Interview avec
Roberto Mero, écrivain et journaliste argentin, correspondant
de Propuesta (du Parti Communiste Argentin), qui habite à
Paris depuis 15 ans.
Après
les évènements qui se produisent en Argentine depuis
le 20 décembre 2001, plus personne doit se faire des illusions.
C'est une des conclusions que tire Roberto Mero, journaliste
argentin vivant à Paris. Parce que la grande bourgeoisie
nationale avec le Fonds Monétaire Internationale a totalement
volé le pays et la population, y compris les classes moyennes.
Mais Mero pense aussi que l'insurrection populaire, qui a chassé
deux présidents en une semaine, ne se contentera pas de
changements mineurs.
Q. Pouvez-vous
résumer les mechanismes qui ont joué ces dernières
années en Argentine ?
Roberto
Mero. - Pendant la dictature militaire (1976-83) l'Argentine
était tombé dans des niveaux d'endettement brutale.
Donc la démocratie en 1983 poursuit ces mêmes politiques
economiques mais sous le maquillage democratique. On arrive comme
ça, avec la déstabilisation de la démocratie
en '89, le gouvernement Alfonsin doit partir parce que la hyper-inflation
avait anéanti toute possibilité économique.
Et le gouvernement péroniste de Menem prend le pouvoir
pour imposer à fond la caisse, j'insiste, un plan néo-libérale
pur et dur. Cela veut dire : privatisation de tous les biens
d'état. Tous les biens d'états ! ç'est-à-dire
aucune entrepise d'état dans le pouvoir d'état.
Destruction des acquis sociaux. Demantèlement des tous
les méchanismes d'indépendance économique
de l'Argentine. Un pays qui ne vit pas exclusivement de sa production
agricole, mais aussi d'exportation de pétrole etc. Cette
politique est fondé sur la parité de 1US$ pour
1Peso. Ca dure pendant dix ans.
Le
gouvernement radical qui prend le pouvoir en '89 continue avec
ces politiques avec même ministre de l'Economie, monsieur
Cavallo, qui s'est porté garant de ce système-là
tout en disant que lui était l' interlocuteur valable
auprès du FMI. Nous arrivons en 2001, à la fin
de l'année, avec la destruction du système productif
argentin. 40% de la population sous le niveau de la pauvreté,
plus de 25% de chomeurs, et qui plus est l'arrêt de tous
les payements, le bloccage des comptes des épargnants
dans les banques. Clair et nette : on assiste à la fase
terminale du système-FMI en Argentine, qui après
avoir volé l'Etat, vole les épargnants.
Cela produit une révolte
populaire, d'abord entre le 20 et 21 décembre, d'abord
dans les quartiers populaires, où les émeutes de
la faim secouent la société, et après on
installe, on dicte l'état de siègePuis on voit
l' insurrection des couches moyennes qui ne veulent plus descendre
de leur niveau, mais qui ne peuvent plus...parce que tous leurs
biens sont gelés dans les banques où ils avaient
deposoté toute épargne d'une vie.
Cela se traduit en 32 morts, en 3 jours de combats,
et le remplacement du gouvernement radical par un gouvernement
peroniste qui avait perdu les élections en '99, qui en
absolu mepris de la démocratie a passé outre la
possibilité des élections ou de plébiscite,
pour continuer la même politique. Seulement maquillé,
substitution d'importations etc. mais sans toucher la source
du problème qui est le degré de dépendance
de l'Argentine de la Banque Mondiale, c'est a dire des circuits
financiers mondiaux.
L'Argentine
à l'heure actuelle il est dans une fase terminale du système,
parce que les épargnants n'ont plus d'épargne.
Si quelqu'un avait déposé 100 dollars dans la banque,
maintenant il va récuperer 20 dollars, tandis que le coût
de la vie ça continue de la meme facon qu'à Paris,
ce sont les mêmes prix.
On
voit donc la destruction d 'un système bourgeois par la
même bourgeoisie. Quant à la révolte, le
systeme a voulu arrêter les grands mouvements de gauche
qui s'est profilé en Argentine et que l'absence d'élections
empêche de s'expimer. Cette révolte-là n'a
pas eu une traduction politique, pas pour l'instant. Mais évidemment
les deux partis majoritaires qui contrôlent les 80% de
la politique en Argentine, ils sont tombés ensemble puisqu'ils
étaient complice de la destruction du pays, du vol des
épargnants, et des braderies des richesses nationales.
Q. Ici, on présente
les péronistes comme parti populaire, on le voit d'un
oeil positif ? Mais qu'est-ce qu'ils représentent ?
