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"SOS Bandazhevsky"
by Infonucléaire 5:05am Mon Oct 15 '01
infonucleaire@altern.org

Cet été le tribunal militaire de la Cour Suprême de la République du Belarus a condamné Bandazhevsky, accusé soi-disant de corruption, à 8 ans de détention. Le procureur qui réclamait 9 ans de prison a ajouté par erreur (ou a trahi une intention?) qu'après sa libération le savant ne serait pas autorisé à poursuivre ses activités scientifiques (radiopathologies causées par Tchernobyl) pendant 5 ans.


"SOS Bandazhevsky"

(transmis par Wladimir Tchertkoff)

Le 18 juin 2001 le Pr. Yuri Bandazhevsky a été condamné à 8 ans de réclusion
(travaux pénibles, isolement, pas de livres, 3 visites par an de la famille)

Rappel
Le Pr. Bandazhevsky recteur de l'Institut de médecine de Gomel avait été arrêté en juillet 1999 sur une accusation de soi-disant pots de vin qu'il aurait reçus pour favoriser l'inscription d'étudiants à l'institut qu 'il dirigeait. Démis de ses fonctions il a été maintenu en prison dans des conditions très sévères (isolement, maladie) pendant plus de 5 mois et libéré fin décembre 1999 (en attente de son procès) grâce à une rapide réaction internationale. Il a été déclaré comme " prisonnier de conscience potentiel" par Amnesty International. Depuis l'an dernier il a été astreint d'abord à rester à Minsk puis en Belarus (il n'a pas pu venir à Paris recevoir le prix que lui a décerné l'association internationale des médecins pour la prévention des guerres nucléaires). Grâce au Pr. Nesterenko qui dirige l'institut indépendant BELRAD il a pu continuer ses travaux et rédiger des monographies extrêmement importantes sur l'effet sur l'organisme de la contamination interne par le césium 137 chez les enfants, en particulier sur le système cardiovasculaire. Son procès qui a débuté en février 2001 au tribunal militaire de Gomel a montré les faiblesses de l'accusation.
Le verdict est un coup terrible, non seulement pour lui et sa famille, mais pour tous ceux qui veulent connaître les conséquences réelles de la catastrophe de Tchernobyl sur la santé des enfants vivant au Bélarus dans les zones contaminées par les radionucléides. N'oublions pas qu'un accident nucléaire grave est possible partout et aussi chez nous
Entre autres pathologies, le Pr. Bandazhevsky a montré qu'une charge corporelle en césium 137, même relativement faible avec les critères habituels utilisés en radioprotection, pouvait conduire à des dysfonctionnements importants du système cardiovasculaire des enfants. Lorsque les troubles ne sont pas devenus chroniques l'état cardiovasculaire peut être amélioré avec disparition des troubles par l'ingestion d'un absorbant à base de pectine élaboré par l'Institut Belrad et qui permet d'éliminer du césium 137. Mais pour certains enfants il s'agit d'une pathologie irréversible, comme s'ils étaient atteints d'un vieillissement prématuré.
C'est parce que le Pr. Bandazhevsky est " gênant "  pour les autorités de radioprotection non seulement du Bélarus mais de chez nous et des autres pays nucléarisés qu'il est ainsi attaqué et qu'il risque sa santé et sa vie.

Le 10 octobre le Professeur Youri Bandazhevsky a fait une demande de grâce au président Loukachenko.

 

Youri Bandazhevsky: des nouvelles après trois mois de prison

Conversation téléphonique avec Galina Bandazhevskaya
Les 2 et 4 octobre 2001.

La mère et la femme de Youri Bandazhevsky ont eu l'autorisation de passer 3 jours avec le prisonnier, du 28 au 30 septembre, dans une "chambre d'hôtel" destinée à ces rencontres à l'ntérieur de l'enceinte de la prison. Elles lui ont apporté un colis de 30 kg de produits alimentaires, dont tous les trois ont dû se servir pour se nourrir pendant 3 jours, car il leur était interdit de sortir pour faire des courses. La prochaine rencontre longue sera dans 6 mois, en avril; la courte, téléphonique à travers la vitre, fin novembre, 4 mois après la précédente de juillet.

