Etat de siège?
Quel état de siège?
De la Rua n'avait
pas terminé de parler, disant que pour protéger
la constitution et ses institutions il devait décréter
l'état de siège, que les gens commençaient
à se mettre aux balcons de leurs maisons. Avec
le souper encore mal digéré, le discours de De
la Rua couronnait un jour de furie qui a inclus des pillages
dans tout le pays (y compris la capitale), mobilisation de fonctionnaires,
répression policière, plus de 400 détenus,
10 morts et des centaines de blessés. Le
chahut général a éclaté, rendant
obsolète l'état de siège décrété
depuis quelques minutes seulement. Avec ce
qu'ils avaient sous la main, les gens ont commencé à
descendre sur les trottoirs et en quelques minutes aussi dans
les rues. Pris au dépourvu, les policiers qui gardaient
un supermarché Coto du quartier de San Cristobal regardèrent
stupéfaits une marée de personnes qui avec des
marmites, des poêles, des seaux ou ce qu'ils avaient, exprimaient
le chahut accumulé de semaines, mois et années.
L'image se répétait tous les
2 ou 3 pâtés de maisons, le concert de casseroles
se mélangeait au piquet, brûlant des sacs-poubelles
et générant un son ensorcelant qui encourageait
les gens. A la télé, ils ont
commencé à dire que les gens se mobilisaient spontanément
en plusieurs endroits importants de la capitale, une dame demanda
à une autre: - Et qu'a dit De la Rua?
- Rien, qu'ils veulent imposer l'état
de siège pour les pillages. - Ils disent
qu'il y a des pillages mais en réalité ceux qui
pillent nos réserves, nos économies et nous affament,
ce sont eux. L'état de siège qu'ils se le mettent
dans le cul.
24h15: la "colonne
de San Cristobal" arriva à Plaza Congreso. Les gens avaient commencé à se mobiliser
massivement vers la Plaza de Mayo, Congreso et la maison de Cavallo
(où il y avait selon les sources entre 5000 et 10000 personnes).
Tous les cortèges de rue qui s'étaient dispersés
à San Cristobal (où j'étais avec des amis)
se regroupèrent et marchèrent par l'Av. Belgrano
vers le Congrès. Quelques minutes après minuit,
quand régnait déjà "l'état de
siège", avec quelque 300 manifestants, nous nous
sommes engagés sur la place du Congrès et nous
nous sommes ajoutés aux milliers qui occupaient déjà
les escaliers centraux de l'édifice et chantaient contre
De la Rua et Cavallo. A ce moment, les rumeurs
de démission de tout le cabinet étaient plus fortes
et attendaient une confirmation, la joie des gens se calma soudain
quand arrivèrent les nouvelles qu'à la Plaza de
Mayo (qui en ce moment était pleine), ils dispersaient
les gens avec des gaz lacrymogènes et des balles de caoutchouc.
La décision au Congrès fut unanime,
tous ont regardé leurs voisins et sans rien dire (il n'y
avait rien à dire), les plus de 10.000 manifestants au
Congrès ont commencé à avancer vers la Plaza
de Mayo. La Av. de Mayo ressemblait à
une fourmilière, des milliers de personnes allaient et
venaient sans bien savoir vers où ni pour quoi, mais les
chants étaient unanimes contre le gouvernement, Cavallo
et l'accord. A la hauteur de l'Av. 9 de Julio
se sont rencontrées les deux colonnes qui venaient du
Congrès et de la Plaza de Mayo, éclatant en un
seul cri. Certains commencèrent à
dire que Cavallo était déjà tombé,
qu'il fallait maintenant aller à Olivos. Et quelques milliers
commencèrent à marcher vers là-bas. Pendant ce temps, au croisement de la calle Florida
et aussi à Maipu, environ 3000 personnes affrontaient
la police. Un camion prit feu, près de Cabildo, essayant
de retarder l'avance de l'infanterie. Pendant
approximativement une heure, les manifestants avancèrent
et reculèrent devant les gaz et les balles de la police,
entre la 9 de Julio et Maipu. Evidemment, les
élégantes vitrines des banques qui apparaissaient
comme des énormes monstres qui retenaient la solde des
travailleurs, ne furent pas étrangères au chahut
général.
"Ö
si ceci n'est pas le peuple, où est le peupleÖ"
"Ö le peuple uni ne sera jamais vaincuÖ".
1h50. Les gens se regroupent
et retournent au Congrès. Personne ne
pouvait croire ce qui se passait, des gens qui cheminaient de
tous les côtés, sans bien savoir où aller,
ni que dire. Cavallo et tout le cabinet avaient déjà
démissionné. Allons pour De la Rua? On ne savait
pas. Mais si, De la Rua aussi devait partir. Le chant du Congrès
était que tous s'en aillent et ne reviennent plus. L'image quand j'arrivai au Congrès me surprit.
Je crois que c'était la meilleure carte postale de "Argentine
Bonne année 2002", seulement quelques semaines à
l'avance. Les perrons et rampes du Congrès
étaient pleins de gens pendant que 10 ou 15.000 personnes
les regardaient d'en bas. La police attendait sur un côté
mais n'intervint pas, durant plus d'une heure les gens faisaient
la fête et criaient contre le gouvernement et sa politique.
Contre la politique et les parlementaires, contre Menem et la
corruption. Ainsi entre les cris et les chants,
les gens commencèrent à quitter les lieux, non
sans incidents évidemment, comme cela semble normal ici.
Le gouvernement de De la
Rua vit une agonie mortelle et les péronistes pensent
en ce moment à la transition. La solution qu'ils proposent
n'est pas très différente, dolariser ou dévaluer,
ajuster ou piller directement le porte-monnaie des travailleurs.
Tous travaillent pour le même chef, le FMI et la Banque
Mondiale. Hier le chahut s'est exprimé
dans la rue mais n'a pas mis en lumière une solution pour
le pays. Et ce qu'il faut, c'est une solution pour le pays. Des problèmes comme le remboursement de
la dette extérieure, le chômage et les licenciements,
sont à l'ordre du jour et il faut y trouver une réponse.
Les travailleurs et les chômeurs qui sont les plus touchés
par la faillite virtuelle de l'économie argentine peuvent
se lever et donner une réponse pour tout le peuple argentin.
Nationaliser les entreprises qui ferment ou licencient, répartir
les heures de travail entre les travailleurs et les sans-emploi,
arrêter de payer la dette extérieure, nationaliser
les banques et arrêter les prêts et intérêts
usuriers aux petits commerçants et paysans ruinés
sont les tâches du moment. Les gens dans
la rue ont démontré qu'ils avaient le cran et la
détermination que n'ont pas les bureaucrates syndicaux,
qui continuent à soutenir un gouvernement en décadence
et qui refusent d'appeler à une nouvelle grève
générale de durée indéterminée
jusqu'à ce que tombe le gouvernement et que ce soient
les travailleurs et le peuple argentin qui décident de
l'avenir du pays.
argentina.indymedia.org/front.php3?artic... |