Ambiguïté des comités de luttes anti-déchets

Les collectifs de sites contre l'enfouissement des déchets nucléaires ont pour une bonne part dérivé dans le " NIMBY " (pas dans mon jardin), s'évitant ainsi de se poser la question sur l'origine de l'électricité qu'ils consomment et préférant prendre l'option du " décider maintenant de sortir un jour du nucléaire ", évinçant d'emblée les risques de catastrophes sur les réacteurs, les usines de production et de retraitement des combustibles, ou la pollution des sites miniers, fussent-ils déclassés. Face à l'hypocrisie de la " coordination officielle ", des collectifs se rebiffent faisant entendre leur voix pour " une sortie maintenant du nucléaire ".
Ci-après le lecteur pourra découvrir un extrait du compte rendu de l'AG de 2000 de la Coordination Nationale des collectifs anti-enfouissement du 29 et 30 avril 2000 à Neuvy-Bouin (Deux-Sèvres) réalisé par le Collectif Contre le Nucléaire Et ses Déchets (CCNED) de Plouaret, canton situé le long de la Manche à l'Ouest des Côtes d'Armor. Il est à l'évidence très différent de la prose des " anti-déchets officiels " [coup d'il rétro sur les luttes]. Aussi, du même collectif, une lettre plus récente à ladite coordination, histoire de mettre les points sur les " i ".

C.B.



Lettre à la Coordination nationale (17 mars 2002)

Nous étions présents à l'Assemblée Générale des Deux Sèvres. Nous nous sommes violemment opposés aux statuts de l'époque, tant sur le fond que sur la forme :
SUR LA FORME. Le sieur R... qui menait les débats tentait le dimanche de faire adopter, point par point, les éléments pour lesquels les participants déclaraient ne pouvoir décider sans en avoir, précédemment, référé à leurs bases.
SUR LE FOND. " La décision immédiate de sortir du nucléaire ". Pour ceux qui, frappés de presbytie, n'avaient pas compris, l'exemple allemand puis l'exemple belge ont dû être révélateurs : " Prenons la décision IMMEDIATE de sortir du Nucléaire, .... dans vingt ans (?), si tout va bien ".
Cela signifie, pour les obscurs, que VOUS donnez votre aval à vingt ans de production d'électricité nucléaire.
Cela signifie, pour les obscurs, que VOUS donnez votre aval à vingt ans de production de déchets nucléaires.
Il n'existe, à l'heure où vous donnez votre " aval ", aucune autre méthode que l'enfouissement, pour "cacher " ces déchets, ET VOUS LE SAVEZ.
Cela signifie, pour les obscurs, que VOUS donnez votre aval à l'enfouissement de vingt ans de production de déchets nucléaires.
En quoi ces déchets (que VOUS avez autorisés) sont-ils moins nocifs, moins dangereux, moins polluants, moins... que ceux produits AVANT votre aval ?
Non contents de vous discréditer, vous discréditez TOUS les collectifs hostiles au nucléaire et à l'enfouissement de ses déchets.
Et ceux qui déclarent que la sortie IMMEDIATE est utopiste, voire impossible, nous leur demandons de choisir leur camp. Si certains, parmi nous, se font les fidèles porte-parole d'AREVA et consorts, ces derniers ont déjà gagné la partie.
Mais nous nous ne sommes pas exprimés sur l'énorme responsabilité que VOUS aurez, quand une de nos vieilles centrales (elle ne rajeunissent pas, elles non plus) aura " pèté", AVEC VOTRE AVAL.
Le bon sens Français met, à votre disposition, un adage : DEMAIN, ON RASE GRATIS.
Nous vous exhortons à vous ressaisir, à ne plus prendre cette décision imbécile de décider aujourd'hui...
C'est, pour nous, un préalable à toute éventualité d'adhésion à la coordination nationale.

Plouaret, le 17 mars 2002
CCNED Plouaret
Co-signataire : CCNED Plestin


Compte rendu du CCNED Plouaret de l'AG de la coordination nationale anti-déchets des 29 et 30 avril 2000 à Neuvy-Bouin Deux Sèvres

