Mensonges d'Etat sur le nuage de
Tchernobyl en France:

 

Nuage de Tchernobyl : expertise ordonnée dans 13 villages corses

04/01/06 - Une expertise judiciaire est en cours depuis avril 2005 dans 13 villages corses où les pluies ont été les plus fortes au moment du passage du nuage de Tchernobyl en 1986, à la suite de plaintes de malades de la thyroïde, a-t-on appris mercredi de sources proches du dossier.
Cette ordonnance d'expertise fait suite à une trentaine de plaintes de personnes résidant en Corse qui souffrent d'une pathologie thyroïdienne ayant entraîné au moins trois mois d'incapacité totale de travail, selon l'une de ces sources.
L'expertise a été confiée en avril à deux médecins par la juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy chargée depuis juillet 2001 de l'enquête française sur le passage du nuage et saisie à ce jour de quelque 400 plaintes.
Les villages visés par cette expertise judiciaire sont Ventiseri, Serra-di-Fiumorbo, Quenza, Solaro, Sari-Solenzara, Prunelli-di-Fiumorbo, Conca, Chisa, Ghisonaccia, Lecci, Zonza, San-Gavino-di-Fiumorbo, Isolaccio-di-Fiumorbo.
Les experts devront se concentrer plus particulièrement sur les enfants de moins de 15 ans ou in-utero sur une période allant de fin avril 1986 -l'accident de la centrale ukrainienne s'est produit le 26 avril- jusqu'à la fin 1986 pour établir une augmentation éventuelle des maladies de la thyroïde par rapport au reste de la population.
Cette nouvelle expertise est liée à un rapport notifié en décembre aux parties civiles qui soulignait que des mesures radioactives ont été "occultées" aux pouvoirs publics par le Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI) surtout au détriment des "foetus et des enfants en bas âge".
Ainsi selon ce rapport, la publication de "valeurs moyennes" par département a "masqué" la réalité d'une contamination très localisée à des zones qualifiées de "tâches de léopard". Ces régions étaient plus particulièrement exposées en raison de la pluviosité à l'époque de l'accident nucléaire et de leur altitude, ce qui est le cas pour les villages corses concernés par l'expertise.



Voir: "Tchernobyl, autopsie d'un nuage", un documentaire de 50mn en Realvideo 33Kb.

Lire:
-
Tchernobyl : effets sur la santé (en France)
- Opération pour blanchir définitivement le Professeur Pellerin et sa "gestion" post-Tchernobyl en 1986.

 



CRIIRAD
471 avenue Victor HUGO 26000 VALENCE
 
Renseignements
Roland Desbordes 04 75 05 32 59
CRIIRAD 04 75 41 82 50
Communiqué CRIIRAD
jeudi 15 décembre 2005

TCHERNOBYL Plainte contre X
 
Les conclusions de l'expertise confirment
les accusations portées par la CRIIRAD

Le 1er mars 2001, une plainte contre X était déposée par la CRIIRAD, l'AFMT et 200 plaignants individuels présentant une pathologie de la thyroïde susceptible d'être imputée à leur exposition aux retombées radioactives de Tchernobyl. La plainte est instruite par Mme Marie-Odile Bertella-Geffroy qui a confié aux professeurs Genty et Mouthon une mission d'expertise destinée à : 1/ recenser les résultats d'analyse disponibles lors du passage du nuage radioactif de Tchernobyl, 2/ déterminer comment ces résultats ont été restitués aux autorités décisionnaires et au public et 3/ évaluer les conséquences prévisibles de la contamination.

Mercredi 14 décembre 2005, la CRIIRAD a reçu, par l'intermédiaire de son avocat, maître Thierry BILLET, la notification des conclusions des experts. En complément du rapport d'étape du 16 février 2005, a été versé au dossier un rapport complémentaire, en date du 9 novembre 2005 qui traite notamment de la contamination des sols français par les retombées de Tchernobyl, paramètre clef qui détermine le niveau de contamination des cultures et des produits animaliers (lait, viande).

La CRIIRAD va étudier ce rapport avec attention et remettra ses observations et ses éventuelles demandes d'expertise complémentaire avant le 9 mars 2006 conformément au délai fixé par Madame la Juge d'instruction

Il apparaît d'ores et déjà que les conclusions générales rédigées par les experts confirment largement les accusations portées par la CRIIRAD sur la base des éléments de preuve établies par son laboratoire.

Rappelons en effet que la CRIIRAD a constitué sur cette question un dossier accablant [1] pour les services de l'État (SCPRI). Il démontre notamment la sous-évaluation considérable (de 2 à 3 ordres de grandeur dans toute la moitié Est de la France !) de la quantité de radioactivité retombée sur les sols et susceptible d'intégrer la chaîne alimentaire. On notera en particulier, pendant toute la période de crise, l'occultation de l'incidence de la pluie que les responsables du SCPRI savaient pourtant déterminante (ainsi que l'attestent leurs travaux ­ antérieurs à 1986 ­ sur les retombées des essais nucléaires atmosphériques)

La CRIIRAD va étudier le rapport avec d'autant plus d'attention que les publications relatives à la contamination des sols français continuent d'être censurées par les successeurs du SCPRI (par la DGSNR / ASN notamment) et de faire l'objet d'une intense désinformation (cf. les publications parues sous l'égide de l'Académie de Médecine et de l'Académie des Sciences).

La CRIIRAD rendra publique l'analyse qu'elle transmettra à la Justice.


[1] Cf. Atlas de contamination des sols, éditions Yves Michel, 2002 et site Internet www.criirad.org.

 


Expertise sur le nuage de Tchernobyl: un "mensonge d'état"

15/12/2005 - L'expertise qui vient d'être rendue à la justice montrant que des mesures radioactives ont été "occultées" par les autorités de contrôle lors du passage du nuage de Tchernobyl en 1986 au dessus de la France confirme qu'il y eu "un véritable mensonge d'état", ont estimé jeudi des associations anti-nucléaires.
Un rapport d'expertise vient d'être rendu à la juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy, chargée de cette information judiciaire depuis juillet 2001, indiquant que le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) a eu connaissance de données précises concernant la contamination radioactive de la France peu après le passage du nuage. Or, le SCPRI, dirigé par le Pr Pierre Pellerin, a restitué ces informations aux autorités et au public de façon incomplète et imprécise, selon les experts.
Selon le Réseau Sortir du nucléaire, qui revendique la participation de quelque 720 associations, "il ne faut pas se focaliser sur le seul Pr Pellerin, bien que sa responsabilité soit accablante". "C'est un véritable mensonge d'Etat qui a été mis en oeuvre dans le but de protéger l'image du nucléaire français, dont la plupart des centrales venaient à peine d'être mises en service", ajoute le réseau associatif dans un communiqué.
"Comme dans les pays voisins de la France, il aurait fallu appeler à ne pas consommer de légumes frais et de produits laitiers, qui captent le plus la radioactivité, à ne pas laisser les enfants jouer dans les bacs à sable, etc.", relève Sortir du nucléaire
"Au lieu de cela, les autorités françaises ont délibérément menti", selon ces associations, qui estiment qu'"aujourd'hui encore, le nucléaire français ne fonctionne que dans l'opacité".


 

Nuage Tchernobyl : des mesures radioactives ont été "occultées"

14/12/2005  - Un rapport d'expertise rendu à la juge chargée de l'enquête française sur le passage du nuage de Tchernobyl en 1986 au dessus de la France a souligné que des mesures radioactives ont été "occultées" par les autorités de contrôle, a-t-on appris mercredi de sources proches du dossier.
Ce rapport définitif des experts Paul Genty et Gilbert Mouthon a été notifié en fin de semaine dernière aux parties par la juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy, en charge de cette information judiciaire depuis juillet 2001.
Selon ce rapport, le Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI) a eu connaissance de données précises concernant la contamination radioactive de la France peu après le passage du nuage.
Or le SCPRI a restitué ces informations aux autorités et au public de façon incomplète et imprécise, selon les experts.
Selon une source proche du dossier, si les autorités avaient eu connaissance des informations recueillies par le SCPRI, elles auraient pu ordonner de façon ciblée des mesures pour la protection des populations.
Ces mesures auraient fait défaut notamment aux foetus et enfants en bas âge particulièrement exposés, toujours selon le rapport d'expertise cité par une source proche du dossier.


 

Le Figaro, 13 mai 2005:

Tchernobyl en France : de nouvelles pièces accablantes
Les révélations d'un reportage

France 2 a diffusé hier soir un reportage dans l'émission «Envoyé spécial» qui verse de nouvelles pièces accablantes au dossier de la gestion de la catastrophe de Tchernobyl par les autorités françaises, en 1986.

Il est aujourd'hui bien établi (1) que dans les jours qui ont suivi l'explosion du réacteur ukrainien, le 26 avril 1986, le SCPRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants), dirigé par le Pr Pierre Pellerin, n'a pas rendu publiques toutes les mesures de radioactivité dont il disposait. Le film de Laurence Jourdan et Jean-Charles Chatard va plus loin, documents à l'appui, dans la reconstitution du mensonge par omission auquel ont participé plusieurs services de l'Etat.

Premier exemple : le 7 mai 1986, un courrier de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) adressé à un responsable de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) indique que «des restrictions quant à la consommation immédiate de ce lait peuvent donc demeurer justifiées». La veille, le ministère de l'Agriculture (le ministre est François Guillaume), dans un communiqué, a affirmé que «le territoire est totalement épargné par les retombées des radionucléides». C'est surtout la note du 16 mai émanant du ministère de l'Intérieur (le ministre de l'époque est Charles Pasqua), révélée par les deux journalistes, qui témoigne clairement de la volonté de retenir l'information : «Nous avons des chiffres qui ne peuvent pas être diffusés. (...) Accord entre SCPRI et IPSN pour ne pas sortir de chiffres.»

Le silence organisé sur les mesures gênantes de radioactivité se poursuit pendant plusieurs semaines : en Corse, l'une des régions les plus touchées par les particules radioactives du «nuage», un médecin inquiet, le Dr Fauconnier, envoie au SCPRI des prélèvements de lait de brebis pour analyse. Le 8 juillet 1986, le Pr Pellerin demande au service local chargé de répondre au Dr Fauconnier de communiquer au médecin corse «les résultats des analyses de son lait de brebis des 26 et 27 mai, mais pas les autres». Le Dr Fauconnier les obtiendra quatre mois plus tard. Les auteurs du reportage affirment qu'à l'époque, le SCPRI a constaté que la radioactivité de certains échantillons de lait de brebis en Corse était neuf fois supérieure aux normes européennes de consommation. Dans le Var, le CEA a constaté des valeurs quatre fois supérieures aux normes.

Ces nouveaux éléments ainsi que certains témoignages inédits, d'anciens de l'IPSN et du CEA, ne feront pas progresser la démonstration d'un lien éventuel entre la contamination radioactive due à Tchernobyl et les cancers de la thyroïde. En l'absence de véritables études épidémiologiques, ce lien est quasiment impossible à établir scientifiquement. En revanche, les révélations du film intéressent forcément les quelque 500 malades qui ont porté plainte contre X en 2000. Et si ces pièces ne figurent pas déjà au dossier d'instruction, elles ne devraient pas laisser indifférent le juge Marie-Odile Bertella Geffroy, en charge du dossier.
(1) Voir notamment nos éditions du 26 avril 2005.

