Argentine :
victoire du procès contre la dette: Le 14 juillet 2000,
un juge de la cour fédérale d'Argentine a rendu
un jugement historique proclamant illégitime la dette
contractée durant la période de la dictature.
Le 14 juillet
2000, un juge de la cour fédérale d'Argentine a
rendu un jugement historique proclamant illégitime la
dette contractée durant la période de la dictature.
Selon le juge fédéral, " le processus d'endettement
entre 1976 et 1983 n'avait aucune justification légale,
administrative ou économique ".
La sentence (195 pages dont 4 de conclusions) établit
que la politique économique menée par la dictature
entre 1976 et 1983 était " contraire aux intérêts
de la nation ". La majeure partie de la dette contractée
est illégale. Pourquoi? Parce que le pouvoir qui l'a contractée
est lui même illégitime et que les procédures
suivies pour contracter la dette n'ont pas respecté les
normes prévues par la Constitution et la législation
d'Argentine. Il apparaît aussi que le FMI a, d'un bout
à l'autre de la période dictatoriale, conseillé
la dictature et supervisé sa politique d'endettement en
l'encourageant. La sentence n'aboutit pas à la condamnation
des responsables car ceux-ci bénéficient de la
prescription.
Le tribunal
recommande au pouvoir législatif, le congrès de
la nation, d'utiliser la sentence pour entreprendre de nouvelles
négociations en vue de réduire ou d'annuler la
dette extérieure, considérant que "cette dette
a augmenté de manière dramatique à partir
de 1976 via l'application d'une politique économique dommageable
aux intérêts de la nation qui a mis à genoux
le pays au profit d'entreprises privées nationales et
étrangères au détriment d'entreprises de
l'Etat qui ont été systématiquement endettées
et appauvries pour ensuite justifier leur privatisation".
Enfin, la sentence déclare que le pays à partir
de 1976 a été subordonné à la volonté
des créanciers externes et du FMI.
Cette victoire morale intervient à la fin
d'un procès engagé avant même que la dictature
n'ait pris fin par un courageux journaliste, Alejandro Olmos.
Ce procès a duré 18 ans ce qui explique d'ailleurs
que la victoire ne soit " que " morale : le juge a
en effet décrété en même temps la
prescription, c'est-à-dire que les responsables, les coupables
de la dette ne seront pas punis.
L'histoire
s'arrête-t-elle là? Oh que non. Les mouvements sociaux
d'Argentine qui ont épaulé toute la procédure
d'enquêtes aux niveaux local, régional, national
pour compléter l'audit réalisé sur le parcours
de l'argent prêté, ses affectations prévues
et son détournement réel, exigent maintenant du
pouvoir législatif qu'il prenne ses responsabilités
et qu'il suspende le paiement de cette dette illégitime.
Il serait trop facile en effet d'en rester au niveau de la prescription
judiciaire avec un dossier aussi explosif : la population argentine
ploie sous le fardeau de cette dette et n'appréciera pas
de voir les corrompus, enrichis sur son dos, s'en sortir impunément.
S'ils ne sont pas punis, eux, au moins que la population cesse
de supporter le prix social de leur gestion scandaleuse.
Autre assurance que l'histoire
ne s'arrêtera pas là : les mouvements sociaux qui
luttent contre d'autres dettes illégitimes (la dette de
l'apartheid en Afrique Sud, la dette du génocide au Rwanda,
la dette des multiples dictatures, etc.) ont compris l'intérêt
de cette jurisprudence. Ils s'apprêtent eux aussi à
lancer une série d'initiatives de tribunaux pour répertorier
et ensuite " répudier " ces dettes illégitimes.
C'est le message qui est passé entre les participant(e)s
du dialogue Nord - Sud en décembre 2000 lors de la Rencontre
internationale de Dakar. Dans les années prochaines, cette
campagne des tribunaux constituera un axe central d'intervention
pour les mobilisations anti-dettes au niveau mondial.
Enfin, il est clair que le droit
international au cours de l'histoire récente a engrangé
une série de cas où le pays débiteur a décrété
unilatéralement le non paiement de sa dette extérieure.
Il est temps, si les gouvernements ne veulent pas se rappeler
ces leçons de l'histoire, que les mouvements sociaux s'en
saisissent de manière à gagner du temps sur la
voie du développement.
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