
Peu de gens savaient alors qu'à quelques kilomètres de là se trouvait une autre ville : la ville ultra-secrète de Tchernobyl-2, qui servait de station radar transhorizon (Duga Radar). Située dans la forêt au nord-ouest du Tchernobyl original, à 9 kilomètres de la centrale nucléaire de Tchernobyl, elle n'était indiquée sur aucune carte. Pourtant, son gigantesque radar en acier, surnommé « Duga » par l'armée, culmine à près de 140 mètres de haut et est parfaitement visible de partout dans la région. Environ un millier de personnes occupaient cette imposante structure, et un village dont la seule rue portait le nom de Kourtchatov fut construit spécialement pour eux. Naturellement, il était entouré de barbelés et des panneaux d'avertissement étaient installés 5 kilomètres avant cette zone interdite. Parfois, même cela ne suffisait pas : c'est ici que se trouvent les meilleurs endroits pour cueillir des champignons, et les agents du KGB devaient courir à travers les forêts après les cueilleurs de champignons, ramassant les récoltes et retirant les plaques d'immatriculation des voitures. Naturellement, ce secret donnait lieu à une multitude de rumeurs et de ragots. La théorie la plus répandue était qu'ils y testaient des armes psychotroniques, utilisant des ondes radio pour transformer des Européens hostiles en zombies amicaux au « moment opportun ». Cette théorie a même été sérieusement débattue à la Verkhovna Rada d'Ukraine (Parlement) en 1993.
En réalité, le seul but était de suivre les lancements de missiles balistiques de l'OTAN. Il visait les pays d'Europe du Nord et les États-Unis. Des stations similaires furent construites à Nikolaev et Komsomolsk-sur-l'Amour. Le système Duga, unique par sa taille et sa complexité, fut assemblé en 1976 et testé en 1979. Une puissante source d'ondes courtes, située dans la région de Tchernihiv, transmettait des ondes à travers l'ensemble des États-Unis, réfléchies et captées par le radar de Tchernobyl. Les données étaient transmises aux ordinateurs les plus puissants de l'époque et traitées. Le complexe comprenait également le Centre de communications spatiales (CSC). Un complexe complet, comprenant des locaux d'habitation et des installations techniques, fut construit pour son entretien. Après la catastrophe de Tchernobyl, il servit d'abri aux soldats liquidateurs...

La proximité de Tchernobyl-2 avec la centrale nucléaire n'était pas une coïncidence : l'installation consommait une quantité colossale d'électricité. Malgré son caractère unique, le radar présentait de nombreuses lacunes. Il était incapable de détecter les tirs de missiles ciblés et ne pouvait détecter que les attaques massives typiques d'une guerre nucléaire. De plus, ses puissants émetteurs brouillaient les communications des avions et des navires européens, suscitant de vives protestations. Les fréquences de fonctionnement durent être modifiées et les équipements modernisés. La remise en service était prévue pour 1986...