Cet été le tribunal militaire de la Cour Suprême
de la République du Belarus a condamné Bandazhevsky,
accusé soi-disant de corruption, à 8 ans de détention.
Le procureur qui réclamait 9 ans de prison a ajouté
par erreur (ou a trahi une intention?) qu'après sa libération
le savant ne serait pas autorisé à poursuivre ses
activités scientifiques (radiopathologies causées
par Tchernobyl) pendant 5 ans.
"SOS Bandazhevsky"
(transmis par Wladimir Tchertkoff)
Le 18 juin 2001
le Pr. Yuri Bandazhevsky a été condamné
à 8 ans de réclusion
(travaux pénibles, isolement,
pas de livres, 3 visites par an de la famille)
Rappel
Le Pr. Bandazhevsky recteur de l'Institut de médecine
de Gomel avait été arrêté en juillet
1999 sur une accusation de soi-disant pots de vin qu'il aurait
reçus pour favoriser l'inscription d'étudiants
à l'institut qu 'il dirigeait. Démis de ses
fonctions il a été maintenu en prison dans des
conditions très sévères (isolement, maladie)
pendant plus de 5 mois et libéré fin décembre
1999 (en attente de son procès) grâce à une
rapide réaction internationale. Il a été
déclaré comme " prisonnier de conscience potentiel"
par Amnesty International. Depuis l'an dernier il a été
astreint d'abord à rester à Minsk puis en Belarus
(il n'a pas pu venir à Paris recevoir le prix que lui
a décerné l'association internationale des médecins
pour la prévention des guerres nucléaires). Grâce
au Pr. Nesterenko qui dirige l'institut indépendant BELRAD
il a pu continuer ses travaux et rédiger des monographies
extrêmement importantes sur l'effet sur l'organisme de
la contamination interne par le césium 137 chez les enfants,
en particulier sur le système cardiovasculaire. Son procès
qui a débuté en février 2001 au tribunal
militaire de Gomel a montré
les faiblesses de l'accusation.
Le verdict est un coup terrible, non seulement pour lui et sa
famille, mais pour tous ceux qui veulent connaître les
conséquences réelles de la catastrophe de Tchernobyl
sur la santé des enfants vivant au Bélarus dans
les zones contaminées par les radionucléides. N'oublions
pas qu'un accident nucléaire grave est possible partout
et aussi chez nous
Entre autres pathologies, le Pr. Bandazhevsky a montré
qu'une charge corporelle en césium 137, même relativement
faible avec les critères habituels utilisés en
radioprotection, pouvait conduire à des dysfonctionnements
importants du système cardiovasculaire des enfants. Lorsque
les troubles ne sont pas devenus chroniques l'état cardiovasculaire
peut être amélioré avec disparition des troubles
par l'ingestion d'un absorbant à base de pectine
élaboré par l'Institut Belrad et qui permet d'éliminer
du césium 137. Mais pour certains enfants il s'agit d'une
pathologie irréversible, comme s'ils étaient atteints
d'un vieillissement prématuré.
C'est parce que le Pr. Bandazhevsky est " gênant "
pour les autorités de radioprotection non seulement du
Bélarus mais de chez nous et des autres pays nucléarisés
qu'il est ainsi attaqué et qu'il risque sa santé
et sa vie.
Le 10 octobre le Professeur Youri
Bandazhevsky a fait une demande de grâce au président
Loukachenko.
Youri Bandazhevsky: des nouvelles après trois mois de prison
Conversation téléphonique avec Galina Bandazhevskaya
Les 2 et 4 octobre 2001.
La mère et la femme de Youri Bandazhevsky ont eu l'autorisation
de passer 3 jours avec le prisonnier, du 28 au 30 septembre,
dans une "chambre d'hôtel" destinée à
ces rencontres à l'ntérieur de l'enceinte de la
prison. Elles lui ont apporté un colis de 30 kg de produits
alimentaires, dont tous les trois ont dû se servir pour
se nourrir pendant 3 jours, car il leur était interdit
de sortir pour faire des courses. La prochaine rencontre longue
sera dans 6 mois, en avril; la courte, téléphonique
à travers la vitre, fin novembre, 4 mois après
la précédente de juillet.
Galina Bandazhevskaya a une grande force de caractère.
