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Manifestation a Genes
by Xavier 5:20pm Mon Dec 16 '02
xbekaert@hotmail.com

Histoire et actualite italienne. Le devoir de memoire est plus que jamais indispensable.

La police de Gênes a été la cible d'un attentat à l'explosif dans la nuit du dimanche 8 décembre au lundi 9, qui a soufflé les vitres d'une partie des bureaux de la préfecture, sans faire de victime. L'attentat s'est
produit vers 4 heures du matin, deux engins de faible puissance explosant l'un après l'autre, avec dix minutes d'intervalle, dans un square situé à une trentaine de mètres des bâtiments de la police.

Samedi 14 décembre etait justement prévue une manifestation nationale a Genes : 1) en solidarité avec les récents inculpés dans le cadre des suites judiciaires du G8, et 2) pour exiger la vérité sur la mort de Carlo Giuliani (le carabinier Mario Pacanica, responsable de l'homicide, a été innocente pour "légitime défense" la semaine passée). Difficile de ne pas lier les faits.

Le lundi 9 décembre, les pistes privilégiées par les enqueteurs et répercutées dans la presse étaient au nombre de trois: forcement les "anarcho-insurrectionnels" en tete, suivis des islamistes et de la mafia albanaise ensuite. Heureusement, le mouvement "No Global" faisait preuve de mémoire en dénoncant une nouvelle "stratégie de la tension".
Le soir, une lettre de revendication arrivait a la rédaction du "Secolo XIX" signée par la mystérieuse "Brigate 20 luglio" (le 20 juillet fait référence au jour de la mort de Carlo Giuliani), la meme signature que pour l'explosion au ministère de l'Intérieur a Rome en février.

Le mardi matin, toute la presse italienne stigmatisait unanimement les "anarcho-insurrectionalistes". Petit exemple parmi d'autres, en première page de "l'Unità" (fonde par le communiste italien Gramsci) on pouvait lire : "Genes, deux bombes a la préfecture : Naturellement elles sont anarchistes" (sic) Dans les années septante, « l'Unità » avait déjà accusé de « gauchisme vélléitaire et aventuriste » des subversifs pour des actes dont il fut prouvé plus tard qu'ils étaient innocents.

Une succession d'alertes a la bombe ont encore précédé la manifestation du samedi 14 a Genes. Ses habitants n'ont cependant pas cédé a la pression des médias et les commerces étaient ouverts tout le long du parcours. Vingt mille personnes se sont données rendez-vous a la place « Carlo Giuliani » (que certains s'évertuent encore a appeler place « Alimonda ») pour un long cortège pacifique dans les rues de la belle ville portuaire. En tete Forum Social, comité « Piazza Carlo Giuliani », No Global, suivis du syndicat CGIL, des « Disobbeddienti », En fin de cortège, on trouvait la Fédération Anarchiste Italienne en nombre suivie de près d'une rangée serrée d'hommes en bleu ne semblant pas gouter les accords jazzys de la fanfare anarchiste Milanaise.

Plusieurs paquets piégés ont été envoyés depuis Milan jusqu'en Espagne (dont une au journal « El pais »). Aucune n'a fait de victimes jusqu'à présent. Ces envois sont revendiquées par un autre groupe s'intitulant « les cinq C » et exigeant la libération de plusieurs prisonniers politiques. La presse italienne parle déjà d'« internationale de la bombe » et accentue sa stigmatisation des anarchistes. Hormis quelques membres du mouvement "No Global", plus personne dans la presse n'évoque l'extreme-droite ou les services secrets italiens en tant que responsables possibles, directs ou indirects (manipulations, infiltrations, double-jeu, etc) des récents attentats. On sait cependant que plusieurs bombes avaient également précédé l'ouverture du G8 à Genes et servi comme prétexte supplementaire a la mise en place de l'appareil répressif. On peut s'inquiéter de cette soudaine unanimité pour s'empresser de pointer le doigt vers les coupables tout désignés (surtout si ils s'accusent eux-meme n'est-ce pas ?).

