Courrier international, 11 avril 2006:

La Maison-Blanche serait prête à utiliser des bombes nucléaires

Alors que Téhéran est soumis aux pressions de la communauté internationale pour suspendre son programme nucléaire, la presse des Etats-Unis fait état de plans de frappes militaires américaines visant plusieurs centaines de cibles en Iran. Des révélations démenties par le président Bush.

De sources officielles, les stratèges du Pentagone et de la CIA ont étudié plusieurs options de frappes militaires sur l'Iran et les cibles possibles, notamment l'usine d'enrichissement d'uranium de Natanz et le centre de conversion d'uranium d'Ispahan. Bien qu'une invasion sur le terrain ne soit pas envisagée, les officiers militaires élaborent plusieurs cas de figure, allant de frappes aériennes limitées à des cibles de sites nucléaires majeurs à une campagne de bombardements plus massifs afin de détruire le dispositif militaire et des cibles politiques", rapporte le Washington Post.

Le journal américain rappelle que la Maison-Blanche avait déjà qualifié, le mois dernier, dans sa nouvelle stratégie de sécurité nationale, l'Iran comme la plus sérieuse menace posée aux Etats-Unis par un pays. Téhéran est suspecté de développer son programme d'enrichissement d'uranium en vue de fabriquer une bombe nucléaire. La communauté internationale exige de son côté, par le biais de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et du Conseil de sécurité des Nations unies, que l'Iran abandonne son programme nucléaire.

Dans ce contexte, Seymour M. Hersh publie dans The New Yorker une enquête approfondie sur les plans en gestation concernant l'Iran. D'après ce journaliste d'investigation, "il y a le sentiment croissant au sein de l'armée américaine et de la communauté internationale que l'objectif final du président Bush dans la crise nucléaire avec l'Iran est le changement de régime dans ce pays". Hersh révèle que le président a réalisé plusieurs discussions avec quelques sénateurs et membres importants du Congrès, dont au moins un démocrate, autour de l'Iran. Or lors de ces réunions où "personne n'est fondamentalement opposé à la guerre", "la chose la plus inquiétante est que Bush a une vision messianique", rapporte The New Yorker.

"Certaines opérations, visant apparemment à intimider l'Iran, sont en cours", avance le journaliste. D'après les estimations du colonel Sam Gardiner, un expert militaire américain, pour détruire le programme nucléaire iranien, il faudrait s'attaquer à plus de 400 cibles. Mais ces dernières étant parfois enfouies à plusieurs mètres sous terre, elles nécessitent l'usage de bombes particulièrement puissantes comme les armes nucléaires tactiques. "L'une des cibles est la principale usine de centrifugeuses à Natanz, à environ 320 kilomètres au sud de Téhéran. L'usine, qui n'est plus garantie par le contrôle de l'AIEA, aurait un étage souterrain ayant la capacité de contenir 50 000 centrifugeuses ainsi que des laboratoires et espaces de travail enterrés à plus de 20 mètres sous terre." Un tel nombre de centrifugeuses permettrait la production de suffisamment d'uranium enrichi pour fabriquer 20 têtes nucléaires chaque année.

Face à ce genre de cibles bunkerisées et à la nécessité de les détruire totalement, le recours à des armes nucléaires tactiques est donc à l'ordre du jour, poursuit Hersh. Néanmoins, "l'attention portée à l'option nucléaire a créé de profonds désaccords au sein des services de l'état-major américain dont certains officiers ont menacé de démissionner". En revanche, le Bureau scientifique du ministère de la Défense, un organe consultatif dont les membres ont été nommés par le ministre Donald Rumsfeld, recommande de "considérer les armes nucléaires tactiques comme une partie essentielle de l'arsenal américain et souligne leur efficacité 'pour les occasions où la destruction sûre et rapide de cibles de haute importance est essentielle mais au-dessus des capacités des armes conventionnelles'". Par ailleurs, ajoute le magazine, si le nombre de cibles risque d'augmenter, selon des sources militaires américaines, il n'en reste pas moins que 99 % de ces cibles n'ont rien à voir avec la non-prolifération.

Réagissant à ces révélations qu'il a qualifiées de "pure spéculation", le président Bush a nié que son administration prépare une action militaire en Iran.

Philippe Randrianarimanana

 

Libération, 28/10/2005: 

Les Etats-Unis renoncent aux armes nucléaires antibunker

Les Etats-Unis ont abandonné leur programme d'armement visant à fabriquer des «mininukes» (armes nucléaires tactiques). Le sénateur républicain Pete Domenici a annoncé que le financement du programme a été stoppé, à la demande de l'Administration. Les Américains, qui craignent le développement, dans des pays inamicaux, de laboratoires fabriquant des armes chimiques, bactériologiques ou nucléaires, rêvaient d'une bombe qui puisse atteindre des installations enterrées profondément. Mais le développement d'armes nucléaires pour frapper ces bunkers remettait en cause le principe selon lequel l'arme nucléaire ne doit être qu'une arme de dissuasion, qui ne serve - théoriquement - jamais. En outre, de nombreux spécialistes doutaient de la possibilité d'aboutir à une arme nucléaire antibunker vraiment efficace.

 

 

L'Humanité, 15 septembre 2005:

Washington banalise l'arme nucléaire

Les délégués des États ne se sont pas accordés sur la consolidation des engagements pris par les États parties du traité de non-prolifération nucléaire (TNP).

Deux événements graves pour l'avenir de la planète viennent d'avoir lieu ces derniers jours. Le 6 septembre le chef d'état-major conjoint états-unien, le général Richard B. Myers, remettait au secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, pour approbation par le président George W. Bush, un rapport intitulé « Doctrine pour les opérations nucléaires combinées » (Doctrine for Joint Nuclear Operation). Ce document a été élaboré durant plusieurs années sur la base des directives présidentielles en la matière, notamment le réexamen du positionnement nucléaire de 2001. Les États-Unis annoncent qu'ils sont prêts à utiliser l'arme nucléaire en première frappe, « à titre préventif » contre une « menace » qui peut ne pas être nucléaire. Ceci est formellement prohibé par tous les traités et conventions internationaux depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Mardi soir, de son côté, le secrétaire général de l'ONU annonçait, juste avant l'ouverture de la 60e Assemblée générale des Nations unies que les délégués des États ne sont pas parvenus à s'accorder sur la réaffirmation et la consolidation des engagements pris par les États parties du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), ouvrant ainsi la voie à la dévitalisation de ce traité. Un premier échec avait déjà eu lieu en mai dernier dans le cadre du réexamen quinquennal du traité. Kofi Annan a qualifié ce nouveau coup porté au désarmement de « honte ». La crédibilité du TNP et son acceptation par les pays ne possédant pas l'arme nucléaire sont fondées sur l'engagement ferme des États nucléaires « officiels » à démanteler progressivement leurs systèmes d'armement atomique. Ceux-ci s'étaient engagés en l'an 2000 à procéder à un désarmement conséquent, à s'interdire tout perfectionnement de l'arme et, particulièrement, à faire du Moyen-Orient une zone dénucléarisée. En revanche, ce n'est un mystère pour personne que Washington, Paris et Londres poursuivent leur travaux destinés théoriquement a assurer le « maintien en l'état » de la « force de dissuasion » mais dont le but véritable est l'amélioration qualitative de l'arme (miniaturisation, maniabilité tactique, puissance contrôlable, précision, etc.).

