Les scientifiques et l'avenir scientiste
d'un nucléaire innocent

La décision française d'imposer que ITER se fasse en France (ITER, cette énergie par fusion, sans problèmes, sans dangers etc.) a soulevé quelques questions dans la presse et on a pu remarquer un article du Monde, 24/25 octobre 2004, signé de trois éminents physiciens, Sébastien Balibar, Yves Pomeau et Jacques Treiner.
ITER étant présenté officiellement comme la solution aux menaçants problèmes énergétiques du futur, leur analyse anti-ITER, est pertinente. Mais la solution énergétique, grâce à la fusion, a été contestée depuis bien des années. Pourquoi ont-ils tant attendu pour " flinguer " la fusion ?
Dans La Gazette Nucléaire 119/120 d'août 1992 figure un article de Raymond Sené du GSIEN (groupement de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire). Ce texte de plus de 10 ans analysait la fusion : " la fusion thermonucléaire, nouveau rêve de l'homme, apprivoiser le soleil, quel défi. En fait de soleil, c'est plutôt le miroir aux alouettes, le nouveau bluff des nucléocrates qui poursuivent sur la lancée d'Atom for Peace et de la prophétie d'Eisenhower, à Genève dans les années 50, l'énergie nucléaire va fournir à l'humanité l'énergie gratuite en quantité illimitée ".
L'article de Raymond Sené montrait que la fusion était un rêve, un rêve qui devait remplacer le rêve de l'énergie atomique issu d'Hiroshima. Ce texte n'a eu aucun impact, ni médiatique, ni dans les milieux scientifiques. Ainsi ces trois scientifiques signataires de l'article du Monde ont mis un certain temps à se manifester au sujet de la fusion. Compte tenu de leur âge, leur critique d'ITER ils auraient pu la faire il y a quelques années déjà. Pourquoi n'ont-ils rien dit ?
Mais la conclusion de leur article est très révélatrice : " La perspective éventuelle d'une utilisation de la fusion thermonucléaire à la production commerciale d'énergie est peut-être intéressante mais n'aboutira pas avant cinquante ans. En attendant, la nécessaire évolution des centrales classiques vers une quatrième génération qui réutiliserait tous les déchets produits est une voie prometteuse qu'il faut exploiter pour faire face aux problèmes énergétiques ".
Pour ces scientifiques l'argent que le gouvernement s'apprête à dépenser pour l'ITER n'a pas d'intérêt mais il faudrait le dépenser pour lancer la 4ème génération de réacteurs nucléaires. Celle qui ne produit pas de déchets et qui, de plus, détruit les déchets de l'énergie nucléaire passée. On est en plein dans les fantasmes de 1945 quand la destruction d'Hiroshima était la preuve de l'énergie libérée par l'atome et qui, pour les scientifiques de l'époque, y compris les plus prestigieux, était la preuve que l'humanité était à l'aube d'un avenir radieux avec une énergie infinie et gratuite.
Leur fantasme nucléaire de 2004, sur quoi l'ont-ils fondé ? Il est dommage que ces trois physiciens qui démolissent aussi pertinemment la fusion comme futur de l'énergie n'aient pas réuni leurs compétences (mais en ont-ils concernant ce qu'ils proposent ?) pour analyser avec précision et esprit critique ce nucléaire de la quatrième génération. Nous attendons leur publication dans le Monde d'une argumentation sur les technologies proposées démontrant leurs avantages ayant pour base leur innocuité avec un avenir sans accident nucléaire, sans déchets et sans dangers pour les travailleurs et le public. Ceci suppose qu'en plus des problèmes techniques proprement dits, ils aient quelques lumières sur les effets sanitaires du rayonnement par irradiation externe et contamination interne, qu'ils ne soient pas les perroquets du conformisme de nos académies des sciences et de médecine (" Tchernobyl c'est 31 morts et 2000 cancers de la thyroïde faciles à soigner, plus des malades parmi les liquidateurs ") mais qu'ils aient suivi les problèmes sanitaires rencontrés après Kychtym (1957), ceux affectant les enfants après Tchernobyl en Ukraine, Russie et surtout en Biélorussie encore aujourd'hui (un peu plus dramatiques que l'effet du potassium 40 de personnes confinées dans un ascenseur soulevé ironiquement par M. Balibar dans un courrier au Monde...).
Ce qui est assez étonnant c'est la réaction d'un certain nombre d'écolos et d'associations écolos qui ont apprécié la critique d'ITER faite par ces trois scientifiques sans voir que leur conclusion était celle de scientistes en faveur de la promotion d'un nucléaire durable, supposé ne poser aucun problème.

R. B., octobre 2004