Mercredi 26 avril, les collectifs réunis à Plouaret ont appris la tenue d'assises de la Coordination nationale. Aucun des membres présents ne s'est déclaré prêt à s'y rendre. Puis la nouvelle de la défection de la Mission est tombée le vendredi. Dès lors, il nous a paru indispensable que le Trégor ne soit pas totalement absent de cette manifestation. Nous avons tenté de joindre Lannion, Bégard, Plestin et Belle-Isle. La réunion commençait le samedi, en début d'après-midi. Neuvy-Bouin a été choisi car il s'agit du premier site que l'ANDRA a tenté d'investir, en 1987. Une terrible mobilisation de la population (tracteurs blindés, CB, ...) et monobloc des élus a réussi à faire obstacle au site de stockage, malgré une ultime tentative, à l'aide de blindés. Cette résistance à duré trois bonnes années. C'est de Neuvy-Bouin qu'est partie la première coordination nationale. Pour son redémarrage, il a paru symboliquement important de rappeler cet épisode en y retournant. Mais aussi, Neuvy-Bouin est l'un des 15 sites prédestinés à accueillir un Labo.
SAMEDI 14 H 45. Foyer Rural de Largeasse.
Lors de la présentation de la coordination, nous apprenons que trois de ses membres la représentent en siégeant au "Réseau" (Sortir du nucléaire). Nous apprenons également que la coordination travaille également avec les groupes de pression étrangers. Puis nous passons au tour de table de présentation des collectifs présents ou représentés.
La Vendée : Les Verts ont reçu des ordres pour ne pas prendre partie. Des militants ont, à titre personnel, opté pour l'action. Les élus, derrière De Villiers sont, unanimement, hostiles depuis le début.
Dinan : Les élus sont timorés. Le CADRA leur demande d'adhérer.
Huelgoat : Quelques élus participent aux réunions du collectif. Le Conseil Général aurait transmis à la Mission, une fin de non recevoir.
Mayenne, massif d'Izé et de Bais : Les mayennais ont fait le choix d'implanter un collectif par commune, dans la mesure du possible. La mobilisation est époustouflante. Actuellement, 52 associations comptant 10000 adhérents, rien que dans le quart nord-est du département !!! L'école de percussions, style "tambours du Bronx", est mise à contribution : pour ceux qui, à Quintin*, se posaient des questions. La première réunion d'information (Izé) a réuni plus de 400 personnes. Les élus sont déjà de la partie. La deuxième, à Bais, plus de 900. une autre, 1200 participants. Une première manif a réuni 500 personnes à l'occasion de la venue de J. Chirac, contre l'enfouissement. La deuxième, organisée contre la "frilosité" du Conseil Général, à Laval en a réuni 5 000. Le sur-lendemain, c'était l'accueil des missionnaires, à Bais. Le Conseil Général n'a mis qu'une semaine pour se réunir et prendre une décision hostile au projet.
Quintin . Nous apprenons, avec surprise que la manif de Quintin** est de Quintin, comme celle de Plouaret est de Plouaret ... Nous apprenons également que le courrier aux élus du Conseil Général et du Conseil Régional est de leur fait.
Auriat (23) : Le massif n'est pas présent. Il a fait parvenir une lettre explicite : "La formule Ni ici, ni ailleurs, n'est pas tenable si on exige pas l'arrêt immédiat du nucléaire. ... Devant la frilosité de la coordination, ils en sortent." L'ambiance, tout à coup est devenue très lourde.
Crocq Fernoël (63 et 23) : Le Conseil Régional et le Conseil Général 23 ont pris fermement position contre le projet dès janvier 2000. Les 44 communes concernées ont suivi. Le Conseil Général 63 ne s'est décidé que la veille de la manif. Le collectif organise des réunions spécialisées, avec des médecins, des hydrologues, ...
Glénat : A cheval sur 3 départements (15, 46, 63) et 4 cantons. Dans un premier temps, les élus étaient "pas dans mon jardin". Puis ils ont pris à leur compte le ni ici, ni ailleurs. Deux asso en guerre.
- Châtaigneraie-Ségala. Le 30 janvier, la Conf. Paysanne appelle à la création d'un collectif : 50 personnes répondent. 5 février, première réunion publique à Glénat : 600 participants. Le 14 février, 600 à La Tronquière. Le 20, AG constituante 1 800 participants. 12 avril, dépôt d'une stèle de granit, à Glénat. Le 15 avril, manif commune (Quintin) 5000 participants.
- Vitesse . 18 ans d'existence. s'est constituée autour des mines d'uranium. Son slogan : "Nous ne reprendrons pas ce que nous ne vous avons pas donné". Ils ont arrêté la Mission, à Toulouse, organisé le 15 avril, la manif de Lascaux (échec) et publient une revue : "Bien profond". ***
St-Julien le Vendômois : Non présents.
