Non incident " significatif à Nogent

Le 18 novembre dernier, le réacteur 2 a été mis à l'arrêt à la suite d'une importante montée de la radioactivité de l'eau du circuit primaire. Cette anomalie est consécutive à la fissuration des gaines de combustible sur des éléments en phase de troisième cycle. Il aura fallu attendre 2 semaines pour réduire le niveau d'activité et ouvrir le réacteur qui a été placé en arrêt de tranche anticipé pour maintenance et rechargement en combustible, alors que la période normale se situait au printemps prochain. Nos tentatives d'investigations auprès d'EDF et de la DRIRE Champagne Ardennes n'ont pas fait grande démonstration de transparence.
Les gaines ne sont pas en zircalloy, il s'agirait d'un nouvel alliage d'après la DRIRE Champagne-Ardenne. L'incident n'est pas publié comme incident sur le site web de l'autorité de sûreté nucléaire.
On peut se demander si parmi les causes possibles il n'y a pas le temps trop long d'exposition : avant, le combustible à 3% d'uranium 235 était remplacé par tiers de coeur tous les ans, donc avec un temps d'exposition maximum de 3 ans ; maintenant le combustible est à 4% d'uranium 235 remplacé par tiers de coeur tous les 18 mois, soit un temps d'exposition de 4,5 ans.
Autre cause possible : le fretting. Cette hypothèse nous a été donnée par la DRIRE et pourrait affecter une dizaine d'assemblages.
Le fretting provient des vibrations transmises à l'ensemble du circuit primaire par les turbulences hydrauliques, principalement aux crayons de combustible et aux tubes de générateurs de vapeur. Ce phénomène ne peut-il pas être accentué par une utilisation des installations au-delà de leurs capacités, même si les textes législatifs sont totalement vagues sur la puissance maximum utilisable ? Nous donnons ci-après quelques paramètres sur les puissances des 2 réacteurs de Nogent sur quelques années (puissance maximum utilisée par réacteur) ainsi que les débits d'eau évaporés par les aéroréfrigérants des deux tranches.

Années

 1993

 1994

 1996

 2001
Puissance max
Nogent1 MWe net

 1310

 1305

 1305

 1305
Puissance max
Nogent2 MWe net

 1320

 1305

 1330

 1350
Eau évaporée pour
1 et 2 (m3/s)

 1,5

 2 à 3

 
2 à 3
pointe à 4

 3 à 4


On voit que la puissance maximum de Nogent-2 a augmenté.
Dans les notices techniques d'EDF, la puissance électrique nette maximum était prévue à 1270 MWe pour une puissance maximum thermique du réacteur de 3917 MW (version circuit fermé comme Nogent ou Belleville). Nous n'avons pu obtenir ni le débit actuel du circuit primaire (normal 24,8 m3/s), ni le débit des condenseurs (normal 46,5 m3/s), ni l'écart de température entre l'entrée et la sortie des condenseurs (normal 12,6 °C).
La température d'entrée des générateurs de vapeur du réacteur 2 est trop élevée : la température d'entrée des générateurs de vapeur serait de 328,4 °C et 292 à la sortie. En 1989, l'autorité de sûreté avait imposé une baisse de température à 324 °C pour limiter la corrosion sous tension de l'Inconel 600, alliage à base nickel utilisé entre autre pour les tubes de générateurs de vapeur ; les GV du réacteurs 1 de Nogent avaient été sérieusement endommagés à cette époque.
Si la puissance d'utilisation des installations résulte d'un accord entre l'exploitant et l'autorité de sûreté, il semble cependant que le réacteur Nogent 2 est un peu trop poussé au dessus de ses limites, ce qui pourrait être une cause de la fissuration des gaines de combustible et d'un vieillissement prématuré de l'ensemble du circuit primaire. La comparaison des paramètres de Nogent 2 et de Cattenom 3 pourrait s'avérer intéressante s'il y avait une transparence réelle.
Autre élément : le suivi de charge du réseau en fonction de la consommation joue un rôle dans les phénomènes de fatigue et fragilise tous les composants métalliques du réacteur.
On imagine ce que donnerait une rupture de gaines de combustible, alors que les grilles de maintien des éléments combustibles sont déjà fragilisés par "flambage" (Belleville, Cattenom, Chinon, Chooz, Flamanville, Golfech, Nogent, Paluel, Penly et Saint-Alban) et que les "supports M" de guidage radial de bas de cuves sont aussi altérés. On ne voit pas dans ces conditions comment les barres de contrôle du réacteur pourraient encore être manuvrées.

C.B.

Commentaire en marge:
Nos voisins les Belges, avec 7 réacteurs qui assurent 55% de leur électricité ont un coefficient de production (kp)1 de 93% alors qu'EDF n'est qu'à 70%. Les Belges font fonctionner leur parc nucléaire en base et régulent la production en fonction des besoins avec du thermique à flamme. EDF assure le suivi de charge principalement avec le parc nucléaire pour cause d'un large suréquipement. En 1995, le nucléaire assurait 80% de la production électrique ; avec les 4 réacteurs 1450 MWe en plus, il n'en assure plus que 75%. On voit mal dans ces conditions l'entreprise privatisable s'attacher un boulet à la patte en commandant un prototype EPR à 30 milliards de francs.
Les impératifs du marché incitent EDF à assurer un maximum de profits à court terme en surexploitant son parc nucléaire. Il en résulte une fatigue prématurée des installations qui engendreront ultérieurement des coûts de maintenance très élevés, et un risque d'accident plus conséquent.
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1 Le kp est le rapport en pourcentage entre l'électricité produite et ce qui aurait pu être produit si les réacteurs avaient fonctionné à pleine puissance 24 heures par jour et 365 jours par an.