La nouvelle doctrine états-unienne affirme qu'au moins trente États sont en possession, ou ont l'intention de posséder des armes « de destruction massive ». Pour « riposter » à cette « nouvelle menace planétaire bien plus grave que celle de la guerre froide », l'administration Bush préconise une véritable mutation de la doctrine militaire états-unienne. Il s'agit désormais de « dissuader « " » un adversaire potentiel (les États « voyous ») d'agresser les États-Unis en détruisant « préventivement » ses capacités qualifiées d'agressives. À cette fin, l'arme nucléaire dite « tactique » sera perfectionnée et adaptée à tous les vecteurs, y compris les missiles intercontinentaux. Le document va jusqu'à préconiser de prendre l'engagement de « prévenir » les pays amis se trouvant proches du théâtre d'opération de l'imminence d'une frappe, afin de leur permettre de prendre des mesures « pour se protéger contre les effets de l'attaque »...

Le projet soumis à l'approbation de Bush préconise d'autre part l'intégration de l'arme nucléaire dans la hiérarchie d'utilisation des armes conventionnelles, faisant de l'arme ultime un simple moyen supplémentaire dans la boîte à outils militaires. Du même coup le seuil d'utilisation est abaissé, ce qui autorise un tir nucléaire y compris comme une « réponse » à une « crise imminente ». Ce que détaille l'énumération des quatre « cas » où une frappe préventive « peut intervenir » : lorsqu'un adversaire a l'« intention » d'utiliser des armes de destruction massive ; en cas d' attaque « imminente » avec des armes biologiques que seule une arme nucléaire peut préventivement détruire « en toute sécurité » ; au cas où il s'agit de frapper des dispositifs si profondément enterrés qu'ils sont à l'abri d'une frappe conventionnelle ; pour démontrer l'intention et la capacité des États-Unis à utiliser des armes nucléaires afin de dissuader l'utilisation adverse d'armes de destruction massive. Dans le même mouvement, le commandement stratégique US a obtenu le remplacement du mot « guerre » par celui de « conflit », un terme n'impliquant pas nécessairement l'idée de belligérance. Par cette astuce sémantique, les autorités états-uniennes prétendent se conformer à la Charte des Nation unies qui préconise la « prévention » des « conflits ».

Pour sa part, le secrétaire général de l'ONU a donné une apparence de légitimité aux projets US. Dans sa déclaration du 24 mars « Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l'homme pour tous » ; Kofi Annan affirmait que « les menaces imminentes sont pleinement couvertes par l'article 51 de la Charte, qui garantit le droit naturel de légitime défense ». « Les juristes, a cru pouvoir affirmer le responsable onusien, ont depuis longtemps établi que cette disposition couvre les attaques imminentes, ainsi que celles qui ont déjà eu lieu. »

Michel Muller

 

Washington envisage des frappes nucléaires préventives

WASHINGTON (11 septembre 2005) - Un nouveau projet de doctrine nucléaire américaine envisage l'éventualité d'effectuer des frappes nucléaires préventives contre des adversaires gouvernementaux ou non gouvernementaux. Il émane d'une commission du Pentagone.
Le document, daté du 15 mars, demande à l'armée américaine de «se préparer à utiliser effectivement des armes nucléaires». Il a été rédigé par une commission du Pentagone chargée d'adapter les procédures en cours actuellement aux changements rapides survenus après les attentats du 11 septembre 2001, selon un responsable de la Défense.
Ce responsable a cependant précisé samedi que le document n'avait par encore été signé par le ministre américain de la Défense, Donald Rumsfeld, et ne pouvait pas encore être considéré comme une «politique officielle américaine». «C'est en cours de procédure», a-t-il indiqué.
Selon ce projet, les commandements des forces américaines déployées dans le monde sont priés de préparer des programmes spécifiques pour l'utilisation d'armes nucléaires et d'imaginer des scénarios qui justifieraient un accord présidentiel pour effectuer une frappe nucléaire. Cela interviendrait par exemple au cas où un adversaire utiliserait des armes de destruction massive.
Des frappes nucléaires préventives pourraient aussi être employées pour détruire un arsenal d'armes biologiques appartenant à un ennemi, s'il est prouvé qu'il se prépare à s'en servir, selon le document. Leur utilisation serait aussi justifiée pour détruire les infrastructures de commande ou de contrôle d'une attaque nucléaire, chimique ou biologique.

 

Feu vert du sénat US pour un programme de bombes nucléaires antibunker

2/7/2005 - Le sénat américain a donné son feu vert à la reprise d'un programme controversé d'armements nucléaires qui permettra à l'armée d'attaquer des bunkers ou installations souterraines, notamment celles soupconnées de stocker des armes de destruction massive. Par 53 voix contre 43, les sénateurs ont repoussé vendredi un amendement présenté par le sénateur démocrate de Californie Dianne Feinstein, qui visait à interdire l'utilisation de fonds gouvernementaux pour des études de faisabilité du Robust Nuclear Earth Penetrator, la bombe antibunker ou perceuse de blockhaus, susceptible de traverser les roches les plus dures. Ce vote du sénat va permettre, selon toute probabilité, aux grands laboratoires de recherche nucléaire de bénéficier de quelque 4 millions de dollars pour l'année fiscale 2006 pour continuer leurs travaux sur ce type de bombe, travaux interrompus l'an dernier après d'intenses critiques tant internationales qu'américaines. Cette décision du sénat intervient également à la veille de l'ouverture du sommet du G8 en Ecosse, sommet au cours duquel les questions de prolifération nucléaire vont être discutées. Mme Feinstein avait souligné que selon les donnés disponibles des experts il ne pourrait y avoir de frappe nucléaire "propre" et que toute utilisation d'une telle bombe entrainerait une contamination radioactive et de nombreux morts. L'élue démocrate avait également souligné que le développement d'un tel programme rendrait plus difficile encore pour les Etats-Unis de persuader des pays comme l'Iran ou la Corée du Nord de renoncer à leurs propres ambitions nucléaires. "Par essence, de telles politiques encouragent les autres pays à développer leurs armements nucléaires mettant ainsi des vies d'Américains en danger et menacant notre intérêt national de sécurité" a fait remarquer Mme Feinstein. L'administration Bush et particulièrement le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld ont déjà exprimé un énorme intérêt pour de tel type d'arme nucléaire. Les études portent sur la possibilité de convertir deux têtes nucléaires existantes, les B61 et B83 en bombes perceuses de bunker, selon des responsables de l'administration.