Fabrice Nodé-Langlois

 

Tchernobyl: le conseil général de Haute-Corse demande un suivi médical

BASTIA, 12 mai 2005 - Le conseil général PRG de Haute-Corse a réclamé jeudi un suivi médical des populations exposées au nuage de Tchernobyl en 1986, après avoir entendu un exposé sur la manière dont l'Etat aurait volontairement sous-évalué les taux de contamination en France, en Corse en particulier.

Cet exposé avait été fait par Roland Desbordes, président de la CRIIRAD, laboratoire privé créé après l'accident de la centrale ukrainienne du 26 avril M. Desbordes a notamment assuré que, "notamment en Corse, les retombées du nuage n'ont pas été prises en compte" et qu'en France, "des scientifiques ont été censurés" par un "gouvernement qui a menti".

Il a également déploré qu'aucune collectivité territoriale ne se soit portée partie civile pour "soutenir les populations qui ont porté plainte". "Aujourd'hui, les contaminations sont établies", estime le conseil général dans une délibération votée jeudi après cet exposé, et "on ne peut que conclure à un mensonge délibéré de ceux qui avaient mission de collecter les information" et de "protéger" les populations.

Ce texte "réclame avec vigueur" notamment "un suivi médical des populations les plus exposées" et "un registre des cancers" de la thyroïde dans le département. S'agissant d'éventuelles constitutions de parties civiles de collectivités locales, le président du conseil général, le député PRG Paul Giacobbi, a expliqué, qu'après avoir consulté des juristes, il lui paraissait difficile de le faire car le conseil général n'est pas, en tant que personne morale, victime d'un préjudice directement lié à Tchernobyl.

"Le conseil général décide d'explorer de nouveau les possibilités de conduire une action en justice", conclut toutefois le texte de la délibération. Une expertise remise récemment à la juge parisienne en charge de l'information judiciaire ouverte en juillet 2001 pour "violences involontaires", Marie-Odile Bertella-Geffroy, établit que le Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI) avait eu à l'époque connaissance de valeurs de radioactivité parfois très élevées, mais avait fourni des cartes de relevés inexactes.

Plus de 400 personnes, dont une centaine en Corse, ont porté plainte contre ce "mensonge d'Etat" selon la CRIIRAD, partie civile, et leurs associations de défense.


L'Association des Malades de la Thyroïde
Adresse postale : BP1 82700 BOURRET
Tél : 05 63 27 50 80 - Email : asso.thyroide@worldonline.fr

 

Le Monde, 26/04/2005 : 

Un endocrinologue corse : "7 patients sur 10 consultent pour des thyroïdites"

Bastia de notre correspondant

Le docteur Denis Fauconnier a eu "la puce à l'oreille" grâce à ses patients. Début mai 1986, ce médecin exerçant dans un petit village de Balagne, au nord-ouest de la Corse, a reçu la visite de clients qui rentraient d'un séjour sur l'île toscane d'Elbe, toute proche. En guise de souvenir de vacances, ceux-ci lui ont présenté une coupure de presse parue dans un journal local. L'article révélait qu'à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, survenue dix jours plus tôt, le personnel d'une base de l'armée américaine située près de Pise, en Italie, avait été consigné dans ses quartiers.

"J'avais déjà entendu à la radio qu'une augmentation de la radioactivité avait été constatée aux environs de la Principauté de Monaco, se souvient M. Fauconnier. Lorsque mes patients ont ajouté qu'ils n'avaient pu trouver un seul légume frais sur l'île d'Elbe, j'ai compris que des mesures de protection avaient été prises parce que l'Italie était touchée par le nuage radioactif." Avant d'en déduire que si Monaco et l'Italie avaient été atteints, la Corse, voisine, l'avait été certainement.

Le nuage radioactif a plané une semaine au-dessus du relief à partir du 3 mai 1986. Des documents saisis par la justice, il ressort que le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) avait relevé, sur des échantillons de lait de brebis en Corse, des taux de radioactivité de 4 500 à 5 000 becquerels par litre, soit dix fois supérieur à la limite fixée, le 7 mai, par le ministère de la santé.

"AUCUN DANGER, AUCUN RETRAIT"
Les autorités sanitaires françaises, toutefois, ne se sont pas alarmées. En juillet 1986, alors que des analyses menées sur du foin attestaient une contamination importante, une conseillère technique du ministère de la santé assurait qu'il n'y avait "pas de protection à prendre dans le domaine sanitaire" en Corse. "Aucun danger, donc aucun retrait de consommation" pour les produits frais, assurait toujours la direction des services vétérinaires cinq ans plus tard. Entre-temps, l'île avait déjà cessé de compter ses malades de la thyroïde.

Officiellement, l'augmentation de ces pathologies, fréquemment observées en cas d'exposition à une forte radioactivité, est due à de meilleures méthodes de dépistage. "Dans ce cas, pourquoi mes confrères du continent affirment-ils voir rarement de tels cas alors que dans mon cabinet, 7 patients sur 10 consultent pour des thyroïdites ?", se demande Laurence Gabrielli, endocrinologue à Bastia. Un constat empirique que confirme l'étude réalisée par un médecin insulaire, de 1997 à 2002 : avec 36 à 60 cancers de la thyroïde par an, la Corse connaîtrait une incidence de 13,8 à 23 cas pour 100 000 habitants, contre 4,5 cas en moyenne sur le continent.

Pour le docteur Gabrielli, "les chiffres importent peu" au regard de la cartographie de la radioactivité résiduelle, très révélatrice, selon elle. "J'appelle cela le triangle d'or, explique le médecin. Une zone située au sud de Bastia où les endroits les plus fortement contaminés sont également ceux où habitent mes patients atteints de pathologies thyroïdiennes."

L'étude épidémiologique prévue depuis 1986 n'a toujours pas vu le jour. "Lors de la mise en place, très tardive, de la Conférence régionale de la santé en 1996, nous avons demandé que cette enquête soit enfin menée, s'emporte Michèle Salotti, de l'association de défense de l'environnement U Levante. Puis nous avons réitéré cette demande les années suivantes. Sans jamais obtenir de réponse."

Antoine Albertini

 



L'Est Républicain, 26/04/2005 : 
Tchernobyl : retombées persistantes



L'Alsace, 26/04/2005 : 

Tchernobyl - «La catastrophe, c'est aujourd'hui»

«Une énorme truanderie scientifique». Ou encore: «La France, pays du mensonge triomphant». André Paris n'a pas l'habitude de mâcher ses mots. Cet homme en colère est le conseiller scientifique de l'Association française des malades de la thyroïde, qui impute l'augmentation de ces cancers à la radioactivité issue de la centrale de Tchernobyl. L'accident a exactement dix-neuf ans ce mardi 26 avril. Mais «la catastrophe, c'est aujourd'hui, c'est un arbre qui pousse», accuse l'association alsacienne Les Enfants de Tchernobyl, alors que le très autoritaire régime au pouvoir au Bélarus et certains organismes scientifiques français font tout pour accréditer l'idée du «Circulez, il n'y a rien à voir».

Mensonge d'Etat
Un langage déjà en vogue en 1986, quand le professeur Pierre Pellerin, alors directeur du Service central de protection contre les rayonnements ionisants (l'ex-SCPRI), prétendait qu'il n'y avait en France «aucune élévation significative de la radioactivité» et donc «aucune raison de mettre en oeuvre des mesures sanitaires spéciales». Mensonge d'Etat, dénoncent Les Enfants deTchernobyl et André Paris. Ils l'ont redit hier à Mulhouse, lors d'une conférence de presse. Aujourd'hui encore, plusieurs millions d'Ukrainiens et de Bélarusses habitent sur des territoires touchés par le nuage de Tchernobyl. «On a trouvé des contaminations gigantesques», indique Thierry Meyer, président de l'association humanitaire. Les mesures de radioactivité réalisées par une délégation alsacienne de l'association, l'an dernier, ont en effet indiqué des valeurs de plus d'un million de becquerels par mètre carré (Bq/m") de césium 137 sur des aires de jeux et jusqu'à 11 millions dans des bois riches en baies et champignons normalement interdits à la cueillette.

Des contaminations «gigantesques»
Dans un numéro hors série de leur revue Le Dniepr (du nom du fleuve qui traverse le Bélarus et l'Ukraine), consacré aux villages contaminés, Les Enfants de Tchernobyl évoquent les mesures de radioprotection qu'il faudrait mettre en oeuvre dans ces régions sinistrées. Mais c'est pour déplorer aussitôt que dans ces zones rurales, les conditions de vie ne permettent pas d'y avoir recours. «On a le choix entre mourir de la radioactivité et mourir de faim. Que voulez-vous qu'on fasse?», témoignent des habitants rencontrés par les Alsaciens. Ceux-ci les aident comme ils peuvent. Ils ont ainsi, depuis quelques années, permis à plusieurs milliers d'entre eux de bénéficier de cures de pectine. Pris dans un piège, beaucoup disent leur absence d'espoir en l'avenir. «Cette fois-ci, soulignent Thierry Meyer et les membres de la délégation, revenus choqués, nous nous sommes donné les moyens de déterminer les niveaux de contamination et de le faire savoir». Parmi les destinataires du numéro spécial du Dniepr, diffusé gratuitement: le président de la République Jacques Chirac et les membres du gouvernement. Ce soir, à 17h, un rassemblement «statique et silencieux» a lieu place de la Réunion à Mulhouse.

Lucien Naegelen


 

Le Figaro, 26/04/2005 : 

Tchernobyl : les leçons d'un cafouillage français

Catastrophe Dix-neuf ans après l'accident, le responsable suisse de la radioprotection à l'époque estime que la crise a été mal gérée en France

Dix-neuf ans après l'accident de la centrale de Tchernobyl (Ukraine), la polémique sur la gestion de cette catastrophe par les pouvoirs publics français reste toujours aussi vive. Une situation unique en Europe. Selon le dernier Baromètre IRSN (1), les Français font de moins en moins confiance aux autorités pour leur dire la vérité sur les conséquences des retombées de Tchernobyl : ils sont passés de 49% en 1999 à 32% en 2004.

Une association de malades de la thyroïde et la Criirad, un laboratoire indépendant, ont porté plainte contre X en 2001 pour empoisonnement. L'association accuse les pouvoirs publics de ne pas avoir pris les mesures adéquates pour protéger la santé des populations. Elle a demandé récemment la mise en examen du Pr Pellerin qui dirigeait à l'époque le SCPRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants). C'est lui qui avait à l'époque entre ses mains le pouvoir d'autorité, d'expertise et de communication sur tout ce qui concernait la radioprotection en France.