Piegut-Pluvier : Le site se trouvant au cur d'un parc naturel, la population ne s'est pas sentie visée, dans un premier temps. Il existe de grosses divergences entre deux asso, au sujet de l'arrêt IMMÉDIAT ou non, du nucléaire.
Vienne-Charente : Démenti de la rumeur selon laquelle le département de la Vienne serait "candidat". En fait, la mission n'a rencontré que Maunoury et deux maires "concernés". Le collectif comptait 300 adhérents. Le nombre est retombé à 40, depuis la "disqualification" de la Vienne.
CLADE . Collectif hors site né en Corrèze, Creuse et Vienne contre les déchets miniers. Ils affirment analyses à l'appui et malgré les démentis de l' ANDRA, que des déchets hautement radioactifs ont été enfouis dans leur région. Une émission de "Envoyé spécial" avait vu un reportage sur ce sujet censuré. La CLADE l'a reconstitué. La CLADE estime qu'un débat est nécessaire concernant l'urgence de la sortie du nucléaire, la "décision immédiate" ne leur convenant pas. Ils estiment également que le "mais autrement" pose problème, ils estiment également nécessaire de parler des accidents majeurs. La transmutation ne fonctionne pas. De toute façon, elle nécessiterait de nouvelles centrales. Le CEA, dans "Le Monde", ne se déclare pas opposé au stockage des déchets sur les sites des centrales. La CLADE pose la question du stockage sur les centrales inondables et nous interpelle également sur les risques d'attentat (guerre ou terroriste) [et c'était avant le 11 septembre, NDC] en cas de stockage centralisé.
Sanvensa (12) : Deux associations sont engagées. 11 communes concernées. 1500 personnes ont participé, un dimanche, au débat public. les conseils municipaux et le Conseil Général se sont immédiatement prononcés contre. Ils ont décidé d'une AG tous les deux mois, en plus de l'exécutif. 5 000 signatures. L'asso et les élus se sont déclarés prêts à recevoir une fois la mission pour lui signifier une fin de non recevoir; puis à les "reconduire" à la frontière. Ils ont déposé un menhir à la préfecture.
* APSENR (favorable à l'Arrêt immédiat) . Créée en 1984, contre les mines d'uranium, est restée en veille. S'est réveillée à l'occasion de l'enfouissement. Cette asso a servi de base de départ au collectif bicéphale. Mr Puech, ancien ministre de l'agriculture, a réuni 300 maires et obtenu leur opposition. Slogans : gardarem lou granit. Rappel du Larzac.
Gard : Tentative de réunions sur le canton de "Marcoule". La moitié des communes a refusé la tenue des réunions. L'autre moitié a vu naître des insultes, voir des menaces de mort. Dans un premier temps, l'ANDRA "achetait" les médias, par des pubs conséquentes. Puis les médias se sont retournés. Les viticulteurs sont entrés dans le conflit avec une violence importante. L'enfouissement a été abandonné, au profit d'un stockage de sub-surface. Les communes sont pour, à 70%. L'enquête publique montre une opposition de la population à 70%, également.
BURE : 2 départements et 2 régions (Loraine et Champagne). L'enquête publique ne se fait que sur un rayon de DIX kilomètres autour du puits central. Or, à 10,7 Km du dit puits, se trouve le département des Vosges. Pour 700 mètres, il n'est pas concerné. Les tractations ont été menées en secret. La population n'a été informée qu'une fois que le paquet était ficelé. L'achat des consciences mérite des moyens : les 60 millions de francs par an ne seront distribués qu'une fois le labo construit. Les sommes déjà dispensées le sont "en plus" et "en attendant". De plus, le site concernant 2 départements, le lobby décide d'attribuer les 60 millions à chacun des deux départements concernés. Ce qui porte le prix des consciences à 120 millions de francs par an, pendant dix ans !! Les délégués de Bure citent un exemple de l'usage de ces sommes : une fromagerie (privée) a reçu 2 millions, pour se mettre aux normes européennes. Elle a été, ensuite, vendue à Besnier (Président), qui s'est empressé de fermer l'entreprise. Résultat : 70 chômeurs de plus ! "Il n'est pas possible de se déclarer contre l'enfouissement mais pour le nucléaire". "La gestion des déchets ne peut s'envisager qu'après l'arrêt de sa production".
Plouaret demande quels sites se sont vu dotés d'une section Dé-Nuc**** ? Réponse : aucun site !
A 17 h 20, le tour de table terminé et avant la pause cigarette (ou café), un ordre du jour de la fin d'après-midi est prévu : Détermination de la nouvelle charte. Le débat sur l'urgence de la sortie du nucléaire devant être reporté au lendemain. Nous avons été les plus virulents pour estimer que ce point faisant partie intégrante de la charte, il n'était donc pas envisageable d'en débattre après qu'il ait été réglé "à l'aveugle".
