Rejets chimiques à Nogent

Parution au Journal Officiel du 9 novembre d'un arrêté du 15 octobre, modifiant les rejets chimiques du CNPE de Nogent. Il est signé A-C. Lacoste de l'autorité de sûreté nucléaire par délégation des ministres de l'Economie et de la Santé, par T. Trouvé par délégation du ministre de l'Environnement.
Cet arrêté autorise la centrale nucléaire à rejeter 53 tonnes de sulfates en Seine par jour (15.700 tonnes par an), contre 37 tonnes antérieurement. Jusqu'en 1994 elle était autorisée à 27 tonnes jour, ce qui constituait déjà un record pour une centrale nucléaire en France. La concentration en rivière après dilution ne doit pas dépasser 100 mg par litre alors qu'à plus de 90 mg/l, la faune et la flore en aval peuvent être altérées.
Autre première à notre connaissance, l'autorisation de rejet par cet arrêté de polyacrylates pour 870 kg par jour (170 tonnes par an). Aucune autre centrale nucléaire n'utilisait jusqu'ici ce composé chimique.
Une " erreur de conception " (le site lui même pour cause de qualité d'eau trop médiocre) est à l'origine de ces importants rejets. Le carbonate de calcium de la Seine provocant l'entartrage des circuits de refroidissement (condenseurs) et la redéposition du calcaire dans les tours d'aéroréfrigération. Des centaines de tonnes se déposent dans les packages (1000 tonnes de source syndicale), ce qui nécessite un arrêt de tranche tous les 7 à 8 ans pour retirer le calcaire qui menace ces édifices de refroidissement de l'eau. La réelle motivation de cette autorisation est donc bassement productiviste et financière, afin d'éviter un arrêt de chaque tranche de 6 à 8 semaines tous les 7 ou 8 ans. La législation se place ainsi en situation de satisfaire les besoins de l'industriel au détriment de la protection de l'environnement.
Autre anomalie : l'arrêté préfectoral décennal qui autorise l'exploitant aux prises et rejets d'eau en rivière, les rejets chimiques et thermiques, date de mai 1994. Il est donc dépassé. La centrale fonctionne actuellement sans autorisation ; ce qui semble devenir une règle commune pour les sites nucléaires dont les renouvellements n'ont pas été pris à temps. Un nouvel arrêté pris cette fois par l'autorité de sûreté nucléaire par délégation des ministres concernés devrait être publié début 2005, portant, en plus de l'ancien arrêté préfectoral, sur les rejets radioactifs liquides et gazeux.

Dans un communiqué de presse, la CGT dénonce de multiples altérations de maintenance, de procédures, et des défaillances. S'il n'y a aucune critique sur la quantité d'effluents rejetés, il y en a sur l'approvisionnement en acide sulfurique utilisé pour la " vaccination " antitartre. L'exploitant n'a plus la capacité suffisante pour stocker les quantités d'acide nécessaire (75 tonnes) et l'une des cuves est provisoirement indisponible par défaut d'entretien. La direction de CNPE de Nogent doit ainsi faire un choix entre la " sous-vaccination " provoquant l'entartrage pour alimenter le réseau en électricité et ne pas " perdre un gros client ", ou arrêter une tranche. Le syndicat dénonce aussi, via le CHSCT, des conditions de travail et d'exploitation dégradées, la sous-traitance de travaux à des entreprises incompétentes, le harcèlement de la direction à l'égard des syndiqués qui " osent parler ", la perte de confiance du personnel envers la direction ; laquelle précise qu'elle compte accentuer la politique de réduction des coûts de maintenance et prévoit une durée de vie de l'installation jusqu'en 2037 (50 ans). Et la CGT de conclure que " la direction n'a pas l'intention de faire passer la sûreté nucléaire au premier plan de ses préoccupations ". On l'avait déjà remarqué !

C. B.