Agé aujourd'hui de 82 ans, il a toujours refusé de répondre aux questions des journalistes. Il a le sentiment d'être victime d'un complot. Il assure n'avoir jamais dit que le nuage s'était arrêté à la frontière et gagne tous les procès contre ceux qui lui attribuent publiquement ces propos. À défaut de pouvoir revenir avec lui sur sa gestion de la crise, nous avons recueilli le témoignage de Serge Prêtre qui, en Suisse, était responsable de la radioprotection dans les centrales nucléaires. Un témoignage sans concessions.

LE FIGARO. - Au moment de l'accident de Tchernobyl vous étiez responsable de la sûreté nucléaire suisse. Comment avez-vous vécu cet événement ?

Serge PRÊTRE. - L'explosion du bloc 4 de la centrale de Tchernobyl a eu lieu dans la nuit du vendredi 25 au samedi 26. Ce n'est que lundi soir que les médias annoncent une augmentation anormale de la radioactivité en Suède et en Finlande. Certaines agences de presse avancent qu'il pourrait s'agir d'un accident nucléaire grave en Ukraine. À ce moment-là, c'est encore un fait divers très peu remarqué. Mardi 29, alors que je suis en réunion à Berne, un journaliste de la Radio Suisse Romande veut absolument me parler. Il est très excité et souhaite ma présence au studio pour le bulletin d'informations de 12 h 30. Je lui demande de rassembler un maximum d'informations et me pointe au studio. Je dis alors que si on a pu mesurer la radioactivité de l'air en Suède et en Finlande, à une distance de 1 000 km du lieu présumé de l'accident, c'est que l'accident doit être grave. Je précise aussi que, même si les conséquences radiologiques sont sévères pour les populations locales et régionales, elles ne peuvent être alarmantes à une distance de l'ordre de 1 600 km. Au journal télévisé du soir, on se demande si le nuage radioactif touchera la Suisse ou pas. Le lendemain mercredi 30, dans toute l'Europe centrale, les appareils de surveillance de la radioactivité commencent à réagir. Le jeudi 1er mai, les premières masses d'air contaminé sont présentes un peu partout en Europe. Le coeur du réacteur endommagé était à ciel ouvert et son graphite a brûlé pendant dix jours. Les rejets massifs de substances radioactives ont donc duré jusqu'au 5 mai. Pendant ce temps, la situation météorologique changea plusieurs fois et les masses d'air contaminées se sont donc promenées sur toute l'Europe en n'épargnant que l'Espagne, le Portugal et l'Islande.

Quelles ont été les réactions en Europe ?
L'événement a fait la une des journaux allemands, autrichiens et suisses en particulier, mais on a l'impression que les médias français l'ont sous-estimé. À l'inverse, dans certaines régions alémaniques, les réactions ont été tellement fortes qu'on a pu parler d'hystérie.

Quelles mesures de protection ont été prises ?
En Suisse, nous avons estimé que la situation n'était pas suffisamment dangereuse pour édicter des interdictions et n'avons donné que des recommandations. Au nord de Bâle, là où les trois pays (France, Allemagne et Suisse) se touchent, on a assisté à des situations tellement différentes que, rétrospectivement, ça a un côté tragi-comique. Le meilleur exemple est celui des épinards frais. En Allemagne, les autorités du Bade-Wurtemberg ont exigé la destruction des champs d'épinard par labour. En Suisse, nous avons recommandé de bien laver les épinards frais. Du coup, plus personne en Suisse ne consomma d'épinards frais. En France, la Préfecture du Haut-Rhin ignorait le problème, et les médias aussi. Donc il n'y avait pas de problème.

Vous avez vu de près la façon dont ça se passait en France en participant à l'émission télévisée de Michel Polac «Droit de réponse» le samedi 31 mai 1986. Qu'en avez-vous retenu ?
Les médias français ont découvert que le nuage radioactif était passé sur la France vers la mi-mai. Pas avant. Le nuage de Tchernobyl était donc devenu le thème de l'émission de Polac. Quelques jours avant, il me téléphone pour m'inviter à son émission. Il me demande de décrire ce que nous avons fait en Suisse, mais je me doutais bien que la question principale de Polac serait : «Pourquoi est-ce qu'en France on n'a rien entrepris ?» Pour me préparer, je me mis à rassembler les données radiologiques : degré de contamination de l'air pendant le passage du nuage, débit de dose de radiations ionisantes mesuré à 1 mètre sur sol et degré de contamination du sol en césium 137. Je voulais comparer nos mesures en Suisse avec celles enregistrées en Allemagne, en Autriche, en Suède, etc. Mais je me suis aperçu alors que du côté de la France, il y avait un black-out de l'information.

Qu'entendez-vous par là ?
J'avais obtenu quelques données auprès d'une collègue de l'IPSN (Institut de protection et de sûreté nucléaire) mais ça ne me suffisait pas pour me faire une idée sur la situation en France. Le SCPRI était la plaque tournante de l'information radiologique en France. Il disposait de sondes réparties autour de toutes les centrales nucléaires et analysait quotidiennement les salades et autres produits maraîchers provenant de ces zones. Mais le SCPRI était avare de communication. Ses communiqués de presse étaient laconiques, tranquillisants et donnaient des valeurs moyennes sans aucune indication géographique. Pour le SCPRI, toutes les valeurs de mesure inférieures à un seuil placé étonnamment haut, étaient qualifiées de «non significatives». L'information donnée par le SCPRI était donc inexploitable.

Comment avez-vous réagi en découvrant cette situation ?
Pour un scientifique qui cherche des informations, c'est frustrant de savoir qu'elles existent, mais qu'on n'y a pas accès. Ça m'a choqué et irrité. J'ai essayé plusieurs fois de téléphoner au SCPRI, mais je n'ai obtenu que des réponses évasives et M. Pellerin n'était pas joignable. Tout se passait comme si, par décision de principe, les informations sur la radioactivité ambiante ne seraient divulguées que sous forme interprétée. Ceci dit, le jugement scientifique du Pr Pellerin était correct et fut confirmé par la suite. La dose due au passage du fameux nuage fut nettement inférieure à la dose annuelle due au radon (naturel) dans les habitations ou à la dose due à une radiographie du thorax. Peut-être que le Pr Pellerin a pris consciemment le risque de faire une rétention d'information pour ne pas alarmer l'opinion publique française et éviter les réactions hystériques comme celles qui se sont développées en Allemagne. Dans un premier temps, la stratégie a réussi. À long terme, par contre, le boomerang n'en finit pas de revenir.

Avant l'émission de Polac, vous deviez être bien embarrassé de ne trouver aucune donnée. Comment avez-vous fait alors ?
J'étais effectivement très soucieux, mais j'ai eu un coup de chance. En feuilletant des revues dans un kiosque à Paris, je tombe sur le dernier numéro de Science et Vie qui venait de paraître. Il y avait là les données provenant des centres de recherche du CEA (Commissariat à l'énergie atomique). C'était suffisant pour m'en sortir. Dans l'ensemble, la contamination en France était environ 3 à 10 fois moins sérieuse qu'en Suisse.

On sait aujourd'hui que les dépôts radioactifs ont varié en fonction des pluies. On peut donc se demander si l'absence de toute recommandation comme cela a été fait en France n'a pas été une erreur.
Même si les masses d'air étaient uniformément contaminées, c'est vrai qu'on observait des «points chauds», c'est-à-dire des petites régions jusqu'à cinq fois plus radioactives que la contamination moyenne aux alentours. Si on voulait savoir où les légumes frais et le lait étaient fortement contaminés, il fallait demander aux météorologues où il avait intensément plu entre le 1er mai et le 8 mai. En France, il y a eu des points chauds locaux en Alsace-Lorraine, Rhône-Alpes et Corse. Cela montre bien que prendre ou ne pas prendre des contre-mesures uniquement sur la base des valeurs moyennes de contamination et de débit de dose est une procédure insatisfaisante, car elle ne protège pas de façon optimale des populations locales plus fortement touchées. En Suisse, le point le plus «chaud» fut la région de Lugano qui fut arrosée de pluies diluviennes lors du passage du second nuage, le 3 mai. La contamination du lac conduisit à une lente montée de la teneur en césium 137 dans le poisson. En septembre, il a fallu interdire de pêcher dans le lac du Lugano. Ce fut la seule interdiction édictée. Elle est restée en vigueur pendant deux ans. Notons en passant, qu'on pouvait librement pêcher dans la partie italienne du lac !

Dans votre analyse de la situation française, vous vous montrez critique vis-à-vis de la presse.
Les médias français se sont réveillés très tard. Ils ont cherché un coupable : le Pr Pellerin. C'est alors qu'on a prétendu qu'il aurait dit que le nuage de Tchernobyl s'était arrêté à la frontière française. C'est un mauvais argument. La question reste néanmoins posée : pourquoi l'ensemble des journalistes français se sont-ils laissé museler par la rétention d'information du SCPRI ? Il aurait été facile de se procurer un compteur Geiger-Müller, de cueillir quelques salades, d'apporter le tout sur le plateau télévisé et de faire crépiter le compteur Geiger-Müller. Je vous assure qu'une action de ce genre aurait débloqué les données disponibles au SCPRI.

(1) Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (nos éditions du 22avril 2005).

Yves Miserey

 

 

Le Figaro, 26/04/2005 : 

Depuis trois ans, le groupe Aurengo piétine

Les cartes des retombées au coeur de la polémique

En février 2002, le gouvernement Jospin a créé un groupe de travail afin de dresser une nouvelle cartographie de la contamination du territoire français par les retombées de Tchernobyl.
La mission de ce groupe dirigé par André Aurengo, médecin spécialiste de la thyroïde, a été confirmée par le gouvernement Raffarin en août 2002. Le groupe devait remettre sa copie sous six mois. Trois ans plus tard, on attend encore.
La polémique sur les cartes n'est pas nouvelle. Celles dressées en 1986 par le SCPRI avaient déjà fait l'objet de critiques. Mais c'est la carte de France figurant dans l'atlas européen de 1998 qui a ravivé le conflit. D'abord parce qu'elle minimise les dépôts dans les régions les plus touchées comme la Corse ou l'est de la France. Et aussi parce que l'OPRI (Office de protection contre les rayonnements ionisants), successeur du SCPRI, n'a transmis aux experts européens que 35 mesures pour tout le territoire national. Un chiffre ridiculement bas comparé à l'Italie (436 mesures), la Tchécoslovaquie (776) ou l'Autriche (1 780)...
Un autre élément, plus souterrain, a aussi attisé les conflits autour des cartes. À partir de 1997, en effet, l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (l'autre expert public placé pendant longtemps sous la férule du SCPRI et rattaché au CEA) a publié à son tour de nouvelles cartes de contamination.
Cette initiative été perçue comme une menace par les défenseurs du Pr Pellerin qui auraient préféré que la problématique de Tchernobyl soit définitivement close.
André Aurengo étant un proche du Pr Pellerin, on comprend pourquoi, en 2003, il a dénoncé avec une extrême virulence la carte de contamination publiée à l'occasion du 17e anniversaire de Tchernobyl par l'IRSN (le nouvel organisme public d'expertise né en 2002 de la fusion entre l'IPSN et l'Opri).
En effet, cette carte montre des taches de contamination sur la Corse et l'est de la France. Elle est finalement plus proche de l'atlas publié en février 2002 par la Criirad, le laboratoire indépendant qui dénonce depuis toujours la gestion du Pr Pellerin, que de l'atlas européen.
L'expertise publique sur les retombées de Tchernobyl est donc minée par de multiples conflits de pouvoir. Devenu membre du conseil scientifique de l'IRSN, André Aurengo dresse maintenant la carte de contamination avec les experts de l'organisme dont il a critiqué les compétences scientifiques il y peu...