Mise en garde contre la création d'une petite arme nucléaire

WASHINGTON (29/04/2005) - Le Pentagone veut développer une petite arme nucléaire pour détruire des installations souterraines. Mais si elle touchait un centre urbain, elle pourrait faire plus d'un million de morts, avertit jeudi une étude américaine officielle.

"Utiliser une arme nucléaire de pénétration pour détruire une cible à 250 mètres de profondeur pourrait tuer un nombre énorme de personnes", a souligné John Ahearne, qui a dirigé l'étude réalisée par le Conseil national de la recherche de l'Académie des sciences.

"En cas d'attaque nucléaire près ou dans des zones à forte densité de population, le nombre de victimes peut aller de plusieurs milliers à plus d'un million", indique l'étude.

Mercredi, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, avait plaidé au Congrès pour le développement de petites armes nucléaires, seules capables, selon lui, de détruire des bunkers profondément enterrés. Le Pentagone veut faire approuver au Congrès le lancement d'une étude sur deux ans à ce sujet, qui coûterait 8,5 millions de dollars en 2006 et 14 millions en 2007.

 

Courrier international, 8 février 2005:

Les Etats-Unis en quête d'une nouvelle génération de bombes

S'agit-il d'une nouvelle course aux armements ? Telle est la crainte des partisans de la non-prolifération et du contrôle des armements, qui s'opposent au projet de la Maison-Blanche de rénover son arsenal nucléaire. En effet, "inquiets de la fragilité des armes atomiques vieillissantes du pays, des scientifiques américains ont commencé à plancher sur une nouvelle génération de bombes, conçues pour être plus solides, plus fiables et avoir une durée de vie plus grande", rapporte The New York Times, citant des sources officielles et des experts privés.

En novembre dernier, le Congrès américain avait approuvé un chapitre peu commenté du budget, intitulé Reliable Replacement Warhead Program, qui "visait à réduire l'arsenal nucléaire et ses coûts de maintenance particulièrement élevés". Un "programme initial relativement modeste", note The New York Times, puisqu'il "ne coûte que 9 millions de dollars, pour les ingénieurs spécialisés des trois laboratoires d'armes nucléaires de Los Alamos, Livermore et Sandia". En tout, ce programme emploie une centaine de personnes et devrait permettre de concevoir de nouveaux modèles théoriques d'armes nucléaires d'ici cinq à dix ans. A terme, cela devrait mener à la production de prototypes.

Cependant, "le plus important, d'après les autorités américaines, c'est que ces efforts témoignent d'un changement fondamental de philosophie". En effet, en matière d'armement atomique, les Etats-Unis se sont distingués des autres puissances par des têtes nucléaires de dimensions plus petites. "A présent, les ingénieurs américains changent de méthodes et font des armes plus robustes afin de parer aux défaillances possibles et aux détériorations des anciens arsenaux nucléaires".

A l'origine, les 10 000 têtes nucléaires de l'arsenal américain ont été conçues pour une durée de vie de quinze ans environ. Or, l'âge moyen de ces têtes est de vingt ans, voire plus, note The New York Times. Et "selon les experts, même un coûteux programme fédéral de révision et de maintenance de cet arsenal ne pourrait pas garantir pleinement leur fonctionnalité, en raison du moratoire international sur les essais nucléaires souterrains".

 


Plans nucléaires américains en vue d'un éventuel recours à l'arme nucléaire contre certains pays

Les Etats-Unis pourraient abandonner le moratoire sur les essais nucléaires (projet)

WASHINGTON, 15 mars - Les Etats-Unis pourraient abandonner le moratoire international sur les essais nucléaires pour leur permettre de mettre au point une nouvelle génération d'armes anti-bunkers, selon des extraits d'un document passant en revue la politique nucléaire américaine rendu public jeudi à Washington.
"Bien que les Etats-Unis s'efforcent de développer leur arsenal sans nouvel essai nucléaire, ils ne pourront pas maintenir cette position indéfiniment", peut-on lire dans ce document obtenu par le centre de recherche et d'analyse GlobalSecurity.org, basé à Washington qui l'a publié sur son site électronique.

Les auteurs de cette étude font remarquer que des problèmes dans l'arsenal américain avaient déjà été décelés, dus notamment à l'usure du temps ou à des défauts de fabrication.

"De plus en plus, un jugement objectif sur les capacités (nucléaires) dans un environnement où les essais ne peuvent avoir lieu, deviendra de plus en plus difficle", écrivent encore les autreurs de l'étude.


Nucléaire: Washington défend sa doctrine, étudie de mini-armes antibunkers

WASHINGTON, 15 mars - L'administration américaine, qui défend la mise à jour de sa doctrine nucléaire et n'exclut pas de reprendre un jour des essais nucléaires, étudie entre-temps la mise au point de nouvelles mini-armes nucléaires contre les bunkers souterrains.

"La révision de la doctrine nucléaire, c'est du bon travail", a déclaré le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld, en démentant que "le seuil du recours aux armes nucléaires ait changé".

Plusieurs pays, des démocrates et des journaux américains ont fait part de leurs inquiétudes à ce sujet.

La révélation par des quotidiens d'un rapport sur la mise à jour de la doctrine nucléaire américaine "n'a causé aucun problème avec la Russie", qui avait été "informée au préalable, comme nos alliés", a déclaré le chef du Pentagone lors d'un point de presse.

Il a précisé en avoir largement discuté cette semaine avec le ministre russe de la Défense Sergueï Ivanov.

Selon le ministre, la nouvelle position tient compte du fait que la guerre froide est finie et que la Russie n'est plus un ennemi, mais qu'en revanche "d'autres pays montrent leur intérêt à développer des armes nucléaires". "Il est tout fait juste pour les Etats-Unis d'être sensibles à ce genre de choses", a ajouté M. Rumsfeld.