"Stratégie de la tension": Les faits sont connus et les similitudes historiques sont aussi nombreuses que les différences, mais quelques rappels pourraient malgre tout s'averer utiles pour ceux qui, comme moi, n'étaient pas encore nés lors des "années de plomb" des années 70 en Italie. Par contre, je suis suffisamment vieux que pour avoir connu les "années de plomb" des années 80 en Belgique avec les tueries du Brabant Wallon, les attentats a la bombe des Cellules Communistes Combattantes, le réseau Gladio, l'Etat policier, etc. Ce n'était pas triste non plus. Je n'étais qu'un enfant alors, mais je me souviens distinctement de ce climat de peur permanente, des gendarmes a chaque coin de rue, de ma grand-mère qui n'osait plus faire ses courses au supermarché car une des fusillades sanglantes avait eu lieu pas loin de chez nous. J'espérais ne jamais connaître cela a nouveau.

Sinon il y a précisement 33 ans de cela, l'anarchiste Giuseppe Pinelli tombait de la fenetre de la préfecture de police de Milan... Voila ce texte est dédié a sa mémoire et a celle de Pietro Valpreda. En effet, c'est malheureusement le premier « anniversaire » de la mort de Pinelli en l'absence de Pietro Valpreda. Paix a eux.

Vérité et justice,

Xavier Bekaert (Alliance Libertaire, Bruxelles ; en exil a Padoue)

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Les informations qui suivent sont tirées du lexique de Valeria Tasca placé après la pièce de Dario Fo, "Mort accidentelle d'un anarchiste", Ed. Dramaturgie (1997)


Attentats de 1969
- 25 avril : a Milan, bombes au pavillon Fiat de la foire et au bureau de change de la gare
- 8-9 aout : onze bombes dans des trains
- 12 décembre : a Rome, une bombe a l'autel de la patrie et une autre dans les souterrains de la banque du travail ; a Milan, une bombe a la banque de l'agriculture, place Fontana (16 morts et 88 blesses), une autre, qui n'explose pas, a la banque commerciale.
On inculpa pour ces bombes presque uniquement des anarchistes.

Giuseppe Pinelli
Cheminot anarchiste, arreté le 12 décembre. Sa garde a vue fut illégalement prolongée. Interroge par le commissaire Calabresi pendant la nuit du 15 au 16 décembre, il tomba du quatrième étage de la préfecture de police de Milan. Apres des mois de déclarations contradictoires, que démontre la piece "Mort accidentelle d'un anarchiste", l'affaire fut classée le 3 juillet 1970.

Pietro Valpreda
Anarchiste convoque a Milan le 15 décembre par le juge Amati pour "injure au pape". Il fut arrete avant meme d'avoir franchi la porte du magistrat. Ramené a Rome et interroge par le substitut, il fut accusé de l'attentat de la Place Fontana et incarcéré. Les médias présentèrent Valpreda comme un "monstre humain" et trainèrent dans la boue ce danseur de music-hall, fabricant d'abat-jour. Les témoins à décharge "disparurent" mystérieusement (accidents de voiture suspects, noyades dans des flaques d'eau, suicides, assassinats et meme morts naturelles...)

Trame nere (litteralement « complots noirs »)
Depuis la fin des années 60 et pendant les années 70, face a une situation politique de plus en plus instable, la droite a essaye de s'engager de plusieurs facons sur le terrain de l'illégalisme.
D'un cote la droite qui s'est infiltrée dans l'appareil de l'Etat, et en particulier dans les services secrets, appuie de veritables tentatives de coup d'Etat, comme en 1970 et 1974. Toutes ces tentatives échouent faute de forces militaires suffisantes pour les soutenir. Plus efficace est ce qu'on appelle la "strategie des massacres". Les enquetes judiciaires, bien qu'elles aient donnes peu de résultat, permettent de remonter a une fraction des services secrets. On ignore encore qui sont les auteurs directs de ces massacres, qui frappent toujours au hasard. Ils ont évidemment pour but de désorienter l'opinion publique et de la rendre favorable a un changement au sommet de l'Etat, en faveur de l'autoritarisme.