Yves Miserey

 

 

France 3, vendredi 14 Avril 2005:
Des malades de la thyroïde demandent justice

 

Tchernobyl : associations et victimes demandent la vérité

TOULOUSE (13/04/2005) - La Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRII-Rad), l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT) et plusieurs malades atteints d'un cancer de la thyroïde ont de nouveau affiché mercredi à Toulouse leur volonté d'aller jusqu'au bout de la procédure judiciaire.

C'est dans ce sens, qu'ils vont adresser le 30 juin prochain une série de conclusions à la juge d'instruction parisienne, Marie-Odile Bertella-Geoffroy, qui enquête sur une éventuelle corrélation entre le passage d'un nuage radioactif sur la France après l'accident dans la centrale ukrainienne et une augmentation des cancers dans le pays.

Animés d'une inébranlable volonté de démontrer que ce lien existe, les différents intervenants vont notamment demander à la magistrate de procéder à la mise en examen du Pr Pierre Pellerin, en sa qualité d'ancien directeur du Service central de protection contre les radiations ionisantes (SCPRI).

Les plaignants soupçonnent ses services d'avoir dissimulé des informations au grand public. Quatre ans après avoir déposé une première plainte contre X, le 1er mars 2001, l'AFMT et plus de 300 malades, aujourd'hui rejoints par la CRII-Rad, ont ainsi annoncé leur volonté de «poursuivre la lutte contre l'énorme mensonge ainsi que l'omerta politique médicale et scientifique encore en vigueur quand on évoque cette catastrophe».

Tous reprochent au Pr Pellerin d'avoir sous évalué «de plusieurs ordres de grandeur» le niveau réel des retombées radioactives, ainsi que de «ne pas avoir respecté les recommandations destinées à limiter l'incorporation des aliments contaminés» et enfin «pour ne pas avoir pris en compte la spécificité des enfants et de leur assurer ainsi la protection à laquelle ils avaient droit».

«C'est une honte pour notre pays que de ne pas vouloir reconnaître les graves erreurs commises dès le mois suivant l'explosion du quatrième réacteur de Tchernobyl en avril 1986», a déclaré Roland Desbordes, président de la CRII-Rad. Michèle Rivasi, fondatrice de la CRII-Rad, s'est elle offusquée de l' "omerta politique", mettant en cause «la complicité des responsables politiques de l'époque, à savoir le président de la République François Mitterrand ainsi que son Premier ministre Jacques Chirac».

Outre la mise en examen du Pr Pellerin, les plaignants réclament une étude épidémiologique sur la Corse, région où l'exposition de la population aux retombées de Tchernobyl a été particulièrement élevée. «Nous avons aujourd'hui assez d'éléments pour aller en correctionnelle», a affirmé Roland Desbordes qui ne «craint pas à un étouffement de cette affaire car aujourd'hui, tout est allé trop loin». Michèle Rivasi a ajouté que les plaignants espèrent que les mises en examen seront prononcées "dès la fin de l'annie 2005".

Mme Bertella-Geoffroy est saisie depuis juillet 2001 d'une information judiciaire pour «violences volontaires» et «atteintes involontaires à l'intégrité physique». Aucune mise en examen n'est intervenue pour l'instant dans le dossier. Lors de l'ouverture de l'information judiciaire, le parquet de Paris n'a pas retenu les qualifications criminelles que sont l' "empoisonnement" ou l' "administration de substances nuisibles".



Libération, 29 mars 2005 :

Les chiffres maquillés de Tchernobyl

Radioactivité. Dix-neuf ans après, un rapport indépendant contredit les conclusions officielles.

Dix-neuf ans après l'explosion de la centrale de Tchernobyl, deux experts indépendants ont rendu la semaine dernière les conclusions préliminaires d'un rapport sur la gestion de la catastrophe par les autorités françaises. D'après eux, les autorités n'ont pas transmis tous les éléments dont elles disposaient. Et quand elles les ont transmis, elles les ont d'abord maquillés. Par exemple, le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) a eu connaissance de valeurs de radioactivité parfois très élevées après le passage du nuage radioactif sur le pays en avril et mai 1986, et les cartes de relevés qu'il a fournies étaient inexactes.

Impact. S'il est accablant, le rapport ne fait pas vraiment office de scoop, car on sait depuis longtemps que les autorités françaises ont minimisé la catastrophe et son impact pour ne pas effrayer la population d'un pays extrêmement nucléarisé. «Même si nous n'avons pas encore les conclusions finales du rapport, l'expertise démontre l'ampleur de la dissimulation, du maquillage d'informations fait par le gouvernement de l'époque afin de dissimuler à la population la dangerosité de la radioactivité et les conséquences sur la santé publique», affirme Me Ludot, avocat de certains malades de la thyroïde. Il demande dès à présent la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les victimes, estimant que la responsabilité politique est établie. «On n'attend ni un sursaut de morale, ni un aveu des politiques et de ceux qui ont géré l'après-catastrophe.»

Le rapport s'inscrit dans une instruction judiciaire entamée en mars 2001, quand l'Association française des malades de la thyroïde, 51 malades et la Commission de recherches et d'informations indépendantes sur la radio- activité (Criirad), au total près de 500 plaignants, ont déposé une plainte contre X pour défaut de protection des populations contre les retombées radioactives de l'accident. Pour ces parties civiles, les services officiels français ont menti et sous-évalué les contaminations des sols, de l'air et des aliments. En dissimulant des mesures capitales, ils ont failli à protéger la santé de la population française.

Les deux experts, Paul Genty et Gilbert Mouthon, ont épluché un à un les documents saisis en novembre 2001 dans différents ministères et organismes impliqués dans la prévention du risque nucléaire par la juge en charge du dossier, Marie-Odile Bertella-Geffroy. «Dans ces documents, il y a tout et n'importe quoi», signale Roland Desbordes, directeur de la Criirad. «En tout cas beaucoup de choses sans intérêt si l'expertise doit répondre aux questions suivantes : les services de l'Etat disposaient-ils des bonnes informations ? Et ont-ils transmis ces informations aux populations ?» A l'époque, beaucoup de mesures ont été effectuées. Par les centrales d'EDF, mais aussi par les industriels inquiets pour leurs installations.

Valeurs. Malgré tout, il existe peu de valeurs sur la contamination des sols, de la végétation et des aliments. Cette lacune est à l'origine de la naissance de la Criirad qui organise, dès 1986, un réseau de mesures radiologiques indépendant. Dès le début, elle relève des valeurs de radioactivité nettement supérieures à celles des autorités de contrôle. Et, en 2001, elle publie ses propres cartes. Aujourd'hui, l'association attend de recevoir les conclusions des experts pour se prononcer sur le fond. «Contrairement à Me Ludot qui s'agite dans tous les sens, nous ne pouvons pas faire de commentaires car nous souhaitons faire une étude critique de ce rapport que nous n'avons toujours pas reçu. Les arguments des experts doivent être inattaquables.» Aucun doute que des contre-expertises seront exigées.

Laure NOUALHAT


Libération, 29 mars 2005 :

32 morts ou des centaines de milliers ?

Une étude est en cours pour établir un véritable bilan.

Si les malades français de la thyroïde se battent si fort pour mettre en lumière la duplicité des autorités, c'est qu'ils attribuent sans hésiter un lien de causalité entre le nuage de Tchernobyl et leur maladie. Or, ce lien de causalité ne fait pas l'unanimité chez les officiels de la sûreté nucléaire. Si bien que la juge Bertella-Geffroy a demandé une étude épidémiologique en Corse, où de nombreux cas ont été recensés, pour savoir si ce phénomène est lié à Tchernobyl.

Dix-neuf ans après, le bilan officiel retenu par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) se limite, tous pays confondus, à 32 morts et 2 000 cancers, non mortels, de la thyroïde, qui ont touché principalement des enfants (estimations de 1996). Si ce n'était pas si grave, ce serait risible. Depuis dix-neuf ans, les experts s'affrontent pour établir un bilan réaliste de l'accident. Les années passant, il se situerait entre 40 000 et 560 000 morts selon les estimations. Une sacrée fourchette.

Les populations touchées par la catastrophe se classent selon les niveaux et les durées d'exposition aux radiations. Le premier groupe le plus violemment exposé fut le personnel de la centrale et les équipes de secours intervenues les premières heures suivant l'explosion. Peu ont survécu. Ensuite, les 600 000 «liquidateurs» qui se sont chargés de la construction du sarcophage et du nettoyage des zones fortement contaminées. Ceux-là ont reçu des doses variables selon la durée de leur intervention et sa proximité avec le coeur du réacteur. Quelque 15 000 seraient déjà morts et plus de 50 000 invalides. On compte également 115 000 habitants évacués de la zone des 30 kilomètres entourant la centrale, notamment les habitants de la ville de Pripiat, distante de 2 kilomètres, dont on sait peu de chose.

Ensuite, viennent les populations qui vivent dans les territoires contaminés depuis toutes ces années. Environ 4 millions de personnes ! Pour finir, il faut prendre en compte les populations des pays survolés par le nuage, dont l'Allemagne, l'Autriche, la Norvège et... la France.

Laure NOUALHAT

 

NouvelObs, 29/03/05:

Tchernobyl : demande d'indemnisation

Un avocat demande la mise en place d'un fonds d'indemnisation des victimes françaises de Tchernobyl et met en cause la responsabilité de l'Etat.

L'avocat Emmanuel Ludot a demandé dimanche 27 mars sur RTL la mise en place urgente d'un fonds d'indemnisation pour les victimes françaises de la catastrophe de Tchernobyl, estimant que la responsabilité politique était établie dans cette affaire. "Les projecteurs sont sur la responsabilité politique, elle est établie", a déclaré Me Ludot, quelques jours après la remise à la justice d'un rapport d'experts estimant que les autorités de contrôle n'avaient pas tout dit après le passage du nuage de Tchernobyl en France, en 1986.
Maquillage d'informations

Cette expertise "démontre l'ampleur de la dissimulation, du maquillage d'informations fait par le gouvernement de l'époque afin de dissimuler à la population la dangerosité de la radioactivité et les conséquences sur la santé publique", a dit l'avocat. "Il faut maintenant que l'Etat indemnise", a-t-il poursuivi, réclamant la "mise en place urgente d'un fonds d'indemnisation comme pour tous les scandales de santé publique qu'on a pu connaître ces dernières années".

 

Tf1, le 28 mars 2005  

Tchernobyl : la thèse du "mensonge d'Etat" se précise

Presque 20 ans après la catastrophe de Tchernobyl, une nouvelle expertise accrédite la thèse d'une dissimulation, par les autorités, d'informations sur le passage du nuage issu de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, en 1986.

