Dernier voyage du K-19, premier sous-marin nucléaire d'URSS, héros d'Hollywood

SEVEROMORSK (Russie), 11 avr - Le K-19, premier sous-marin atomique de l'URSS, rescapé malheureux de la guerre froide après une avarie nucléaire, un incendie à bord, une collision avec un submersible américain, et sujet d'un film à venir avec Harrison Ford, a été envoyé à la casse plus de 40 ans après sa première plongée.
Désarmé et retiré du service en 1991, alors que disparaissait le régime soviétique qui l'avait mis à l'eau en 1960 comme l'une de ses armes les plus redoutables, le submersible était depuis resté en rade à Vidiaïevo, une base de la Flotte russe du Nord sur la péninsule de Kola.

Bombe à retardement avec ses deux réacteurs, comme la centaine d'autres sous-marins nucléaires mis au rebut dans les bases de la région, il a finalement été remorqué lundi jusqu'au dock du chantier naval Nerpa, où il va être démantelé et découpé, a annoncé l'état-major de la Flotte.

Un trajet déjà effectué à l'automne dernier par l'épave renflouée du Koursk, le sous-marin nucléaire russe qui a coulé en août 2000 en mer de Barents avec 108 hommes à bord.

La tragédie du Koursk, qui avait maintenu en suspense le monde entier alors que les sauveteurs échouaient à venir au secours des marins bloqués par plus de 100 mètres de fond, a ravivé l'intérêt pour l'histoire mouvementée de son ancêtre K-19, héros d'un film américain qui doit sortir en juillet prochain.

Réalisé par Kathryn Bigelow, le film ne relate qu'un des incidents parmi ceux qu'à connus le K-19 : une avarie de réacteur qui faillit causer sa perte le 4 juillet 1961 en plein océan Atlantique, et irradia mortellement 8 marins qui s'étaient sacrifiés pour entrer dans le compartiment moteur.

Harrison Ford, qui avait salué lors de la présentation du projet "le courage immense et le sens du devoir" des marins russes, joue le rôle de Nikolaï Zateev, qui commandait le bâtiment.

Les marins du K-19 toujours en vie, consultés par la réalisatrice, n'ont du reste pas apprécié sa vision de l'histoire. "L'esprit de ce scénario estune offense à la mémoire des héros morts dans cette tragédie", ont-ils écrit dans une lettre à Kathryn Bigelow.

Le K-19 a en fait connu une série noire.

Le 15 novembre 1969 à 7 heures du matin, alors qu'il se trouve en plongée dans la zone de manoeuvres de la marine soviétique en mer de Barents, le bâtiment, victime d'une gigantesque secousse, se met à piquer du nez.

"Le bâtiment s'est mis à vibrer de fond en comble. L'amplitude était telle, que l'on avait l'impression que les trois compartiments de proue allaient se détacher. Les visages autour de moi sont devenus extraordinairement pâles", a raconté le contre-amiral Vladimir Lebedko, aux commandes au moment des faits.

L'équipage a appris par la suite qu'il avait été heurté par le USS Gato, un submersible américain qui a quitté la zone dans le plus grand secret.

Le naufrage du Koursk le 12 août 2000 dans la même zone avait été attribué dans un premier temps à une collision avec un sous-marin étranger, un type d'incident rarement reconnu mais qui s'est produit à plusieurs reprises pendant la guerre froide.

Le dernier incident de la série noire du K-19, le plus tragique, est enfin survenu le 24 février 1972, lorsqu'un violent incendie s'est déclaré en plongée par 120 mètres de fond en plein Atlantique nord, tuant 28 marins.

Ayant réussi à faire surface, le K-19 éteignit ses réacteurs, restant sans source d'énergie alors qu'une tempête faisait rage.

Douze autres membres d'équipage restèrent bloqués 24 jours dans un compartiment de poupe condamné par l'incendie, alimentés en air par une conduite aménagée par leurs camarades, avant de pouvoir être sauvés.

Les marins russes de de la Flotte du Nord racontent que lors de la cérémonie de lancement du K-19 en novembre 1960, signe de mauvaise augure, la traditionnelle bouteille de champagne avait rebondi sans se briser sur la coque.

La dramatique histoire des sous-marins nucléaires soviétiques