Les nouvelles technologies, fantasmes et réalites

Depuis au moins Max Weber(1) nous savons que le capitalisme a besoin de rêves pour mobiliser le travail et le capital. Cependant lorsqu'on se penche sur son histoire dans les dernières décennies du XXème siècle on a l'impression que ce besoin s'est accentué.

Nous avons ainsi, pu voir se succéder à chaque décennie depuis la mise en oeuvre de la désintermédiation bancaire de 1985 une série de rêves ayant permis de mobiliser l'argent et le travail, et se terminant à chaque fois par une chute identique : un krach boursier de plus en plus sévère.
1987, deux années après le "bigbang" boursier de la City(2) qui devait permettre aux entreprises de mieux se financer s'est terminé par une crise boursière, puis en 1997 ce fut au tour du Japon "vendu" comme le nouvel eldorado du XXIème siècle depuis les années 70, qui devait précipiter tout l'Asie du Sud-Est dans sa chute, avant l'effondrement de la "nouvelle économie" avec les fantasmes élaborés autour du mobile et de l'Internet à la fin de l'an 2000.
Les dernières spéculations autour des nouvelles technologies nous amènent à nous demander s'il ne se préparerait pas un nouveau "complot hédoniste" autour de celles-ci.
Plusieurs éléments nous amènent à le supposer : le foisonnement de projets liés aux éoliennes, et au solaire, à la géothermie.
En ce qui concerne les éoliennes nous avons vu l'Allemagne se couvrir d'hélices, la France annoncer une multitude de projets.
Quant au solaire, notre attention a été attirée par ce projet conçu par une cabinet d'architectes allemands et visant à construire des tours de 1000 m de haut ( ! ) avec à leurs pieds une serre, le principe étant d'utiliser la différence de température entre le sol et le sommet pour créer un vent qui ferait tourner des hélices pour produire de l'électricité (Le Monde 2 sept 2002)
Enfin dans "Libération" des 14 et 15 sept, on nous montre un schéma d'une installation géothermique avec des puits creusés à plus de 5 500 m...
Nous avons été étonnés par le caractère pharaonique du projet surtout lorsqu'on le compare aux projets solaires ou liés aux "technologies douces" lancés dans les années 70
A l'époque, (voir le livre de Robert Chareyre "La maison autonome" 1978 Alternative), l'idée était de lancer des programmes limités au cercle de la maison, contrôlables par des individus, pour des consommateurs non-industriels, et surtout sur un mode décentralisé.
Or tous ces nouveaux projets au contraire visent à obtenir une taille industrielle, et à raccorder des centrales de production à un réseau contrôlé de façon centrale, l'énergie étant d'abord destinée à l'industrie.
L'énergie doit être vendue et soumise à une facturation dégressive visant à encourager les gros volumes.
Cette fameuse tour solaire doit générer une puissance de 200 mégawatts (200 MW), ce qui correspond à un bond technologique vers la centrale industrielle.
centrale hydraulique de Génissiat : 400 MW,
centrale thermique classique : 1200 MW,
centrale nucléaire : de 900 à 1450 MW ;

Nous ne savons pas comment finiront ces projets, vont-ils être de plus en plus gigantesques et mobiliser de plus en plus de moyens humains et financiers, en tout cas ils n'ont pas pour but ­ tel qu'ils sont conçus ­ de maîtriser les consommations électriques, ni de répondre à un besoin de décentralisation de la production électrique.
Le plus grave c'est qu'ils détournent l'attention du public de l'essentiel qui reste l'arrêt du nucléaire en faisant croire qu'avec le nucléaire et ce genre de centrales on pourrait remplacer les centrales thermiques classiques sans changer nos modes de consommation ni décentraliser la production d'électricité. Il est facile de comprendre que les éoliennes ne répondront jamais aux besoins des industriels, quant aux tours solaires même de cette taille (en imaginant que cela fonctionne), il en faudrait de toutes les façons des milliers pour répondre aux besoins de la grosse industrie et on ne peut pas imaginer où elles pourraient être construites dans nos contrées... où elles auraient de toutes les façons des rendements bien moindres.

1) Max Weber, théoricien de l'origine du capitalisme. Il a beaucoup travaillé sur les causes idéologiques des systèmes, le protestantisme pour le capitalisme en occident, le confucionisme et le taoisme à l'origine du système mandarinal chinois
2) Le big-bang a consisté en une informatisation des informations sur les cours boursiers de par le monde. À la place de cotations quotidiennes se sont succédées des cotations continues des cours renforçant le développement d'une spéculation effrénée sur les marchés des changes et boursiers.
Selon Maurice Allais prix Nobel d'économie en 1988 la désintermédiation bancaire a consisté à rajouter de l'instabilité dans un monde bancaire déjà bien instable, en débouchant sur le krach boursier de 1987.
Le système bancaire est caractérisé par une création de monnaie ex-nihilo, le financement d'investissements à long terme par des fonds empruntés à court terme, l'absence dans chaque économie d'une unité de compte stable, tous ces facteurs expliquent que l'économie actuelle repose sur de gigantesques pyramides de dettes

J.L. P.