Le nuage de Tchernobyl ne s'est pas arrêté aux frontières de l'hexagone, les autorités françaises ont menti. C'est ce qu'affirme un nouveau rapport d'experts remis récemment à Marie-Odile Bertella-Geffroy, la juge chargée de l'enquête sur le passage en France entre le 30 avril et le 5 mai 1986, du nuage issu de l'explosion de la centrale nucléaire, en Ukraine.

L'expertise accrédite la thèse d'une dissimulation, par les autorités, du véritable danger de cette masse. A l'époque, les autorités expliquaient, cartes à l'appui, que le nuage radioactif s'était arrêté aux frontières françaises grâce à un anticyclone. Et donc, qu'il n'y avait pas de risque pour la santé des Français.

Une radioactivité plus élevée

Selon les experts, le physicien nucléaire Paul Genty et Gilbert Mouthon, les autorités auraient notamment minimisé l'ampleur des mesures effectuées. Sur la base de documents saisis lors de perquisitions dans des ministères et organismes impliqués dans la prévention du risque nucléaire, ils ont constaté que les mesures de radioactivité effectuées à l'époque par les autorités françaises, EDF, la Cogema ou la gendarmerie étaient beaucoup plus élevées que celles diffusées à la presse et à l'opinion publique.

Cette nouvelle expertise est la première confirmation officielle d'une thèse défendue dès l'époque des faits par les écologistes et des scientifiques indépendants. Ils avaient souligné le décalage entre les déclaration rassurantes des autorités et les mesures d'urgences prises dans les autres pays. En Allemagne, par exemple, la consommation de produits frais avait été interdite au moment du passage du nuage.

Cancers de la thyroïde

La juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy avait été saisie en juillet 2002 d'une information judiciaire contre X pour "atteintes involontaires à l'intégrité physique par manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence". Cette procédure faisait suite à des plaintes de plusieurs centaines de personnes souffrant de cancers ou d'affections de la thyroïde qu'elles imputent au passage du nuage.

L'avocat Emmanuel Ludot a demandé dimanche sur RTL la mise en place urgente d'un fonds d'indemnisation pour les victimes françaises de la catastrophe de Tchernobyl, estimant que la responsabilité politique était établie dans cette affaire.

 

 

CRIIRAD
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26000 VALENCE
France
Tél : + 33 (0)4 75 41 82 50
Fax : + 33 (0)4 75 81 26 48
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TCHERNOBYL Plainte contre X

28 mars 2005 - Plusieurs centaines de malades, l'Association Française des Malades de la Thyroïde (AFMT) et la Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité (CRIIRAD) ont déposé plainte contre X, le 1e mars 2001, pour défaut de protection des populations contre les retombées radioactives de l'accident de Tchernobyl.

L'instruction, conduite par Mme la juge BERTELLA-GEFFROY, a donné lieu à de nombreuses perquisitions et à la nomination de deux experts ­ M. Paul GENTY et le Pr Gilbert MOUTHON.

Un premier rapport d'expertise (rapport d'étape daté du 16 février 2005) vient d'être transmis à la juge qui l'a adressé aux parties civiles.

La CRIIRAD en fera une étude détaillée et présentera ses conclusions le mercredi 13 avril, à Toulouse, au cours d'une conférence de presse commune avec l'AFMT.

Le dossier que la CRIIRAD a transmis à la justice et dont les experts juridiques devaient vérifier la validité, démontrait :

1/ la sous-évaluation considérable des niveaux de contamination (les cartes publiées les 7 et 15 mai 86 sous-estiùmaient, d'un facteur 100 à 1 000 et plus, les dépôts de radioactivité sur toute la moitié est de la France)

2/ la violation des différents textes réglementaires sensés protéger les personnes en limitant l'ingestion des aliments les plus contaminés (recommandation européenne du 6 mai 86, règlement européen du 31 mai 86, décret français du 6 juin 66, limites EURATOM de 1980 et 1984 différenciés pour les enfants).

Si la justice corrobore ces accusations, cela constituera une étape extrêmement importante. En effet, depuis bientôt 19 ans, ni les gouvernements qui se sont succédés, ni les services officiels en charge de la radioprotection n'ont reconnu les faits et la censure est toujours à l'uvre. Les cartes de la désinformation sont toujours absentes des rapports officiels avec interdiction d'y faire référence.

Pour tout renseignement complémentaire vous pouvez joindre Roland Desbordes, président de la CRIIRAD au 04 75 05 32 59 ou au 06 86 18 01 87



Le NouvelObs, 27/03/2005 :

Nuage de Tchernobyl : rétention d'infos

Le Service central de protection contre les rayons ionisants a fourni des cartes de relevés inexactes et les autorités de contrôle n'ont pas tout dit.
Des éléments d'une expertise remis récemment à la juge chargée de l'enquête sur le passage du nuage de Tchernobyl en France, indiquent que les autorités de contrôle n'ont pas transmis tous les éléments dont elles disposaient, a-t-on appris samedi 26 mars de source proche du dossier. La juge Marie-Odile Bertella-Geffroy en charge de cette information judiciaire depuis juillet 2001, vient de recevoir des experts Paul Genty et Gilbert Mouthon les éléments de cette expertise, comme l'ont indiqué plusieurs médias samedi matin. Selon ces éléments, le Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI) a eu connaissance de valeurs de radioactivité parfois très élevées. En outre, les cartes de relevés que ce service a fournies sont inexactes, selon les experts. Perquisitions Au cours de leur travail, les deux experts se sont fondés sur les documents saisis à l'occasion de perquisitions menées en novembre 2001 dans différents ministères et organismes impliqués dans la prévention du risque nucléaire. Pour sa part, la Commission de recherches et d'informations indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD), partie civile dans le dossier, qui a réalisé ses propres relevés et publié ses propres cartes dès 2001, avait déjà montré du doigt des valeurs de radioactivité nettement supérieures à celles des autorités de contrôle. Le président de la CRIIRAD Roland Desbordes, s'est dit "choqué" par la publication dans la presse d'éléments de l'expertise. Selon lui, ces révélations pourraient avoir des "conséquences néfastes sur la suite de la procédure". Il manque en outre encore quelques éléments dans le travail des deux experts qui passe par l'analyse minutieuse des nombreux documents saisis lors des perquisitions, selon des sources proches du dossiers.

 

 

Le Figaro, 26/03/2005 :

Tchernobyl : La radioactivité en France sous-estimée

Près de vingt ans après l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, deux experts judiciaires confirment les doutes des associations de victimes françaises dans les conclusions de deux rapports dont Le Figaro a eu connaissance : les mesures de radioactivité fournies par les autorités de contrôle après les passages du nuage radioactif sur le France ne reflétaient pas la réalité. «Le SCPRI - le Service central de protection contre les rayonnements ionisants - avait pleinement connaissance du dépassement, quelquefois très important, des valeurs de radioactivité (...) dans l'air comme dans la chaîne alimentaire», écrivent les experts Paul Genty et Gilbert Mouthon, dans la première partie de leurs observations que le juge Marie-Odile Bertella-Geffroy a versées mardi à la procédure.

«Les cartes qui ont été fournies par le SCPRI sont inexactes dans plusieurs domaines. Un grand nombre de valeurs relevées dans différentes régions sont des moyennes alors qu'il est bien précisé que des valeurs moyennes n'ont aucune signification dans ces cas, ce que le SCPRI ne pouvait ignorer», poursuivent les deux auteurs dans le second volet de leur étude. Ces derniers considèrent en outre que le SCPRI n'a «visiblement pas restitué toutes les informations (...) aux autorités décisionnaires et au public».

Ces rapports s'appuient sur les documents saisis par le magistrat instructeur au cours de perquisitions dans des ministères et dans des organismes publics liés aux activités nucléaires. En 2001, une instruction a été ouverte à Paris et plus de 500 plaignants se sont d'ores et déjà constitués parties civiles. Les malades de la thyroïde reprochent aux autorités françaises de ne pas avoir tenu la population informée des risques après l'explosion. En l'absence d'un registre national des cancers de la thyroïde, le lien entre la catastrophe et ces pathologies reste toujours difficile à établir. Ces expertises montrent l'opacité qui a entouré les mesures de radioactivité en France. Reste à savoir si ce manque de transparence résulte d'une volonté politique de minorer les chiffres ou s'il s'agit d'une défaillance du système de veille sanitaire.

Marie-Christine Tabet

 


Le Figaro 15/01/04

Tchernobyl : le rapport qui accuse

Retombées du nuage de Tchernobyl : les tout premiers éléments de l'expertise judiciaire sont accablants pour les autorités françaises, selon l'avocat des plaignants qui ont été reçus, mardi, par Marie-Odile Bertella-Geffroy, le juge d'instruction chargé de l'affaire. «Les experts expliquent que les autorités de l'époque avaient connaissance des mesures de contamination, qu'elles ont falsifié les chiffres et n'ont pas alerté les populations concernées des risques encourus», résume Me Curtil, le défenseur des 230 malades de la thyroïde qui imputent leurs pathologies au passage en France du nuage radioactif en 1986, après l'explosion de la centrale de Tchernobyl.
En tout, ce sont 400 plaintes contre X avec constitution de partie civile qui ont été déposées mais seules 230 ont été jugées recevables à ce jour.
Les plaignants, originaires des régions les plus touchées (l'est et le sud-est de la France), reprochent aux pouvoirs publics de ne pas les avoir tenus correctement informés de la situation. Pour confirmer ou infirmer ces accusations, les experts, dont le rapport est attendu pour la fin du mois, ont travaillé sur les nombreux documents saisis lors des perquisitions menées depuis 2001 à l'initiative de Marie-Odile Bertella-Geffroy, magistrat spécialiste des affaires sanitaires. Ils ont repris de façon méthodique, jour par jour, les mesures radioactives effectuées en 86 par des organismes publics et privés (EDF, CEA, Cogema, hôpitaux, laboratoires départementaux d'analyses vétérinaires). Ils ont vérifié si ces éléments ont bien été transmis aux autorités compétentes puis ont examiné les informations que ces dernières ont fournies au public.
«Les premiers résultats sont particulièrement sévères pour le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) dont certaines pièces révèlent qu'il a menti sur les chiffres», indique Me Curtil. Cet organisme, devenu depuis l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), était chargé de contrôler les installations nucléaires et de communiquer sur le sujet. Une perquisition a été menée cet été chez le professeur Pierre Pellerin, ancien directeur du SCPRI.
«Les autorités ont-elles péché par ignorance ou en toute connaissance de cause ? interroge Roland Desbordes, président de la Commission de recherche et d'informations indépendantes sur la radioactivité (CRII-RAD), autre partie civile. On a du mal à croire que les responsables du SCPRI, qui comptent parmi les spécialistes mondiaux de la radioprotection, ignoraient la gravité de la situation.»
La CRII-RAD a rendez-vous le 26 janvier dans le bureau de Marie-Odile Bertella-Geffroy qui pourrait ordonner prochainement une expertise épidémiologique, région par région, avec examen des registres médicaux antérieurs à 1986. Car, outre la vérité sur la gestion de la catastrophe, les plaignants qui souffrent de cancers de la thyroïde réclament une reconnaissance de leur statut. Mais rien ne sera plus difficile que d'établir la corrélation entre leurs pathologies et ce nuage qui survola la France, il y a presque dix-huit ans.

