnement les centrales à charbon, qu'elle travaille rapidement à la mise aux normes " charbon propre " de ses installations ce qui n'est pas très coûteux, qu'elle les mette aux normes de ce qu'Alstom vend à la Chine au lieu de les mettre sous cocon et de les démanteler. Il faudrait en construire d'autres comme en Allemagne et en Espagne et développer les cycles combinés à gaz.

Ne rien dire sur la stratégie de mise au rancart et de démantèlement définitif par EDF du parc de centrales thermiques classiques (ou " thermique à flamme ") c'est accepter cette stratégie dont la seule conséquence est la pérennité du nucléaire.

Il est important, si l'on veut que les citoyens se préoccupent de la sortie du nucléaire :
- qu'on explique bien clairement le désastre qu'une catastrophe nucléaire peut déclencher. Tchernobyl ce n'est pas une catastrophe soviétique mais une catastrophe nucléaire.
- qu'on donne des solutions vraisemblables pour se passer de l'énergie nucléaire sans que cela conduise à un bouleversement fantastique de notre vie quotidienne.

En dehors de cette argumentation, la sortie du nucléaire présentée par le Rézo et les écologistes a finalement pour conséquence d'amplifier dans l'opinion générale la croyance en un nucléaire inéluctable et de renforcer ainsi le clan des nucléocrates de gauche et de droite. Il y a là une coïncidence assez étrange qui devrait poser problème. On en est loin !