Cependant, en décrivant les conditions matérielles
et surtout l'état moral de son mari, elle a dû s'interrompre
à plusieurs reprises pour réprimer les larmes et
a sangloté au téléphone.
Les conditions de Youri ne sont pas aussi bonnes que, de loin,
nous souhaitions et espérions. Perdu dans la masse compacte
des prisonniers de doit commun, c'est un solitaire pas comme
les autres, qui n'arrive pas à s'adapter, à trouver
sa place pour respirer. Il n'a pas la trempe d'un Solzhenitsine
et oscille entre la dépression panique désorientée
et une euphorie créatrice, dès qu'il est repris
par les réflexions scientifiques. Mais ces moments d'activité
intense, où il se retrouve lui-même, s'interrompent
et capotent par manque de moyens. Il n'a pas où puiser
l'information scientifique dont il a besoin.
Il faut imaginer que comme tous les détenus de ce goulag,
il est vêtu d'une combinaison de toile noire avec l'inscription
"BABDAZHEVSKY Y.I.", le crâne rasé, couvert
d'un calot rond de toile noire. Comble de dérision, c'est
sa femme qui a dû lui fournir l'accoutrement (la prison
n'en a pas en bon état). Elle a fait le tour de tous les
magasins de Minsk pour le trouver, et a fini par l'acheter à
un ouvrier du bâtiment pour une demi bouteille de vodka.
Dans la chambrée commune, qui réunit entre 80 et
150 détenus (il n'a pas voulu donner trop de précisions,
qui pourraient lui être reprochées), ils n'ont qu'un
minuscule appareil de télé, inaccessible pour lui
à cause de la masse humaine qui se presse autour. Youri
Bandazhevsky est un scientifique pur, un homme sensible, courtois,
respectueux d'autrui. Il ne sait pas se défendre, conquérir
son espace. Il est fragile dans ce milieu. Dépaysé,
humilié et offensé, - mais "qu'importe l'humiliation"
dit-il, "pouvoir travailler me sauverait!", - il est
maladroit, un poisson hors de l'eau. "Mon système
nerveux ne réussit pas à s'adapter". Il s'efforce
de se tenir en mains, mais sur un fond d'angoisse et de dépression.
Sa femme a noté une toux intermittente, un tic nerveux,.
"Je ne réussirai pas à tenir le coup ici",
lui a-t-il répété à plusieurs reprises,
ne retenant plus les larmes.. Elle en est convaincue.Cela la
désespère. C'est l'opinion aussi du chef de sa
brigade: "avec cette condamnation à 8 ans il ne tiendra
jamais le coup chez nous." Du point de vue de la santé
non plus. La nourriture est totalement insuffisante : le matin
bouillie (kacha) d'orge, une cuiller de sucre du pain et du thé
si vous en avez; à midi soupe aux choux, kacha, pain;
le soir kacha, pain. Pas de viande, pas de graisse, pas de produits
laitiers. Le chef de brigade conseille de lui apporter des vitamines
et des aliments plus riche, "autrement, avec cette dureée
de peine, la santé s'en ira à vau-l'eau, il perdra
les dents, puis le reste".
Galina : "Le dernier jour, il m'a déchiré
l'âme".
Le Professeur Nesterenko : "Ils ne s'attendaient pas
de devoir vraiment vivre cela. Ils n'étaient pas prêts".
Pendant la période d'assignation à domicile,
entre les deux emprisonnements, les Bandazhevsky se réfugiaient
dans l'espoir que notre soutien grandissant de l'Occident leur
éviterait cette épreuve.
Depuis que le Professeur Youri Bandazhevsky a été
condamné sans appel à 8 ans de prison, plus personne
ne parle de concussion ni de corruption à son sujet au
Belarus. Quand un journal du régime proche du milieu
scientifique et médical officiel - l'attaque, c'est seulement
pour dénigrer sa compétence scientifique et sa
santé mentale. "Je suis un homme dangereux",
dit-il. Le fait est que ceux qui ont intrigué et fait
célébrer ce procès inique, ont voulu, en
le faisant condamner à un "camp de redressement à
régime renforcé", casser cet homme dangereux.
Ils y parviendront, si on le sort pas de là rapidement.
Concrètement.