Un expert en désarmement, Chris Hellman, a cependant estimé que Washington risquait de lever le tabou "moral, militaire contre l'utilisation" de ces armes depuis 1945 et d'encourager la prolifération. "Dès qu'elles auront une valeur opérationnelle, d'autres gens voudront en avoir aussi", a dit cet expert au Center for Defense information.

Selon le rapport remis au Congrès, le Pentagone propose d'envisager des attaques nucléaires contre la Russie et la Chine et cinq autres pays pourtant dépourvus officiellement de l'arme atomique - Irak, Corée du Nord, Iran, Libye et Syrie -, s'ils agressent les Etats-Unis ou leurs alliés avec des armes de destruction massive.

Le rapport envisage en outre la mise au point d'armes nucléaires de faible puissance pour aller détruire des bunkers enfouis profondément sous terre et contenant par exemple des agents chimiques ou biologiques.

Dans ce but, le document envisage des essais nucléaires, malgré le moratoire sur les essais respecté depuis 1992, en prévenant, selon des extraits publiés par le centre de recherche GlobalSecurity.org, que "si les Etats-Unis s'efforcent de développer leur arsenal sans nouvel essai nucléaire, ils ne pourront pas maintenir cette position indéfiniment".

Le sénat américain a rejeté en 1999 le traité sur l'interdiction des essais (CTBT) de 1996, qu'ont notamment ratifié la Russie, la Grande-Bretagne et la France. La Chine l'a signé comme l'Iran et Israël, mais pas l'Inde, ni le Pakistan.

Le ministre américain de l'Energie Spencer Abraham avait indiqué jeudi à la Commission des forces armées du Sénat qu'une étude de 10 millions de dollars était en cours pour voir si l'on pouvait modifier des têtes nucléaires existantes pour les transformer en armes pénétrant en profondeur.

Ce ministère est en charge de l'énergie nucléaire civile ainsi que de la gestion des stocks nucléaires militaires.

Depuis 1994, le Congrès américain interdit la recherche et le développement de nouvelles armes nucléaires de plus de cinq kilotonnes.

Interrogé à ce sujet, M. Rumsfeld a indiqué que l'exécutif n'avait fait aucune demande de changement au Parlement. "Si nous pensions être soumis à des contraintes excessives, nous demanderions des changements. Nous ne l'avons pas fait", a-t-il dit.

Par ailleurs, les Américains développent une énorme version de la bombe BLU déjà dans leur arsenal contre des objectifs renforcés, tels que les bunkers du président irakien Saddam Hussein, selon des experts. La "big BLU", une arme conventionnelle, sera bourrée de quinze tonnes d'explosifs.

 

 

Bush justifie la révision de la doctrine nucléaire et veut apaiser la Russie

WASHINGTON, 13 mars - Le président George W. Bush a justifié mercredi la révision controversée de la doctrine nucléaire américaine, afin de maintenir la dissuasion, tout en se déclarant optimiste quant aux négociations avec Moscou sur la baisse des arsenaux stratégiques.

Selon un rapport secret au Congrès, révélé par la presse américaine ce week-end, le Pentagone propose des attaques nucléaires contre la Russie et la Chine et cinq autres pays en cas d'agression majeure de leur part.

Ce réexamen vise à "faire comprendre très clairement à tous les pays qu'on ne peut menacer les Etats-Unis avec des armes de destruction massive", a-t-il dit lors d'une conférence de presse en indiquant que "toutes les options sont sur la table".

Selon M. Bush, la révision doctrinale n'est pas nouvelle et poursuit celle des administrations précédentes.

"La raison pour laquelle nous avons un arsenal nucléaire américain dont j'espère qu'il est moderne, adapté, et peut fonctionner, c'est qu'il permet la dissuasion de toute attaque contre l'Amérique", ou contre ses amis et alliés, a encore souligné le président américain.

D'après le rapport du Pentagone, dévoilé par la presse, les stratèges américains envisagent des attaques nucléaires contre la Chine, la Russie, mais aussi cinq pays officiellement dépourvus de l'arme atomique - Irak, Corée du Nord, Iran, Libye et Syrie - dans le cas d'une agression chimique ou biologique contre les Etats-Unis ou leurs alliés, ou dans celui "d'événements militaires surprenants".

Ces positions ont été critiquées par Pékin et Téhéran et la Russie, dont le ministre russe de la Défense Sergueï Ivanov est en visite à Washington, a "demandé des explications". Les grands journaux américains dénoncent aussi le risque que le Pentagone ne banalise l'arme atomique en envisageant le recours à des armes nucléaires de faible puissance.

Les Américains ne comptent "cibler aucun pays" au jour le jour avec leurs fusées nucléaires, a rétorqué de son côté le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld devant son homologue russe.

Selon lui, Moscou a été informé de cette révision dès janvier.

D'autre part, le président Bush a estimé possible de dépasser d'ici son sommet avec le président russe Vladimir Poutine, fin mai, le différend avec la Russie sur les modalités de la réduction annoncée des arsenaux nucléaires.

Les deux pays sont certes d'accord pour rabaisser leur arsenal stratégique de quelque 6.000 têtes nucléaires à une fourchette allant de 1.700 à 2.200 têtes.

Mais les Etats-Unis veulent garder en réserve une partie des ogives retirées de leur arsenal, en cas de crise.

La Russie demande au contraire un accord "juridiquement contraignant" et "irréversible" avec la destruction des ogives et de leurs vecteurs, en estimant que, sinon, un accord stratégique ne pourra pas être signé au sommet de Moscou.

M. Bush a fait état de "très bonnes discussions" à ce sujet avec Sergueï Ivanov.

"Je partage l'optimisme du ministre que nous arriverons à quelque chose d'ici mai. J'aimerais signer un document quand je serai en Russie. Ce serait une bonne chose", a-t-il dit.

"Ce qu'il nous faut explorer pleinement c'est comment vérifier au mieux ce qui se passe pour garantir que la confiance règne dans les deux pays", a souligné le président américain, en s'engageant à "travailler dur" en vue de "relations très bonnes avec la Russie".



Communiqué de l'Observatoire des armes nucléaires françaises du 12/3/02:

Les Etats-Unis menacent les Etats "voyous" de l'arme nucléaire

Les Etats-Unis menacent les Etats voyous de l'arme nucléaire Selon les données de la Nuclear Posture Review (mise à jour de la doctrine nucléaire), reprises par le Los Angeles Times, les Etats-Unis envisagent d'utiliser des bombes nucléaires de faible puissance contre les Etats voyous.