Galina Bandazhevskaya a une grande force de caractère. Cependant, en décrivant les conditions matérielles et surtout l'état moral de son mari, elle a dû s'interrompre à plusieurs reprises pour réprimer les larmes et a sangloté au téléphone.

Les conditions de Youri ne sont pas aussi bonnes que, de loin, nous souhaitions et espérions. Perdu dans la masse compacte des prisonniers de doit commun, c'est un solitaire pas comme les autres, qui n'arrive pas à s'adapter, à trouver sa place pour respirer. Il n'a pas la trempe d'un Solzhenitsine et oscille entre la dépression panique désorientée et une euphorie créatrice, dès qu'il est repris par les réflexions scientifiques. Mais ces moments d'activité intense, où il se retrouve lui-même, s'interrompent et capotent par manque de moyens. Il n'a pas où puiser l'information scientifique dont il a besoin.

Il faut imaginer que comme tous les détenus de ce goulag, il est vêtu d'une combinaison de toile noire avec l'inscription "BABDAZHEVSKY Y.I.", le crâne rasé, couvert d'un calot rond de toile noire. Comble de dérision, c'est sa femme qui a dû lui fournir l'accoutrement (la prison n'en a pas en bon état). Elle a fait le tour de tous les magasins de Minsk pour le trouver, et a fini par l'acheter à un ouvrier du bâtiment pour une demi bouteille de vodka. Dans la chambrée commune, qui réunit entre 80 et 150 détenus (il n'a pas voulu donner trop de précisions, qui pourraient lui être reprochées), ils n'ont qu'un minuscule appareil de télé, inaccessible pour lui à cause de la masse humaine qui se presse autour. Youri Bandazhevsky est un scientifique pur, un homme sensible, courtois, respectueux d'autrui. Il ne sait pas se défendre, conquérir son espace. Il est fragile dans ce milieu. Dépaysé, humilié et offensé, - mais "qu'importe l'humiliation" dit-il, "pouvoir travailler me sauverait!", - il est maladroit, un poisson hors de l'eau. "Mon système nerveux ne réussit pas à s'adapter". Il s'efforce de se tenir en mains, mais sur un fond d'angoisse et de dépression. Sa femme a noté une toux intermittente, un tic nerveux,. "Je ne réussirai pas à tenir le coup ici", lui a-t-il répété à plusieurs reprises, ne retenant plus les larmes.. Elle en est convaincue.Cela la désespère. C'est l'opinion aussi du chef de sa brigade: "avec cette condamnation à 8 ans il ne tiendra jamais le coup chez nous." Du point de vue de la santé non plus. La nourriture est totalement insuffisante : le matin bouillie (kacha) d'orge, une cuiller de sucre du pain et du thé si vous en avez; à midi soupe aux choux, kacha, pain; le soir kacha, pain. Pas de viande, pas de graisse, pas de produits laitiers. Le chef de brigade conseille de lui apporter des vitamines et des aliments plus riche, "autrement, avec cette dureée de peine, la santé s'en ira à vau-l'eau, il perdra les dents, puis le reste".

Galina : "Le dernier jour, il m'a déchiré l'âme".

Le Professeur Nesterenko : "Ils ne s'attendaient pas de devoir vraiment vivre cela. Ils n'étaient pas prêts".

Pendant la période d'assignation à domicile, entre les deux emprisonnements, les Bandazhevsky se réfugiaient dans l'espoir que notre soutien grandissant de l'Occident leur éviterait cette épreuve.

Depuis que le Professeur Youri Bandazhevsky a été condamné sans appel à 8 ans de prison, plus personne ne parle de concussion ni de corruption à son sujet au Belarus. Quand un journal du régime — proche du milieu scientifique et médical officiel - l'attaque, c'est seulement pour dénigrer sa compétence scientifique et sa santé mentale. "Je suis un homme dangereux", dit-il. Le fait est que ceux qui ont intrigué et fait célébrer ce procès inique, ont voulu, en le faisant condamner à un "camp de redressement à régime renforcé", casser cet homme dangereux. Ils y parviendront, si on le sort pas de là rapidement.

Concrètement.