La direction de la prison ne l'a fait bénéficier
d'aucune condition spéciale. Il est traité exactement
comme tous les autres dans ce type de camp (ou de colonie comme
on les nomme maintenant). Il peut aller dans la bibliothèque
de la prison, dépourvue de littérature scientifique,
s'il veut travailler. Sa femme a voulu lui apporter une machine
à écrire. Mais c'est interdit. Il a demandé
que sa femme lui apporte un manuel avec cassettes pour étudier
l'anglais. Les cassettes sont interdites. Il existe des "brigades
où on est mieux que dans la mienne" dit-il.
Mais ce n'est pas pour lui. Un détenu qui fait le gardien
de "l'hôtel" interne de la prison, a une petite
chambre, une table, un divan un petit appareil de télévision.
C'est donc possible. Mais l'administration du camp, qui reçoit
les lettres de l'étranger, répète : "Professeur
ou pas professeur, dans la "zone" c'est la même
chose. Il est malsian d'alimenter ses illusions. Il faut qu'il
s'oriente sur les 8 ans, sinon il ne tiendra pas."
Demande grâce.
L'épouse, la mère et la fille de Bandazhevsky
ont écrit chacune au Président du Belarus,
Loukachenko, en lui demandant la grâce pour leur conjoint.
Il leur a été répondu que l'Administration
du Président prendra leur demande en considération
dès que l'intéréssé lui-même
aura fait la même requête. Bandazevsky n'entend pas
se repentir d'un délit qu'il n'a pas commis et a préparé
une lettre à Loukachenko, où il réitère
son innocence et lui demande d'user de sa prérogative
de grâce pour le restituer à ses travaux scientifiques
d'homme libre.
De son côté, le Professeur Nesterenko a su à
l'Ambassade de France que, le 16 août dernier, les ambassadeurs
européens à Minsk ont fait une démarche
auprès du Ministère des affaires étrangères
du Belarus. Ils ont déclaré qu'ils considèrent
cette condamnation, aussi sévère, comme une affaire
politique, ont demandé la grâce présidentielle,
compte tenu des mérites scientifiques du Professeur Bandazhevsky
et de l'absence de preuves contre lui et, dans l'attende, une
amélioration des conditions de sa détention. Le
ministre a répondu qu'il en référerait en
haut lieu, mais qu'aucune requête dans ce sens n'est encore
parvenue au gouvernement de la part de Bandazhevsky lui-même.
Le Code Pénal de la République du Belarus établit
que c'est une commission de l'établissement resposnsable
de l'exécution de la peine qui décide de la transmission
de la demande de grâce au président de la République.
Les responsables du camp de redressement découragent Bandazhevsky
de le faire car, disent-ils, il n'a pas mûri les conditions
suffisantes pour que la requête soit transmise. Le Code
Pénal établit en effet que "la demande de
grâce doit contenir une appréciation de la personnalité
du condamné, de sa conduite, de son attitude face au travail
et à l'éducation pendant qu'il purge sa peine,
de son attitude par rapport au délit commis, ainsi que
d'autres circonstances qui méritent attention et qui confirment
que le condamné a atteint un certain degré de redressement.".
Bandazhevsky est décidé de présenter quand
même sa demande de grâce à cette commission
du camp, en considération de deux motifs. 1.- Parmi les
circonstances requises il y en a une, non prévue expressément,
mais réelle et de poids : Bandazevsky n'est pas un criminel
de droit commun, mais un scientifique de renommées mondiale,
pluridécoré par des Prix académiques et
dont la libération est réclamée par la communauté
scientifique et politique internationale (IPPNW, Union Européenne,
Parlement européen, Amnesty
). Sur la base de la
biographie du condamné, c'est une "circonstance qui
mérite attention et qui confirme que le condamné
est en possession d'un haut degré de rectitude civique
et morale".Cette circonstance justifie que le Président
du Belarus puisse se pencher sur son cas. 2.- Si néanmoins
la demande était bloquée par la commission du camp
de redressement, les ambassadeurs européens seraient fondés
à demander qu'on ne se paie pas leur tête. Car d'un
côté l'Aministration du Président n'attend
que la requête de Bandazhevsky pour étudier le cas,
mais de l'autre elle s'avouerait impuissante devant la décision
de la prison? L'affaire deviendrait vraiment politique entre
l'Europe et le Belarus et Youri Bandazhevsky n'aurait de toute
façon plus rien à perdre dans cette hypothèse,
en faisant sa démarche.