Ces mininuke ou selon le terme technique la B61-11, sont en réalité prêtes à l'emploi depuis la réussite de tests en Alaska en 1997. Le Congrès américain est même parvenu à contourner les mesures de désarmement internationales en rendant ces armes conformes au traité de non prolifération lors du vote du budget de la Défense pour 2001. En effet la B61-11 est une "refonte" d'une ancienne tête nucléaire de forte puissance, qui a été transformée en une arme anti-bunker conçue pour pouvoir détruire une installation souterraine enfouie sous 300 mètres de granit.

Une analyse du NRDC faite début janvier sur ce même rapport (Nuclear Posture Review), nous apprend que l'administration Bush, par une règle de calcul machiavélique, va multiplier par trois ses stocks de têtes nucléaires. Cette révélation sur les plans nucléaires secrets de l'administration Bush se pose une nouvelle fois en contradiction totale avec les accords de désarmement internationaux et une volonté de non -prolifération.

A l'occasion du prochain Comité préparatoire de suivi du Traité de Non-Prolifération qui va se dérouler du 8 au 19 avril 2002 à New York et après les annonces de réductions concertées des arsenaux russes et américains, l'Observatoire des armes nucléaires françaises pose la question de la réelle volonté des Etats-Unis d'arrêter la course aux armes nucléaires et de se conformer aux conditions du traité de non-prolifération.

Dans le cadre de ses objectifs, l'Observatoire des armes nucléaires françaises diffusera des informations sur les armes nucléaires miniaturisées et de faibles puissances sur son site internet.

Jean-Marie Collin - Observatoire des armes nucléaires françaises

Centre de Documentation et de Recherche sur la Paix et les Conflits Observatoire des armes nucléaires françaises 187, montée de choulans 69005 Lyon


 

Les projets nucléaires n'augmentent pas le risque d'une guerre de ce type (Rice)

WASHINGTON, 12 mars - La conseillère présidentielle américaine pour la sécurité nationale, Condoleezza Rice, a affirmé lundi soir que les récents projets sur des attaques nucléaires n'augmentaient pas la possibilité d'une guerre de ce type, prévenant néanmoins qu'une attaque contre les Etats-Unis avec des armes de destruction de masse recevrait une "réponse cinglante".

"L'idée que le seuil de déclenchement d'une guerre nucléaire est d'une certaine manière abaissé, est totalement fausse", a affirmé Mme Rice à la télévision PBS.

"Personne ne veut utiliser des armes nucléaires et ce président (George W. Bush) a beaucoup fait pour encourager et faire progresser des choses comme la défense antimissile", a affirmé Mme Riche, ajoutant que, de ce fait, ce n'était "pas la peine de s'inquiéter".

Révélé par la presse américaine le week-end dernier, un rapport sur la "révision de la doctrine nucléaire", destiné au Congrès (parlement), envisage des plans d'urgence d'utilisation d'armes nucléaires contre la Chine, la Russie, mais aussi cinq pays qui n'en ont pas officiellement -- Irak, Corée du Nord, Iran, Libye et Syrie -- en représailles à une attaque chimique ou biologique "ou dans le cas d'événements militaires surprenants".

Selon Mme Rice, le document fait la liste des menaces auxquelles font face les Etats-Unis et envisage "toute une série d'options dont le président a besoin pour dissuader l'utilisation d'armes de destruction de masse contre les Etats-Unis, ses forces, ses amis et ses alliés".

Elle a ajouté qu'il avait toujours été dans la politique américaine de donner une "réponse cinglante" à toute utilisation d'armes de destruction de masse contre les Etats-Unis, ses amis ou ses forces.

Néanmoins, le New York Times écrivait dans un éditorial mardi que cette nouvelle doctrine menaçait le Traité de non-prolifération nucléaire. "Si les propositions du Pentagone sont mises en oeuvre", estime le journal, "les engagements (non-nucléaires) ne seront plus valables et les pays (signataires) pourront en conclure qu'ils n'ont aucune raison de rester non-nucléaires". "En fait, ils pourraient décider qu'ils ont besoin d'armes nucléaires pour éviter une attaque nucléaire", ajoute le quotidien.

 

Libération, 12/3/02:

Du nucléaire limité contre l'«axe du mal»

Le Pentagone est-il en train de se préparer à changer radicalement de doctrine en matière nucléaire? La fuite, dans le Los Angeles Times de samedi, d'un document confidentiel du département de la Défense peut le laisser supposer. Dans ce document destiné au Congrès, qui dessine ce que pourraient être les armements dans dix ans, le Pentagone suggère de se doter d'armes nucléaires offensives, de rayon limité, qui pourraient être utilisées non seulement contre la Chine ou la Russie, mais aussi contre les pays de «l'axe du mal» (l'Irak, l'Iran, la Corée du Nord) ou encore contre la Libye et la Syrie. Hier, Moscou et Pékin ont demandé des «clarifications» sur ce document, qui n'a pas manqué d'émouvoir diplomates et stratèges militaires du monde entier. Les grandes puissances considéraient jusque-là que l'arme nucléaire ne devait jamais servir: elle n'est légitime que dans son rôle de dissuasion. Le document suggère donc un vrai changement de doctrine. Ces armes, indique-t-il, auraient des retombées nucléaires limitées et seraient utilisées dans des cas bien précis: destruction de bunkers profondément enfouis , réponse à des attaques chimiques ou biologiques... Dès samedi, le Pentagone a dénoncé les «fuites sélectives et trompeuses». Interrogé par la presse hier à Londres, le vice-président Dick Cheney a minimisé l'affaire: «Il ne s'agit que d'un rapport habituel adressé au Congrès.
En déduire que nous préparons des attaques nucléaires préalables contre sept pays est un peu exagéré.»

Par Pascal RICHE

 


La France fidèle à la dissuasion et au concept de "non emploi"

PARIS, 11 mars - Le ministère de la Défense a refusé lundi de commenter les révélations sur un projet américain d'attaquer plusieurs pays à l'arme nucléaire, rappelant que le président Jacques Chirac a refusé que l'arme nucléaire, au coeur de la politique de dissuasion du pays, soit considérée comme une arme de bataille employée dans une stratégie militaire.

Le porte-parole du ministère de la Défense, Jean-François Bureau a rappelé que la position de la France en matière d'armes nucléaires avait été résumée par le président en juin dernier devant l'Institut des Hautes Etudes de la Défense nationale (IHEDN).

"Nos forces nucléaires ne sont dirigées contre aucun pays et nous avons toujours refusé que l'arme nucléaire puisse être considérée comme une arme de bataille employée dans une stratégie militaire", avait déclaré le président, ajoutant que "la France, fidèle à son concept de non-emploi, a et conservera les moyens de maintenir la crédibilité de sa dissuasion face à toutes les nouvelles menaces".

