Les Verts Européens - Alliance Libre Européenne 27/06/02

Nucléaire : Quelle est la vraie position de la Commission?

Très attachés à la méthode communautaire, les Verts/ALE viennent d'adresser une lettre au Président de la Commission européenne, Romano Prodi, afin qu'il tire au clair les déclarations contradictoires entre Madame Loyola de Palacio et Madame Wahlström sur l'avenir du nucléaire dans l'UE.

Pour Madame de Palacio, suite au Conseil énergie informel à Pamplone, il faut soutenir l'utilisation de l'énergie nucléaire afin de remplir les obligations du protocole de Kyoto, alors que pour Madame Wallstrom, accroître la part de l'énergie nucléaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial n'est pas une solution viable. Pour cette dernière, le nucléaire n'est pas une énergie soutenable étant donné les très sérieux problèmes de déchets nucléaires et les coûts de cette énergie, en particulier pour les pays en voie de développement. Ceci était d'ailleurs aussi la position officielle de l'Union européenne dans les négociations de Kyoto.

Pour les Verts/ALE, le citoyen européen ne comprendrait pas que la Commission abuse de sa position pour relancer l'énergie nucléaire, sujet très controversé à un moment où la majorité des Etats membres de l'UE se prononcent contre le nucléaire.

Les Verts/ALE espèrent, à la veille du Sommet de Johannesburg, une position claire de Romano Prodi, au nom de la Commission européenne.

Voici le texte de la lettre à Monsieur Prodi

Monsieur le Président de la Commission européenne Romano PRODI Commission européenne Rue de la Loi 200 B-1047 Bruxelles

Bruxelles, le 21 juin 2002

Objet : Positions contradictoires de deux Commissaires sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto avec ou sans énergie nucléaire

Monsieur le Président, Selon les déclarations faites par Madame Loyola de Palacio, Commissaire de l´énergie et des transports, après la réunion de l´UE sur l´énergie à Pamplone, en faveur de l´utilisation du nucléaire pour remplir les obligations du Protocole de Kyoto, force est de constater qu´il existe une contradiction par rapport aux prises de positions de Madame Margot Wallström, Commissaire de l´environnement, en charge du dossier Kyoto au sein de la Commission, contradiction nous vous prions de bien vouloir contribuer à éclaircir. En fait, dans la dernière d´une série de déclarations, Madame de Palacio estime que l´UE commettrait une grande erreur que de renoncer au nucléaire; à son avis, il va falloir choisir : ou bien remplir le Protocole Kyoto (à l´aide de l´énergie nucléaire) ou bien abandonner Kyoto et abolir le nucléaire. Elle estime donc que nous ne pouvons pas nous passer de l´énergie nucléaire si nous voulons remplir le compromis sur la réduction des gaz à effet de serre. Par contre, pour Madame Wallström, accroître la part de l´énergie nucléaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial n´est pas une solution viable, car le nucléaire n´est pas une énergie soutenable; les raisons en sont notamment les gigantesques problèmes de déchets nucléaires, à part les coûtstrès chers de cette énergie que certains états-membres seraient en mesure de payer, mais pas les pays en voie de développement.D´ailleurs, les états-membres avaient déjà rejeté le rôle du nucléaire dans les négociations internationales sur la protection du climat (négociations COP6 en 2001) où on est parvenu à un accord d´exclure expressément le nucléaire des mécanismes CDM et JI. Permettez-nous de vous rappeler aussi le Livre Vert de la Commission sur la sécurité de l´approvisionnement en énergie, publié en octobre 2000, qui, pour sa part, déclare clairement que la politique actuelle de sortie du nucléaire n´affectera pas la capacité de l´Union européenne de faire face à ses objectifs pour Kyoto à partir de 2012. Est-ce que face à ces prises de position du Livre Vert, la Commission maintient-elle sa position? Ou bien est-ce que la Commission se range plutôt du côté de Madame de Palacio? Permettez-nous aussi de vous rappeler que l´insistance de Madame De Palacio sur sa position personnelle en faveur d´une relance du nucléaire en Europe est mal perçue par les citoyens européens, du moins dans les pays qui n´ont jamais eu du nucléaire ou qui ont décidé d´en sortir. Ceci risque, d´ailleurs, de mettre en péril une attitude favorable des citoyens euro-péens en faveur d´un rôle accru de la Commission européenne dans l´architecture de l´UE, rôle que nous soutenons également. En attendant, à la veille du Sommet de Johannesburg, une position claire de votre part au nom de la Commission, sur une question d´une telle envergure, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l´expression de notre plus haute considération.

Monica Frassoni et Daniel Cohn-Bendit , Co-Présidents du Groupe Claude Turmes , Vice-Président du Groupe



Le Monde du19/03/02

Le lobby nucléaire soupçonné d'entrisme à la Commission

Bruxelles de notre bureau européen

Lorsque Margot Wallström, commissaire à l'environnement, a appris la nouvelle, elle a piqué une colère noire : le jour où les Quinze décidaient de ratifier le protocole de Kyoto, son ancien directeur général chargé de l'environnement, James Currie, rejoignait le lobby nucléaire. Depuis le début du mois de mars, ce haut fonctionnaire britannique est "directeur non exécutif" à la British Nuclear Fuels (BNFL), l'entreprise publique anglaise qui gère l'usine de retraitement nucléaire de Sellafield. Cette fonction est rémunérée 20 000 livres par an (28 350 euros).

Mme Wallström, questionnée par des eurodéputés Verts sur la nature des missions exercées par M. Currie, a répondu le 12 mars qu'il ne l'avait "pas contactée à l'avance pour l'informer de ce nouvel emploi". Eric Mamer, porte-parole du commissaire Neil Kinnock, en charge de la réforme administrative, a déclaré au Monde, lundi 18 mars, que cette fonction "présente pourtant un risque de conflit d'intérêts" : M. Currie travaille pour une industrie qu'il avait la mission de réguler ; il devait par exemple établir les normes de protection des travailleurs contre les radiations. M. Mamer affirme que "M. Currie aurait dû prendre contact avec la Commission avant d'accepter un tel poste".

M. Currie est parti de la Commission avec un "article 50", formule de licenciement réservée aux hauts fonctionnaires, qui permet de toucher pendant trois mois son salaire (environ 14 000 euros) et, par la suite, une indemnité dégressive (de 85 % à 60 %), susceptible d'être diminuée par la Commission, en fonction des nouvelles occupations exercées.

Monica Frassoni, coprésidente du groupe des Verts du Parlement européen, estime que "le geste de M. Currie confirme les soupçons que les élus écologistes nourrissaient sur ses liens avec les lobbies industriels". A Greenpeace, on estime que "M. Currie a jeté le masque" : en janvier 2001, l'ONG avait vivement dénoncé deux restructurations dans les services chargés respectivement de la politique des déchets et de la protection de la nature : elles avaient eu pour conséquence de mettre à l'écart deux fonctionnaires extrêmement pugnaces.

R. Rs