"Excursion nucléaire" à la Saulsotte
relatée par deux "touristes" du Comité Stop Nogent

L'"exercice de sécurité civile autour du CNPE de Nogent-sur-Seine" qui a eu lieu le jeudi 14 octobre 1999 se voulait un exercice national et avait déplacé les médias régionaux et nationaux ainsi que deux représentants du Comité Stop Nogent (qui furent invités par des journalistes de diverses radios et chaînes de télévision à exprimer leur point de vue*).
Il s'agissait d'évacuer le village de la Saulsotte, village tout proche de la centrale nucléaire.
Cet exercice était une première, car les précédents exercices n'avaient pas été jusqu'à l'évacuation.
« Mesdames, Messieurs, un accident grave s'est produit le 14 octobre 1999, à 8 heures, à la centrale de Nogent-sur-Seine. Le préfet a décidé pour des raisons de sécurité de la population votre évacuation. Des cars vous attendent au point qui vous a été communiqué. Vous devez vous y rendre à 14 h 30.
Attention, ceci est un exercice, ne prenez pas de comprimés d'iode. »

Tel est le message que les habitants de La Saulsotte ont pu entendre aux alentours de 14 h 50 ! (le préfet de l'Aube avait pris la décision d'évacuer la population à 12 h 40) pour ceux qui ont pu l'entendre, car certaines personnes n'ayant rien entendu et sachant que l'exercice avait lieu à 14 h 30 se sont rendues de leur propre chef au lieu de rendez-vous. D'autres ont attendu leur car coincé dans une rue où il ne pouvait pas passer, ou bloqué par un autre car arrêté à son lieu de ramassage.
Le fait qu'il ne s'agissait que d'un exercice, de plus annoncé et préparé depuis juillet et que les cars "réquisitionnés" étaient retenus d'avance a cependant permis à l'évacuation de se dérouler tant bien que mal malgré les problèmes évoqués ci-dessus et le retard (le car qui évacuait l'école a démarré à 15 h 25). Certaines personnes âgées étaient déjà prêtes une heure avant l'exercice !
On peut noter également que si, sur la Saulsotte même, la plupart des habitants présents semblent avoir joué le "jeu" de l'évacuation, un hameau dépendant de la commune a vu son car partir à vide.
On le voit, cette simulation, prévue d'avance, d'un accident bien maîtrisé, à "cinétique lente", donc laissant le temps d'agir, et risquant de toucher un secteur limité, de l'ordre d'un village de 500 habitants, n'est déjà pas évidente à gérer. Elle ne présage en aucun cas de ce qui devrait être fait en cas d'accident réel grave et menaçant ou touchant une zone bien plus grande, ne serait-ce que la ville de Nogent-sur-Seine (il suffisait simplement d'inverser le sens du vent pour cette simulation et ce n'étaient plus 180 personnes à évacuer, mais quelques milliers). Elle montre cependant ce qui se déroulerait au mieux en cas d'accident.
Quel souvenir en garderont les 180 habitants, dont 60 écoliers ?
Celui d'une excursion gratuite, programmée depuis longtemps, organisée par les autorités et dont les 16 cars sont partis avec un certain retard, suivi d'un "pot" à la salle des fêtes payé par EDF et pour les écoliers, d'un stylo offert également par EDF !
Auront-ils été rassurés par cet exercice ? On peut se le demander.
En tout cas cet exercice n'a pas convaincu la presse. On peut ainsi citer l'éditorial de Libération Champagne du 15/10/99, dont le texte, excepté la conclusion, n'est pas éloigné de ce que nous pensons !
L'annonce de l'article en première page parle d'« une simulation d'accident hésitante » et le titre de l'article en pages intérieures est titré : « un non-événement spectaculaire », le chapeau précisant que : « Si d'évidence il y aura des enseignements à tirer de l'exercice nucléaire, la partie visible de cet événement n'a brillé que par son battage médiatique et mis en évidence un fort décalage horaire entre la centrale et la sécurité civile. »
A quoi sert un tel exercice, si éloigné de la réalité par son ampleur (mais non par son cafouillage) ? Un athlète qui s'entraîne sur 100 m (avec des temps médiocres) aura quelque mal à courir le 10000 m ou le marathon.
Une catastrophe nucléaire est ingérable, même si on s'y préparait sérieusement. Il faut sortir du nucléaire avant qu'elle n'arrive, donc le plus rapidement possible.

*Entre autres, une interview du représentant légal de Stop Nogent diffusée dans le sujet consacré à l'exercice lors du journal de 20 heures de France 2. (Si un de nos lecteurs a enregistré ce reportage, ou d'autres, merci de nous envoyer la ou les cassette(s) pour nos archives).