La direction de la prison ne l'a fait bénéficier d'aucune condition spéciale. Il est traité exactement comme tous les autres dans ce type de camp (ou de colonie comme on les nomme maintenant). Il peut aller dans la bibliothèque de la prison, dépourvue de littérature scientifique, s'il veut travailler. Sa femme a voulu lui apporter une machine à écrire. Mais c'est interdit. Il a demandé que sa femme lui apporte un manuel avec cassettes pour étudier l'anglais. Les cassettes sont interdites. Il existe des "brigades où on est mieux que dans la mienne" — dit-il. Mais ce n'est pas pour lui. Un détenu qui fait le gardien de "l'hôtel" interne de la prison, a une petite chambre, une table, un divan un petit appareil de télévision. C'est donc possible. Mais l'administration du camp, qui reçoit les lettres de l'étranger, répète : "Professeur ou pas professeur, dans la "zone" c'est la même chose. Il est malsian d'alimenter ses illusions. Il faut qu'il s'oriente sur les 8 ans, sinon il ne tiendra pas."

Demande grâce.

L'épouse, la mère et la fille de Bandazhevsky ont écrit chacune au Président du Belarus, Loukachenko, en lui demandant la grâce pour leur conjoint. Il leur a été répondu que l'Administration du Président prendra leur demande en considération dès que l'intéréssé lui-même aura fait la même requête. Bandazevsky n'entend pas se repentir d'un délit qu'il n'a pas commis et a préparé une lettre à Loukachenko, où il réitère son innocence et lui demande d'user de sa prérogative de grâce pour le restituer à ses travaux scientifiques d'homme libre.

De son côté, le Professeur Nesterenko a su à l'Ambassade de France que, le 16 août dernier, les ambassadeurs européens à Minsk ont fait une démarche auprès du Ministère des affaires étrangères du Belarus. Ils ont déclaré qu'ils considèrent cette condamnation, aussi sévère, comme une affaire politique, ont demandé la grâce présidentielle, compte tenu des mérites scientifiques du Professeur Bandazhevsky et de l'absence de preuves contre lui et, dans l'attende, une amélioration des conditions de sa détention. Le ministre a répondu qu'il en référerait en haut lieu, mais qu'aucune requête dans ce sens n'est encore parvenue au gouvernement de la part de Bandazhevsky lui-même.

Le Code Pénal de la République du Belarus établit que c'est une commission de l'établissement resposnsable de l'exécution de la peine qui décide de la transmission de la demande de grâce au président de la République. Les responsables du camp de redressement découragent Bandazhevsky de le faire car, disent-ils, il n'a pas mûri les conditions suffisantes pour que la requête soit transmise. Le Code Pénal établit en effet que "la demande de grâce doit contenir une appréciation de la personnalité du condamné, de sa conduite, de son attitude face au travail et à l'éducation pendant qu'il purge sa peine, de son attitude par rapport au délit commis, ainsi que d'autres circonstances qui méritent attention et qui confirment que le condamné a atteint un certain degré de redressement.". Bandazhevsky est décidé de présenter quand même sa demande de grâce à cette commission du camp, en considération de deux motifs. 1.- Parmi les circonstances requises il y en a une, non prévue expressément, mais réelle et de poids : Bandazevsky n'est pas un criminel de droit commun, mais un scientifique de renommées mondiale, pluridécoré par des Prix académiques et dont la libération est réclamée par la communauté scientifique et politique internationale (IPPNW, Union Européenne, Parlement européen, Amnesty…). Sur la base de la biographie du condamné, c'est une "circonstance qui mérite attention et qui confirme que le condamné est en possession d'un haut degré de rectitude civique et morale".Cette circonstance justifie que le Président du Belarus puisse se pencher sur son cas. 2.- Si néanmoins la demande était bloquée par la commission du camp de redressement, les ambassadeurs européens seraient fondés à demander qu'on ne se paie pas leur tête. Car d'un côté l'Aministration du Président n'attend que la requête de Bandazhevsky pour étudier le cas, mais de l'autre elle s'avouerait impuissante devant la décision de la prison? L'affaire deviendrait vraiment politique entre l'Europe et le Belarus et Youri Bandazhevsky n'aurait de toute façon plus rien à perdre dans cette hypothèse, en faisant sa démarche.