RM. - Si on fait la comparaison
entre Peron et De Gaulle, ç'est comme ça, et puis
la comparaison entre De Gaulle et Chirac, vous allez trouver
rapidement quelle est la différence. Donc les péronistes
d'aujourdhui sont au péronisme de Peron ce que la Chiraqui
est à l'esprit de De Gaulle. C'est un maquillage, c'est
seulement une étiquette qui en definitive cache, masque
une politique néo-libérale du coup populiste et
riend 'autre. Mais dans cette révolte-là, autant
les-uns que les autres, les sociaux-démocrates du président
De La Rua, autant que les péronistes, qui en réalité
s'appellent les Justitialistes d'après le Parti Justitialiste,
ils se sont directement alliés, ils ont consensué
une issu à l'intérieur du système. Et les
gens n'ont pas demandé l'installation d'un gouvernement
péroniste, mais la fin de la corruption et la fin de cette
politiqu-là lié au FMI. Et en definitive le nouveau
gouvernement continue sur les pas de son ainé. Il n'y
a rien à voir, entre ce péronisme-là et
péronisme de Peron qui était un nationaliste bourgeois,
substition de l'importation, acquis sociaux etc.
Q. Est-ce que la conscience politique en Argentine
est d'un tel degré que les gens voient clairement le FMI
comme ennemi ?
RM. - Aujourd'hui
oui. Avant c'était un discours seulement de certains partis
de la gauche ou de centre-gauche, quant à la question
qu'on ne pouvait pas payer la dette extérieure puisque
c'était amorale de la payer et en même temps impossible
de toucher cette argent-là. Mais les classes moyennes
commencent à voir que ces politiques-là mènent
à la ruine, mais directement ! Pas au pays en tant qu'abstraction
politique, mais directement la ruine de leurs avoirs, et la politique
qui avait été repété par la gauche
pendant 15 ans en disant qu'il ne fallait pas payer la dette
parce que la dette était illégitime, maintenant
c'est un mot d'orde qu'on entend partout. Depuis les couches
populaires jusqu'aux couches moyennes, tout le monde y insiste,
les petits producteurs. L'unite de gauche aujourd'hui qui représente
15% dans tout le pays, 25% à Buenos Aires, cette unite
n'e propose pas uniquement la justice sociale, mais en même
temps aider les petits producteurs, les petits industriels, les
PME, parce que ce sont ces entreprises-là qui ont porté
sur leur dos tout le poid de la politique néo-libérale.
Donc aujourd'hui on voit une conscience politique créée
dans la lutte.
Q. - Vous
ne regrettez-pas de ne pas être en Argentine ?
RM. - Non, puisque en Argentine se déroule
une série dévènements où parfois
il faut eclaircir au public argentin sur les grand lignements
économiques internationaux et sur la conjoncture économique
internationale. Et à l'heure actuelle, l'Argentine qui
vit sous les dictats du Fonds Monétaire Internationale
(FMI) avec clairement une destruction systématique de
son économie par le néo-liberalisme, il faut dire
en même temps que ces plans-là sont conçus
pour anéantir l'économie du Tiers-Monde mais pas
seulement du Tiers-Monde mais aussi du reste de la planète.
On parle de globalisation comme recette miracle, l'Argentine
démontre d'une façon claire qu'il ne s'agit pas
d'un cas argentin sinon d'un banc d'essai du néo-libéralisme
contre un pays plus au moins développé. Cela peut
s'arriver aujourd'hui en Argentine, demain au Portugal, en Espagne,
en Grèce ou dans tout pays qui demontre une certaine faiblesse
économique ou est susceptible de montrer une certaine
faiblesse économique.
Q.
- Les commentaires et analyses en Europa, qu'en pensez-vous ?
N'occultent-ils pas les vraies causes ?
RM. - Il parlent seulement des effets, d'insurrection
populaire, ils parlent de ces confrontations des couches moyennes
contre le pouvoir, la ils disent vrai. Dont ils ne parlent pas
ç'est l'origine, qui est l'application d'un plan néo-libérale
à fond la caisse. On ne parle pas de la responsabilité
du FMI et du gouvernement qui soutient le FMI. On ne met pas
en question la Banque Mondiale, ni le FMI ni la Banque Européenne.
Et moi je crois que ces évènements en Argentine
autant que naguère au Mexico, en Russie, la crise en Malaisie
etc. touche directement le public européen, les travailleurs
européens et les investiseeurs européens. Clair
et nette : les médias sont en train de mentir en Europe
sur les les réels responsables de cette situation-là,
puisqu'ils sont intéressés à que ce système-là
néo-libérale continue à se développer,
en écrasant tous, classes moyennes , travailleurs, intellectuels,
tous les producteurs sociaux et les acteurs sociaux.
Fait à Bruxelles, le 7 janvier 2002 |