18 H 00 Débat sur la formulation et sa signification. "Décision immédiate de sortie du nucléaire" ou "Décision de sortie immédiate du nucléaire". Les débats seront très animés. Les tenants de la "sortie immédiate" considèrent que :
- Plus tard on appuiera sur le frein, plus tard on cessera de produire des déchets, et plus leur tonnage se sera accru.
- Accorder un délai à la COGEMA, c'est autoriser, pendant ce délai la production de déchets. Si nous refusons de prendre la responsabilité des déchets déjà créés ainsi que de ceux dus à la période de "freinage", nous ne pouvons en dire autant de ceux issus de la période de fonctionnement que nous avons cautionnée. Dès lors nous ne pouvons refuser de prendre en compte leurs traitements. Comment, alors, justifier de l'acceptation de certains déchets et du refus des autres ? Les déchets que nous aurons avalisés seraient-ils moins nocifs que leurs homologues ?
Les tenants de la "décision immédiate" considèrent que :
- L'arrêt instantané est irréalisable, il ne faut donc pas le demander.
- La population ne comprendrait pas. Cela démobiliserait les adhérents.
A 20 H 00, lever des débats et repas. A 22 H 30, un petit groupe s'attelle à la rédaction de la nouvelle charte. A minuit, la nouvelle charte est écrite. Son adoption est reportée au lendemain matin
. (suite page 11) ->
(AG déchets suite) Dimanche 30 avril, 09 H 30, salle des fêtes de La Chapelle St-Laurent.
Le texte de la charte est proposé. Les trois paragraphes "EXIGE" posent problème : L'abrogation de la loi de 1991 abroge, de fait, ses décrets d'application, par conséquent abroge le site de Bure , la mission granite, ... Il est donc stupide de les énumérer comme points individuels. La décision immédiate de sortie du nucléaire pose également problème. Plouaret tente un ultime compromis : supprimer "la décision immédiate de". Ce qui donnerait : "Exige l'arrêt de la production de tous déchets..." Chacune des deux positions pouvant y trouver son compte. Ce compromis a été repoussé, à une très faible majorité. Par contre, les collectifs se sont trouvés d'accord pour ne pas adopter cette charte sans avoir, au préalable, consulté leur base. La direction sortante de la coordination, par la voix d'André Robinard, a alors usé d'une surprenante tactique : Point par point, elle est revenue sur les exigences de la charte :
- "Prend-on comme objectif l'arrêt immédiat de Bure ?"
- "Prend-on comme objectif l'abrogation de la loi de 1991 ?"
- "Prend-on comme objectif l'abrogation des décrets ?"
Il parait évident que si chaque point peut, individuellement, obtenir l'accord des congressistes, la charte ne peut qu'être adoptée sans l'accord des bases des collectifs. G. Hamon ayant fait entendre sa colère quitte la salle.
Texte de la Charte :
Vu la production et l'accumulation des déchets radioactifs
Vu les risques qu'ils font peser sur la santé et l'environnement
Vu le concept de l'enfouissement, moralement inacceptable, qui bafoue le principe de précaution
Vu l'absence de réponses scientifiques et techniques crédibles à la gestion des déchets nucléaires dans le monde entier
La coordination nationale des collectifs citoyens exige l'abandon de tout projet d'enfouissement de déchets radioactifs, et en tout premier lieu l'arrêt immédiat du laboratoire d'enfouissement de Bure, exige l'abrogation de le loi du 30 décembre 1991 et de tous ses décrets d'application, exige la décision immédiate de l'arrêt de la production de tous déchets radioactifs et de leur retraitement, donc la sortie du nucléaire civil et militaire.
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* Quintin : manif régionale. Les mayennais sont venus en nombre. Une troupe de "tambours" très "professionnels" est particulièrement "présente", ce qui surprends nos groupes locaux fraîchement créés.
** Cette manif régionale a été organisée par la "coordination Bretagne" dont, à l'époque, nous étions membres. L'affirmation selon laquelle le seul collectif de Quintin en était l'organisateur nous a laissé sur le c..
*** Groupe très partagé entre "décision et arrêt" immédiat. Le nom même de leur publication posait problème, aux biens pensants (la profondeur n'était pas celle des puits du "labo"). Le contenu était pire. Surprise, ce journal est devenu "l'organe quasi officiel" de la coordination nationale. => LE groupe est "devenu" favorable à la "décision".
**** Le chef-lieu d'arrondissement (Lannion) a vu sa gendarmerie dotée d'une section dénommée "Dé-Nuc". Ses agents (tous importés et du style RG) étaient spécialement chargés de "couvrir" la mission "enfouissement".
Cette AG était conduite fermement par R (35 ET rézo) et G (Gard ET rézo).