Suspecté
d'être un contre-révolutionnaire, Harry Wu a été
emprisonné en Chine suite à la campagne de répression
qui a suivi les "cent-fleurs" (1954). Depuis, il n'a
cessé d'alerter l'opinion internationale sur les conditions
de détention dans les prisons chinoises, à travers
sa Laogai Research Fondation.
Vous avez quitté
les camps en 1979, comment a évolué la situation
depuis? 1979 a été une année
charnière : 18 % des prisonniers politiques ont été
libérés. Mais ce n'était qu'une facade.
L'idée était de libérer les prisonniers
des "cent-fleurs" pour faire entrer ceux du printemps
de 1979. En 1989, un document classé evaluait à
9,9 le pourcentage de contre-révolutionnaires emprisonnés.
Mais la fonction des camps a changé : destinés
à réformer les esprits déviants, ils sont
désormais des atouts économiques pour la Chine,
où on force les gens au travail.
Comment une prison peut-elle devenir compétitive
dans un "marché"? La force
des travailleurs est limitée, et ils ne sont évidemment
pas motivés. De fait, c'est la pression et la torture
qui sont utilisés pour les contraindre au travail.
Quelle est la logique ou l'intérêt
du parti à travers ces camps? Evidemment,
une prison a toujours pour intérêt de protéger
la societé des fauteurs de troubles. Mais en Chine, cette
notion est particulière : le communisme est une révolution,
et toute personne en désaccord avec cette idéologie
devient un ennemi de l'Etat. En ce sens, les camps ont une fonction
politique : forcer les gens à adhérer à
l'idéologie communiste par la contrainte ou la peur.
Y a-t-il une différence
avec le goulag sovietique? La philosophie des
régimes est la même. Mais le but des Chinois est
de réformer mentalement, non seulement les prisonniers
politiques, mais également les criminels de droit commun
pour en faire de bons socialistes. Aujourd'hui le socialisme
est une blague. Plus personne n'y croit, et donc la réeducation
est moins rude. C'est d'ailleurs le nationalisme qui prime, plus
que socialisme.
Que savez-vous
des conditions de détention des prisonniers? Outre
la torture, on peut mentionner des conditions d'hygiène
déplorables qui font que de nombreux prisonniers contractent
des hépatites ou des tuberculoses. De plus, la nourriture
manque. Et il faut aussi mentionner le problème des organes
de prisonniers, qui sont revendus en Chine ou à l'étranger,
illégalement et sans l'avis des familles. Une pratique
qui ne fait que croître : près de 90 % des transplantations
en Chine proviennent des prisonniers. Sans parler de l'application
massive et arbitraire de la peine de mort.
La notion de justice occidentale existe-t-elle
en Chine? La différence essentielle
est qu'en Occident, on est traité comme innocent jusqu'au
moment où la culpabilité est prouvée. En
Chine, c'est l'inverse car le gouvernement ne se trompe jamais.
Vous êtes donc un criminel qui doit prouver son innocence.
De même les avocats ne sont acceptés que depuis
peu. Leur rôle se limite d'ailleurs à expliquer
le droit aux accusés, pas à les défendre.
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