Révision du procès
L'avocat a préparé un dossier pour la Cour de
Strabourg et pour la Commission des droits de l'homme de Genève,
qu'il fait traduire en anglais. Il l'enverra ces jours-ci, dès
que la traduction sera prête. Ce même dossier sera
déposé également à la Présidence
de la Cour Suprême du Belarus, sous forme de plainte dénonçant
les irrégularités du procès et demandant
sa révision. La démarche des ambassadeurs, qui
de fait met en cause le bien fondé de la condamnation
("affaire politique"), constitue le fait nouveau, un
"terrain" utilisable que l'avocat attendait pour déposer
la plainte. Il est inscrit pour le 5 novembre prochain à
une consultation à la Cour Suprême, pour ce faire.
Soutien
Tout ceci demandera du temps et reste sous le signe du doute quant'au résultat. C'est le danger
pour la tenue psychique de Bandazhevsky. Deux chose le sauvent
ou le protègent : le travail scientifique et les nombreuses
lettres d'amitié et de solidarité qu'il reçoit
mais dont le flux s'est amenuisé ces derniers temps. On
doit continuer à lui écrire. Ce pourrait être
une "tâche" hebdomadaire de ceux qui lui ont
déjà écrit.
Son adresse en prison :
Yuri Bandazhevsky
220600 BELARUS
Minsk
Ul. Kalvarijskaya, 36
Boîte Postale 3521
Réponses à 7 des
questions posées
au
Professeur Youri Bandazhevsky
par les médias irlandais, lors de la conférence
de presse de Ady Roche.
Minsk, avril 2000
1. - Votre brillante carrière a commencé
à Grodno. Pourquoi êtes-vous venu à Gomel
après la catastrophe à la centrale atomique de
Tchernobyl? Quel âge aviez-vous alors?
Y.Bandazhevsky J'ai vécu mon enfance dans la
province de Grodno. Ayant terminé mes études à
l'Institut de médecine de Grodno en 1980 j'ai passé
la spécialisation en anatomie pathologique et ai commencé
à travailler dans le Laboratoire central de recherche
scientifique du même institut. Quand j'étais encore
étudiant j'ai commencé à m'occuper activement
de recherches scientifiques et à réaliser de nombreuses
expérimentations sur des animaux de laboratoire, que j'élevais
moi-même à la maison. Le sujet principal de mes
recherches était alors l'étude de l'influence de
différents facteurs (physiques, chimiques et biologiques)
de l'environnement sur la gestation, le développement
embryonnaire et la formation des différents organes et
systèmes. Ce travail a abouti à la préparation
de la thèse de candidat au doctorat, que j'ai soutenue
avec succès en 1983. J'ai soutenu la thèse de doctorat
en 1987. La même année j'ai été nommé
directeur du Laboratoire central de recherche scientifique.
La catastrophe de Tchernobyl a produit sur moi, comme sur
un grand nombre de personnes, un énorme choc psychologique.
Je considérais que mon devoir de médecin me dictait
d'apporter mon aide à la solution des problèmes
liés à cette catastrophe. Aussi dès 1988-1989
m'étais-je adressé officiellement à l'Académie
des sciences et au Ministère de la santé avec des
propositions de recherches scientifiques globales sur l'influence
de la radioactivité sur les systèmes et les organes
vitaux dans la période de formation. Il me semblait que
tout ce qui était entrepris alors était insuffisant
pour résoudre les problèmes existants. Il s'agissait
avant tout de l'absence d'une vision claire des mécanismes
d'action des radionucléides incorporés dans l'organisme
sur la structure et sur la fonction des cellules et des tissus,
sur le métabolisme. Mon expérience dans mes travaux
scientifiques précédents, qui avait été
reconnue par les principales écoles de l'URSS (Moscou,
Leningrad), me confortait dans l'idée que les sujets proposés
étaient valables. En 1990 le destin a voulu que je fasse
directement connaissance avec la vie des populations de Gomel
et de sa province. Je pris la décision de poursuivre mes
recherches scientifiques là bas sur place. J'ajoute que
je projetais de me consacrer exclusivement au travail scientifique
dans l'institut de médecine radiologique qui s'ouvrait
alors. Toutefois, en automne de la même année j'ai
été invité à prendre la direction
de l'institut de médecine qui était en voie d'élaboration
à Gomel. J'avais alors 33 ans.