Si les Etats "dotés de capacités balistiques qui pourraient leur donner les moyens, un jour, de menacer le territoire européen avec des armes nucléaires, biologiques ou chimiques (...) étaient animés d'intentions hostiles à notre égard, les dirigeants de ces Etats doivent savoir qu'ils s'exposeraient à des dommages absolument inacceptables pour eux", avait poursuivi le président.

La France a choisi, en matière de dissuasion nucléaire la "stricte suffisance", tout en la plaçant "au coeur de la sécurité de notre pays", avait expliqué M. Chirac.

Des journaux américains ont révélé samedi l'existence d'un document sur la préparation de plans d'urgence en vue d'une éventuelle utilisation d'armes nucléaires contre la Chine, la Russie, l'Irak, la Corée du Nord, l'Iran, la Libye et la Syrie - ces cinq derniers pays ne disposant pas eux-mêmes, officiellement, de l'arme nucléaire.

Le secrétaire d'Etat américain Colin Powell et la conseillère présidentielle pour la sécurité nationale Condoleezza Rice ont affirmé que le rapport ne faisait qu'énumérer les "options" à la disposition des autorités américaines.

 

Plans nucléaires américains en vue d'un éventuel recours à l'arme nucléaire contre certains pays

WASHINGTON, 9 mars - La Maison blanche a demandé aux militaires américains de préparer des plans d'urgence en vue d'une éventuelle utilisation d'armes nucléaires contre la Chine, la Russie, l'Irak, la Corée du Nord, l'Iran, la Libye et la Syrie, affirme samedi le Los Angeles Times.
D'après un rapport secret du ministère américain de la Défense (Pentagone) présenté aux membres du Congrès (parlement) le 8 janvier et dont le quotidien dit avoir eu connaissance, il y a trois cas dans lesquels il pourrait être recouru à de telles armes : contre des cibles capables de résister à une attaque non-nucléaire ; en représailles à une attaque à l'arme nucléaire, biologique ou chimique ; ou "dans le cas d'événements militaires surprenants".

Le rapport souligne que le Pentagone devrait être prêt à faire usage d'armes nucléaires dans le cadre d'un conflit arabo-israélien, notamment d'une attaque irakienne contre Israël, d'une guerre entre la Chine et Taïwan, d'une attaque de la Corée du Nord contre la Corée du Sud.

Les responsables américains ont depuis longtemps reconnu qu'ils avaient des plans détaillés d'attaque nucléaire contre la Russie. Mais ce serait apparemment la première fois qu'une liste officielle de pays-cibles potentiels serait ainsi établie par les Etats-Unis, selon les analystes.

Des experts ont dit au Los Angeles Times qu'ils s'attendaient à de fortes réactions des gouvernements de ces Etats après les informations sur ce rapport.

"C'est de la dynamite", a par exemple commenté Joseph Cirincione, un spécialiste en armes nucléaires au Fonds Carnegie pour la paix internationale à Washington. "Je peux m'imaginer ce que ces pays vont dire à l'ONU", "cela fait clairement des armes nucléaires un outil pour faire une guerre, plutôt que pour dissuader d'en faire", a-t-il ajouté.

Le gouvernement américain "essaie désespérément de trouver de nouveaux usages pour les armes nucléaires, alors que leur usage devrait se limiter à la dissuasion", a, de son côté, averti John Isaacs, président du Conseil pour un monde viable. "Ce sont des propos très, très dangereux (...) Le docteur Folamour est manifestement toujours vivant au Pentagone", a-t-il conclu.

Au contraire, pour les analystes conservateurs, comme Jack Spencer, de la Fondation Heritage à Washington : "nous avons besoin d'une dissuasion crédible contre les régimes impliqués dans le terrorisme international et la mise au point d'armes de destruction massive".



Les plans américains inquiètent des responsables russes

MOSCOU, 9 mars - Des responsables russes ont répondu avec inquiétude samedi à des informations de presse selon lesquelles la Maison blanche a demandé aux militaires de préparer des plans d'urgence en vue d'une éventuelle utilisation d'armes nucléaires contre plusieurs pays, dont la Russie.
"Le Pentagone a décidé de vérifier la réaction des militaires et des politiciens russes", en organisant ainsi cette "fuite" d'information, a déclaré Dmitri Rogozine, président de la commission des Affaires étrangères de la Douma (chambre basse du Parlement russe), cité par Interfax.

Le quotidien américain Los Angeles Times a fait état samedi d'un rapport secret du ministère américain de la Défense, dont il dit avoir eu connaissance, nommant sept pays contre lesquels pourraient être employées des armes nucléaires.

Ce rapport "oblige la direction russe à apporter une plus grande attention à la sécurité militaire de l'Etat", a déclaré le général Léonid Ivachov, responsable des relations extérieures au ministère russe de la Défense jusqu'à l'été dernier, cité par Interfax.

Selon lui, les Etats-Unis "ont toujours considéré et considèrent l'URSS et la Russie post-soviétique comme un rival géopolitique", et "le coeur de la doctrine géopolitique des Etats-Unis est d'affaiblir ou de pousser le puissant Etat russe hors de la scène politique", a déclaré le général.

De son côté, M. Rogozine a estimé que "les tentatives de déplacer les armes nucléaires d'une catégorie politique à une catégorie d'armes qui puissent être utilisées dans un conflit sont dangereuses pour les Etats-Unis eux-mêmes".

Selon le quotidien américain, le rapport, présenté par le Pentagone au Congrès en janvier dernier, déclare que la Russie n'est plus officiellement un ennemi des Etats-Unis. Mais il constate, selon le Los Angeles Times, que l'arsenal russe, qui compte autour de 6.000 missiles stratégiques, est un sujet de préoccupation.

 

Le Pentagone se refuse à tout commentaire

WASHINGTON, 9 mars - Le département américain de la Défense s'est refusé à commenter samedi les informations parues dans la presse sur des plans d'urgence en vue d'une éventuelle utilisation d'armes nucléaires contre certains pays, estimant qu'il s'agit de "fuites sélectives et trompeuses".
"Nous ne ferons aucun commentaire sur des fuites sélectives et trompeuses", a noté le Pentagone dans un communiqué en précisant que le département de la Défense "ne discutera pas des détails classifiés d'un projet ou d'éventualités militaires".

Ce rapport secret du Pentagone, publié samedi par le Los Angeles Times, fait état de la préparation de plans d'urgence en vue d'une éventuelle utilisation d'armes nucléaires contre la Chine, la Russie, l'Irak, la Corée du Nord, l'Iran, la Libye et la Syrie.

"Cette revue de la position nucléaire américaine est la dernière d'une longue série de tels rapports sur le développement des armes nucléaires. Elle ne fournit aucune direction quant aux cibles ou à la planification concernant (l'armement) nucléaire", poursuit le communiqué.

Ces rapports, a encore souligné le Pentagone, sont "requis par la loi" et représentent "une large analyse des besoins de la dissuasion au 21e siècle".

Le Los Angeles Times indiquait que ce texte prévoyait trois cas dans lesquels il pourrait être recouru à de telles armes: contre des cibles capables de résister à une attaque non-nucléaire, en représailles à une attaque à l'arme nucléaire, biologique ou chimique ou "dans le cas d'événements militaires surprenants".

Il estime par exemple, selon le quotidien, que le Pentagone devrait être prêt à faire usage d'armes nucléaires dans le cadre d'un conflit arabo-israélien, notamment d'une attaque irakienne contre Israël, d'une guerre entre la Chine et Taïwan, d'une attaque de la Corée du Nord contre la Corée du Sud.

"Le département de la Défense continue à se préparer à une large éventail d'éventualités et de menaces imprévues contre les Etats-Unis et leurs alliés", note le communiqué du Pentagone.

"Une combinaison de capacités offensives et défensives, nucléaires et non-nucléaires est essentielle pour faire face aux besoins de la dissuasion au 21e siècle", souligne enfin le département de la Défense.

Le Monde, 20/11/01:

"Mininuke", la bombe secrète


Un bombardier B2 largue une bombe B61-11, sans charge nucléaire, lors d'une campagne d'essais en 1998, en Alaska.


Dernière-née des arsenaux américains, la "mininuke", légère, puissante et bourrée de plutonium, est idéale pour détruire les bunkers. L'utiliser en Afghanistan  ? Seuls quelques parlementaires y ont pensé. Mais cette arme nucléaire existe.

C'est une bombe : effilée ­ 3,59 mètres de long sur 34 centimètres de diamètre ­, légère ­ 315 kilogrammes ­, puissante ­ de 300 tonnes équivalent TNT à 340 kilotonnes, selon le réglage. Larguée à très haute altitude, son "nez" durci lui permet de pénétrer dans le sol jusqu'à 6 mètres de profondeur, où elle explose alors. Idéale pour détruire les bunkers ou les usines chimiques enterrées. Particularité : la B61-11 est une bombe atomique à base de plutonium. Elle constitue la seule arme nucléaire qui soit entrée dans l'arsenal américain depuis 1989. Officiellement en 1997, pour être portée par le bombardier "invisible" B-2, qui est lui-même opérationnel pour une mission nucléaire depuis avril 1997. On l'appelle "mininuke", parce que sa plus basse puissance de 300 tonnes de TNT paraît minime comparée, par exemple, aux 13 kilotonnes de la bombe de Hiroshima.

Pourrait-on utiliser l'arme nucléaire en Afghanistan ? La question reste, pour l'heure, théorique, mais elle est jugée acceptable par une partie des Américains. Selon un sondage publié le 7 novembre par l'institut Zogby International, 54 % des 1 000 personnes interrogées pensent que l'utilisation de bombes nucléaires serait efficace dans la guerre contre le terrorisme. Ils font écho à quelques élus américains, émules du docteur Folamour : le 21 octobre, un représentant de l'Etat de New York, le républicain Pete King, estimait sur la radio WABC : "Je n'exclurais pas l'usage des armes nucléaires tactiques si je pensais que c'était nécessaire."

Le 17 octobre, Steve Buyer, représentant républicain de l'Indiana, avait exprimé cet avis, au cas où l'épidémie d'anthrax serait liée à Ben Laden : "Envoyez un petit dispositif atomique [dans les grottes des terroristes] et fermez-les pour un millier d'années." Fin septembre, c'est le sénateur Jon Kyl, de l'Arizona, qui avait évoqué l'emploi de ces armes : "Si une arme de destruction massive est utilisée contre nous, les coupables devraient attendre une réponse similaire de notre part." Déclarations de députés de base peu responsables ? Sans doute, même si l'usage de ces armes nucléaires légères n'est pas totalement exclu par des spécialistes.

Dans le National Journal du 8 septembre, avant les attentats contre les Etats-Unis, Paul Robinson, directeur du Sandia National Laboratories (un des laboratoires de conception des armes nucléaires), expliquait : "Nous avons besoin d'armes nucléaires à faible puissance, qui pourraient tenir en respect des Etats voyous."Et de préciser : "Lors de la guerre avec la Serbie [en 1999], nous avons attaqué les cibles souterraines avec des armes conventionnelles qui ont eu très peu d'effet."

L'administration Bush, sans insister sur cette possibilité, ne veut pas l'exclure absolument. C'est la règle de la dissuasion : ne dites surtout pas ce que vous ne ferez jamais, mais dites que vous êtes capable de le faire. Le 28 septembre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a adressé un mémorandum aux parties prenantes du conflit s'amorçant en Afghanistan. Cette démarche, habituelle en cas de guerre, vise à rappeler aux belligérants les contraintes du droit humanitaire. Dans son texte, le CICR indiquait : "L'arme nucléaire est incompatible avec le droit international humanitaire." La représentation américaine à Genève a immédiatement protesté, exigeant que cette phrase soit ôtée. Motif invoqué : le droit international n'interdit pas le recours à l'arme nucléaire.

En fait, ce point n'est pas tranché : dans une"opinion" rendue le 8 juillet 1996, la Cour internationale de justice n'a pu se départager sur la question, sept juges estimant que l'arme nucléaire est légale, sept autres étant d'un avis contraire.

Quoi qu'il en soit, le CICR a adressé, le 5 octobre, aux parties un nouveau mémorandum ne mentionnant pas les bombes atomiques. Lors de la guerre du Golfe, le CICR avait envoyé aux belligérants un mémorandum similaire, mentionnant que l'arme nucléaire ne devait pas être utilisée. A l'époque, le texte n'avait pas suscité de réaction des Etats-Unis.

Depuis cette époque, la doctrine sur l'utilisation tactique des armes nucléaires a évolué. Jusqu'alors, les présidents américains avaient maintenu l'engagement pris en 1978 par Jimmy Carter de ne pas utiliser l'arme nucléaire à l'encontre d'Etats n'en disposant pas. Mais, avec l'effondrement de l'URSS en 1991, la préoccupation militaire de Washington s'est déplacée vers les "Etats voyous", jugés capables d'utiliser des "armes de destruction massive", pas forcément nucléaires. Plusieurs rapports ont souligné l'utilité de l'arme atomique tactique, c'est-à-dire employée sur le champ de bataille.

