Énergie nucléaire et terrorisme
Choisir un arrêt à long terme du nucléaire, c'est exiger une société militaire

Pendant longtemps le nucléaire militaire a concerné l'usage par la France de bombes en cas de danger de la part d'un pays étranger : " la force dissuasive ". Avec le terrorisme, le nucléaire civil intervient dans le militaire en tant que cible. Cependant, le terrorisme nucléaire tel qu'il est évoqué dans les médias et par les officiels est assez simpliste. Pour attaquer un centre nucléaire (réacteurs, La Hague) la seule éventualité envisagée est le scénario du 11 septembre à New York, le détournement d'un avion de transport civil se crashant sur l'objectif. Bien sûr ce scénario est spectaculaire et les médias ont passé en boucle l'explosion des tours américaines. Est-ce le seul scénario terroriste possible ?
Le danger sur nos installations nucléaires est beaucoup plus important car il n'implique pas forcément une organisation compliquée (du type de celle qu'on imagine inaugurée par le groupe AZF ?).
Tout d'abord il ne faut pas réduire les installations nucléaires aux seules centrales nucléaires et à l'usine de retraitement de la Hague. Il y a en France un grand nombre de sites beaucoup moins bien surveillés que les sites de réacteurs comme les irradiateurs d'aliments (situés près des villes), les usines de traitement de produits radioactifs (fabrication des combustibles). D'autre part envisager que la seule façon de détruire en catastrophe un site nucléaire (réacteurs, la Hague, Comurhex, Eurodif etc.) consiste à utiliser des avions détournés est plutôt simpliste. Ces installations sont très " fragiles ", elles nécessitent l'utilisation d'une main d'uvre importante avec beaucoup d'intérimaires dépendant d'un grand nombre de sociétés sous-traitantes.
Il y a bien des années les autorités de sûreté nucléaire définissaient ce qu'elles appelaient des événements en " mode commun ". Si plusieurs événements ont des origines indépendantes il est très peu probable qu'ils se produisent. Mais s'il y a en extérieur une origine commune alors ils sont possibles. Le terrorisme n'a pas besoin d'une énorme brigade pour mettre en danger un site nucléaire. Quelques individus compétents peuvent suffire. Ils peuvent sans difficultés s'introduire dans les équipes d'intérimaires qui assurent la quasi totalité de l'entretien des installations nucléaires et même un contrôle ultra policier de surveillance des sites ne permettrait pas de détecter ce genre d'infiltration. De plus le contrôle par les vigiles est assez minable et ce ne sont pas les écolos plus ou moins libertaires qui vont réclamer un renforcement de ce contrôle policier, voire, militaire.
Ne pas exiger la mise à l'arrêt des réacteurs nucléaires sous prétexte que cela porterait atteinte à l'avenir des éoliennes et du solaire et ne pas exiger une société militaire est totalement incohérent.
La société nucléaire sous quelque forme qu'on l'envisage ne peut être et doit être une société policière/militaire.
Il y a un autre point qui semble préoccuper les officiels mais pas beaucoup les écolos/antinuc, c'est le problème des " bombes sales ", c'est à dire des bombes classiques entourées d'un bon paquet de produits radioactifs. Où trouver ces produits radioactifs " sales " ? Aucun problème, l'ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), publie chaque année un " inventaire national des déchets radioactifs ". Tous les dépôts sont localisés (situation, nature et quantité des déchets stockés) avec beaucoup de précision. Cet inventaire comporte environ 600 pages et l'ANDRA en a même fait la publicité dans la presse " tous les déchets radioactifs sont dans du papier ". Un terroriste peut consulter cet inventaire et faire son marché ! Il serait urgent que l'ANDRA déménage tous ces sites de déchets radioactifs dans des lieux maintenus secrets et cesse cette transparence qui risque d'être particulièrement désastreuse. La transparence nucléaire est un concept stupide. Elle signale les points faibles que des terroristes pourraient utiliser.
Encore une fois ne pas exiger l'arrêt immédiat de l'énergie nucléaire par l'utilisation maximale des centrales thermiques charbon/fioul existantes tout en refusant la militarisation de notre société est complètement irrationnel. Il serait urgent que les écolos/antinuc précisent clairement leur choix de société.

R. B. mars 2004