Inde: vers la fin de la non violence

L'Inde s'est intéressée très tôt aux recherches sur l'énergie nucléaire. C'est en effet en 1950, que le gouvernement, sous la présidence du Premier ministre Nehru, a créé l'Atomic Energy Commission, qui avait pour objet de réunir les moyens nécessaires à une recherche fondamentale dans ce domaine.

Le premier réacteur, de construction indienne, divergea en août 1956.

Le second réacteur fourni par le Canada, fut capable de produire du plutonium à usage militaire. Il faut noter également une assistance française à cette époque pour la formation de scientifiques, en particulier pour la fabrication de l'eau lourde.

Tout en ayant une politique affichée de recherche pacifique, il est clair que, dès le début, la volonté d'opter, le cas échéant, pour un choix militaire était implicite.

En 1964, la Chine ayant procédé à ses premiers essais militaires, Mme Gandhi ordonna d'engager les études en vue d'un essai nucléaire qui eut lieu en 1974, poussant le Pakistan à entrer dans la même voie.

 Extrait de Sciences et Avenir n°217, mars 1965.

La volonté de mettre en oeuvre les sous-marins à propulsion nucléaire se situe dans un cadre de politique générale décidée par le parti du Congrès indien de Mme Gandhi et marque une rupture avec la politique de non alignement conduite par le Pandit Nehru. En effet, de 1985 à 1990, l'Inde a considérablement développé sa marine, avec l'acquisition d'un deuxième porte-avions, de frégates, de sous-marins ainsi que d'avions de patrouille maritime de très longue autonomie, essentiellement d'origine soviétique mais aussi occidentale ou de fabrication locale.

Cette politique répondait à une volonté de projection de puissance dans l'océan Indien, et en particulier destinée à contrer la puissance chinoise qui avait acquis une base près du Bangladesh, et était en mesure de mettre en oeuvre des sous-marins nucléaires dans cette zone.

En 1987, les observateurs étrangers sur place connaissaient l'existence d'un programme de construction de sous-marins à propulsion nucléaire, en particulier cette année là une base de transmission VLF fut construite dans le sud de l'Inde.

On parlait également d'un centre extrêmement secret situé près de la base navale de Vishakapatnam sur la côte est où les indiens développaient un réacteur nucléaire pour sous-marin avec vraisemblablement l'aide soviétique depuis 1975.

L'idée qui prévalait était que le programme prendrait énormément de temps dû aux difficultés de mise au point et peut être même en raison du choix de la filière retenue mais qui n'était pas connue.

Depuis octobre 1984 un équipage indien s'entraînait sur un sous-marin soviétique. En 1987, après discussion entre les dirigeants Rajiv Gandhi et Gorbatchev, un accord fut conclu pour la location d'un sous-marin nucléaire soviétique K 43 pour trois ans (projet 670, Charlie 1). Le pavillon indien fut hissé à Vladivostock le 5 janvier 1988. Le sous-marin fut baptisé Chakra (S 71). Le 15 janvier, il appareilla à destination de l'Inde avec 30 officiers soviétiques comme conseillers techniques. Le 3 février 1988, Rajiv Gandhi arriva à la base de Vishakapatnam et visita le Chakra (énergie en sanskrit).

Le Chakra (ex K 43 Soviétique dans le détroit de Malaeca, en janvier 1988.

L'annonce que l'Inde venait de prendre possession d'un sous-marin nucléaire d'origine soviétique fut une surprise, en raison surtout de la capacité de celui-ci et en contradiction avec la politique toujours affichée de non prolifération nucléaire, En fait, il fut clairement annoncé que ce sous-marin mis en oeuvre par un équipage indien sous contrôle d'officiers soviétiques et loué pour une période de trois ans ne disposait pas de missiles balistiques (la portée de ses missiles de croisière ne dépassait pas 70 km). Ce sous-marin fut présenté en tant que bâtiment école, servant à parfaire la formation d'équipages indiens pour la conduite de ce type de bâtiment.

Il faut noter que l'Inde possédait une flotte sous-marine classique importante composée d'une vingtaine de bâtiments et armés avec du personnel déjà formé en Union Soviétique.

En 1989, l'arrivée d'un deuxième bâtiment de même type, le Chitra, était attendue dans un avenir proche. En réalité, ce projet échoua en raison du refus décidé par Gorbatchev compte tenu de l'évolution politique de l'Inde. Le 5 janvier 1991, le Chakra était restitué à l'Union Soviétique conformément aux accords. Redevenu le K 733 soviétique, il fut rayé rapidement de la flotte le 3 juillet 1992. Cette restitution s'expliquait pour de multiples raisons. La maintenance du bâtiment s'était révélée très difficile en raison de sa vétusté et du manque de compétence de l'équipage.
La presse a même fait état d'un accident sur le réacteur entraînant le rapatriement rapide des techniciens soviétiques brûlés ou irradiés. L'impression générale était que le sous-marin passait la plupart de son temps à quai.

On savait déjà que la marine indienne avait rencontré de nombreux problèmes techniques avec les sous-marins classiques de type soviétique et que d'une manière générale, si les officiers de marine indiens avaient un niveau tout à fait comparable à celui de leurs homologues des Grandes Marines, celui des officiers mariniers était très inférieur.

L'autre raison qui a conduit à cette expérience est d'ordre politique. Le Congrès indien, conduit par Rajiv Gandhi, ayant perdu les élections, l'opposition mena une politique totalement différente, entraînant une crise économique très grave avec des restrictions budgétaires drastiques. La marine indienne, non seulement n'a pu poursuivre ses projets d'acquisition, mais a dû revoir en-dessous du seuil acceptable, ses programmes d'entraînement et d'entretien de la flotte.

Il semble cependant que le programme de fabrication d'un sous-marin d'attaque à propulsion nucléaire d'un tonnage d'environ 3 500 tonnes se poursuive. Un prototype à terre de 90 MW thermique serait en essai. Le sous-marin sera construit aux chantiers Mazagon de Bombay.

Aujourd'hui, l'Inde affiche clairement sa capacité nucléaire militaire mais la réalisation d'un sous-marin nucléaire avec la mise au point des systèmes de tir et de lanceurs semble encore prématurée.

Désireuse de s'affirmer comme une puissance mondiale, l'Inde a indiqué qu'elle comptait disposer d'un sous-marin nucléaire construit dans ses arsenaux en 2005 et de 3 autres unités semblables en 2020 à côté de 16 sous-marins classiques (Times of India du 28 juillet 1999).

C. Huan,
Extrait de Sous-marins nucléaires, hors série de Marines & Forces navales n°4, octobre 2000.