Libération, 1/11/2004 :

L'atome servi sur un plateau
Le Codex projette d'assouplir les normes de radioactivité dans les aliments.

Des tomates au césium 137, des huîtres au radium 226, des fromages de chèvre à l'iode 131. Menu issu d'un roman de science-fiction ? Pas sûr... Les prochaines normes du Codex alimentarius qui fixeront les taux de radioactivité des aliments destinés au commerce international en 2005 sont en train d'être revues à la hausse. Et c'est la porte ouverte au becquerel (1) dans l'assiette.

La commission du Codex (émanation de l'Organisation mondiale de la Santé, l'OMS, et de l'agence des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, créée en 1962) fixe des normes sur les denrées alimentaires destinées au commerce international. En 1989, après l'accident de Tchernobyl, elle a adopté «des limites de référence pour les radionucléides dans les aliments à la suite d'une contamination liée à un accident nucléaire, applicables dans le contexte du commerce international». Les normes ne servent pas uniquement à protéger les individus, mais aussi à faciliter les indemnisations des producteurs boudés par les consommateurs et à mettre les pays au diapason.

Mélange. Encore en vigueur aujourd'hui, ces normes concernent deux groupes de produits : le lait et aliments pour nourrissons, et les denrées destinées à l'alimentation générale. Ainsi, le lait ne peut contenir plus de 1 Bq/kg de plutonium 239, pas plus de 100 Bq/kg d'iode 131 et pas plus de 1 000 Bq/kg de césium 137. Ces règles ne s'appliquent qu'en cas d'accident nucléaire, et, comme il n'est pas question d'entériner une situation de contamination, elles ne durent alors qu'un an. En temps normal, les valeurs flirtent avec le zéro, sauf pour le césium 137, qui est largement répandu dans l'atmosphère depuis les essais nucléaires aériens des années 50 et 60 : il se trouve dans certains aliments à hauteur de 1,2 à 3 Bq/kg.

Dans son projet - adopté en juillet 2004 à Genève -, la commission du Codex va relever les seuils des radioéléments artificiels. Les valeurs restent les mêmes, mais la méthode de calcul change. En fait, la commission du Codex estime que, en cas d'incident nucléaire, seule une infime partie de la nourriture consommée pourrait être contaminée : entre 0,01 et 0,1 % de ce qui est ingéré dans l'année (550 kilos pour un adulte et 200 kilos pour un enfant). Cela revient automatiquement à relever les seuils de 100 à 10 000 (pour le radium 226). Comment est-ce possible ? Le Codex mise sur le mélange avec des aliments non contaminés. Mais si les gens se nourrissent presque exclusivement de produits locaux, comme en Biélorussie, la méthode de calcul tombe à l'eau.

Fouillis réglementaire. Cette révision du Codex s'appuie sur la notion d'«événements nucléaires» plus que sur des accidents catastrophiques à la Tchernobyl. Une manière d'entériner la dissémination croissante de l'usage de matières nucléaires et les risques qu'elle suscite : transport de matières et de déchets radioactifs, démantèlement des centrales qui va s'intensifier dans les années à venir, mais aussi utilisation dans les conflits d'obus à uranium appauvri. Sans compter le risque croissant d'attentat terroriste. Pour les membres de la CIPR (Commission internationale de protection radiologique, qui a aidé le Codex à élaborer ces nouvelles normes), tout cela n'est pas bien grave. «Le Codex ? C'est quelque chose d'obscur dont personne ne s'occupe, raconte Jacques Lochard, président du Centre d'étude sur l'évaluation de la protection dans le domaine nucléaire (2) et membre de la délégation française de la CIPR. Les normes actuelles du Codex sont très élevées. Depuis Tchernobyl, on a toujours utilisé celles de la Commission européenne, plus strictes.» Il y a donc des normes à Bruxelles, mais aussi à la CIPR ou à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)... Et il existe des tonnes de documents, tous plus subtils les uns que les autres, pour déterminer les limites acceptables de ce que l'on peut ingurgiter. Un fouillis réglementaire bien trop indigeste pour être intelligible par les citoyens.

(1) Le becquerel est une des unités de mesure de la radioactivité. 4 Bq signifie que, chaque seconde, 4 atomes se désintègrent en émettant un rayonnement.
(2) Le CEPN, association de recherche, comporte quatre membres : EDF, l'Institut de radioprotection et de sécurité nucléaire, le CEA et la Cogema.

Laure NOUALHAT

Campagne de la  CRIIRAD: "Pas de radioactivité dans nos assiettes"
- Communiqué de presse - 18 oct. 2004 (format word)
- Texte explicatif (résumé)
- Pétition : à signer en ligne - à imprimer (format word ou pdf)
D'autres informations et appels à mobilisation seront prochainement mis en ligne sur le site http://www.criirad.org

 

Libération, 1/11/2004 :

Un labo qui craint pour son indépendance
L'agrément de la Crii-Rad, créée au lendemain de Tchernobyl, ne sera peut-être pas renouvelé.