Voir:
- Le JT de France 2 (2004)

 

Jeudi 15 janvier 2004

Les retombées de Tchernobyl en France

Une expertise confirmerait la responsabilité des pouvoirs publics

L'information judiciaire confiée à la juge Marie-Odile Bertella-Geoffroy, concernant les victimes du passage du nuage radioactif de Tchernobyl, poursuit son cours. Un rapport d'expertise, qui sera déposé à la procédure d'ici à quelques jours, confirmerait la mise en cause des pouvoirs publics .


Les prélèvements du CRiirad en 2002 ont éveillé les soupçons (Photo AFP)

SI LA PLAINTE déposée devant la Cour de justice de la République à l'encontre de cinq ministres au pouvoir en 1986 vient d'être classée sans suite, l'affaire du nuage de Tchernobyl fait toujours l'objet d'une enquête confiée à la juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geoffroy.
La juge a reçu cette semaine les représentants d'un collectif de personnes malades de la thyroïde qui ont déposé plainte pour avoir été victimes du passage du nuage radioactif de Tchernobyl sur la France en 1986, après l'explosion d'un réacteur de la centrale ukrainienne.
La juge cherche notamment à déterminer si, au vu des mesures de radioactivité dont les autorités françaises disposaient à l'époque, elles ont donné suffisamment de consignes de prudence à la population. La magistrate leur a fait part des avancements de la procédure en cours depuis juillet 2001.

Plusieurs centaines de plaintes.

En avril 2002, 200 plaintes contre X, avec constitution de parties civiles, pour « empoisonnement » et « administration de substances nuisibles », ont été déposées par des personnes malades de la thyroïde. Elles s'ajoutaient aux 53 plaintes déposées le 1er mars 2001 et aux 125 plaintes déposées le 5 octobre 2001. Toutefois, lors de l'ouverture de l'information judiciaire, le parquet de Paris a retenu les qualifications pour « violences volontaires » et « atteintes involontaires à l'intégrité physique ».
Selon Me Christian Curtil, avocat des plaignants, le rapport d'expertise demandé par la juge pour déterminer la responsabilité des autorités publiques et qui sera versé à la procédure dans les prochaines semaines, est « assez accablant » , confie-t-il au « Quotidien ». Constitué grâce à l'analyse de perquisitions, ce rapport prouverait non seulement le silence des autorités mais surtout la manipulation des chiffres. Il mettrait principalement en cause le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (Scpri), l'autorité décisionnaire, qui aurait eu connaissance des taux de contamination radioactifs largement supérieurs aux taux autorisés. « Ce rapport est déjà très rassurant pour les victimes, estime Me Curtil. Il l'est aussi pour les scientifiques de la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité) », laquelle s'est constituée partie civile.

La contamination sous-évaluée.

« A notre connaissance, indique la directrice de la Criirad, Corinne Castanier, le rapport d'expertise confirme les griefs que nous reprochions aux autorités et services français : le mensonge et la sous-évaluation des niveaux de contamination de l'air, des sols et des aliments, ainsi que la  violation des normes et limites destinées à limiter les incorporations de produits radioactifs et à protéger ainsi la santé de la population française, et en particulier des enfants. » Un règlement de la Commission européenne du 30 mai 1986 fixait notamment des limites de contamination en césium pour l'importation de produits venant de pays non européens, rappelle Corinne Castanier. « La Criirad s'est procuré plusieurs documents du Scpri où figurent des produits en provenance des pays de l'Est et de la Turquie (comme des noisettes que les enfants ont retrouvées dans des pâtes à tartiner et du chocolat) dont le niveau de contamination en césium dépassait les limites réglementaires, poursuit-elle. Au lieu de constater l'infraction, le directeur du Scpri précise en commentaire que ces produits sont "consommables sans restriction". »
Le rapport d'expertise ne démontre pas cependant « le lien de causalité entre la faute des responsables français et la pathologie thyroïdienne des plaignants », précise Me Curtil. Ce lien de cause à effet sera difficile à prouver. Une enquête épidémiologique indépendante pourrait, dans ce but, être ordonnée par l'instruction.

Stephanie Hasendahl


La juge Bertella-Geoffroy reçoit les victimes de Tchernobyl

PARIS 13 janvier 2004 - La juge d'instruction parisienne Marie-Odile Bertella-Geoffroy a reçu mardi les représentants des personnes malades de la thyroïde qui ont déposé plainte pour avoir été victimes du passage du nuage radioactif de Tchernobyl sur la France en 1986, a-t-on appris auprès de leur avocat, Me Christian Curtil.
La magistrate leur a fait part des avancements de la procédure en cours depuis juillet 2001. Mme Bertella-Geoffroy est saisie d'une information judiciaire pour "violences volontaires" et "atteintes involontaires à l'intégrité physique". Aucune mise en examen n'est intervenue pour l'instant dans le dossier.
La juge dispose désormais d'un rapport d'expertise qui sera versé à la procédure dans les prochaines semaines, a précisé Me Curtil à l'Associated Press. "Le rapport est extrêmement favorable à la plainte. Il pose clairement les responsabilités, mais ne les impute pas", a ajouté l'avocat.
Le rapport met notamment en cause le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI), l'autorité décisionnaire, qui aurait eu connaissance des taux de contamination radioactifs largement supérieurs aux taux autorisés, selon Me Curtil.
"La juge décidera ce qu'elle décidera", concernant d'éventuelles mises en examen, a souligné Me Curtil indiquant que le rapport "ne démontre pas encore un lien de causalité" entre le passage du nuage radioactif et le défaut d'information des Français éventuellement imputable aux autorités.
En avril 2002, 200 plaintes contre X, avec constitution de parties civiles, pour "empoisonnement" et "administration de substances nuisibles" ont été déposées par des personnes malades de la thyroïde. Elles s'ajoutaient aux 53 plaintes déposées le 1er mars 2001 et aux 125 plaintes déposées le 5 octobre 2001 par des personnes s'estimant victimes d'un cancer lié au passage du nuage radioactif sur la France après l'explosion d'un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) le 26 avril 1986.

Lors de l'ouverture de l'information judiciaire, le parquet de Paris n'a pas retenu les qualifications criminelles que sont l'"empoisonnement" ou l'"administration de substances nuisibles".

 


LA TRIBUNE, 19/6/03:
Retombées de Tchernobyl, la guerre des chiffres

 

Le Figaro 18/06/03

La Criirad demande au gouvernement de trancher sur la contamination en France

Tchernobyl: une carte transmise au juge

Un nouvel épisode vient de s'ajouter au feuilleton sur les retombées de Tchernobyl en France, qui se poursuit depuis plus de dix-sept ans. La Criirad, l'association créée juste après la catastrophe du 26 avril 1986, pour effectuer les premières mesures indépendantes de la radioactivité en France, a adressé hier une lettre aux ministres de l'Environnement et de la Santé. Le courrier leur demande de trancher dans le différend qui oppose, entre eux, des experts au service de l'État, notamment au sein de l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire).

La Criirad souhaitait réagir à froid à la conférence de presse de l'IRSN du 24 avril 2003, organisée à l'occasion de l'anniversaire de Tchernobyl. La publication, la semaine dernière, d'un article du Figaro (1) sur les difficultés internes de l'IRSN a précipité le calendrier de l'association, a reconnu son président Roland Desbordes.

Rappel des derniers épisodes : le 24 avril dernier donc, l'IRSN présente une carte de la contamination de Tchernobyl en France. Même si ce document avait déjà été présenté (à quelques modifications près) l'an dernier à Ajaccio (2), «pour la première fois, estime Roland Desbordes, un service de l'État sort une carte avec laquelle nous sommes d'accord». Surtout, «ce document officiel remet en cause les informations officielles de 1986». Roland Desbordes a montré hier les cartes officielles (3) successives de 1986. Celle du 7 mai 1986, par exemple, indiquait une radioactivité totale au sol de 740 becquerels par mètre carré (Bq/m2) dans l'est de la France. En juillet 1986, on lit une valeur de 5 400 Bq/m2 de césium 137 en Rhône-Alpes. Chiffre passé à plus de 10 000 Bq/m2 (plus de 20 000 dans certaines zones) dans la nouvelle carte.

Dans son rapport 2003, l'IRSN fait état pour la première fois de «divergences très significatives» entre les cartes successives. Un fait essentiel pour la Criirad, qui rappelle qu'aucun homme politique aux affaires ou aucun officiel n'a jamais reconnu que les cartes de 1986 étaient fausses. Aussi la Criirad a-t-elle décidé de transmettre à la justice cette carte officielle, en tant que coplaignante avec l'Association des malades de la thyroïde, dans le cadre de la plainte instruite par le juge Marie-Odile Bertella-Geffroy.

Seulement, la nouvelle carte ne fait pas consensus. Le Pr André Aurengo, chargé par les ministres de la Santé et de l'Environnement d'établir les doses reçues par les Français à la suite de Tchernobyl, a violemment condamné la méthodologie à l'origine de la carte de l'IRSN, comme Le Figaro l'a révélé la semaine dernière. C'est pourquoi la Criirad «demande aux ministres de choisir, pour sortir par le haut de ce débat stérile».

Si la polémique reste vive, le débat s'est décrispé. André Aurengo, mis en cause par la Criirad, et un représentant de l'IRSN, Daniel Robeau, étaient présents hier au point presse de l'association. Chose impensable il y a dix ans. André Aurengo a réaffirmé hier ses doutes scientifiques sur la méthodologie de l'IRSN, tout en se déclarant prêt à travailler avec tous les protagonistes. Quelles que soient les suites de l'interpellation de la Criirad, le débat, scientifique puis judiciaire, est loin d'être tranché. Car, si un consensus était atteint sur la contamination du sol, il restera à reconstituer les doses effectivement reçues par les plaignants pour démontrer que des personnes ont effectivement développé des cancers de la thyroïde. Un long travail de calculs, qui ne pourra être exempt de controverses.

Fabrice Nodé-Langlois

(1) Nos éditions du 10 juin 2003.
(2) Nos éditions du 31 janvier 2002.
(3) Carte établie en 1986 par le SCPRI, dépendant du ministère de la Santé, devenu Opri en 1994 avant de fusionner en 2002 avec l'IPSN dans le nouvel IRSN.

 

La polémique sur le nuage de Tchernobyl en France rebondit une nouvelle fois

PARIS, 17 juin 03 - L'association qui a pratiqué les premières mesures indépendantes sur les retombées en France du nuage de Tchernobyl a demandé mardi au gouvernement de trancher définitivement les querelles d'experts, "après 17 ans de mensonges".

"Il est très important de sortir de 17 ans de mensonges pour ne pas retomber dans une polémique stérile", a déclaré devant la presse Roland Desbordes, président de la Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD), un laboratoire privé créé après l'accident de la centrale ukrainienne du 23 avril 1986.