Révision du procès

L'avocat a préparé un dossier pour la Cour de Strabourg et pour la Commission des droits de l'homme de Genève, qu'il fait traduire en anglais. Il l'enverra ces jours-ci, dès que la traduction sera prête. Ce même dossier sera déposé également à la Présidence de la Cour Suprême du Belarus, sous forme de plainte dénonçant les irrégularités du procès et demandant sa révision. La démarche des ambassadeurs, qui de fait met en cause le bien fondé de la condamnation ("affaire politique"), constitue le fait nouveau, un "terrain" utilisable que l'avocat attendait pour déposer la plainte. Il est inscrit pour le 5 novembre prochain à une consultation à la Cour Suprême, pour ce faire.

Soutien
Tout ceci demandera du temps et reste sous le signe du doute quant'au résultat. C'est le danger pour la tenue psychique de Bandazhevsky. Deux chose le sauvent ou le protègent : le travail scientifique et les nombreuses lettres d'amitié et de solidarité qu'il reçoit mais dont le flux s'est amenuisé ces derniers temps. On doit continuer à lui écrire. Ce pourrait être une "tâche" hebdomadaire de ceux qui lui ont déjà écrit.

Son adresse en prison :
Yuri Bandazhevsky
220600 BELARUS
Minsk
Ul. Kalvarijskaya, 36
Boîte Postale 3521
 


Réponses à 7 des questions posées
au
Professeur Youri Bandazhevsky

par les médias irlandais, lors de la conférence de presse de Ady Roche.

Minsk, avril 2000

 

1. - Votre brillante carrière a commencé à Grodno. Pourquoi êtes-vous venu à Gomel après la catastrophe à la centrale atomique de Tchernobyl? Quel âge aviez-vous alors?

Y.Bandazhevsky J'ai vécu mon enfance dans la province de Grodno. Ayant terminé mes études à l'Institut de médecine de Grodno en 1980 j'ai passé la spécialisation en anatomie pathologique et ai commencé à travailler dans le Laboratoire central de recherche scientifique du même institut. Quand j'étais encore étudiant j'ai commencé à m'occuper activement de recherches scientifiques et à réaliser de nombreuses expérimentations sur des animaux de laboratoire, que j'élevais moi-même à la maison. Le sujet principal de mes recherches était alors l'étude de l'influence de différents facteurs (physiques, chimiques et biologiques) de l'environnement sur la gestation, le développement embryonnaire et la formation des différents organes et systèmes. Ce travail a abouti à la préparation de la thèse de candidat au doctorat, que j'ai soutenue avec succès en 1983. J'ai soutenu la thèse de doctorat en 1987. La même année j'ai été nommé directeur du Laboratoire central de recherche scientifique.

La catastrophe de Tchernobyl a produit sur moi, comme sur un grand nombre de personnes, un énorme choc psychologique. Je considérais que mon devoir de médecin me dictait d'apporter mon aide à la solution des problèmes liés à cette catastrophe. Aussi dès 1988-1989 m'étais-je adressé officiellement à l'Académie des sciences et au Ministère de la santé avec des propositions de recherches scientifiques globales sur l'influence de la radioactivité sur les systèmes et les organes vitaux dans la période de formation. Il me semblait que tout ce qui était entrepris alors était insuffisant pour résoudre les problèmes existants. Il s'agissait avant tout de l'absence d'une vision claire des mécanismes d'action des radionucléides incorporés dans l'organisme sur la structure et sur la fonction des cellules et des tissus, sur le métabolisme. Mon expérience dans mes travaux scientifiques précédents, qui avait été reconnue par les principales écoles de l'URSS (Moscou, Leningrad), me confortait dans l'idée que les sujets proposés étaient valables. En 1990 le destin a voulu que je fasse directement connaissance avec la vie des populations de Gomel et de sa province. Je pris la décision de poursuivre mes recherches scientifiques là bas sur place. J'ajoute que je projetais de me consacrer exclusivement au travail scientifique dans l'institut de médecine radiologique qui s'ouvrait alors. Toutefois, en automne de la même année j'ai été invité à prendre la direction de l'institut de médecine qui était en voie d'élaboration à Gomel. J'avais alors 33 ans.