2. - Quelles sont les nouvelles maladies que vous avez
découvertes suite à vos recherches?
Y.B. Les nombreuses recherches scientifiques, tant
cliniques qu'expérimentales, ont montré l'action
défavorable de quantités même faibles de
radionucléides incorporés dans l'organisme, en
premier lieu du césium radioactif, sur les systèmes
et les organes vitaux. En premier lieu je voudrais signaler l'atteinte
du système cardio-vasculaire, qu'on observe même
chez les petits enfants. Une dépendance linéaire
proportionnelle a été constatée entre la
quantité du césium radioactif incorporé
dans l'organisme et dans le muscle cardiaque, et la fréquence
de même que la gravité des altérations morphologiques
et fonctionnelles. En examinant les lésions dans l'ensemble
des différents organes et systèmes, il a été
possible de déterminer les processus pathologiques interdépendants
tant au niveau du coeur, du foie, des reins, des organe endocriniens,
que du système immunitaire. En conséquence, m'étant
consacré pendant de nombreuses années à
la pathologie, je pense que, sous l'action des radionucléides
incorporés dans l'organisme, avant tout le césium-137,
des lésions morphologiques et fonctionnelles interdépendantes
entraînent des troubles métaboliques dans tous les
systèmes et organes vitaux,. En outre, les lésions
de certains organes peuvent avoir leurs caractéristiques
propres, comme par exemple, dans les reins on observe la destruction
des glomérules avec apparition de cavités. Cependant
toutes ces lésions découlent d'un processus pathologique
semblable, que nous appelons syndrome des radionucléides
de longue période incorporés. Sur la base des données
obtenues, la moindre quantité de césium radioactif
incorporé dans l'organisme humain ou des animaux, peut
provoquer l'altération de la structure et de la fonction
d'organes et de systèmes, et entraîner de nouvelles
maladies (maladie du coeur et des vaisseaux, tumeurs malignes,
maladies du foie, des reins, de la glande thyroïde et des
autres organes endocriniens) ou aggraver les maladies préexistantes.
L'altération du système immunitaire est l'une des
causes principales de l'augmentation des maladies infectieuses,
comme la tuberculose et l'hépatite virale.
3. - Quel danger y a-t-il aujourd'hui pour les habitants
des régions sinistrées?
Y.B. Les recherches que nous avons effectuées
ont montré que le plus grand danger est représenté
par l'action des radionucléides incorporés dans
l'organisme, en premier lieu du césium radioactif. Si
nous ne mettons pas fin à ce processus, les conséquences
peuvent être tragiques. C'est pourquoi un contrôle
rigoureux de la présence du césium radioactif dans
les produits alimentaires est indispensable. Cela concerne surtout
les enfants, qui sont plus sensibles au césium radioactif.
A ce propos la situation démographique me préoccupe
beaucoup, car la mortalité de la population dans la province
de Gomel dépasse la natalité de 1,6 fois. Je souligne
que cela ne concerne pas seulement ni même avant tout les
tumeurs malignes, mais aussi les altérations pathologiques
des systèmes à métabolisme intense, comme
le systèmes cardio-vasculaire, systèmes nerveux,
immunitaire, endocrinien, urinaire, digestif et de reproduction.
Le césium-137 exerce son action défavorable
avant tout sur le système énergétique des
cellules fortement différenciées, ce qui provoque
leur nécrose, ainsi que finalement, dans beaucoup de cas,
la mort de tout l'organisme.
4. - Quel est le danger pour les futures générations?
Y.B. Compte tenu de l'action directe du césium
radioactif sur les jeunes, sur la formation de leur système
reproductif et sur les autres systèmes essentiels, ainsi
que des modifications génétiques dans les cellules
sexuelles, nous avons le devoir d'être inquiets pour la
santé des futures générations.
5. - L'aide fournie à la République de Belarus
pour la liquidation des conséquences de la catastrophe
de la centrale atomique de Tchernobyl est-elle suffisante?
Y.B. Afin de pouvoir apprécier la valeur de
cette aide il est nécessaire de déterminer la gravité
du dommage causé à la santé des populations,
suite à la catastrophe de Tchernobyl. Je pense que l'aide
la plus importante doit être orientée sur la prévention
des maladies qui peuvent surgir, que j'ai évoquées
plus haut. Le problème de Tchernobyl est le problème
du monde entier. Je pense que l'aide de la communauté
mondiale est nécessaire pour la liquidation de ses conséquences.
