Le Télégramme, 30/10/2008: 

Anne Lauvergeon. La reine de l'atome

Présidente d'Areva depuis 1999, « Atomic Anne », comme la surnomme la presse américaine, a réussi à rendre le nucléaire respectable. Un sujet qu'elle aborde avec enthousiasme dans un livre dédié au sujet.

Rencontre.

Si Areva envisage d'embaucher 12.000 personnes cette année et se porte au mieux malgré la crise, c'était loin d'être le cas quand Anne Lauvergeon est nommée présidente de la Cogema, il y a presque dix ans. Elle commence par la renommer Areva, du nom d'une abbaye cistercienne espagnole. Cette jolie brune au regard décidé aime convaincre et remporter les défis, surtout quand ils paraissent perdus d'avance. Et de revenir avec gourmandise sur ses récents succès : le « contrat du siècle » passé avec la Chine sur les nouveaux réacteurs (dit) de troisième génération, et les pourparlers avec les Indiens sur le même sujet.

Anne Lauvergeon raconte aussi comment ses parents, écolos avant l'heure, l'ont impliquée très tôt dans l'économie d'énergie en la convoquant, un soir d'octobre 1974, avec ses deux frères pour leur expliquer que dorénavant, il ne ferait jamais plus de 19 degrés dans leur maison et qu'une baisse d'énergie de 30 % était nécessaire. Adolescente et bonne élève, elle se passionne pour le sujet, au point de vouloir en faire son métier.

Recrutée par Mitterrand.
Après l'Ecole Normale, elle entre au Corps des Mines et fait ses stages chez Usinor et au Commissariat à l'énergie atomique. Elle a 31 ans et s'apprête à rentrer chez Saint-Gobain quand Mitterrand la recrute pour un poste de conseiller aux Affaires Etrangères. Sous des airs affables et attentifs, on sent pointer une volonté de fer, une caractéristique qui plaisait beaucoup à Mitterrand, qui lui répétait : « Vous réussirez, vous savez dire non avec le sourire ». Si la politique fut une expérience très riche, qui dura cinq ans, elle n'a pour le moment pas envie de la renouveler.

Elle a d'ailleurs décliné la proposition de Nicolas Sarkozy de rejoindre le gouvernement en mai dernier. « La seule chose qui me ferait retourner en politique, c'est si l'on arrêtait le nucléaire en France ». Elle rêve plutôt d'organiser un « Schengen du nucléaire » pour avoir une politique européenne plus globale sur la question. Cette jeune mère - ses enfants ont 6 et 9 ans - est persuadée que c'est la seule solution énergétique pour laisser une planète à peu près propre à ses descendants.