2. - Quelles sont les nouvelles maladies que vous avez découvertes suite à vos recherches?

Y.B. Les nombreuses recherches scientifiques, tant cliniques qu'expérimentales, ont montré l'action défavorable de quantités même faibles de radionucléides incorporés dans l'organisme, en premier lieu du césium radioactif, sur les systèmes et les organes vitaux. En premier lieu je voudrais signaler l'atteinte du système cardio-vasculaire, qu'on observe même chez les petits enfants. Une dépendance linéaire proportionnelle a été constatée entre la quantité du césium radioactif incorporé dans l'organisme et dans le muscle cardiaque, et la fréquence de même que la gravité des altérations morphologiques et fonctionnelles. En examinant les lésions dans l'ensemble des différents organes et systèmes, il a été possible de déterminer les processus pathologiques interdépendants tant au niveau du coeur, du foie, des reins, des organe endocriniens, que du système immunitaire. En conséquence, m'étant consacré pendant de nombreuses années à la pathologie, je pense que, sous l'action des radionucléides incorporés dans l'organisme, avant tout le césium-137, des lésions morphologiques et fonctionnelles interdépendantes entraînent des troubles métaboliques dans tous les systèmes et organes vitaux,. En outre, les lésions de certains organes peuvent avoir leurs caractéristiques propres, comme par exemple, dans les reins on observe la destruction des glomérules avec apparition de cavités. Cependant toutes ces lésions découlent d'un processus pathologique semblable, que nous appelons syndrome des radionucléides de longue période incorporés. Sur la base des données obtenues, la moindre quantité de césium radioactif incorporé dans l'organisme humain ou des animaux, peut provoquer l'altération de la structure et de la fonction d'organes et de systèmes, et entraîner de nouvelles maladies (maladie du coeur et des vaisseaux, tumeurs malignes, maladies du foie, des reins, de la glande thyroïde et des autres organes endocriniens) ou aggraver les maladies préexistantes. L'altération du système immunitaire est l'une des causes principales de l'augmentation des maladies infectieuses, comme la tuberculose et l'hépatite virale.

3. - Quel danger y a-t-il aujourd'hui pour les habitants des régions sinistrées?

Y.B. Les recherches que nous avons effectuées ont montré que le plus grand danger est représenté par l'action des radionucléides incorporés dans l'organisme, en premier lieu du césium radioactif. Si nous ne mettons pas fin à ce processus, les conséquences peuvent être tragiques. C'est pourquoi un contrôle rigoureux de la présence du césium radioactif dans les produits alimentaires est indispensable. Cela concerne surtout les enfants, qui sont plus sensibles au césium radioactif. A ce propos la situation démographique me préoccupe beaucoup, car la mortalité de la population dans la province de Gomel dépasse la natalité de 1,6 fois. Je souligne que cela ne concerne pas seulement ni même avant tout les tumeurs malignes, mais aussi les altérations pathologiques des systèmes à métabolisme intense, comme le systèmes cardio-vasculaire, systèmes nerveux, immunitaire, endocrinien, urinaire, digestif et de reproduction.

Le césium-137 exerce son action défavorable avant tout sur le système énergétique des cellules fortement différenciées, ce qui provoque leur nécrose, ainsi que finalement, dans beaucoup de cas, la mort de tout l'organisme.

4. - Quel est le danger pour les futures générations?

Y.B. Compte tenu de l'action directe du césium radioactif sur les jeunes, sur la formation de leur système reproductif et sur les autres systèmes essentiels, ainsi que des modifications génétiques dans les cellules sexuelles, nous avons le devoir d'être inquiets pour la santé des futures générations.

5. - L'aide fournie à la République de Belarus pour la liquidation des conséquences de la catastrophe de la centrale atomique de Tchernobyl est-elle suffisante?