Le nuage de Tchernobyl avait provoqué une vive polémique en France, les services officiels étant accusés d'avoir minimisé l'importance de la contamination et empêché ainsi que des mesures élémentaires de protection soient prises comme ce fut le cas dans d'autres pays européens.

L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), un établissement public né de la fusion de plusieurs organismes d'expertise dans le domaine nucléaire, avait publié en avril la première carte complète de la contamination des sols de l'hexagone.

Cette carte a été violemment contestée par un autre expert officiel, le Pr André Aurengo, spécialiste de médecine nucléaire, chargé par le précédent gouvernement d'animer un groupe de travail pour établir une nouvelle estimation des doses reçues par la population.

Dans une lettre envoyée aux ministres de l'Ecologie, Roselyne Bachelot, et de la Santé, Jean-François Mattei, le Pr Aurengo se déclare "consterné" par les résultats de l'IRSN. "Je suis consterné que de tels résultats, méthodologiquement aussi contestables et très probablement faux, aient pu être diffusés sans aucune validation scientifique, au nom d'un organisme officiel en charge de l'expertise en radioprotection", écrit le Pr Aurengo dans cette lettre publiée par la CRIIRAD.

Selon le spécialiste, le modèle proposé par l'IRSN n'est pas cohérent avec les données recueilles à l'époque. "Cette carte est contradictoire avec les données dont on dispose", a indiqué le Pr Aurengo.

"D'un côté, on a un service de l'Etat, de l'autre une personne missionnée par l'Etat, en désaccord avec cet organisme. Le gouvernement va devoir trancher", a estimé de son côté le président de la CRIIRAD, qui a envoyé lundi un courrier en ce sens à Mme Bachelot et à M. Mattei.

Selon l'association, la carte établie par l'IRSN "donne une représentation acceptable des ordres de grandeurs et de la répartition spatiale de la contamination". "C'est à nos yeux, poursuit la CRIIRAD dans sa lettre aux deux ministres, la première étape, incontournable, vers l'établissement d'un vrai bilan de l'accident et de sa gestion par les autorités françaises".

Cette carte permet de quantifier et de situer les dépôts sur les sols de radioéléments comme le césium 137. "A partir de là, il est possible de reconstituer la chaîne alimentaire et d'établir des scénarios de contamination", estime Roland Desbordes.

"On va pouvoir s'appuyer sur ce document en justice, alors qu'il n'y avait jusqu'à présent aucune carte officielle pour remettre en cause les informations données en 1986", ajoute-t-il.

Plusieurs actions en justice sont en cours sur les conséquences sanitaires du passage en France du nuage radioactif. Selon les plaignants, l'absence de mesures de précaution aurait entraîné notamment une recrudescence de cancers de la thyroïde.

 

Le Figaro, 10 juin 2003:
Nucléaire : la transparence muselée



Nuage Tchernobyl: plainte contre cinq anciens ministre devant la CJR

PARIS, 13 fév - Une femme atteinte d'un cancer de la thyroïde, qui impute sa pathologie au passage du nuage radioactif de Tchernobyl en 1986, a déposé mercredi une plainte devant la cour de justice de la République contre cinq anciens ministres, a-t-on appris jeudi auprès de son avocat. La commission des requêtes de la CJR doit à présent examiner la recevabilité de cette plainte pour "administration de substances nuisibles", sachant que le lien de causalité entre le cancer de la thyroïde et le passage en France du nuage de Tchernobyl en 1986 est de l'avis des experts très difficile à établir.
Les cinq ministres visés par cette plainte, en fonction en 1986, sont Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur, Michèle Barzac, ministre déléguée à la Santé publique, Alain Carignon, ministre délégué à l'Environnement, Alain Madelin, ministre de l'Industrie et de la Recherche, et François Guillaume, ministre de l'Agriculture, a précisé Me Emmanuel Ludot.
La plaignante, Josiane Tourou, 51 ans, reproche aux ministres de ne pas avoir suffisamment informé la population des risques entraînés par l'explosion du réacteur 4 de la centrale ukrainienne le 26 avril 1986.

 

Tchernobyl: enquête sur d'éventuelles négligences en France
L'Association des Malades de la Thyroïde
Adresse postale : BP1 82700 BOURRET
Tél : 05 63 27 50 80 )
asso.thyroide@worldonline.fr

PARIS 23/10/02 - Un peu plus d'un an après l'ouverture d'une information judiciaire sur les conséquences sanitaires du passage du nuage de Tchernobyl en France, l'enquête se concentre sur l'analyse de documents qui pourraient démontrer des négligences de responsables français.

Mardi, 26 nouvelles plaintes pour "empoisonnement" ont été déposées à Paris par des malades de la thyroïde persuadés que leur pathologie est liée au passage du nuage radioactif, portant le nombre de plaignants à 416.

Selon eux, les autorités françaises ne les ont pas tenus suffisamment informés des risques entraînés par l'explosion du réacteur 4 de la centrale ukrainienne, le 26 avril 1986, et, faute de mesures préventives, les ont conduits à consommer des aliments contaminés.

De l'avis même des parties civiles, montrer un lien direct de causalité entre chaque cancer et d'éventuels niveaux élevés de contamination - seize ans après les faits et alors que les éventuels aliments incriminés ont disparu - relève de la quadrature du cercle.

L'enquête menée par la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy depuis juillet 2001 se concentre donc sur la démonstration de négligences plus globales, que l'on pourrait déceler dans les documents saisis à l'occasion de perquisitions menées en novembre 2001 dans différents ministères et organismes impliqués dans la prévention du risque nucléaire.

Selon l'avocat des parties civiles, Me Christian Curtil, certains documents révèlent que les autorités françaises "n'ont, dans un premier temps, pas voulu alarmer la population puis ont cherché à couvrir leurs négligences", notamment quelques mois après le passage du nuage, à l'automne.

Dans une lettre datée du 6 novembre 1986, le préfet de Haute-Corse estime ainsi qu'il n'est pas nécessaire de réaliser des prélèvements sur les foins et ensilages, avançant notamment que "le microcosme insulaire, où toute mesure inhabituelle prend des dimensions extravagantes, démesurément grossies par les médias", n'y est pas propice.

Une autre note, adressée trois jours plus tard à la Direction de la concurrence par un inspecteur, déplore ce refus.

"Les arguments avancés ne paraissent pas toujours fondés", écrit-il, avant d'ajouter : "Seule une enquête systématique (...) aurait permis de préciser l'importance de la contamination globale sur les foins et ensilages et le cas échéant de mettre en oeuvre des mesures préventives".

Pourtant, des notes manuscrites datant d'octobre 1986 révèlent que les autorités disposaient depuis la mi-septembre de deux résultats sur les foins en Haute-Corse, indiquant des contaminations allant jusqu'à 4.400 becquerels par kilo de césium 134 et 137.

"L'ingestion de ces végétaux par les animaux cet hiver amènera à une augmentation de la contamination du lait et des viandes", note-t-on ensuite.

Outre sur la poursuite de l'analyse de tels documents, l'enquête repose également sur une expertise portant notamment sur la connaissance précise que les autorités avaient des niveaux de contamination et la diffusion de ces informations au public.

Une expertise épidémiologique aura également pour but de déterminer s'il y a eu une augmentation importante des cancers de la thyroïde, après le passage du nuage.

Tchernobyl en France : les associations vont boycotter le groupe de travail (Le Quotidien du Medecin 27/03/02)

Le collectif anti-nucléaire bordelais Tchernoblaye demande à Alain Juppé (porte parole du gouvernement en mai 1986) de s'expliquer.

La Montagne noire est-elle contaminée? (La dépèche du Midi 07/03/02)

Retombées de Tchernobyl en France : une nouvelle expertise (Le Quotidien du Medecin 1/3/02)

Tchernobyl : l'atlas qui accuse - avec carte - (Le Progres 1/3/02)

Tchernobyl : l'État français aurait menti (La Nouvelle République 1/3/02)

Une malade : « Après Tchernobyl on nous a menti » (Le Parisien 28/2/02)

Un nuage dans le brouillard (l'humanité 28/2/02)


Nouvelle "révélation" sur le mensonge de Tchernobyl

Lettre au ministère de la santé:

Lyon, le 12 mars 2002

OBJET : DEMANDE D'AUDIENCE

Monsieur le Ministre de la Santé,

Comme a pu le souligner le Premier ministre lui-même, nous estimons que la moindre des choses concernant lindustrie nucléaire doit être une information véritablement transparente.

La commission de travail chargée d'étudier les conséquences du passage en France du nuage de Tchernobyl doit respecter cette transparence si souvent annoncée et jusqu'à présent jamais mise en uvre. Il apparaît aujourd'hui désormais clairement que, en avril et mai 1986, les autorités de l'époque avaient des informations précises concernant les risques encourus par la

population et que, contrairement à d'autres pays, les mesures nécessaires n'ont pas été prises.

Une plainte a été déposée par l'Association Française des Malades de la Thyroïde et l'instruction est menée par Mme le Juge d'instruction Bertella Geffroy. Le laboratoire indépendant CRII-rad a publié ces jours-ci des documents probants concernant les informations détenues par les autorités en 1986.

De fait, l'attribution de la présidence de la commission de travail au Pr Aurengo est incompatible sur cette question avec toute idée de neutralité et donc de transparence. En effet, M Aurengo est membre du Conseil dadministration d'EDF, membre de lUNSCEAR et s'est par ailleurs signalé à diverses reprises par des déclarations minimisant ou même niant les conséquences du passage du nuage de Tchernobyl en France.

Aussi, nous sollicitons auprès de vous, Monsieur le Ministre, une audience afin de vous soumettre nos propositions concernant la composition et les missions de la commission de travail chargée d'étudier les conséquences du passage en France du nuage de Tchernobyl.

L'ACRO (1), l'Association française des malades de la thyroïde (2) et Greenpeace (3), très préoccupées par une démarche dévaluation des conséquences de l'accident de Tchernobyl, souhaitent être associées à une rencontre avec les autorités de santé.

Ne doutant pas de recevoir une réponse de votre part, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à notre volonté de faire connaître la vérité.

Le Conseil d'administration du Réseau "Sortir du nucléaire"

(1) Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l'Ouest (ACRO) 138, rue de l'Eglise 14200 Hérouville Saint Clair Tel. 02 31 84 35 34 - Fax. 02 31 94 85 31
(2) Association française des malades de la thyroïde - BP 1 82700 Bourret Tel. 05 63 64 83 69 - Fax : idem.
(3) Greenpeace 22, rue Rasselins 75020 Paris - Tel. 01 44 64 02 02 - Fax. 01 44 64 02 00


Communiqué du réseau "Sortir du nucléaire" (5/03/02)

Nuage de Tchernobyl sur le France : les vraies raisons d'un mensonge d'État !
LE SCANDALE DU "PAYS CONTAMINÉ"

De nouvelles révélations par le laboratoire indépendant CRII-Rad démontrent un véritable mensonge d'État au moment du passage du nuage de Tchernobyl sur la France.