La Crii-Rad, commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité, a été créée à Valence au lendemain de Tchernobyl, en 1986, pour pallier la désinformation de l'Etat français concernant les conséquences de l'accident. A ses débuts, l'association mesure la radioactivité des aliments qu'on lui amène (thym, champignons, lait, etc.), et prouve que la France a bien été contaminée par le nuage radioactif. Depuis, elle expertise des terrains, contrôle aliments et biens de consommation tout en assurant une contre-expertise dans des dossiers officiels. Mais il ne suffit pas de savoir réaliser des mesures, encore faut-il que celles-ci soient reconnues. C'est l'objet du certificat de qualification technique obtenu après moult batailles dans les années 90.

Mais, en octobre 2003, un arrêté paru au Journal officiel annonce la création d'un réseau national de mesures de la radioactivité dans lequel seraient inclus les laboratoires agréés comme la Crii-Rad. Le diable se niche toujours dans les détails : dans sa deuxième partie, ce texte indique que les arrêtés portant sur la certification des laboratoires indépendants sont abrogés. Les certificats sont valables jusqu'à la fin 2004, ensuite ils ne seront pas renouvelés. Pour obtenir son agrément, un laboratoire devra désormais adresser tous ses résultats à l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), organisme officiel qui sera ensuite libre de les exploiter à sa guise, c'est-à-dire hors contexte. Pour la Crii-Rad, qui proteste contre cette décision, c'est la fin de l'indépendance, et la porte ouverte à la mauvaise interprétation de ses analyses.

Laure NOUALHAT

 

Radioactivité dans les aliments: la CRIIRAD dénonce les nouvelles normes

21/10/04 - La CRIIRAD, le laboratoire privé de surveillance de la radioactivité, a dénoncé jeudi l'élaboration de normes internationales visant à autoriser des teneurs en polluants radioactifs dans les aliments "100 à 1.000 fois supérieures" au risque négligeable.

La Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité se réfère à un projet élaboré par la commission du Codex alimentarius, qui établit les normes pour le commerce international des denrées alimentaires, visant à légaliser ces nouvelles teneurs à l'horizon

La commission du Codex, dépendant des Nations Unies, envisage d'augmenter le seuil des radioéléments artificiels dans les aliments, en considérant que seul un très faible pourcentage d'aliments sont touchés par la radioactivité, a expliqué, lors d'une conférence de presse à Valence, le président de la CRIIRAD, Roland Desborde.

Ce projet de norme est élaboré dans le cadre d'une résolution votée en 2000, par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), visant à établir des critères radiologiques pour la présence de radionucléides à longue durée de vie dans les biens de consommation, selon la CRIIRAD.

Selon l'association, la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), chargée des réglementations en matière de protection contre les dangers des rayonnements ionisants, projette également de fixer des seuils d'exclusion, en dehors desquels les déchets, matériaux ou aliments, ne seront plus considérés comme contaminés. "Si on met en application ces textes, outre des conséquences irréversibles pour l'environnement, ce sera trop tard. Je me bagarre pour mes petits enfants", a déclaré le président de la CRIIRAD, ajoutant: "Pour les industriels, c'est une vraie incitation à polluer".

Basée à Valence, la CRIIRAD a été créée après l'accident de la centrale ukrainienne de Tchernobyl du 23 avril 1986.


Lundi 18 octobre 2004, communiqué de presse

Conférence de presse

Jeudi 21 octobre 2004, à 10h00, à Valence (26) au siège de la CRIIRAD : Le Cime, 471 avenue Victor Hugo.

Dès 2005, les ALIMENTS présentant des teneurs en polluants RADIOACTIFS 100 fois à 1 000 fois supérieures au risque négligeable pourront être librement commercialisés et consommés sans restriction !

Deux projets, élaborés au plus haut niveau, sont en effet en passe d'être adoptés. Faute de mobilisation, ils entreront en vigueur courant 2005 et affecteront de façon radicale la qualité de notre alimentation. Il s'agit :

1/ des " Recommandations 2005 " de la Commission Internationale de Protection Radio-logique (CIPR). Rappelons que les " recommandations " de cet organisme servent de base à l'élaboration des réglementations européenne et française en matière de protection contre les dangers des rayonnements ionisants.

2/ de la nouvelle norme sur la contamination radioactive des aliments élaborée par la Commission du Codex alimentarius. Cette commission ­ qui dépend à la fois de la FAO et de l'OMS ­ est chargée d'établir les normes de référence pour le commerce international des denrées alimentaires.

 Il s'agit des projets les plus inquiétants que la CRIIRAD a eu à traiter depuis sa création en 1986.

A l'occasion de la conférence de presse, la CRIIRAD présentera :

1/ les références et le contenu des projets, 2/ son analyse de leurs implications en matière de pollution environnementale et d'impact sanitaire, 3/ les actions qu'elle va lancer, aux niveaux français et européen, afin de leur faire échec.
Seront notamment publiés :
- Le courrier adressé aux autorités françaises ;
- La saisine de la commission de sécurité des consommateurs ;
- La lettre ouverte aux consommateurs et producteurs ;
- La pétition "pas de radioactivité dans nos assiettes"

Les auteurs de ces projets affirment que toutes les parties prenantes ont été consultées et ont donné leur aval. C'est totalement inexact. En France, le niveau d'information des consommateurs et des professionnels de l'alimentaire est pratiquement inexistant alors que l'impact économique et sanitaire des changements réglementaires sera majeur.

CRIIRAD
471 avenue Victor HUGO
26000 VALENCE
Tel. : 04 75 41 82 50
Fax : 04 75 81 26 48
http://www.criirad.org - contact@criirad.org