Y.B. Afin de pouvoir apprécier la valeur de cette aide il est nécessaire de déterminer la gravité du dommage causé à la santé des populations, suite à la catastrophe de Tchernobyl. Je pense que l'aide la plus importante doit être orientée sur la prévention des maladies qui peuvent surgir, que j'ai évoquées plus haut. Le problème de Tchernobyl est le problème du monde entier. Je pense que l'aide de la communauté mondiale est nécessaire pour la liquidation de ses conséquences.

6. - Vous venez de commencer à travailler à l'institut "Belrad". De quel appareillage aurez-vous besoin pour votre travail?

Y.B. Dans cet institut j'ai l'intention d'étudier les problèmes liés à l'action du césium radioactif sur la physiologie des systèmes et des organes vitaux. Je souhaite développer des méthodes de protection radiologique. Il est nécessaire pour cela de créer un laboratoire d'histopathologie, collaborer avec des groupes scientifiques pour mieux saisir les changements structrels-métaboliques des tissus et des cellules du corps humain et des animaux suite à l'incorporation du césium radioactif. Il faut en parallèle étudier les symptômes cliniques au niveau du système cardio-vasculaire chez les enfants qui vivent dans les territoire contaminés par des radionucléides. Je souhaite pour cela avoir le soutien et recevoir l'aide nécessaire qui puisse déboucher sur une étroite collaboration avec des scientifiques du monde entier. L'aide pourrait venir d'organisations sociales ou de bienfaisance, auxquelles le destin des personnes victimes de la radioactivité n'est pas indifférent, mais aussi de fondations scientifiques. Je voudrais espérer que le résultat de cette collaboration puisse permettre la création d'un Centre scientifique international de la pathologie des radiations, pour que de nombreux chercheurs, travaillant sur le problème de la protection des personnes contre l'action des rayonnements, puissent unir leurs efforts pour faire progresser nos connaissances.

7. - Quels moyens de protection voyez-vous aujourd'hui contre l'action des éléments radioactifs incorporés dans l'organisme humain?

Y.B. Sur la base de mes recherches, ainsi que sur celle des recherches effectuées par les collaborateurs de l'institut "Belrad", on peut attester l'efficacité des produits à base de pectines d'origine végétale pour mobiliser ou éliminer partiellement le césium radioactif de l'organisme par voie naturelle. Ces produits parviennent à corriger les troubles métaboliques dus à la présence dudit radionucléide.

Minsk, avril 2000

 

 

L'hebdomadaire russe "Arguments et Faits", diffusé en 3 millions d'exemplaires sur le territoire de la Communauté des Etats Indépendants, publie cet article sur le scientifique biélorusse emprisonné.

"Argumenty i Facty"

N°40 (1093). - Octobre 2001


TOP SECRET
: MUTATIONS

A défaut de pouvoir emporter sa tête pleine d'idées dangereuses, les hommes en civil venus perquisitionner chez le professeur Bandazhevsky ont confisqué son ordinateur.

Le chercheur s'installe derrière sa machine à écrire et se met au travail. Il sait qu'il sera arrêté d'ici peu et se hâte de rédiger son nouveau livre "Le développement du fœtus", le dernier de ses essais consacrés aux radiopathologies. Une large part des données dont il a besoin est restée dans l'ordinateur mais il a sa mémoire pour le dépanner. La veille du procès le manuscrit est terminé. Sera-t-il jamais publié?

Après la catastrophe de Tchernobyl Youri Bandazhevsky, docteur en médecine et professeur à 33 ans, vient s'établir à Gomel pour y prendre la tête de l'Institut de médecine qu'on vient de créer pour former des médecins à partir des habitants de cette zone contaminée : il n'y a pas de volontaires pour venir faire des études de médecine dans cette région radioactive. Bandazhevsky regarde ses étudiants avec les yeux d'un médecin. L'électrocardiogramme de la quasi totalité des étudiants présente des altérations. Quatre ans plus tard la situation ne fait qu'empirer. Pourquoi ces jeunes sont-ils frappés d'infarctus? Serait-ce à cause du césium accumulé dans leur cœur? Pourtant on affirme que le radiocésium s'accumule uniformément dans tous les tissus? Secondé de ses collègues, il va chercher la réponse à cette question à la morgue : 285 autopsies. Les altérations pathologiques des poumons, des reins, du foie, du cœur des morts se révèlent identiques à celles observées chez les animaux servant de cobaye et nourris de grains radioactifs. Les mesures montrent que pour une moyenne de 100 Bq/kg de radionucléides incorporés dans l'organisme, il y en a 1000 dans le cœur, 3000 dans les reins… Pas de doute, l'incorporation est différenciée!