6. - Vous venez de commencer à travailler à
l'institut "Belrad". De quel appareillage aurez-vous
besoin pour votre travail?
Y.B. Dans cet institut j'ai l'intention d'étudier
les problèmes liés à l'action du césium
radioactif sur la physiologie des systèmes et des organes
vitaux. Je souhaite développer des méthodes de
protection radiologique. Il est nécessaire pour cela de
créer un laboratoire d'histopathologie, collaborer avec
des groupes scientifiques pour mieux saisir les changements structrels-métaboliques
des tissus et des cellules du corps humain et des animaux suite
à l'incorporation du césium radioactif. Il faut
en parallèle étudier les symptômes cliniques
au niveau du système cardio-vasculaire chez les enfants
qui vivent dans les territoire contaminés par des radionucléides.
Je souhaite pour cela avoir le soutien et recevoir l'aide nécessaire
qui puisse déboucher sur une étroite collaboration
avec des scientifiques du monde entier. L'aide pourrait venir
d'organisations sociales ou de bienfaisance, auxquelles le destin
des personnes victimes de la radioactivité n'est pas indifférent,
mais aussi de fondations scientifiques. Je voudrais espérer
que le résultat de cette collaboration puisse permettre
la création d'un Centre scientifique international de
la pathologie des radiations, pour que de nombreux chercheurs,
travaillant sur le problème de la protection des personnes
contre l'action des rayonnements, puissent unir leurs efforts
pour faire progresser nos connaissances.
7. - Quels moyens de protection voyez-vous aujourd'hui
contre l'action des éléments radioactifs incorporés
dans l'organisme humain?
Y.B. Sur la base de mes recherches, ainsi que sur celle
des recherches effectuées par les collaborateurs de l'institut
"Belrad", on peut attester l'efficacité des
produits à base de pectines d'origine végétale
pour mobiliser ou éliminer partiellement le césium
radioactif de l'organisme par voie naturelle. Ces produits parviennent
à corriger les troubles métaboliques dus à
la présence dudit radionucléide.
Minsk, avril 2000
L'hebdomadaire russe "Arguments et Faits",
diffusé en 3 millions d'exemplaires sur le territoire
de la Communauté des Etats Indépendants, publie
cet article sur le scientifique biélorusse emprisonné.
"Argumenty i Facty"
N°40 (1093). - Octobre 2001
TOP SECRET: MUTATIONS
A défaut de pouvoir emporter sa tête
pleine d'idées dangereuses, les hommes en civil venus
perquisitionner chez le professeur Bandazhevsky ont confisqué
son ordinateur.
Le chercheur s'installe derrière sa machine à
écrire et se met au travail. Il sait qu'il sera arrêté
d'ici peu et se hâte de rédiger son nouveau livre
"Le développement du ftus", le dernier
de ses essais consacrés aux radiopathologies. Une large
part des données dont il a besoin est restée dans
l'ordinateur mais il a sa mémoire pour le dépanner.
La veille du procès le manuscrit est terminé. Sera-t-il
jamais publié?
Après la catastrophe de Tchernobyl Youri Bandazhevsky,
docteur en médecine et professeur à 33 ans, vient
s'établir à Gomel pour y prendre la tête
de l'Institut de médecine qu'on vient de créer
pour former des médecins à partir des habitants
de cette zone contaminée : il n'y a pas de volontaires
pour venir faire des études de médecine dans cette
région radioactive. Bandazhevsky regarde ses étudiants
avec les yeux d'un médecin. L'électrocardiogramme
de la quasi totalité des étudiants présente
des altérations. Quatre ans plus tard la situation ne
fait qu'empirer. Pourquoi ces jeunes sont-ils frappés
d'infarctus? Serait-ce à cause du césium accumulé
dans leur cur? Pourtant on affirme que le radiocésium
s'accumule uniformément dans tous les tissus? Secondé
de ses collègues, il va chercher la réponse à
cette question à la morgue : 285 autopsies. Les altérations
pathologiques des poumons, des reins, du foie, du cur des
morts se révèlent identiques à celles observées
chez les animaux servant de cobaye et nourris de grains radioactifs.