En annonçant le 26 février 2002 la création d'un "groupe de travail" sur cette question, le gouvernement ne cherche pas à lever le voile sur les véritables raisons de ce mensonge d'Etat (cf le dépêche AFP du 1er mars : " Commission sur les conséquences de Tchernobyl: une "manipulation", selon le réseau Sortir du nucléaire" )

Lors de précédents scandales de santé publique, des intérêts financiers ont amené à l'insoutenable, par exemple l'écoulement des stock de sang contaminé. Au contraire, pour le nuage le Tchernobyl, les mesures à prendre étaient d'un coût infime (consignes alimentaires, distributions de pastilles d'iode).

En réalité, c'est l'existence même de l'industrie nucléaire qui était menacée par le nuage de Tchernobyl : reconnaître la dangerosité d'un nuage venu d'aussi loin et donc à la radioactivité déjà affaiblie, c'était reconnaître la dangerosité des irradiations dites de "faibles dose".

Or, la France est couverte de centaines d'installations nucléaire qui rejettent depuis maintenant plus de 20 ans en toute légalité des effluents radioactifs liquides dans nos fleuves ( Iode 131 ou 129, etc.)et gazeux dans notre atmosphère (Tritium .....) Tout ces rejets se font suivant des normes fixées par les industriels qui ne tiennent aucun compte, contrairement aux discours officiels, de leur impact sur l'homme la faune et la flore. En particulier, la plupart des citoyens l'ignorent, une centrale nucléaire en fonctionnement ordinaire, sans le moindre incident, dégage de la radioactivité dans l'air et dans l'eau.

Alors oui, il faut l'affirmer haut et clair (ce que nous faisons depuis des années) : le nuage de Tchernobyl était très nocif, tout comme il est très nocif d'habiter dans un pays recouvert d'installations nucléaires En 1986, le gouvernement devait dire aux citoyens qu'ils étaient touchés par un nuage dangereux. De même, aujourd'hui, le gouvernement doit reconnaître que les habitants de la France (et au delà) sont touchés par la nocivité des installations nucléaires.

Oui, le nuage de Tchernobyl en France est responsable d'innombrables cancers, et les autorités de l'époque sont coupables d'avoir menti à la population.

Oui, le nucléaire mis en oeuvre depuis 20 ans en France est responsable d'innombrables cancers et les gouvernements successifs sont coupables de mentir à la population.

Aussi, le réseau Sortir du nucléaire demande

- que soit immédiatement prise (comme en Allemagne ou, ces jours-ci en Belgique), la décisions de sortir du nucléaire.
- que cette sortie soit mise en ouvre de toute urgence pour être effective le plus vite possible
- que les responsables et coupables du scandale du pays contaminé soient désignés et sévèrement sanctionnés.

D'ores et déjà, quoi que l'on fasse, de nombreuses générations souffriront de la folie nucléaire de notre génération. Il n'est que temps d'agir.

 

Commission sur les conséquences de Tchernobyl: une "manipulation", selon le réseau "Sortir du nucléaire"
LYON, 1er mars -
Le réseau "Sortir du nucléaire" a dénoncé vendredi comme une "manipulation" l'annonce mardi par le gouvernement de la création d'un groupe de travail sur les conséquences en France de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.

Le réseau, qui déclare fédérer 612 associations, déplore que la formulation officielle des missions du groupe de travail soit "pour le moins ambiguë" et demande que le champ d'investigation "soit étendu à la recherche de la vérité et à l'établissement des responsabilités".

Il s'étonne également de la nomination à la présidence de la commission d'un expert qui se trouve par ailleurs être membre du conseil d'administration d'EDF. Il demande que la commission "soit présidée par une personnalité non soupçonnable de défendre les intérêts du lobby nucléaire".

La Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD), qui a publié mardi un atlas des retombées de Tchernobyl en France et en Europe, affirme avoir des "preuves" que l'Etat a menti sur le niveau de contamination en France, minimisant la gravité de la situation.

"L'Etat français a menti et n'a pas respecté la réglementation relative à la protection contre les rayonnements ionisants", assure la CRIIRAD, mettant ainsi, selon elle, la santé des personnes en danger.

Le réseau "Sortir du nucléaire" a récemment remis à la presse, et présenté comme la copie d'un document officiel, une lettre du Service central de protection contre les rayonnements ionisants du ministère de la Santé expliquant, en 1986, peu après l'explosion de Tchernobyl, que la distribution d'iode n'était "pas justifiée".

La CRIIRAD a remis son atlas au juge parisien chargé d'instruire la plainte déposée par 200 malades de la thyroïde.


Communiqué de presse du 27 février 2002
(du Réseau Sortir du Nucléaire)

Aujourd'hui, le Réseau Sortir du Nucléaire, fédération de 613 associations, apporte une nouvelle pièce au dossier sur le mensonge d'Etat lors de la catastrophe de Tchernobyl.
Le document (disponible en fac-similé) sur le site internet du Réseau est le texte intégral d'un telex envoyé le 2 mai 1986 au service central de médécine nucléaire de Nancy par le SCPRI.

Ce texte écrit par le professeur Pierre Pellerin (directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants - ministère de la santé) est suffisament explicite pour que chacun puisse se faire sa propre opinion sur le sujet.

C'est dans ce sens que le Réseau Sortir du Nucléaire a fait le choix de le rendre public.
Une pièce supplémentaire pour bien resituer d'information diffusée en France juste après, ce qui reste encore à ce jour, une catastrophe industrielle majeure .

Le culte du secret nucléaire n'a que trop duré. Nous exigeons la réouverture de tous les dossiers du nucléaire et leur libre accès à tous les citoyens.

Nous demandons la mise en place de comités de contrôle citoyens de toutes les installations nucléaires française, civiles et militaires.

Contact presse : Pascal Braud 06 80 127 720 André Crouzet 06 85 22 71 33



La Criirad accuse Paris d'avoir caché la vérité sur Tchernobyl

VALENCE 26 fév - Les responsables de la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité) ont accusé le gouvernement français d'avoir caché en 1986 les conséquences pour la France de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.

Une quinzaine de jours après la catastrophe dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, le gouvernement français alors dirigé par Jacques Chirac connaissait l'ampleur de certaines retombées radioactives mais s'est refusé à les communiquer, ont-ils affirmé lors d'une conférence de presse à Valence, dans la Drôme.

Le laboratoire indépendant s'appuie sur des documents saisis par le juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy.

Cette dernière instruit une plainte pour "empoisonnement", requalifiée par le parquet en "coups et blessures involontaires", déposée par des malades atteints d'un cancer de la thyroïde et pour laquelle la Criirad s'est portée partie civile.

Sur l'un de ces documents, manuscrit et rédigé par un haut fonctionnaire non identifié, on lit: "Nous avons des chiffres qui ne peuvent être diffusés".

La note a été rédigée le 16 mai 1986 lors d'une réunion de crise tenue au ministère de l'Intérieur. Elle relevait, entre autres, la présence dans du lait de brebis en Corse d'une contamination par l'iode 131 de plus de 10.000 becquerels par litre.

A l`époque la réglementation européenne préconisait de retirer de la consommation tout produit alimentaire contenant plus de 500 bq/l.

La Criirad a fait ses révélations lors de la présentation de "l'atlas France et Europe : contaminations radioactives" qui établit à partir de dizaines de milliers de relevés réalisés en 2000 sur l'ensemble de l'Europe la situation actuelle de la contamination des sols.

"MENSONGES FLAGRANTS"

Il en ressort qu'à la différence notable de l'Autriche, de l'Allemagne et de la Suisse qui avaient adopté des mesures préventives consistant en un certain nombre de conseils donnés à la population (ne pas rester sous la pluie, ne pas consommer des légumes à larges feuilles, éviter le lait...) la France a toujours minimisé l'impact de la contamination de son sol due à l'explosion de Tchernobyl.

Mettant en cause la gestion de la crise par le ministère de l'Industrie, dont le titulaire Alain Madelin était chargé d'exposer la position du gouvernement, "alors que cela aurait dû être de la responsabilité du ministère de la Santé", selon la directrice de la Criirad, Corinne Castanier, l'organisme indépendant s'interroge : "Pourquoi ces mensonges flagrants, ces erreurs manifestes, ce silence des organismes officiels et même des scientifiques ?".

La Criirad avance un élément d'explication, en s'appuyant sur des notes saisies dans les différents ministères par le juge d'instruction : "L'Etat voulait protéger son parc nucléaire", dit Corinne Castanier.

Elle a présenté une note rédigée le 18 janvier 1988 lors d'une réunion à Matignon, à l'issue d'une réunion d'un comité interministériel.

L'auteur de cette note portant sur la discussion au niveau européen des normes de radioactivité des denrées alimentaires, se félicite que la France "qui en 1986 était la seule à défendre ses positions" ait "réussi (...) à réunir la minorité nécessaire pour empêcher les décisions contraires à ses intérêts".

Plus loin, le rédacteur précise sa pensée en s'inquiétant que les normes européennes puissent être revues à la baisse, voire que soient instituées des normes de rejets, "ce qui aurait alors pour nos installations nucléaires des conséquences beaucoup plus directes et qu'il convient donc de prévenir".

 

La CRIIRAD publie un atlas des retombées de Tchernobyl

LYON 24 février 2002 - La Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD), qui assure que les autorités françaises ont minimisé la gravité des retombées de l'accident de Tchernobyl en France, publie un atlas complet de la contamination et va le communiquer à la justice.

L'atlas, publié aux éditions Yves Michel (à Barret-sur-Méouge, dans les Hautes-Alpes), recense les mesures de contamination des sols par le césium 137 effectuées par des scientifiques pour la CRIIRAD entre 1987 et 1993, en France et dans plusieurs pays européens, a-t-on appris auprès de l'organisation.

Cartes et graphiques à l'appui, la CRIIRAD, qui présentera officiellement son atlas à la presse et au public mardi à son siège, à Valence (Drôme), réaffirme que le degré de contamination du territoire français a été "considérablement sous-évalué" et que les mesures réglementaires qui auraient dû être prises à l'époque ne l'on pas été.

L'atlas sera communiqué à un juge parisien qui instruit une plainte contre X déposée par 200 malades de la thyroïde.

La cartographie est précédée d'un "dossier de référence démontant point par point la façon dont les autorités se sont efforcées - et s'efforcent encore - de sous-évaluer la réalité de la contamination de la France par les retombées de Tchernobyl", assure la CRIIRAD.

Le réacteur nucléaire, situé en Ukraine, a explosé le 26 avril 1986, envoyant un nuage radioactif, qui, porté par les vents, a traversé toute l'Europe. Alors que l'Allemagne et d'autres pays prenaient des mesures pour protéger la population - interdisant notamment la consommation de certains produits alimentaires - le gouvernement français avait annoncé que les vents avaient détourné le nuage avant qu'il ne passe la frontière française.

Selon la CRIIRAD, tout l'est de la France, de l'Alsace à la Corse, a été contaminé, avec des niveaux élevés dans le Jura, dans les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence.