A propos de la mise en orchestration de la culpabilité de l'uranium 236

Cet isotope de l'uranium est de plus en plus mis en cause, à la fois par les autorités officielles et par certains opposants, pour expliquer les maladies des soldats après l'utilisation des obus américains à uranium appauvri en Irak, en Bosnie et au Kosovo.
Concernant la toxicité chimique de cet isotope, il a les mêmes propriétés chimiques que ses frères 234, 235, 238 et par conséquent la même toxicité chimique.
Concernant la radiotoxicité des isotopes d'uranium, (toxicité due au rayonnement qu'ils produisent en se désintégrant), qui décroit, à activité égale, lorsqu'on passe de U 234, à U 236, U 235, U 238, elle diffère de quelques pour cents avec une fourchette inférieure à 17 % dans le cas de l'inhalation. Ainsi le 236 n'est pas très différent des 3 autres isotopes comme le prouve la limite annuelle d'incorporation voisine de celle des autres uraniums. La limite annuelle d'incorporation (LAI) fixe la quantité de becquerels d'un radioélément que l'on " peut " incorporer, LAI par inhalation et LAI par ingestion, avant de dépasser la limite de dose déclarée " admissible ", soit 1 millisievert d'après la directive européenne (qui n'est toujours pas légalisée en France). Ces LAI sont la signature de la radiotoxicité d'un radioélément, plus elle est basse plus le radioélément est radiotoxique.
Pourquoi se polariser sur l'uranium 236 ? L'argumentation repose sur le fait qu'U 236 n'est pas un résidu issu de l'enrichissement d'uranium naturel mais d'uranium provenant du retraitement des combustibles usés des réacteurs nucléaires.
L'uranium de retraitement peut être contaminé par certains produits de fission (des lanthanides en particulier) qu'il n'est pas possible d'éliminer totalement lors du retraitement. De là à conclure que peut-être ce serait eux les produits dangereux ? Mais pour l'instant il n'y a pas de résultats d'analyses permettant d'étayer cette hypothèse dont la conséquence est qu'on change de suspect : En effet, les américains ne retraitent pas les combustibles usés de leurs réacteurs nucléaires civils. Il ne peut donc s'agir que du combustible issu de réacteurs militaires. Ainsi la gravité de ce qui était imputé à l'uranium appauvri tombe sous la responsabilité et la culpabilité de l'industrie nucléaire militaire, dédouanant du même coup l'industrie nucléaire civile.
L'uranium civil serait sans danger. Haro sur le militaire. On voit tout de suite l'intérêt d'une telle argumentation : les obus américains sont dangereux mais les 199 000 tonnes d'oxyde d'uranium appauvri qui vont être stockées en Limousin à Bessines, aucun danger, ne vous inquiétez pas.

L'absence d'uranium dans les urines de soldats malades a été présentée comme la preuve de l'innocence de l'uranium appauvri. Cette argumentation évacue deux processus :1) on oublie le rayonnement externe qui ne contamine pas l'organisme mais qui est nocif. 2) Seul l'uranium éliminé par les reins est détecté par analyse d'urine. Or le test des urines n'est pas approprié quand l'uranium est fixé sur un organe ou un tissu particulier. Ainsi s'il est fixé sur la moelle osseuse rouge il peut être à l'origine de leucémie. Un soldat atteint de leucémie peut ne pas avoir eu des tests positifs d'urine lorsqu'ils ont été effectués. Il faudrait l'autopsier et analyser tous ses organes
Rappelons que ne sont pas connus, ou n'ont pas été communiqués, les paramètres physico-chimiques et structuraux des poussières ingérées et inhalées par les soldats (et par les populations civiles), que dépendant de ces paramètres, les organes les plus sensibles peuvent être différents (surfaces osseuses, moelle osseuse rouge, poumons etc). Bien que les experts aient établi des normes de radioprotection il est possible que tout cela soit mal connu, au moins aussi mal connu que les diverses variétés d'oxydes d'uranium du diagramme uranium-oxygène. On ignore comment joue l'auto-irradiation alpha dans la fragmentation des poussières, comment peut se modifier au cours du temps leur solubilité dans les fluides de l'organisme etc.
En fait, on a trop peu d'informations sur les durées de rétention des uraniums sous formes chimiques variées dans les divers organes du corps humain pour conclure d'une façon péremptoire que l'absence d'uranium dans les urines permet de nier d'une façon absolue la présence d'uranium dans différents organes du corps pouvant causer des leucémies ou des cancers de tumeurs solides dans les années à venir.

Roger et Bella Belbéoch, 17 janvier 2001.