Un document de l'US Strategic Command (Stratcom), daté de 1995 ("Essentials of Post-Cold War Deterrence") et révélé par un spécialiste des questions de désarmement, Hans Kristensen (du Nautilus Institute, à Berkeley), en vertu du Freedom Information Act, est explicite : il affirmait que l'option nucléaire devait rester ouverte quel que soit l'agresseur. "Il n'est pas désirable d'adopter une politique publique affirmant le refus de "frappe en premier" ; cela ne sert qu'à limiter spécifiquement les buts de dissuasion nucléaire des Etats-Unis sans apporter un bénéfice équitable", indiquait le rapport du Stratcom, qui est l'instance opérationnelle de gestion et de mise en uvre des armements nucléaires américains.

En novembre 1997, Bill Clinton permettait, dans la directive présidentielle no 60 dévoilée par le Washington Post du 7 décembre 1997, des frappes nucléaires en réponse à des attaques chimiques ou biologiques. La même année, les militaires se demandaient si une telle frappe ne serait pas justifiée contre une usine chimique construite par la Libye à Tarhunah, qu'ils suspectaient d'être destinée à fabriquer des armes chimiques.

La même année, la B61-11 entrait en service. Correspond-elle à un véritable besoin technique ? La problématique de la démolition d'ouvrages souterrains est apparue de manière criante lors de l'invasion du Koweït par l'Irak en août 1990. L'état-major américain a alors considéré que les bombes dont il disposait ne suffiraient pas à démolir le ou les bunkers souterrains de commandement irakien. Il lança un programme de développement d'une bombe "pénétrante" capable de réaliser cette tâche. En un temps record, la GBU 28 était réalisée, par adaptation de bombes préexistantes, et livrée en février 1991 : un engin utilisant un explosif "traditionnel", du tritonal, pesant 2 tonnes et mesurant 5,72 mètres sur 37 centimètres de diamètre.

Deux exemplaires de la GBU 28 allaient être largués depuis des avions F-111 en Irak. L'un est réputé avoir atteint son but, mais on ne sait pas avec quelle efficacité. Toujours est-il que, dans les années suivantes, le Los Alamos Scientific Laboratory allait développer la B61-11, dont il semble que le projet ait été lancé en 1989.

Même s'il est difficile, dans un domaine où, par définition, les données et les discussions techniques sont peu ouvertes, d'évaluer l'intérêt militaire des bombes pénétrantes "mininuke" par rapport à leurs rivales type GBU 28, la différence apparaît criante. Les "mininukes" sont plus légères : de l'ordre de 300 kilogrammes contre 2 tonnes. Mais, surtout, le saut est radical quant à la puissance explosive : la GBU 28 représente, avec ses 306 kilogrammes d'explosif tritonal, environ 385 kg de TNT. Près de mille fois moins que la B61-11, dont la puissance la plus basse est de l'ordre de 300 tonnes de TNT !

La position adoptée par Bill Clinton en 1997 n'a pas été modifiée par la suite. En janvier 2001, un rapport du National Institute for Public Policy, un "think tank" spécialisé sur les questions stratégiques, réaffirmait l'utilité d'armes nucléaires légères : "Dans le futur, les Etats-Unis peuvent avoir besoin de déployer des armes nucléaires simples, à faible puissance et guidées avec précision pour un usage possible contre des cibles particulières et renforcées telles que des usines souterraines d'armes biologiques."

Si les armes conventionnelles peuvent endommager les abords de caches souterraines, "une ou plusieurs armes nucléaires pourraient être requises pour détruire l'installation elle-même". Plusieurs auteurs du rapport se retrouvent à des postes élevés dans l'administration Bush : Stephen Hadley, qui est maintenant l'adjoint de Condoleezza Rice, la conseillère de M. Bush pour la sécurité nationale, Robert Joseph, assistant spécial du président pour les questions de prolifération, ou Stephen Cambone et William Schneider, qui sont des proches conseillers du ministre de la défense, Donald Rumsfeld.

La question des armes nucléaires de faible puissance a d'ailleurs été évoquée, sans doute pour la première fois dans une enceinte officielle, le... 13 septembre. C'était au Sénat des Etats-Unis, lors de l'audition du général Richard Myers pour sa nomination au poste de chef d'état-major interarmées. "Soutenez-vous le développement de nouvelles armes nucléaires à faible puissance ? Dans quelles circonstances soutiendriez-vous l'usage de telles armes ?", lui ont demandé les sénateurs du comité des forces armées, pour qui, comme pour de nombreux décideurs à Washington, la question n'est pas taboue. Le général a éludé la question, se contentant de dire : "Nous disposons déjà d'un certain nombre d'armes à faible puissance."

Cependant, aucun indice ne montre que l'entourage de M. Bush pourrait être sensible aux arguments des faucons atomiques. Un article du Japan Times du 20 septembre affirme que, selon une source diplomatique non précisée, le département de la défense a présenté l'utilisation d'armes nucléaires tactiques comme une option de rétorsion aux attaques terroristes du 11 septembre.

Mais, explique un expert français, "il est normal qu'en cas d'intervention les militaires proposent au président l'ensemble des possibilités imaginables. Pour autant que j'aie pu le comprendre de mes contacts à Washington, l'option nucléaire a été résolument écartée par Bush". Hans Kristensen confirme : "Je pense qu'aucune personne responsable à Washington n'imagine utiliser les armes atomiques dans la présente situation en Afghanistan. Le seul scénario possible serait que les Etats-Unis soient convaincus que quelqu'un s'apprêterait à lancer une arme nucléaire ou biologique depuis une position connue, et que le seul moyen de l'empêcher serait de nucléariser cette installation." Mais, poursuit Kristensen, "la réelle question est celle-ci : puisqu'aucun responsable ne considère sérieusement d'utiliser l'arme nucléaire au niveau actuel des hostilités, pourquoi la politique nucléaire l'envisage-t-il quand même ?"

C'est qu'aucune porte ne peut être fermée. Comme l'écrivait le rapport du Stratcom en 1995, "c'est s'affaiblir que de nous présenter comme trop pleinement rationnels et tête froide. Le fait que quelques éléments peuvent apparaître potentiellement "incontrôlables" peut être bénéfique pour créer et renforcer les peurs et les doutes dans les esprits des décideurs ennemis".

Hervé Kempf