Télévision Suisse Romande, 6 avril 2006:

Tchernobyl: la Suisse tire les leçons de la catastrophe nucléaire

BERNE - Tchernobyl a montré la nécessité d'appliquer le principe de précaution. La catastrophe pourrait être responsable de 200 décès en Suisse et les chercheurs réclament un registre national des tumeurs pour évaluer les risques radiologiques dans le futur.

Le 26 avril 1986, le réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire ukrainienne de Tchernobyl explosait et envoyait un énorme nuage radioactif au-dessus de l'Europe et de l'URSS de l'époque. Deux décennies plus tard, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) conclut à une "faible augmentation d'induction de cancers qui se développeront ces prochaines années".
L'OFSP évalue le nombre attendu de décès supplémentaires par cancer en Suisse à 200, sur la base des facteurs de risque retenus par la commission internationale de protection radiologique (ICRP)
[donc + environs 200 autres cancers non-mortels]. Des incertitudes subsistent quant à l'impact possible de l'accident sur les maladies de la thyroïde, ajoute l'office fédéral.
Le nombre de cas de cancers de la thyroïde recensés est en effet trop faible pour établir un lien de causalité avec l'accident nucléaire, explique la directrice du Registre genevois des tumeurs Christine Bouchardy.
Seuls 13 cantons (bientôt 14 avec Fribourg) communiquent leurs données en matière de cancer. Berne et Argovie, qui abritent des centrales nucléaires, n'ont pas de registre: c'est un comble, s'exclame l'épidémiologiste genevois Jean-Michel Lutz qui coordonne les neuf registres existants (contre six en 1986).
On pourrait doubler la puissance statistique en couvrant tout le pays, estime-t-il. Il est possible qu'on commence à observer une incidence un peu plus élevée de cancers de la thyroïde mais cette tendance est difficile à interpréter. On ne peut donner aujourd'hui qu'une demi-réponse car le temps de latence des tumeurs concernées est de 7 à 10 ans.
Depuis 1986, le nombre de stations automatiques de mesures de la radioactivité a passé de 12 à 58, dont cinq au Tessin. Elles montrent que l'irradiation due à Tchernobyl a continuellement diminué pour tomber sous les seuils d'intervention de l'ordonnance sur la radioprotection.
La teneur en radioactivité artificielle des aliments de base avoisine les valeurs d'avant l'accident de Tchernobyl. La contamination résiduelle reste cependant plus marquée au Tessin, en particulier dans l'écosystème forestier.