Tchernobyl, ce n'est pas Hiroshima

Les enfants incorporent bien plus de radionucléides que les adultes: moindre poids du corps, métabolisme plus rapide. Il faut donc examiner en premier lieu les enfants. Et pour cela, se rendre sur place, dans les villes et villages. Comment faire si l'Etat ne donne pas un sou? Alors le professeur, accompagné de sa femme Galina et de ses étudiants, se met lui-même à sillonner la Biélorussie. En 9 ans ils ont examiné plusieurs milliers de garçons et de filles. La plupart des enfants avaient accumulés 50 Bq/kg et plus (seuil au-delà duquel les altérations pathologiques des organes vitaux commencent). Certains en avaient jusqu'à 500 ou même 800. 80% de ces enfants souffraient de troubles cardiaques. Au niveau des cellules le potassium est évincé par le césium radioactif, ce qui perturbe le rythme du muscle cardiaque. Pourtant on n'a jamais observé ce phénomène chez les victimes d'Hiroshima. Pourquoi? La population d'Hiroshima a subi une forte irradiation ponctuelle qui a tué un grand nombre de gens mais cette population n'a pas dû ensuite se nourrir de manière chronique d'aliments contaminés comme celle du Belarus, pays pauvre couvert de retombées radioactives.

Le professeur savait qu'il allait d'un moment à l'autre passer sous le rouleau compresseur de l'Etat mais au lieu de se ronger les freins, il se mit à élever des hamsters. Dès que la femelle tombait enceinte, il lui inoculait 100 Bq de césium. 59% des petits naissaient avec des malformations! Aujourd'hui 2500 enfants naissent annuellement au Belarus avec des malformations génétiques: becs de lièvre, malformations des os, 6 doigts au lieu de 5, anomalies des organes internes, anencéphalies (absence du cerveau), absence ou développement retardé des membres. L'examen à Gomel d'une centaine d'adolescentes fit l'effet d'un choc: il s'avéra que les cellules génitales féminines étaient évincées par des cellules masculines!

Huit livres — huit ans de prison

En poursuivant ses recherches en radiopathologie, Bandazhevsky ne pensait pas faire peur à la société. Ses recherches pouvaient-elles effrayer davantage que la blouse blanche du médecin? Pour protéger la nation et son avenir il fallait coûte que coûte protéger les enfants en éliminant les radionucléides de leur organisme à l'aide d'adsorbants comme la pectine, il fallait évacuer les femmes enceintes et les enfants de moins de 3 ans des zones contaminées vers des régions propres… Il fallait faire tout ce qui était économiquement possible par des moyens simples et abordables.

Cet été le tribunal militaire de la Cour Suprême de la République du Belarus a condamné Bandazhevsky, accusé soi-disant de corruption, à 8 ans de détention. Le procureur qui réclamait 9 ans de prison a ajouté par erreur (ou a trahi une intention?) qu'après sa libération le savant ne serait pas autorisé à poursuivre ses activités scientifiques pendant 5 ans.

L'auteur de la dénonciation qui a déclenché la poursuite a repris son travail à l'institut. Le nouveau recteur a mis un point final aux recherches en radiopathologie. Quant à Bandazhevsky, il a occupé sa place à la colonie à régime renforcé de Minsk.

Liudmila PROCHAK
Gomel.

Amnesty lance un appel international en faveur du Pr Bandajevsky

Le 7/7/2001 : La femme du Prof. Bandazhevsky, prisonnier du dictateur du Bélarus Loukachenko, reçoit son Passeport Européen. (dernière nouvelles du Professeur Yuri Bandazhevsky).

Un "piège" pour le professeur

Nouvelles de Biélorussie

1999-2001 le cas Yuri Bandazhevsky

Le site sur Yuri Bandazhevsky

Les conséquences de Tchernobyl en République de Bélarus

Interview du Professeur Yuri Bandazhevsky

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