Les mesures montrent que pour une moyenne de 100 Bq/kg de
radionucléides incorporés dans l'organisme, il
y en a 1000 dans le cur, 3000 dans les reins
Pas de doute, l'incorporation est différenciée!
Tchernobyl, ce n'est pas Hiroshima
Les enfants incorporent bien plus de radionucléides
que les adultes: moindre poids du corps, métabolisme plus
rapide. Il faut donc examiner en premier lieu les enfants. Et
pour cela, se rendre sur place, dans les villes et villages.
Comment faire si l'Etat ne donne pas un sou? Alors le professeur,
accompagné de sa femme Galina et de ses étudiants,
se met lui-même à sillonner la Biélorussie.
En 9 ans ils ont examiné plusieurs milliers de garçons
et de filles. La plupart des enfants avaient accumulés
50 Bq/kg et plus (seuil au-delà duquel les altérations
pathologiques des organes vitaux commencent). Certains en avaient
jusqu'à 500 ou même 800. 80% de ces enfants souffraient
de troubles cardiaques. Au niveau des cellules le potassium
est évincé par le césium radioactif, ce
qui perturbe le rythme du muscle cardiaque. Pourtant on n'a jamais
observé ce phénomène chez les victimes d'Hiroshima.
Pourquoi? La population d'Hiroshima a subi une forte irradiation
ponctuelle qui a tué un grand nombre de gens mais cette
population n'a pas dû ensuite se nourrir de manière
chronique d'aliments contaminés comme celle du Belarus,
pays pauvre couvert de retombées radioactives.
Le professeur savait qu'il allait d'un moment à l'autre
passer sous le rouleau compresseur de l'Etat mais au lieu de
se ronger les freins, il se mit à élever des hamsters.
Dès que la femelle tombait enceinte, il lui inoculait
100 Bq de césium. 59% des petits naissaient avec des malformations!
Aujourd'hui 2500 enfants naissent annuellement au Belarus
avec des malformations génétiques: becs de
lièvre, malformations des os, 6 doigts au lieu de 5, anomalies
des organes internes, anencéphalies (absence du cerveau),
absence ou développement retardé des membres. L'examen
à Gomel d'une centaine d'adolescentes fit l'effet d'un
choc: il s'avéra que les cellules génitales
féminines étaient évincées par des
cellules masculines!
Huit livres huit ans de prison
En poursuivant ses recherches en radiopathologie, Bandazhevsky
ne pensait pas faire peur à la société.
Ses recherches pouvaient-elles effrayer davantage que la blouse
blanche du médecin? Pour protéger la nation et
son avenir il fallait coûte que coûte protéger
les enfants en éliminant les radionucléides de
leur organisme à l'aide d'adsorbants comme la pectine,
il fallait évacuer les femmes enceintes et les enfants
de moins de 3 ans des zones contaminées vers des régions
propres
Il fallait faire tout ce qui était économiquement
possible par des moyens simples et abordables.
Cet été le tribunal militaire de la Cour
Suprême de la République du Belarus a condamné
Bandazhevsky, accusé soi-disant de corruption, à
8 ans de détention. Le procureur qui réclamait
9 ans de prison a ajouté par erreur (ou a trahi une intention?)
qu'après sa libération le savant ne serait pas
autorisé à poursuivre ses activités scientifiques
pendant 5 ans.
L'auteur de la dénonciation qui a déclenché
la poursuite a repris son travail à l'institut. Le nouveau
recteur a mis un point final aux recherches en radiopathologie.
Quant à Bandazhevsky, il a occupé sa place à
la colonie à régime renforcé de Minsk.
Liudmila PROCHAK
Gomel.
Amnesty lance un appel international en faveur
du Pr Bandajevsky
Le 7/7/2001 : La femme du Prof. Bandazhevsky, prisonnier du
dictateur du Bélarus Loukachenko, reçoit son
Passeport Européen. (dernière nouvelles du Professeur
Yuri Bandazhevsky).
Un "piège" pour le professeur
Nouvelles
de Biélorussie
1999-2001 le cas Yuri Bandazhevsky
Le site sur Yuri Bandazhevsky
Les
conséquences de Tchernobyl en République de Bélarus
Interview
du Professeur Yuri Bandazhevsky
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